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CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 25 juin 2020

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 25 juin 2020
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 5
Demande : 18/01066
Date : 25/06/2020
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 3/10/2018
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8477

CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 25 juin 2020 : RG n° 18/01066 

Publication : Jurica

 

Extrait : « La société Transpack critique trois clauses comme étant abusives ou créant un déséquilibre significatif dans le contrat conclu le 18 septembre 2013 avec la société Chronopost.

Il convient à titre liminaire de rappeler que la législation du code de la consommation sur les clauses abusives ne saurait être appliquée entre deux professionnels ayant contracté à des fins entrant dans le cadre de leur activité professionnelle.

Par ailleurs, le contrat litigieux ayant été conclu avant le 1er octobre 2018 [N.B. lire 2016], les dispositions de l'article 1171 du code civil issues de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrat, du régime général et de la preuve des obligations ne sont pas applicables.

Ainsi le seul fondement légal à l'action de la société Transpack tendant à voir déclarer abusives certaines clauses du contrat conclu le 18 septembre 2013 avec la société Chronopost est l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce. Selon cet article dans sa rédaction applicable au litige, « […] »

Par ailleurs, alors que dans le corps de ses conclusions, la société Transpack critique les clauses du contrat relatives à la facturation, à l'adaptation de la prestation par appel d'offre ainsi qu'au retard dans l'exécution de la prestation, elle ne formule de demande, dans le dispositif de ses conclusions, qu'en ce qui concerne la clause 8.2 relative au retard dans l'exécution de la prestation. La cour n'étant tenue de statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions en vertu de l'article 954 du code de procédure civile, seule sera examinée la demande formulée au titre de l'article 8.2 du contrat.

L'article 8.2. du contrat du 18 septembre 2013 conclu entre la société Chronopost et la société Transpack indique que : « Le Transporteur reconnaît que l'exécution de la prestation dans les délais définis au cahier des charges Opérationnel en annexe d'exploitation constitue une condition substantielle de sa sélection et de la relation commerciale, et l'engage également à une obligation de résultat. Le retard est constitué par le simple dépassement des horaires et/ou du délai convenus de livraison des colis en fonction de leur typologie, sans mise en demeure préalable ou autre formalité, et/ou par le dépassement des délais de saisie et de transmission informatique. Seul un retard lors de la collecte ou de la livraison imputable au Transporteur engage la responsabilité de ce dernier. En cas de retard avéré imputable au Transporteur dans la réalisation des prestations, le Transporteur sera redevable du paiement d'une somme forfaitaire égale au prix de la prestation effectuée, sans préjudice des droits de recours de Chronopost et/ou de ses subrogés en vue d'une réparation intégrale du préjudice subi par Chronopost et/ou ses subrogés. »

La société Transpack prétend que cette clause serait abusive en ce qu'elle priverait le transporteur de toute rémunération en cas de retard en zone de collecte alors même que le colis serait livré à temps.

Toutefois l'alinéa 3 de l'article critiqué, qui prévoit que « Seul un retard lors de la collecte ou de la livraison imputable au Transporteur engage la responsabilité de ce dernier. », ne fait qu'expliciter l'alinéa précédent et préciser que le retard à la livraison qui engage la responsabilité du transporteur et entraîne l'application de pénalités ne peut être retenu qu'en cas de retard à la collecte ou à la livraison imputable au transporteur. Ainsi contrairement à ce que prétend la société Transpack, le seul retard à la collecte ne pourrait déclencher l'application de pénalités s'il n'y a pas de retard à la livraison consécutif.

En conséquence, la demande de la société Transpack tendant à voir déclarer abusive cette clause sera rejetée. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 5

ARRÊT DU 25 JUIN 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/01066 (11 pages). N° Portalis 35L7-V-B7C-B4ZRQ. Décision déférée à la cour : jugement du 1er décembre 2017 - Tribunal de commerce de Paris – R.G. n° 2014062851.

 

APPELANTE :

SARL TRANSPACK

Ayant son siège social [adresse], [...], N° SIRET : XXX, Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Rachid H., avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 240

 

INTIMÉE :

SAS CHRONOPOST

Ayant son siège social [adresse], [...], N° SIRET : YYY, Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Mariano DI V., avocat au barreau de PARIS, toque : A0539

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 23 janvier 2020, en audience publique, devant la cour composée de : Mme Marie-Annick PRIGENT, présidente de chambre, Mme Christine SOUDRY, conseillère, chargée du rapport, Mme Camille LIGNIERES, conseillère, qui en ont délibéré. Un rapport a été présenté à l'audience par Mme SOUDRY dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Hortense VITELA-GASPAR

ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Marie-Annick PRIGENT, présidente de chambre et par Mme Hortense VITELA-GASPAR, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Chronopost est un prestataire de services de transport express. A cette fin, elle a recours aux services d'entreprises substituées.

La société Transpack est un transporteur public routier de marchandises.

A la suite d'un appel d'offres de l'agence Chronopost de Troyes au mois d'août 2013 pour les secteurs des départements 77 et 89, l'offre de la société Transpack a été retenue pour les deux secteurs.

Un contrat de sous-traitance a été conclu le 18 septembre 2013 entre la société Chronopost et la société Transpack pour une durée indéterminée.

L'intervention de Transpack a finalement été limitée au secteur 77 ; le secteur 89 étant confié à une autre société.

Le 16 mai 2014, la société Chronopost a informé la société Transpack du rattachement du secteur 77 à l'agence de Marne la Vallée, du fait qu'il ferait l'objet d'un appel d'offres, en application de l'article 11 du contrat, et lui a proposé de se reporter sur le secteur 89 au 1er septembre 2014.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 20 mai 2014, la société Transpack a résilié le contrat la liant à la société Chronopost à effet au 28 juin 2014 en invoquant une prestation effectuée à perte et le non-respect de l'engagement relatif à l'attribution du secteur 89.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 28 mai 2014, la société Chronopost a contesté les motifs invoqués dans la lettre de résiliation.

Estimant que la société Chronopost n'avait pas respecté ses obligations contractuelles, la société Transpack a, par acte du 27 octobre 2014, assigné la société Chronopost devant le tribunal de commerce de Paris, aux fins de la voir condamner au paiement d'une somme de 22.844 euros en règlement de l'écart de facturation entre le 19 septembre 2013 et le 5 juillet 2014 ainsi que d'une somme de 185.000 euros à titre de dommages-intérêts.

Par jugement du 1er décembre 2017, le tribunal de commerce de Paris a :

- condamné la société Chronopost à payer à la société Transpack la somme de 7.829 euros au titre du préjudice causé par son engagement non réalisé d'attribution de deux secteurs ;

- condamné la société Chronopost à verser à la société Transpack la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné la société Chronopost aux dépens.

Par déclaration du 3 octobre 2018, la société Transpack a interjeté appel de ce jugement.

* * *

Dans ses dernières conclusions du 18 décembre 2018, la société Transpack demande à la cour de :

Vu les articles L. 442-6 du code de commerce, 1134 et 1147 du code civil,

- déclarer son appel recevable et bien fondé,

Y faisant droit,

- réformer la décision attaquée rendue par le tribunal de commerce de Paris en date du 1erdécembre 2017,

- constater qu'elle a subi un préjudice du fait de coûts supérieurs aux revenus perçus liés à l'engagement sur deux secteurs, les départements des 77 et 89,

- condamner la société Chronopost à lui verser la somme de 22.844 euros en règlement de l'écart de facturation entre le 19 septembre 2013 et le 5 juillet 2014,

- condamner la société Chronopost à lui verser la somme de 321.262 euros (18.500 + 28.262 + 10.800 à titre de dommages-intérêts) en sus de la somme déjà demandée de 22.844 euros du fait d'une absence de marge bénéficiaire du fait de la non affectation du marché département 89, se décomposant en manque à gagner sur le 89, de l'absence de marge sur le 77, du coût supporté indûment du fait de moyens mis en œuvre à la demande de Chronopost mais surdimensionné à un seul secteur du 77,

- dire que la clause de l'article 8.2 est abusive,

- condamner la société Chronopost à la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Chronopost aux entiers dépens.

La société Transpack reproche à la société Chronopost de ne pas avoir respecté ses obligations contractuelles. Elle lui fait tout d'abord grief d'avoir attribué le secteur 89 à un autre transporteur alors qu'elle avait remporté l'offre pour ce secteur et avait affecté des moyens en conséquence (chauffeurs, véhicules, local). Elle explique que contrairement à ce que soutient la société Chronopost, aucune faute ne peut lui être reprochée dans l'exécution de ses obligations en début de contrat alors qu'elle a dû traiter 3.000 colis laissés en souffrance par le précédent prestataire affecté au secteur 77. Ensuite elle prétend que la société Chronopost s'était engagée sur 7347 points de livraison par mois pour le secteur 77 avec une progression de 20 % chaque année. Or elle soutient que ce chiffre n'a jamais été atteint à l'exception du mois de décembre. Elle estime ainsi que le défaut d'attribution du secteur 89 lui a causé une perte financière de 185.000 euros correspondant aux coûts exposés en vain pour ce secteur (salaires de cinq chauffeurs, location de cinq véhicules, location d'un local, carburant). Elle considère en outre qu'elle aurait dû réaliser une marge de 28.162 euros sur le secteur 77 et des gains de 108.000 euros sur le secteur 89. Elle prétend de surcroît avoir subi un écart de facturation de 22.844 euros, correspondant à des charges courantes supérieures aux montants facturés à la société Chronopost, dont elle demande la prise en charge.

Elle reproche par ailleurs à la société Chronopost de l'avoir soumise à des obligations créant un déséquilibre significatif à son détriment en lui imposant de reprendre dans ses factures les données qu'elle lui imposait, en l'exposant à tout moment à une résiliation unilatérale du contrat et en prévoyant que des prestations effectuées pourraient ne pas être rémunérées.

[*]

Dans ses dernières conclusions du 16 décembre 2018, la société Chronopost demande à la cour de:

Vu l'article L. 442-6-1-2° du code de commerce,

Vu les articles 1134 et 1147 du code civil,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à régler à la société Transpack la somme de 7.829 euros au titre du prétendu préjudice causé par son engagement non réalisé d'attribution de deux secteurs ainsi qu'à la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter la société Transpack de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

La recevant en sa demande reconventionnelle,

- condamner la société Transpack à lui régler la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- la condamner à lui régler la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Chronopost dément toute faute de sa part susceptible d'engager sa responsabilité contractuelle.

S'agissant tout d'abord de la non-attribution du secteur 89, elle explique que c'est d'un commun accord que l'attribution du secteur 89 a été différée dans la mesure où la société Transpack a, dès le début du contrat, éprouvé des difficultés à remplir ses obligations au titre du secteur 77. Elle dément par ailleurs s'être engagée sur un nombre de points de livraison par mois et sur leur augmentation de 20 % par an.

S'agissant du prix des prestations, elle prétend que la société Transpack est prescrite en ses demandes relatives à un écart de facturation antérieur au 27 octobre 2013, en application des dispositions de l'article L. 133-6 du code de commerce. Ensuite elle affirme que la société Transpack a elle-même fixé les prix de ses prestations dans l'offre qu'elle a retenue. Elle dément par ailleurs avoir imposé ses données à la société Transpack pour l'établissement de ses factures. Elle explique que chaque chauffeur était équipé d'un PSM (Poste de Saisie Mobile) lui permettant d'enregistrer directement dans sa base informatique les points réalisés mais que la société Transpack pouvait contrôler et rectifier ces données pour établir sa facturation.

Elle dénie toute nullité de la clause 8.2 du contrat relative aux retards de livraisons dès lors qu'elle-même s'engage à l'égard de ses clients à respecter des délais et à ne pas facturer les livraisons en retard et affirme que ses sous-traitants doivent être astreints au même respect des délais. Elle dément tout déséquilibre résultant de la clause prévoyant une possibilité de résiliation unilatérale du contrat à son profit dès lors que le contrat conclu avec la société Transpack était à durée indéterminée et que son cocontractant disposait également d'une faculté de résiliation.

Enfin elle conteste les préjudices invoqués par la société Transpack. Elle prétend que cette dernière ne démontre pas avoir immobilisé des moyens humains et matériels. Elle observe encore que c'est l'appelante qui a pris la décision de rompre le contrat et qu'elle ne peut lui imputer le préjudice en résultant.

[*]

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 décembre 2019.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la responsabilité contractuelle de la société Chronopost :

La société Transpack fait grief à la société Chronopost de ne pas lui avoir confié le secteur 89 et de ne pas avoir respecté le volume d'activité auquel elle s'était engagée.

 

Sur l'inexécution de l'engagement d'attribution du secteur 89 :

Il résulte de l'appel d'offre de la société Chronopost versé aux débats que celle-ci a recherché des transporteurs pour assurer les livraisons sur deux secteurs indépendants : « Lot Sens et Nord 89 » et « Lot Sud Est 77 ».

La société Transpack a présenté une offre globale pour les deux secteurs par courriels des 21 et 27 août 2013.

Cette offre pour les deux secteurs a été retenue ainsi qu'il ressort d'une attestation du directeur de l'agence Chronopost de Troyes du 9 septembre 2013.

Toutefois l'annexe au contrat du 16 septembre 2013 conclu entre les deux sociétés ne mentionne que le secteur 77.

Il résulte en effet des différentes pièces produites aux débats que bien que le contrat devait prendre effet le 19 septembre 2013, la société Transpack ne se trouvait pas en mesure de réaliser les prestations convenues dès cette date ; le local devant servir d'entrepôt n'étant équipé ni de l'ADSL ni de l'électricité. Dans des courriels des 19 et 27 septembre 2013, la société Transpack admet ces difficultés et le fait que 1.000 colis soient restés en souffrance dès les premiers jours d'exécution du contrat. Il résulte d'un courrier de la société Chronopost du 6 février 2014 et d'attestations de MM. X. et Y. que les colis en souffrance concernaient principalement le secteur 89 et que c'est dans ces conditions que la société Chronopost a décidé de recourir temporairement à un autre prestataire pour prendre en charge le secteur 89. Les attestations de MM. X. et Y., bien qu'émanant de salariés de la société Chronopost, seront retenues dès lors que leur contenu est conforme aux courriels émanant de la société Transpack. Ainsi, dans un courriel du 27 septembre 2013, cette dernière a admis que le report de l'attribution du secteur 89 était lié aux difficultés éprouvées. Elle indique ainsi : « Dès que vous jugerez que nous sommes prêts, nous prendrons les secteurs manquants ». Par ailleurs, contrairement à ce qu'elle prétend dans ses conclusions, elle n'a jamais fait état, dans ses nombreux échanges avec la société Chronopost, de difficultés liées à un nombre de 3.000 colis laissés en souffrance par le prestataire précédent qu'elle aurait dû prendre en charge.

Par courriel du 26 décembre 2013, la société Chronopost a une nouvelle fois différé de quatre mois la reprise du secteur 89 en indiquant qu'après trois mois d'activité, les prestations réalisées sur le secteur 77 n'étaient suffisamment correctement assurées pour envisager le doublement de l'activité confiée à la société Transpack. Ce point n'a pas été contesté par la société Transpack.

Il ressort de ces éléments qu'il ne peut être reproché aucun manquement de la société Chronopost de ce chef. En effet, l'inexécution par la société Chronopost de l'engagement d'attribuer le secteur 89 à la société Transpack résultait de la propre inexécution par cette dernière de ses obligations. Les demandes de la société Transpack tendant à se voir indemnisée du manque à gagner et de la perte de marge escomptée du fait de la non-attribution du secteur 89 seront en conséquence rejetées. Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Chronopost à payer à la société Transpack la somme de 7.829 euros au titre du préjudice causé par son engagement non réalisé d'attribution de deux secteurs.

 

Sur l'inexécution de l'engagement du nombre de points de livraisons garanti :

La société Transpack prétend que la société Chronopost s'était engagée sur 7347 points de livraison par mois pour le secteur 77 avec une progression de 20 % chaque année, ce que dément la société Chronopost.

Dans l'appel d'offre de la société Chronopost, il était indiqué que l'activité moyenne sur les douze mois de l'année 2012-2013 pour le lot 1 (77) concernait 7.347 points de livraison. Toutefois à aucun moment, il n'a été indiqué que cette activité était garantie.

Le contrat du 18 septembre 2013 prévoit en revanche dans un article 10.4 un volume minimum de prestations proposées.

Il est ainsi stipulé que :

« 10.4 Volume minimum de prestations proposées.

10.4.1 Détermination du volume minimum des prestations

CHRONOPOST s'engage vis-à-vis du Transporteur à lui garantir la possibilité de réaliser un minimum de points ou de liaisons (cf. annexe tarifaire) calculé en moyenne par jour travaillé selon chaque annexe tarifaire ci -dessous mentionnée.

Ce minimum de points proposés à la prestation est établi pour la durée de l'année tarifaire en fonction des informations fournies lors de l'appel d'offres.

Il est égal à 60 % de la moyenne des points possibles, cette moyenne étant établie en incluant les périodes des mois d'aout et de décembre d'une même année civile. Ces mois sont en effet connus par les professionnels du transport pour représenter une baisse importante (août) au contraire un surcroît d'activité (décembre).

Si le transporteur sous-traitant ne peut pas justifier de l'exécution de la prestation sur une année civile complète, les mois de aout et décembre ne seront pas pris en compte dans le dispositif puisque ces deux mois se compensent.

Si le transporteur sous-traitant arrête la prestation en cours de mois, le volume minimum de prestations proposées sera calculé au prorata des jours ouvrés.

Le volume minimum de prestations proposées ne s'applique pas pour tous les jours ouvrés où CHRONOPOST pourra justifier de l'existence d'une force majeure l'ayant empêché de proposer tout ou partie de la prestation.

10.4.2. Engagement sur un volume minimum de prestations proposées.

CHRONOPOST s'engage vis-à-vis du Transporteur à lui proposer au minimum 60 % du volume indicatif des prestations habituellement proposées et précisées sur chaque annexe tarifaire.

A défaut de lui avoir offert ce minimum à réaliser, CHRONOPOST s'engage à régler au Transporteur la différence entre le nombre de prestations effectivement proposées et le volume minimum calculé comme ci - dessus au prix standard ou au forfait comme il est dit à l'annexe tarifaire. »

Or il ressort de l'annexe au contrat concernant le secteur 77 que le volume d'activité indicatif moyen était fixé à 360 points par jour et que le volume minimum garanti de 60 % était de 216 points, soit 6551 points par mois.

Pourtant il résulte du suivi de facturation et dépenses pour la période du 19 septembre 2013 au 5 juillet 2014 versé aux débats que la société Transpack a desservi :

- 1.683 points entre le 19 et le 30 septembre 2013,

- 6.422 points au mois d'octobre 2013,

- 7.226 points au mois de novembre 2013,

- 8.544 points au mois de décembre 2013,

- 6.190 points au mois de janvier 2014,

- 5.544 points au mois de février 2014,

- 6.256 points au mois de mars 2014,

- 6.007 points au mois d'avril 2014,

- 5795 points au mois de mai 2014,

- 5.128 points au mois de juin 2014,

- 844 points entre le 1er et le 5 juillet 2014.

Ainsi la moyenne de points réalisés par mois entre les mois d'octobre 2013 et juin 2014 (à l'exclusion du mois de décembre 2013 conformément au contrat) s'est élevée à 6071 points, ce qui est inférieur au minimum garanti de 6551 points et correspond à une différence de 3840 points sur huit mois.

En outre, entre le 19 et le 30 septembre 2013, ce qui correspond à 10 jours ouvrés, le nombre moyen de points réalisés par jour s'est élevé à 168, ce qui est également inférieur au minimum garanti de 216 points par jour et correspond à une différence de 48 points sur le mois.

Enfin entre le 1er et le 5 juillet 2014, ce qui correspond à 5 jours ouvrés, le nombre moyen de points réalisés par jour s'est élevé à 175, ce qui est encore inférieur au minimum garanti de 216 points par jour et correspond à une différence de 41 points sur le mois.

En conséquence, l'inexécution par la société Chronopost de ses engagements contractuels est établie de ces chefs. Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté la société Transpack de sa demande d'indemnisation au titre de l'inexécution du volume d'activité garanti.

 

Sur le préjudice :

Conformément aux stipulations contractuelles précitées, la société Transpack ne peut réclamer, au titre de l'indemnisation du préjudice résultant de l'inexécution de l'engagement de volume minimum des prestations, que « la différence entre le nombre de prestations effectivement proposées et le volume minimum calculé comme ci - dessus au prix standard ou au forfait comme il est dit à l'annexe tarifaire ».

La société Chronopost sera en conséquence condamnée, conformément à ces stipulations contractuelles, à régler à la société Transpack une indemnisation de 13.162,15 euros (3929 points x 3,35 euros), sur la base du tarif standard de 3,35 euros, au titre de la perte de gains résultant du non-respect de l'engagement du nombre de points de livraisons.

 

Sur la demande au titre d'un écart de facturation :

Sur la prescription :

Selon l'article L. 133-6 du code de commerce, les actions pour avaries, pertes ou retards, auxquelles peut donner lieu contre le voiturier le contrat de transport, sont prescrites dans le délai d'un an, sans préjudice des cas de fraude ou d'infidélité.

Toutes les autres actions auxquelles ce contrat peut donner lieu, tant contre le voiturier ou le commissionnaire que contre l'expéditeur ou le destinataire, aussi bien que celles qui naissent des dispositions de l'article 1269 du code de procédure civile, sont prescrites dans le délai d'un an.

La société Chronopost invoque la prescription de la demande présentée à son encontre par la société Transpack au titre d'un écart de facturation pour la période du 19 septembre au 27 octobre 2013.

Toutefois il y a lieu de relever que l'action de la société Transpack à l'encontre de la société Chronopost n'est pas fondée sur un contrat de transport mais sur un contrat cadre de « sous-traitance de transport ».

En conséquence, les dispositions précitées sont inapplicables et l'action de la société Transpack tendant à être indemnisée d'un écart de facturation entre le 19 septembre et le 27 octobre 2013 sera déclarée recevable.

 

Sur le bien-fondé de la demande :

Selon l'article L. 3221-4 du code des transports, « Tout donneur d'ordre est tenu de rémunérer les contrats visés à l'article L. 3221-3 par un prix qui permette de couvrir à la fois :

- les charges entraînées par les obligations légales et réglementaires, notamment en matière sociale et de sécurité;

- les charges de carburant et d'entretien des véhicules;

- les amortissements ou loyers des véhicules;

- les frais de route des conducteurs des véhicules;

- les frais de péage;

- les frais de documents de transport et les timbres fiscaux;

-  et, pour les entreprises unipersonnelles, la rémunération du chef d'entreprise. »

Par ailleurs, l'article 10 du contrat du 18 septembre 2013 relatif aux conditions tarifaires prévoit que:

« 10.1 Composition du prix

10.1.1 Obligations légales

Le Transporteur calcule ses coûts et détermine lui-même ses tarifs qu'il porte à la connaissance de CHRONOPOST. Le Transporteur certifie, sous sa pleine et entière responsabilité, qu'il n'oftre pas ou ne pratique pas de prix inférieurs au coût de revient de sa prestation conformément aux dispositions prescrites par la Loi du 31 décembre 1992, et par la Loi du 1er février 1995, amendée par les articles 23-1 et 23-2 de la Loi du 5 juillet 1996.

Les prestations annexes complémentaires à la prestation de transport seront rémunérées et facturées en sus du prix du transport proprement dit, sur une base forfaitaire préalablement déterminée en accord avec le Transporteur selon le type de prestation et figurant dans les annexes d'exploitation.

10.1.2. Modes de rémunération

10.1.2.1. Rémunération principale

Le Transporteur fixe librement son prix en tenant compte du volume des prestations et de ses modalités décrits dans l'appel d'offres.

Ce prix lui garantit la couverture de ses charges dont les éléments constitutifs ont été analysés au préalable et une marge.

Le prix accepté par CHRONOPOST est repris dans l'annexe tarifaire. »

En l'espèce, il ressort d'un document intitulé « suivi facturation et dépenses sur dossier Chronopost du 19 septembre 2013 au 5 juillet 2015 » produit par la société Transpack que le montant qu'elle a facturé à la société Chronopost est inférieur de 7.829 euros aux dépenses exposées au titre des prestations effectuées. Par ailleurs, ce document, certifié par un expert-comptable, correspond aux justificatifs de dépenses versés aux débats.

La société Chronopost ne saurait se retrancher derrière le fait que la société Transpack a librement fixé le tarif de sa prestation lors de la soumission à l'appel d'offre pour dénier toute responsabilité dans l'écart existant entre le prix facturé par sa cocontractante et les dépenses exposées par celle-ci alors même qu'il résulte de ce qui précède qu'elle n'a pas tenu ses engagements en termes de volume d'activité.

Toutefois il convient de relever que cet écart de facturation a déjà été indemnisé par l'allocation d'une somme au titre du non-respect de l'engagement de volume d'activité. En conséquence, la demande d'indemnisation sur ce point sera rejetée.

 

Sur le déséquilibre significatif du contrat et les clauses abusives :

La société Transpack critique trois clauses comme étant abusives ou créant un déséquilibre significatif dans le contrat conclu le 18 septembre 2013 avec la société Chronopost.

Il convient à titre liminaire de rappeler que la législation du code de la consommation sur les clauses abusives ne saurait être appliquée entre deux professionnels ayant contracté à des fins entrant dans le cadre de leur activité professionnelle.

Par ailleurs, le contrat litigieux ayant été conclu avant le 1er octobre 2018 [N.B. lire 2016], les dispositions de l'article 1171 du code civil issues de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrat, du régime général et de la preuve des obligations ne sont pas applicables.

Ainsi le seul fondement légal à l'action de la société Transpack tendant à voir déclarer abusives certaines clauses du contrat conclu le 18 septembre 2013 avec la société Chronopost est l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce.

Selon cet article dans sa rédaction applicable au litige, « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (…) De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;

(...).

Lors de cette action, le ministre chargé de l'économie et le ministère public peuvent demander à la juridiction saisie d'ordonner la cessation des pratiques mentionnées au présent article. Ils peuvent aussi, pour toutes ces pratiques, faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites et demander la répétition de l'indu. Ils peuvent également demander le prononcé d'une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 2 millions d'euros. Toutefois, cette amende peut être portée au triple du montant des sommes indûment versées. La réparation des préjudices subis peut également être demandée. »

Par ailleurs, alors que dans le corps de ses conclusions, la société Transpack critique les clauses du contrat relatives à la facturation, à l'adaptation de la prestation par appel d'offre ainsi qu'au retard dans l'exécution de la prestation, elle ne formule de demande, dans le dispositif de ses conclusions, qu'en ce qui concerne la clause 8.2 relative au retard dans l'exécution de la prestation.

La cour n'étant tenue de statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions en vertu de l'article 954 du code de procédure civile, seule sera examinée la demande formulée au titre de l'article 8.2 du contrat.

L'article 8.2. du contrat du 18 septembre 2013 conclu entre la société Chronopost et la société Transpack indique que :

« Le Transporteur reconnaît que l'exécution de la prestation dans les délais définis au cahier des charges Opérationnel en annexe d'exploitation constitue une condition substantielle de sa sélection et de la relation commerciale, et l'engage également à une obligation de résultat.

Le retard est constitué par le simple dépassement des horaires et/ou du délai convenus de livraison des colis en fonction de leur typologie, sans mise en demeure préalable ou autre formalité, et/ou par le dépassement des délais de saisie et de transmission informatique.

Seul un retard lors de la collecte ou de la livraison imputable au Transporteur engage la responsabilité de ce dernier.

En cas de retard avéré imputable au Transporteur dans la réalisation des prestations, le Transporteur sera redevable du paiement d'une somme forfaitaire égale au prix de la prestation effectuée, sans préjudice des droits de recours de Chronopost et/ou de ses subrogés en vue d'une réparation intégrale du préjudice subi par Chronopost et/ou ses subrogés. »

La société Transpack prétend que cette clause serait abusive en ce qu'elle priverait le transporteur de toute rémunération en cas de retard en zone de collecte alors même que le colis serait livré à temps.

Toutefois l'alinéa 3 de l'article critiqué, qui prévoit que « Seul un retard lors de la collecte ou de la livraison imputable au Transporteur engage la responsabilité de ce dernier. », ne fait qu'expliciter l'alinéa précédent et préciser que le retard à la livraison qui engage la responsabilité du transporteur et entraîne l'application de pénalités ne peut être retenu qu'en cas de retard à la collecte ou à la livraison imputable au transporteur. Ainsi contrairement à ce que prétend la société Transpack, le seul retard à la collecte ne pourrait déclencher l'application de pénalités s'il n'y a pas de retard à la livraison consécutif.

En conséquence, la demande de la société Transpack tendant à voir déclarer abusive cette clause sera rejetée.

 

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :

Il résulte de ce qui précède qu'aucun abus de procédure ne peut être reproché à la société Transpack. La demande de dommages et intérêts de ce chef ne peut donc prospérer.

 

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

La société Chronopost succombe au litige. Les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées. La société Chronopost sera en outre condamnée à supporter les dépens de l'instance d'appel et à régler à la société Transpack une somme supplémentaire de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. La demande de la société Chronopost sur ce point sera rejetée.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a condamné la société Chronopost à verser à la société Transpack la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la société Chronopost aux dépens ;

Statuant à nouveau,

DÉCLARE recevable l'action de la société Transpack tendant à être indemnisée d'un écart de facturation entre le 19 septembre et le 27 octobre 2013 ;

CONDAMNE la société Chronopost à régler à la société Transpack une somme de 13.162,15 euros de dommages et intérêts au titre de la perte de gains résultant du non-respect de l'engagement de garantir un certain nombre de points de livraisons ;

DÉBOUTE la société Transpack de ses demandes de dommages et intérêts au titre du manque à gagner et de la perte de marge escomptée du fait de la non-attribution du secteur 89 par la société Chronopost ;

DÉBOUTE la société Transpack de sa demande de dommages et intérêts au titre d'un écart de facturation entre le 19 septembre 2013 et le 5 juillet 2014 ;

DÉBOUTE la société Transpack de sa demande tendant à voir déclarer abusif l'article 8.2 du contrat du 18 septembre 2013 ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE la société Chronopost de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNE la société Chronopost à régler à la société Transpack une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société Chronopost de sa demande de ce chef ;

CONDAMNE la société Chronopost aux dépens de l'instance d'appel.

Hortense VITELA-GASPAR                     Marie-Annick PRIGENT

Greffière                                                       Présidente

 

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