CA PARIS (5e ch. sect. A), 1er février 2006
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 785
CA PARIS (5e ch. sect. A), 1er février 2006 : RG n° 04/12433
Publication : Juris-Data n° 296357
Extrait : « Qu'il est constant que les époux X., dont la qualité de fonctionnaire et de coiffeuse salariée lors de la signature du contrat ne fait pas l'objet de contestation, n'exerçaient lors de la signature du contrat, à leur domicile, le 8 février 1999, aucune activité ayant un rapport direct avec la convention souscrite, l'exception visée au 4e de l'article L. 121-22 sus-visé ne leur étant pas davantage applicable ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
CINQUIÈME CHAMBRE SECTION A
ARRÊT DU 1er FÉVRIER 2006
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Numéro d'inscription au répertoire général : 04/12433. Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 février 2004 - Tribunal de Grande Instance de MELUN - RG n° 02/03438.
APPELANTE :
SARL NEWMAG
agissant en la personne de son gérant, [adresse], représentée par la SCP REGNIER - BEQUET, avoués à la Cour, assistée de Maître Joëlle BITCHATCHI- ORDONNEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1082
INTIMÉS :
- M. X.
[adresse], représenté par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour, assisté de Maître PHILIPPE LLORCA, avocat au barreau de NEVERS
- Mme Y. épouse X.
[adresse], représentée par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour assistée de Maître PHILIPPE LLORCA, avocat au barreau de NEVERS
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 3 janvier 2006, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame RIFFAULT-SILK, président, Monsieur ROCHE, conseiller, Monsieur BYK, conseiller, qui en ont délibéré [minute page 2]
Greffier lors des débats : Madame KLEIN
ARRÊT : contradictoire - prononcé publiquement par Madame RIFFAULT-SILK, président - signé par Madame RIFFAULT-SILK président et par Madame KLEIN greffier présent lors du prononcé.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par acte du 8 février 1999, signé à [ville] à leur domicile, M. X. et son épouse X. née Y. ont acquis de la société Newmag un terminal de cuisson destiné à un commerce à l'enseigne « A. », cette vente étant assortie de diverses prestations et fournitures énumérées dans l'acte (étude de marché, assistance dans la recherche de locaux, études financières, élaboration, présentation et défense du dossier de financement, formation et mise en place, publicité et frais d'architecte, agencement du magasin, fourniture du matériel), pour un prix total de 131.087,56 euros. Ils ont versé le même jour un acompte de 15.244,90 euros en un chèque remis au démarcheur.
Les époux X. ayant fait connaître à la société Newmag dès le 10 février 1999 puis à nouveau le 12 février 1999, par courriers recommandés, qu'ils se rétractaient et demandaient le remboursement de l'acompte versé, la société Newmag leur a opposé une fin de non-recevoir, répliquant que le contrat était définitif dès sa signature et que la législation sur le démarchage à domicile n'était pas applicable. Les époux X. ayant fait opposition au chèque qu'ils avaient remis, la société Newmag a été déboutée de ses demandes en référé en mainlevée de cette opposition par ordonnance du 27 avril 1999 du président du tribunal de commerce d'Avignon, puis par ordonnance du 23 juin 1999 du président du tribunal de grande instance d'Avignon qu'elle a également saisi, cette dernière décision ayant été confirmée par arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 8 novembre 2000.
Les époux X. ont de leur côté déposé plainte avec constitution de partie civile du chef d'infraction à la législation sur le démarchage à domicile devant le doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance d'Avignon et ont parallèlement assigné le 4 mars 1999 la société Newmag en annulation du protocole signé le 8 février 1999 devant le même tribunal. L'instruction pénale ayant été clôturée le 24 octobre 2000 par une ordonnance de non-lieu au motif que les faits litigieux relevaient de la loi du 31 décembre 1989 régissant les contrats de franchise, et non du Code de la consommation, décision non frappée d'appel, le juge civil avignonnais s'est déclaré incompétent au profit de la juridiction consulaire parisienne. Ce jugement a été infirmé par arrêt du 10 octobre 2002 de la cour d'appel de Nîmes, qui a renvoyé l'affaire et les parties devant le tribunal de grande instance de Melun.
Par le jugement déféré, rendu contradictoirement le 17 février 2004, la juridiction saisie a dit que les dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation étaient applicables lors de la signature de la convention du 8 février 1999, constaté que les époux X. avaient renoncé à leur engagement dans le délai légal prévu par l'article L. 121-25 de ce Code, ordonné la restitution du chèque litigieux dans les quinze jours de la notification de la décision et condamné la société Newmag à verser aux époux X. 6.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens.
Régulièrement appelante le 22 avril 2004, la société Newmag demande à la Cour, par conclusions enregistrées le 13 septembre 2005, d'infirmer le jugement et statuant à nouveau, vu l'article 1134 du Code civil, L. 330-3 du Code de commerce, L. 121-22 et suivants du Code de la consommation, de :
- [minute page 3] débouter les époux X. de toutes leurs demandes, et les condamner à lui payer 45.734,70 euros de dommages intérêts,
- subsidiairement les condamner à lui payer 15.244,90 euros au titre de la clause pénale stipulée au contrat, outre 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens.
Dans leurs conclusions déposées le 3 décembre 2004, M. X. et Mme X., intimés, prient la Cour, vu les articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation, de :
- confirmer le jugement,
- constater que dans le délai légal de sept jours, ils ont notifié leur volonté de renonciation aux termes du protocole du 8 février 1999,
- constater subsidiairement que le protocole a été conclu en violation des dispositions d'ordre public prévues par les articles L. 121-23 et suivants du Code de la consommation,
- déclarer nul et de nul effet le protocole,
- à titre infiniment subsidiaire, constater qu'il n'est pas justifié par la société Newmag de l'envoi dans le délai légal de 20 jours de la totalité des éléments d'information préalables à la signature d'un contrat de franchise, tels que prévus par le décret du 4 avril 1991 et prononcer sur ce second fondement la nullité du protocole,
- confirmer la restitution du chèque de 15.244,90 euros à leur profit,
- condamner la société Newmag à leur payer 50.000 euros de dommages intérêts, outre 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamner la société Newmag à leur payer 10,000 euros de dommages intérêts pour procédure et appel abusifs, et aux dépens.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE,
Considérant que l'autorité de la chose jugée au pénal ne s'attache qu'aux décisions des juridictions de jugement qui sont définitives et qui statuent sur le fond de l'action publique ; que tel n'est pas le cas d'une ordonnance de non-lieu, peu important à cet égard qu'elle n'ait pas été frappée d'appel ou que l'information n'ait pas été rouverte sur charges nouvelles ; qu'il suit que la société Newmag n'est pas fondée à invoquer, pour s'exonérer de sa responsabilité, l'ordonnance de non-lieu rendue le 24 octobre 2000 par laquelle le juge d'instruction a considéré que seules étaient applicables aux faits litigieux les dispositions de la loi du 31 décembre 1989 dite loi Doubin concernant les contrats de franchise et a exclu celles du Code de la consommation concernant le démarchage à domicile des personnes physiques ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-21 du Code de la Consommation concernant le démarchage à domicile des particuliers, « Est soumis aux dispositions de la présente section quiconque pratique ou fait pratiquer, au domicile d'une personne physique (...), même à sa demande, afin de lui proposer l'achat, la vente (...) de biens ou la fourniture de services » ; que selon son article L. 121-22, « Ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-29 les activités pour lesquelles le démarchage fait l'objet d'une réglementation par un texte législatif particulier.
Ne sont pas soumis aux dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-28 :
(...) 4° Les ventes, locations ou locations-ventes de biens ou les prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec l'activité exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession »
Considérant que la société Newmag se fonde à tort sur les exclusions mentionnées par cet article pour soutenir que la convention conclue le 9 février 1999 relèverait des dispositions du texte législatif particulier que constitue l'article L. 330-3 du Code de commerce applicable notamment aux contrats de franchise ; qu'en effet il n'est fait mention, dans le [minute page 4] protocole litigieux, d'aucun engagement d'exclusivité ni de quasi-exclusivité qui serait souscrit pour l'exercice de son activité par le cocontractant de la société Newmag ; qu'il est rappelé in fine de l'acte que le « présent protocole porte exclusivement sur des agencements et du matériel, tous deux à usage professionnel (...) » ;
Que les engagements de la société Newmag tels qu'énoncés dans l'acte, concernent la livraison d'un terminal de cuisson à l'enseigne « A. » dans un délai maximum de trois mois, une « assistance dans la recherche du local » comprenant une étude de marché, une étude financière et une aide à la présentation du dossier de financement, prestations chiffrées à 40.000 francs ainsi qu'une « assistance à pré-ouverture (technique, formation commerciale, marketing) » chiffrée à 20.000 francs, l'une et l'autre qualifiées dans le protocole d'« aide au financement de ce Terminal de cuisson », enfin la réalisation des travaux nécessaires à l'installation du local et la fourniture du matériel, le tout pour un prix qualifié dans l'acte d' « investissement » global de 859.878 francs TTC., soit 115.842,65 euros payables en plusieurs versements le solde à la réception du chantier ;
Que ce moyen ne peut qu'être écarté ;
Qu'il est constant que les époux X., dont la qualité de fonctionnaire et de coiffeuse salariée lors de la signature du contrat ne fait pas l'objet de contestation, n'exerçaient lors de la signature du contrat, à leur domicile, le 8 février 1999, aucune activité ayant un rapport direct avec la convention souscrite, l'exception visée au 4e de l'article L. 121-22 susvisé ne leur étant pas davantage applicable ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-25 du Code de la consommation, « Dans les sept jours, jours fériés compris, à compter de la commande ou de l'engagement d'achat, le client a la faculté d'y renoncer par lettre recommandée avec accusé de réception (...). Toute clause du contrat par laquelle le client abandonne son droit de renoncer à sa commande ou à son engagement d'achat est nulle et non avenue » ;
Que les intimés ont adressé à la société Newmag, dans les délais légaux, deux courriers recommandés par lesquels ils déclaraient renoncer à leur engagement ;
Qu'il suit que c'est à bon droit que les premiers juges ont constaté que les époux X. s'étaient rétractés conformément aux dispositions susvisées et ordonné la restitution du chèque remis à titre d'acompte ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement également en ce qu'il a assorti cette dernière mesure d'une astreinte de dix euros par jour de retard, à compter du quinzième jour suivant la notification de la décision ;
Considérant, vu les troubles et tracas causés aux époux X. par cette procédure poursuivie à leur encontre depuis plus de six ans sans aucun fondement sérieux, qu'il y a lieu de faire droit à la demande de dommages intérêts qu'ils ont formée pour procédure abusive ; que la Cour faisant usage de son pouvoir souverain d'appréciation, condamnera la société Newmag à leur payer à 8.000 euros de dommages intérêts en réparation de leur préjudice ;
Que l'équité commande de leur allouer, en outre, 2.000 euros pour leurs frais irrépétibles d'appel ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit l'appel jugé régulier en la forme,
Au fond, le rejetant,
[minute page 5] Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société Newmag à payer aux époux X. 8.000 euros de dommages intérêts pour procédure abusive,
La condamne aussi à leur payer 2.000 euros pour leurs frais irrépétibles d'appel, et aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct pour la SCP Arnaudy et Baechlin, avoués.
- 5825 - Code de la consommation - Clauses abusives - Nature de la protection - Législation d’exception
- 5843 - Code de la consommation - Domaine d’application - Contrat - Nature du contrat - Qualification du contrat - Démarchage : régimes spéciaux
- 5865 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Principes - Date d’appréciation
- 5869 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Notion d’activité professionnelle - Caractères de l’activité
- 5894 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Objet du contrat - Nature des biens ou des services
- 5912 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus en vue d’une activité - Démarrage d’une activité principale
- 5913 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus en vue d’une activité - Adjonction d’une activité supplémentaire : principes