CA PARIS (pôle 5 ch. 10), 22 juin 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8459
CA PARIS (pôle 5 ch. 10), 22 juin 2020 : RG n° 18/23949
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « La société Grenke Location est bien fondée à opposer que les faits allégués par M. X. [à] l'encontre de la société Majestique Diffusion, le fournisseur, lui sont inopposables, en raison de l'absence de mise en cause de ladite société par M. X. Pour ces motifs, la demande d'annulation du contrat n'est pas justifiée. »
2/ « Il est acquis que M. X. a conclu le contrat de crédit-bail portant sur un photocopieur Konica Minolta, sur une durée de 63 mois, dans le cadre de son activité professionnelle, dès lors il ne peut prétendre pouvoir bénéficier des dispositions du code de la consommation.
Ce moyen sera rejeté. De même, comme l'a jugé le tribunal, les dispositions de l'article 442-6 I du code de commerce sont inapplicables en l'espèce dès lors que la conclusion d'un contrat de location de photocopieur ne suffit pas à caractériser un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 10
ARRÊT DU 22 JUIN 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 18/23949 (6 pages). N° Portalis 35L7-V-B7C-B6WYA. Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 septembre 2018 - Tribunal de Grande Instance de PARIS – R.G. n° 16/13252.
APPELANTE :
SAS GRENKE LOCATION
Ayant son siège social [adresse], [...], N° SIRET : XXX, Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Elise O. de la SEP O., avocat au barreau de PARIS, toque : R231
INTIMÉ :
Monsieur X.
Domicilié [adresse], né le [date] à [ville], Représenté par Maître Stéphane G., avocat au barreau de PARIS, toque : C0303
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 5 mars 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sylvie CASTERMANS, Conseillère, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée : Monsieur Edouard LOOS, Président, Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère, Monsieur Stanislas de CHERGÉ, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN
ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par M. Edouard LOOS, Président et par Mme Cyrielle BURBAN, Greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Par acte sous seing privé du 26 avril 2013, la société Grenke Location a loué à M. X., chirurgien-dentiste, un photocopieur couleur MFP de marque Konica Minolta, référence Business Hub C552, pour une durée de 63 mois moyennant 21 loyers mensuels de 713 euros hors taxes soit 852,75 euros toutes taxes comprises puis 855,60 euros toutes taxes comprises à compter du 1er janvier 2014.
Le 6 mai 2013, le matériel a été livré et mis à la disposition de M. X. par le fournisseur la société Majestique Diffusion. Le 10 mai 2013, Grenke Location a acquis le matériel loué à M. X. pour un montant total de 44.183,84 euros toutes taxes comprises.
A compter du 3 novembre 2013, les loyers du matériel loué ont fait l'objet de rejets de prélèvement.
Par lettre recommandée avec accusé de réception, le 17 février 2014, Grenke Location a résilié le contrat de location et mis en demeure M. X. de payer la somme totale de 42.325,07 euros et de restituer le matériel loué.
Le 16 mai 2014, M. X. et Grenke Location ont conclu un accord de règlement de la somme de 52.735,80 euros.
Par actes d'huissier les 24 et 30 août 2016, la société Grenke Location a assigné M. X. devant le tribunal de grande instance de Paris.
Par jugement rendu le 21 septembre 2018, le tribunal de grande instance de Paris a :
- débouté M. X. de sa demande de nullité du contrat de location longue durée du 26 avril 2013 ;
- condamné M. X. à payer à la société Grenke Location la somme de 6.222,42 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 17 février 2014 ;
- condamné M. X. à payer à la société Grenke Location la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. X. aux dépens, dont distraction au profit de Maître O. dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration signifiée le 12 novembre 2018, la société Grenke Location a interjeté appel de ce jugement.
[*]
Par conclusions signifiées le 18 août 2019, la société Grenke Location demande à la cour de :
Vu l'article 1134 ancien du code civil
- débouter M. X. de son appel incident comme étant injustifié et infondé ;
- infirmer le jugement du 21 septembre 2018 rendu par le TGI de Paris en ce qu'il a requalifié l'indemnité de résiliation en clause pénale et en ce qu'il a réduit la condamnation à paiement de M. X. à la somme de 5.000 euros ;
- dire et juger que l'indemnité de résiliation contractuelle du contrat de location longue durée signé par les parties ne saurait être considérée comme une clause pénale sauf à dénaturer les termes clairs et précis du contrat signé par les parties.
En conséquence,
- condamner M. X. à payer à la société Grenke Location la somme de 38.502 euros au titre de l'indemnité de résiliation contractuelle (correspondant au montant des loyers à échoir du 1er mars 2014 au 1er août 2019 soit 54 mois x 713 euros hors taxes) et ce avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure de paiement du 17 février 2014 et jusqu'à parfait paiement ;
- condamner M. X. à payer à la société Grenke Location la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens devant la cour.
[*]
Par conclusions signifiées le 21 mai 2019, M. X. demande à la cour de :
Vu les articles 1109, 1131, 1134, 1135, 1147, 1244-1, 1599 anciens du code civil, l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce, les articles L. 132-1, L. 212-1, L. 212-3 et R. 212-2 du code de la consommation
Par infirmation du jugement :
- à titre principal, juger que le fournisseur du matériel mandataire de Grenke a manqué à son devoir de conseil en pratiquant des manœuvres dolosives lors de la souscription du contrat de location ; prononcer en conséquence la nullité du contrat de location ;
- à titre subsidiaire, constater que M. X. a la qualité de consommateur et que l'ensemble des indemnités contractuelles sont des clauses abusives et en conséquence les annuler ;
- à titre infiniment subsidiaire, confirmer le jugement rendu par le TGI de Paris et constater que les clauses 10 et 11 sont des clauses pénales excessives alors que le matériel a été restitué puisqu'il n'est pas revendiqué dans l'acte introductif d'instance et que Grenke Location s'est trouvée en mesure de le revendre ou de le relouer.
En conséquence,
- les réduire à des montants moins importants ;
- condamner Grenke qui sera déboutée au principal au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me G..
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Sur la nullité du contrat de location :
La société Grenke Location soutient que les faits allégués par M. X. à l'encontre de la société Majestique Diffusion, le fournisseur, lui sont inopposables, qu’il ne lui appartient pas d'appeler en cause le fournisseur ; que M. X. produit un contrat dépourvu de validité au débat ; qu'en vertu de l'article 2 des conditions générales de location, M. X. ne peut invoquer de manquement au devoir de conseil du fournisseur pour demander la nullité du contrat de location.
M. X. répond à titre principal, sur le fondement des articles 442-6 du code de commerce, 1109, 1134, 1135, 1147 du code civil, que la société Majestique Diffusion, n'a pas rempli son obligation précontractuelle d'information et de conseil, justifiant l'annulation du contrat ; que le comportement du fournisseur est dolosif en ce qu'il a fait signer deux contrats de location pour un matériel identique à M. X. ; que le fournisseur est le mandataire de la société Grenke et que cette dernière est responsable des agissements de son mandataire.
Ceci étant exposé,
La société Grenke Location est bien fondée à opposer que les faits allégués par M. X. [à] l'encontre de la société Majestique Diffusion, le fournisseur, lui sont inopposables, en raison de l'absence de mise en cause de ladite société par M. X. Pour ces motifs, la demande d'annulation du contrat n'est pas justifiée.
Sur le caractère abusif de l'indemnité de résiliation :
Selon la société Grenke Location, les dispositions du code de la consommation ne sont pas applicables, M. X. ne pouvant être considéré comme un consommateur ni un non-professionnel, celui-ci ayant signé un contrat de location pour les besoins de son activité professionnelle ; au surplus, M. X. ne rapporte pas la preuve que le contrat de location l'a soumis à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties
M. X. soutient, sur le fondement des articles L. 132-1, L. 212-1, R. 212-5 du code de la consommation et L. 442-6-I du code de commerce, que les clauses 10 et 11 du contrat de location sont des clauses abusives et doivent être frappées de nullités ; celles-ci créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; que M. X. n'est pas un professionnel de l'impression caractérisant par là une absence de professionnalisme et son degré d'incompétence dans le contrat conclu.
Ceci étant exposé,
Il est acquis que M. X. a conclu le contrat de crédit-bail portant sur un photocopieur Konica Minolta, sur une durée de 63 mois, dans le cadre de son activité professionnelle, dès lors il ne peut prétendre pouvoir bénéficier des dispositions du code de la consommation.
Ce moyen sera rejeté. De même, comme l'a jugé le tribunal, les dispositions de l'article 442-6 I du code de commerce sont inapplicables en l'espèce dès lors que la conclusion d'un contrat de location de photocopieur ne suffit pas à caractériser un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
Sur la requalification de l'indemnité de résiliation en clause pénale :
La société Grenke Location soutient, sur le fondement de l'article 1134 ancien du code civil, que le tribunal a dénaturé les clauses du contrat signé par les parties par la requalification de l'indemnité de résiliation en clause pénale ; que la clause d'indemnité de résiliation n'est pas assimilable à une clause pénale et n'est donc pas soumise au pouvoir modérateur du juge ; qu'elle n'a pas sollicité dans l'instance judiciaire la restitution du matériel loué au motif qu'elle ignore ce qu'est devenu le matériel et que celui-ci est désormais obsolète.
M. X. soutient que les articles 10 et 11 du contrat de location sont des clauses pénales, en raison de leurs montants manifestement excessifs par rapport au préjudice subi et notamment que le montant de l'indemnité de résiliation correspond à l'ensemble des loyers à échoir sur l'ensemble de la période de location selon l'échéancier convenu, permettant à la société Grenke de les exiger par anticipation et sans contrepartie pour le locataire qui n'aura plus la jouissance des matériels ; que Grenke s'abstient de solliciter la restitution du matériel démontrant par là que le matériel a bien été restitué par M. X. suite à sa demande le 17 février 2014 ; que le montant des pénalités de 10% sur l'indemnisation de la résiliation fait double emploi avec cette dernière et doit être annulé.
Ceci étant exposé,
Le contrat liant les parties, prévoit en son article 11, qu'en cas de retard de paiement de trois mois, une indemnité de résiliation anticipée sera due. Le même article stipule que l'indemnité sera égale à tous les loyers échus impayés et à échoir jusqu'au terme du contrat majoré de 10 % et des intérêts de retard compter de la lettre de résiliation.
La clause qui prévoit à l'avance une indemnisation en cas d'inexécution du contrat de location de matériel est susceptible d'être modérée si la pénalité elle est manifestement excessive, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier.
En l'espèce, il n'est pas contesté que le 26 avril 2013, M. X. a conclu un contrat de crédit-bail sur une durée de 63 mois, portant sur un photocopieur Konica Minolta, lequel lui a été livré le 6 mai 2013. A cette date, la créance de la société Grenke s'élevait à 44.183,44 euros ttc.
M. X. a cessé de régler les échéances le 3 novembre 2013, il n'a versé que la somme de 2.560,65 euros. Puis, après avoir signé un plan d'apurement au mois de mai 2014, il n'en a pas respecté les termes.
Il se déduit de ces éléments que l'exécution du contrat pendant une si courte durée n'a pu procurer un quelconque avantage financier au crédit bailleur.
Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, il n'est justifié par aucun élément probant que M. X. a restitué l'appareil, de sorte que le bailleur n'a pu relouer le matériel. Le jugement sera réformé sur ce point.
Il se déduit de ces éléments, que l'économie du contrat a été remise en cause par la résiliation anticipée. Ainsi que l'explique le crédit bailleur, l'action en paiement ayant été engagée en août 2016 et donné lieu au jugement déféré le 21 septembre 2018, le matériel, devenu obsolète après plus de cinq années, n'a plus de valeur résiduelle. Par suite, l'indemnité de résiliation doit réparer le préjudice subi par le bailleur, à compter du 17 février 2014.
Il convient de condamner M. X. au paiement de la somme de 38.502 euros au titre de l'indemnité de résiliation correspondant au montant des loyers à échoir du 1er mars 2014 au 1er août 2019 soit 54 mois x 713 euros hors taxes, avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 2014.
M. X., partie perdante, au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera tenu de supporter la charge des entiers dépens.
Il paraît équitable d'allouer à la société Grenke la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a réduit l'indemnité de résiliation à la somme de 5.000 euros et confirme le surplus ;
Statuant à nouveau,
CONDAMNE M. X. à payer à la société Grenke Location la somme de 38.502 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 17 février 2014 ;
CONDAMNE M. X. à payer à la société Grenke Location la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. X. aux entiers dépens.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
C. BURBAN E. LOOS
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