CA LYON (3e ch. A), 29 mai 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 7989
CA LYON (3e ch. A), 29 mai 2019 : RG n° 17/03718
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Sur la nullité du contrat pour non-respect des dispositions du code de la consommation : Sur le fondement des dispositions des articles L. 221-3, L. 221-5 et L. 221-8 du code de la consommation, la société Autonomie scooters soutient la violation des dispositions applicables aux contrats conclus hors établissement entre consommateurs professionnels. La société Locam conteste l'application de ces dispositions.
L'article L. 221-3 (disposition incluse dans l'ancien article L. 121-16-1 créé par la loi du 17 mars 2014 et modifié par la loi du 6 août 2015) étend l'application des dispositions précitées aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet du contrat n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq. Ces dispositions sont entrées en vigueur le 14 juin 2014, et non le 19 mars 2014 comme prétendu par la société Autonomie scooters ; elles ne s'appliquent pas au contrat litigieux qui a été conclu le 24 avril 2014. Ce moyen de nullité n'est donc pas fondé. »
2/ « Ce contrat prévoit que le client reconnaît au fournisseur la possibilité de céder ses droits résultant du contrat au profit d'un cessionnaire et qu'il accepte le transfert sous la seule condition de l'accord du cessionnaire ; que de convention expresse, le cessionnaire devient propriétaire du site internet qui sera fourni au client et cédera le droit d'exploiter le site. Les droits de propriété de la société Cométik sont précisés dans le bon de commande et repris dans le contrat de licence d'exploitation. L'objet de l'obligation de la société Cométik est donc certain et déterminé, peu important le degré de précisions des obligations des parties et il n'existe aucune confusion sur la propriété du site, qui était conservée par la société Cométik avec faculté pour elle de céder ses droits. Quant aux critiques concernant le procès-verbal de réception qui est un acte postérieur à la conclusion du contrat et relevant de son exécution, elles sont étrangères aux conditions de validité du contrat, étant noté que la société Locam, ainsi qu'elle le souligne, poursuit l'exécution d'un seul contrat concernant un seul site. »
3/ « L'engagement de la société Autonomie scooters de payer 48 mensualités de 300 euros TTC a pour cause l'engagement de la société Cométik de créer le site internet objet du contrat et de lui concéder une licence d'exploitation de ce site. Le fait que le fournisseur ait cédé, avec l'accord de sa cliente, en contrepartie du paiement de la prestation, la propriété du site à la société Locam laquelle a cédé le droit d'exploitation à la société Autonomie scooters ne modifie pas la cause de l'engagement de paiement de la société Autonomie scooters qui a pour contrepartie la fourniture d'un site et le droit de l'exploiter. Ces moyens de nullité ne sont pas fondés. »
4/ « Sur l'existence d'un déséquilibre significatif : La société Autonomie scooters fonde ses prétentions sur le code de la consommation, le code de commerce et le code civil.
Sur le code de la consommation : La société Autonomie scooters invoque les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation en vigueur lors de la conclusion du contrat selon lequel sont réputées non écrites les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat. Les sociétés commerciales ne peuvent être assimilées à des non-professionnels au sens de ce texte ; ce moyen n'est pas fondé.
Sur le code civil : Les articles 1162 et suivants du code civil dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, invoqués par la société Autonomie scooters sont inapplicables aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2016 et donc au contrat litigieux conclu le 24 avril 2014. En conséquence, la société Autonomie scooters est déboutée de sa demande de nullité du contrat fondée sur les moyens ci-dessus examinés.
Sur le code de commerce : Ainsi que le fait valoir la société Locam, en application de l'article D. 442-3 du code du commerce, la cour d'appel de Lyon est dépourvue de pouvoir juridictionnel pour statuer sur l'application des dispositions de l'article L. 442-6-I-2° du code du commerce ce qui constitue une fin de non-recevoir, et non une exception d'incompétence, conduisant à l'irrecevabilité du moyen sans renvoi possible devant la cour d'appel de Paris. En effet, si celle-ci est investie du pouvoir de statuer sur l'appel des décisions rendues sur les demandes fondées sur l'article L. 442-6 du code de commerce, par les juridictions du fond désignées pour le faire, en l'espèce, l'appel ne concerne pas une telle décision et la cour d'appel de Lyon connaît du recours contre les décisions rendues par les juridictions qui ne sont pas désignées par le texte précité ce qui est le cas du tribunal de commerce de Saint-Étienne qui, en l'espèce, n'a pas statué sur ces dispositions, soulevées pour la première fois devant la cour. En conséquence, la société Autonomie scooters est déboutée de sa demande de déclaration d'incompétence et de renvoi devant la cour d'appel de Paris.
En l'absence de déséquilibre significatif retenu, la demande de dommages et intérêts est également rejetée. »
5/ « Les contrats de fourniture du site et de licence d'exploitation concomitants sont interdépendants et du fait de cette interdépendance, les clauses de « non-recours » stipulées dans le contrat et invoquées par la société Locam, qui sont inconciliables avec cette interdépendance, sont réputées non écrites. Il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient la société Locam, la société Autonomie scooters a la faculté d'invoquer, en défense à l'action introduite par elle, l'inexécution par la société Cométik de ses obligations.
Toutefois, d'une part, cette inexécution si elle était avérée ne pourrait conduire qu'à la résiliation préalable du contrat de fourniture puis à la caducité par voie de conséquence, du contrat de licence d'exploitation peu important que la société Locam ait fait application, au préalable, de la clause résolutoire de ce dernier contrat. D'autre part, la résiliation du contrat de fourniture ne pourrait être débattue avec la société Locam, seule la société Cométik pouvant répondre de l'exécution de ses obligations de délivrance du site et nul ne pouvant être jugé sans avoir été appelé, son absence de cause ne permet pas cet examen.
En conséquence, la société Autonomie scooters est déboutée de sa demande de résolution du contrat de licence d'exploitation fondée sur l'inexécution des obligations de la société Cométik. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
TROISIÈME CHAMBRE A
ARRÊT DU 29 MAI 2019
- 5858 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Exclusion explicite
- 5889 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Contrats conclus hors établissement ou à distance (après la loi du 17 mars 2014 - art. L. 221-3 C. consom.)
- 5944 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Promotion de l’activité : site internet
- 6151 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit postérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 et à la loi du 20 avril 2018 - Art. 1171 C. civ. - Application dans le temps
- 6242 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Régime de l’action - Compétence territoriale
- 6390 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs - Obligation essentielle
- 6392 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs – Indivisibilité dans les locations financières - Droit postérieur aux arrêts de Chambre mixte
- 7289 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs – Absence de cause (droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016)