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TGI MELUN (ch. 1 cab. 1), 17 février 2004

Nature : Décision
Titre : TGI MELUN (ch. 1 cab. 1), 17 février 2004
Pays : France
Juridiction : TGI Melun. 1re ch. cab.1
Demande : 02/03438
Décision : 04/99
Date : 17/02/2004
Nature de la décision : Admission
Décision antérieure : CA PARIS (5e ch. sect. A), 1er février 2006
Numéro de la décision : 99
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 377

TGI MELUN (ch. 1 cab. 1), 17 février 2004 : RG n° 02/03438 ; jugement n° 04/99

(sur appel CA Paris (5e ch. sect. A), 1er février 2006 : RG n° 04/12433)

 

Extrait : « Attendu que aux termes de l’article L. 121-21 du code de la consommation […] ; que l’article suivant exclut du champ d’application de ces textes : - les activités pour lesquelles le démarchage fait l’objet d’une réglementation par un texte législatif particulier ; - les ventes… lorsqu’elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d’une exploitation agricole industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession ; Que s’agissant d’exceptions, ces dispositions doivent s’interpréter strictement ; que de plus, l’interprétation de ces textes ne peut contrevenir aux dispositions de la directive du 20 décembre 1985 dont ils ne sont que la transposition ;

Attendu que la société NEWMAG prétend que l’opération envisagée serait soumise à l’article 1 de la loi DOUBIN devenue l’article L. 330-3 du Code de commerce qui organise l’information pré-contractuelle lorsque la convention prévoit d’un côté la mise à disposition d’une enseigne, d’une marque ou d’un nom commercial et de l’autre côté un engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l’exercice d’une activité ; Mais attendu que ce texte ne vient en rien réglementer le démarchage c’est à dire l’activité consistant à se présenter au domicile d’une personne pour solliciter la conclusion d’un contrat or l’exception rappelée ci-dessus suppose non que l’activité fasse l’objet d’un texte particulier mais que son démarchage soit réglementé ;

Attendu que la seconde exception tend à exclure de la protection spécifique aux consommateurs celui qui contracte dans l’exercice de son activité professionnelle ; que le texte précité met en évidence deux critères cumulatifs pour distinguer le consommateur du professionnel : le critère de l’activité professionnelle et celui du lien direct entre le bien acheté et cette activité ; qu’il est insuffisant donc d’affirmer uniquement, comme le fait la société NEWMAG, la technicité du matériel ; Que la directive européenne du 20 décembre 1985 dans son article 2 définit le consommateur comme toute personne physique qui par les transactions couvertes par la directive agit pour un usage qui peut être considéré comme étranger à son activité professionnelle ; Que ces deux textes permettent d’exclure des dispositions protectrices, les opérations en lien avec une activité complémentaire ou secondaire d’un professionnel, puisque l’opération n’est alors pas étrangère à son activité principale et qu’il [est] alors à même d’apprécier l’intérêt pour lui de conclure le contrat ;

Mais Attendu que tant la législation nationale que la directive en visant l’une « les activités exercées » et l’autre « son activité professionnelle » se réfère à l’activité de l’acheteur et se place au moment de la conclusion du contrat pour apprécier la qualité de consommateur ou de professionnel de l’acheteur ; que ne peut donc être pris en compte l’activité future de celui-ci pour écarter la qualité de consommateur qu’il a, à l’évidence le jour de la conclusion du contrat ; Attendu que dans ces conditions, l’opération litigieuse conclue au domicile des époux X. était bien soumise aux dispositions protectrices prévues aux articles L. 121-23 et suivants du code de la consommation… ». 

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MELUN

CHAMBRE 1 CABINET 1

JUGEMENT DU 17 FÉVRIER 2004

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R. G. n° 02/03438. Jugement n° 04/99.

 

DEMANDEURS :

- M. X.

le [date] à [ville] [profession]

- Mme Y. épouse X.

née le [date] à [ville] [profession] demeurant ensemble [adresse]

Tous deux représentés par la SCP IMBERT G. et IMBERT L., Avocats postulant au Barreau de MELUN, et la SCP VINCENT, LLORCA, Avocats plaidant du Barreau de NEVERS

 

DÉFENDEUR :

SARL NEW MAG 4,

[adresse] [minute page 2] Représentée par la SCP MALPEL, CADIX, WASSELIN, LE CAM, Avocats postulant au Barreau de MELUN et Maître BITCHATCHI-ORDONNEAU, Avocat plaidant du Barreau de PARIS

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Président : Patricia LEFEVRE, Assesseur : Jean DE KEATING HART, Assesseur : Jérôme HAYEM

GREFFIER : Sylvie VARGA

DÉBATS : Les Conseils des Parties ont été entendus à l’audience du 6 janvier 2004, tenue en Juge Rapporteur, par Patricia LEFEVRE, qui en a fait rapport aux membres du Tribunal. A cette audience l’affaire a été mise en délibéré au DIX SEPT FÉVRIER DEUX MIL QUATRE.

DÉCISION : Contradictoire, en premier ressort, prononcée publiquement par Patricia LEFEVRE, Vice-Président, qui a signé la minute avec Sylvie VARGA, Greffier, le DIX SEPT FÉVRIER DEUX MIL QUATRE.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3] EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte du 8 février 1999, signé au domicile des époux. X., ceux-ci se sont engagés auprès de la société NEWMAG à acquérir, un terminal de cuisson destiné à un commerce à l’enseigne « [enseigne] ». La convention prévoyait aussi la fourniture d’un certain nombre prestations (étude de marché, assistance dans la recherche de locaux, études financières, élaboration présentation et défense du dossier de financement, formation et mise en place, publicité et frais d’architecte, agencement du magasin, fourniture du matériel). Un acompte de 15.244,90 € était immédiatement versé par chèque.

Dès le 10 février 1999, les époux X. notifiaient à la société NEWMAG qu’ils se rétractaient. Ils lui réclamaient le remboursement de leur acompte. A réception de ce courrier, la société NEWMAG répliquait que l’engagement était définitif et elle présentait le chèque à l’encaissement. Le chèque fut rejeté du fait de l’opposition formée par les époux X. à son paiement. Le juge des référés rejeta sa demande de lever la dite opposition au motif que la remise à l’encaissement du chèque au mépris des formalités protectrices du cocontractant franchisé est constitutive d’une utilisation frauduleuse.

Les époux X. ont alors fait assigner, la société NEWMAG, devant le Tribunal de Grande Instance d’Avignon, afin de voir constater que le contrat du 8 février 1999 était soumis aux dispositions du code de la consommation relative au démarchage à domicile et en conséquence, obtenir la restitution de leur chèque et l’indemnisation de leur préjudice.

Concomitamment, ils ont déposé plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d’instruction du Tribunal de Grande Instance d’Avignon pour infraction à la législation sur le démarchage à domicile. Le juge a pris une ordonnance de non-lieu au motif que l’opération litigieuse n’était pas soumise aux dispositions des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation mais uniquement, à celles de la loi DOUBIN concernant les contrats de franchise.

[minute page 4] L’instance civile s’est alors poursuivie. Le Tribunal de Grande Instance d’Avignon s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris, puis sur contredit formé par les époux X., la Cour d’Appel de Nîmes a renvoyée l’affaire devant le tribunal de ce siège.

Dans le dernier état de leurs écritures, les époux X. demandent au tribunal de constater que les dispositions légales concernant le démarchage à domicile sont applicables aux faits de la cause et en conséquence, qu’ils ont valablement renoncé au contrat du 8 février 1999. Subsidiairement, ils relèvent l’irrégularité de la convention au regard de ces mêmes dispositions et en réclament l’annulation. Très subsidiairement, ils soutiennent que l’information préalable prévue par le décret du 4 avril 1991 n’a pas ou n’a été que partiellement remise, ce qui constitue un autre motif de nullité de la convention. Ils sollicitent, avec exécution provisoire, la restitution sous astreinte du chèque qu’ils ont remis à la société NEWMAG et la condamnation de cette société au paiement de la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts et une indemnité de 10.000 € en application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société NEWMAG conclut au débouté et sollicite reconventionnellement des dommages et intérêts s’élevant à la somme de 45.734,70 € correspondant au profit qu’elle attendait du contrat et subsidiairement, la pénalité conventionnelle de 15.244,90 € ainsi qu’une indemnité de procédure de 5.000 €.

Elle affirme que l’opération conclue relève de la seule législation issue de la loi DOUBIN puisque l’article L. 121-22 du code de la consommation exclut de son champ d’application, les opérations qui sont régies par un texte particulier. Elle avance aussi que, la convention concernant une vente de biens et de services ayant un rapport direct avec une activité professionnelle, cette législation protectrice n’est pas applicable. Enfin, elle maintient qu’elle s’est conformée à la loi DOUBIN et rappelle qu’une information incomplète ne peut entraîner la nullité de la convention que si un vice du consentement est démontré.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 5] MOTIFS ET DÉCISION :

Attendu que aux termes de l’article L. 121-21 du code de la consommation est soumis aux dispositions spécifiques concernant le démarchage quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage au domicile d’une personne physique... même à sa demande afin de lui proposer l’achat la vente... de biens ou la fourniture de prestation de services ; que l’article suivant exclut du champ d’application de ces textes :

- les activités pour lesquelles le démarchage fait l’objet d’une réglementation par un texte législatif particulier ;

- les ventes… lorsqu’elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d’une exploitation agricole industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession ;

Que s’agissant d’exceptions, ces dispositions doivent s’interpréter strictement ; que de plus, l’interprétation de ces textes ne peut contrevenir aux dispositions de la directive du 20 décembre 1985 dont ils ne sont que la transposition ;

Attendu que la société NEWMAG prétend que l’opération envisagée serait soumise à l’article 1 de la loi DOUBIN devenue l’article L. 330-3 du Code de commerce qui organise l’information pré-contractuelle lorsque la convention prévoit d’un côté la mise à disposition d’une enseigne, d’une marque ou d’un nom commercial et de l’autre côté un engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l’exercice d’une activité ;

Mais attendu que ce texte ne vient en rien réglementer le démarchage c’est à dire l’activité consistant à se présenter au domicile d’une personne pour solliciter la conclusion d’un contrat or l’exception rappelée ci-dessus suppose non que l’activité fasse l’objet d’un texte particulier mais que son démarchage soit réglementé ;

[minute page 6] Attendu que la seconde exception tend à exclure de la protection spécifique aux consommateurs celui qui contracte dans l’exercice de son activité professionnelle ; que le texte précité met en évidence deux critères cumulatifs pour distinguer le consommateur du professionnel : le critère de l’activité professionnelle et celui du lien direct entre le bien acheté et cette activité ; qu’il est insuffisant donc d’affirmer uniquement, comme le fait la société NEWMAG, la technicité du matériel ;

Que la directive européenne du 20 décembre 1985 dans son article 2 définit le consommateur comme toute personne physique qui par les transactions couvertes par la directive agit pour un usage qui peut être considéré comme étranger à son activité professionnelle ;

Que ces deux textes permettent d’exclure des dispositions protectrices, les opérations en lien avec une activité complémentaire ou secondaire d’un professionnel, puisque l’opération n’est alors pas étrangère à son activité principale et qu’il [est] alors à même d’apprécier l’intérêt pour lui de conclure le contrat ;

Mais Attendu que tant la législation nationale que la directive en visant l’une « les activités exercées » et l’autre « son activité professionnelle » se réfère à l’activité de l’acheteur et se place au moment de la conclusion du contrat pour apprécier la qualité de consommateur ou de professionnel de l’acheteur ; que ne peut donc être pris en compte l’activité future de celui-ci pour écarter la qualité de consommateur qu’il a, à l’évidence le jour de la conclusion du contrat ;

Attendu que dans ces conditions, l’opération litigieuse conclue au domicile des époux X. était bien soumise aux dispositions protectrices prévues aux articles L. 121-23 et suivants du code de la consommation ; que ceux-ci disposaient d’un délai de 7 jours pour renoncer à leurs engagements ; qu’il est incontestable et incontesté qu’ils se sont manifesté auprès du vendeur dans le délai légal ; qu’ils se sont donc régulièrement dégagés de ce contrat, ce qui à mis à néant, la convention du 8 février 1999 ;

[minute page 7] Attendu qu’en conséquence, la société NEWMAG doit restituer le moyen de paiement qui lui a été remis en contravention des dispositions de l’article L. 121-26 du code de la consommation ;

Attendu que les époux X. sollicitent l’allocation de dommages et intérêts ; qu’ils indiquent qu’il conviendra de porter à la condamnation de la société NEWMAG, compte tenu des éléments de la cause, de la multiplication des procédures, de la volonté délibérée du démarcheur indélicat de ne pas respecter les dispositions d’ordre public oubliant que leur demande ne peut poursuivre qu’un objectif indemnitaire et qu’elle ne pourra être accueillie que dans la limite de leur préjudice ; que faute de la moindre allégation d’un préjudice, les époux X. seront déboutés de ce chef de demande ;

Attendu que l’ancienneté du litige commande que la présente décision soit assortie de l’exécution provisoire ;

Attendu que la société NEWMAG qui succombe sera condamnée aux entiers dépens ; qu’il paraît équitable d’allouer aux époux X. la somme de 6.000 € en application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LE TRIBUNAL,

Dit que les dispositions des articles L. 121-21 du code de la consommation étaient applicables lors de la signature de la convention du 8 février 1999 ;

Constate que les époux X. ont renoncé à leur engagement dans le délai légal de l’article L. 121-25 du code de la consommation ;

[minute page 8] En conséquence, ordonne la restitution du chèque n° XX émis par les époux X. le 8 février 1999 dans les quinze jours de la notification de la présente décision et passé ce délai sous astreinte de 10e  par jour de retard ;

Condamne la Société NEWMAG à verser aux époux X. la somme de 6.000 euros (Six Mille Euros) en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision ;

Condamne la Société NEWMAG aux dépens.

LE GREFFIER,                                LE PRÉSIDENT,

S. VARGA.                                       P. LEFEVRE.