CA PARIS (25e ch. sect. B), 7 novembre 2003
CERCLAB - DOCUMENT N° 870
CA PARIS (25e ch. sect. B), 7 novembre 2003 : RG n° 2002/15757
Publication : Juris-Data n° 2003-227688
Extrait : « - la clause litigieuse peut être regardée abusive tant au regard des dispositions précitées de l'annexe (articles d et e) que de la recommandation sus indiquée (articles 13 et 17), - la clause, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au préjudice du consommateur, d'une part, parce que des dispositions similaires ne sont pas prévues lorsque c'est le professionnel qui renonce à l'exécution du contrat, d'autre part, en raison du montant de l'indemnité ; - la SONESTA n'a, en tout état de cause, justifié par aucun élément précis des contraintes lui imposant de s'organiser plus de huit mois à l'avance et de ce qu'elle n'a pu organiser une autre réception aux mêmes dates et à des conditions identiques, ce qu'il lui était aisé de faire, si tel avait été le cas, ».
COUR D’APPEL DE PARIS
VINGT CINQUIÈME CHAMBRE SECTION B
ARRÊT DU 7 NOVEMBRE 2003
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Numéro d'inscription au répertoire général : 2002/15757. Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 13 juin 2002 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de BOBIGNY (7ème Ch. 1ère sect.) RG n° : 2001/06803.
APPELANTE :
SARL SOCIETE SONESTA
prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège [adresse], représentée par Maître HUYGHE, avoué à la Cour, assistée de Maître ABITAN, Toque B 630, Avocat au Barreau de PARIS
INTIMÉS :
Monsieur X.
demeurant [adresse]
Mlle Y.
Demeurant [adresse]
représentés par la SCP MIRA-BETTAN, avoué à la Cour, assistés de Maître KHAYAT, Toque G 807, Avocat au Barreau de PARIS
[minute page 2]
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 SEPTEMBRE 2003, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur JACOMET, président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur JACOMET, président, Madame COLLOT, conseiller, Madame DELMAS-GOYON, conseiller.
Greffière, lors des débats : Madame MARTEYN.
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par Monsieur JACOMET, président. - signé par Monsieur JACOMET, président et par Madame MARTEYN, greffière présente lors du prononcé.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
La Cour est saisie de l'appel, déclaré le 5 août 2002, d'un jugement rendu, le 13 juin 2002, par le Tribunal de grande instance de BOBIGNY.
L'objet du litige porte principalement sur la demande de Monsieur X. et Melle Y., en remboursement de l'acompte versé, le 14 juin 2000 à la SONESTA pour les prestations de traiteur de leur mariage prévues pour les 14 et 17 juin 2001, à la suite de l'annulation de leur mariage qu'ils avaient notifiée à cette société le 27 novembre 2000.
Le tribunal a statué ainsi qu'il suit :
- rejette la demande de nullité du contrat,
- dit que la clause prévoyant en cas de résiliation la perte de l'acompte fixé à 30 % du prix revêt un caractère abusif,
- la déclare non écrite,
- condamne la société SONESTA à rembourser à Melle Y. et M. X. la somme de 9.909,19 euros,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- [minute page 3] condamne la société SONESTA à payer à Melle Y. et M. X. la somme de 920 euros au titre de l'article 700 du NCPC,
- la condamne aux dépens.
Au soutien de sa décision, le tribunal a notamment retenu, d'une part, que le moyen tiré de l'absence de cause n'était pas fondé, l'existence de la cause, en l'espèce le mariage, s'appréciant au moment de la conclusion du contrat, d'autre part, que la clause prévoyant en cas de résiliation par le client, quelqu'en soit la cause, la perte de l'acompte, (30 % du prix ), à titre d'indemnité forfaitaire et irréductible, définitive et irrévocable était abusive, au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation et des recommandations de la Commission des Clauses abusives, dès lors que la clause litigieuse autorisait le professionnel à conserver une indemnité de l'ordre de 40 % du prix sans que le quantum en soit modulé suivant le délai dans lequel intervient l'annulation procure un avantage excessif à ce cocontractant.
La SA SONESTA, appelante, demande à la Cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
Vu les articles 1131, 1134 et 1108 du NCPC, [N.B. : conforme à la minute]
Vu le contrat signé,
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
En conséquence,
- dire et juger que la clause incriminée est parfaitement claire et compréhensible et n'a pas pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat,
- constater la validité du contrat conclu le 14 juin 2000 entre la société SONESTA et Melle Y. et M. X. et l'absence de clauses abusives,
- dire et juger que la somme de 55.000 francs soit 909,18 euros versée par Melle Y. et M. X. à la société SONESTA doit restée acquise à la société SONESTA en vertu du contrat signé prévoyant expressément que « toute résiliation par le client d'une commande ou d'une réservation acceptée, qu'elle qu'en soit la cause, entraîne pour celui-ci la perte de l'acompte versé à titre d'indemnité forfaitaire définitive et irréductible »,
- débouter Melle Y. et M. X. de toutes leurs demandes fins et conclusions à l'encontre de la société SONESTA,
- condamner Melle Y. et M. X. au paiement de la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du NCPC,
- condamner Melle Y. et M. X. aux entiers dépens.
Monsieur X. et Melle Y., intimés, demandent à la Cour de :
Vu l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978,
[minute page 4] Vu l'article 1131 du Code civil,
Il est respectueusement demandé à la Cour d'appel de PARIS,
A titre principal,
- dire et juger abusive la clause selon laquelle « toute résiliation par le client d'une commande ou d'une réservation acceptée, qu'elle qu'en soit la cause, entraîne pour celui-ci la perte de l'acompte versé à titre d'indemnité forfaitaire définitive », et,
En conséquence,
- prononcer la nullité du contrat,
- condamner la société SONESTA à verser à Melle Y. et M. X. la somme de 9.909,19 euros à titre de remboursement des sommes versées,
A titre subsidiaire,
- dire et juger que le contrat signé par Melle Y. et par M. X. est dépourvue de cause,
En conséquence,
- prononcer la nullité du contrat,
- condamner la société SONESTA à verser à Melle Y. et M. X. la somme de 9.909,19 euros à titre de remboursement des sommes versées,
- prononcer l'exécution provisoire du jugement à intervenir,
- condamner la société SONESTA à verser à Melle Y. et M. X. la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du NCPC,
- la condamner aux entiers dépens de l'instance.
La Cour, en ce qui concerne les faits, la procédure, les moyens et prétentions des parties, se réfère au jugement et aux conclusions d'appel.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Considérant qu'il n'y a lieu de rejeter les écritures prises le 2 septembre 2003, par les intimés, dès lors, d'une part, que la clôture alors prévue le 4 septembre 2003 a été reportée au 18 septembre 2003, d'autre part, qu'il s'évince de cette nouvelle date que la SA SONESTA a eu un délai suffisant pour discuter ces écritures et éventuellement y répliquer ;
Considérant que, pour critiquer le jugement sur la condamnation prononcée contre elle, la SA SONESTA, après avoir rappelé que le contrat n'était pas dépourvu de cause, prétend que le contrat n'était pas nul à raison d'une clause abusive en faisant valoir, que les intimés ne peuvent utilement [minute page 5] invoquer le caractère abusif d'une clause d'un contrat qui serait nul, que ces derniers avaient exprimé leur consentement à cette clause parfaitement claire et compréhensible, de façon claire et avisée, tandis que l'organisation et l'acceptation des contrats de cette nature se fait généralement un an à l'avance, qu'il est constant qu'elle n'a pu proposer un contrat aux dates indiquées à un autre client, l'attestation produite n'étant pas pertinente, en sorte que l'abus prétendu n'a pas été caractérisé ;
Considérant que les intimés, après avoir maintenu que la clause était abusive, et s'être prévalu de l'attestation produite, pour alléguer l'enrichissement injuste d'un prestataire de service qui aurait perçu un double versement par la signature d'un contrat avec un autre client, prétend, à titre subsidiaire que le contrat serait nul pour absence de cause ;
Considérant, au vu des pièces produites que :
- le contrat litigieux se rapportait à une réception les 14 et 17 juin 2000 [N.B. lire 2001] pour un mariage, au HILTON ROISSY et HOLIDAY IN à raison de 700 Francs par personne pour 220 invités,
- ce contrat stipulait, entre autres dispositions, d'une part, un règlement de 30 % à la signature, de 50 % huit jours avant la réception, le solde, le jour de la réception et d'autre part, que « toute résiliation par le client d'une commande ou d'une réservation acceptée, quelle qu'en soit la cause, entraîne pour celui-ci, la perte de l'acompte à titre d'indemnité forfaitaire et définitive et irréductible »,
- par lettre du 27 novembre 2000, Madame Y., a sollicité la restitution de l'acompte de 65.000 Francs versé, lors de la signature du contrat, en se prévalant de l'annulation du mariage de sa fille,
- dans une attestation du 18 juin 2001, Z. indique que la SONESTA lui aurait indiqué que les dates des 14 et 17 juin 2001 n'étaient pas disponibles,
Considérant que, selon l'article L. 132-1 du code de la consommation stipule notamment que : « Dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre droits et obligations des parties au contrat.
[minute page 6] Des décrets en Conseil d'Etat, pris après avis de la commission instituée à l'article L. 132- 2 peuvent déterminer des types de clauses qui doivent être regardées comme abusives au sens du premier alinéa.
Une annexe au présent code comprend une liste indicative et non exhaustive des clauses qui peuvent être regardées comme abusives si elles satisfont aux conditions posées au premier alinéa. En cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le demandeur n'est pas dispensé d'apporter la preuve du caractère abusif de cette clause.
Ces dispositions sont applicables quelque soit la forme ou le support du contrat (- - -).
Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161, 1163 et 1164 du Code Civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l'exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l'une de l'autre.
Les clauses abusives sont réputées non écrites.
L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert.
Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses.
Les dispositions du présent article sont d'ordre public. »
Considérant que l'annexe visée au texte précité indique comme clauses visées au troisième alinéa de l'article L 132-1, les clauses ayant pour objet ou pour effet :
« d) de permettre au professionnel de retenir des sommes versées par le consommateur lorsque celui-ci renonce à conclure ou à exécuter le contrat, sans prévoir le droit, pour le consommateur, de percevoir une indemnité d'un montant équivalent de la part du professionnel lorsque c'est celui- ci qui renonce, [minute page 7]
e) d'imposer au consommateur qui n'exécute pas ses obligations une indemnité d'un montant disproportionnellement élevé, »
Considérant que, par application de l'article L. 132-4 du code de la consommation la commission des clauses abusives, par une recommandation de synthèse N° 91-2 a recommandé que, dans les contrats proposés par les professionnels aux non professionnels ou consommateurs, soient présumées abusives, sous réserve de ce que, dans un modèle de contrat particulier, il ne soit pas établi qu'elles ne résultent pas d'un abus de puissance économique et n'entraînent pas un avantage excessif pour leur rédacteur, les clauses ou combinaisons de clauses qui ont pour objet ou pour effet de :
« 13) obliger le non professionnel ou consommateur, sans motif valable, à payer une part excessive du prix, avant tout commencement d'exécution du contrat,
17) autoriser le professionnel à conserver des sommes versées par le non professionnel ou consommateur, lorsque celui-ci renonce à conclure ou exécuter le contrat, sans prévoir que lesdites sommes sont restituées au double si le professionnel fait de même, »
Considérant que, sans qu'il soit nécessaire d'entrer dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation que c'est par d'exacts motifs que le tribunal s'est prononcé ;
Qu'il suffit d'ajouter que :
- la clause litigieuse peut être regardée abusive tant au regard des dispositions précitées de l'annexe (articles d et e) que de la recommandation sus indiquée (articles 13 et 17),
- la clause, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au préjudice du consommateur, d'une part, parce que des dispositions similaires ne sont pas prévues lorsque c'est le professionnel qui renonce à l'exécution du contrat, d'autre part, en raison du montant de l'indemnité ;
- la SONESTA n'a, en tout état de cause, justifié par aucun élément précis des contraintes lui imposant de s'organiser plus de huit mois à l'avance et de ce qu'elle n'a pu organiser une autre réception aux mêmes dates et à des conditions identiques, ce qu'il lui était aisé de faire, si tel avait été le cas,
- [minute page 8] au regard de ce qui précède est dénuée d'intérêt l'argumentation tirée de la pertinence de l'attestation produite et de sa valeur probatoire ;
- par application de l'article L. 132-1 du code de la consommation la clause est réputée non écrite, puisqu'elle a été déclarée abusive ;
Considérant que l'équité commande de condamner la SA SONESTA à payer la somme de 1.500 EUROS à Monsieur X. et Melle Y., pris ensemble, au titre de l'article 700 du NCPC, le jugement étant confirmé sur cet article ;
Considérant que la SA SONESTA est condamnée aux dépens d'appel, le jugement étant confirmé en ses dispositions relatives aux dépens ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement ;
Y ajoutant ;
Condamne la SA SONESTA à payer la somme de 1.500 EUROS à Monsieur X. et Melle Y., pris ensemble, au titre de l'article 700 du NCPC ;
Condamne la SA SONESTA aux dépens d'appel ;
Admet la SCP MIRA BETTAN au bénéfice de l'article 699 du NCPC.
- 5747 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Sort du contrat - Clause affectant l’existence du contrat
- 5995 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Annexe à la Directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 et à l’ancien art. L. 132-1 C. consom.
- 5998 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Recommandations de la Commission des clauses abusives - Influence effective
- 6024 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Réciprocité - Réciprocité des prérogatives - Inégalité
- 6041 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Contraintes d’exécution - Professionnel - Contraintes de gestion
- 6082 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Consentement - Permanence du Consentement - Consommateur - Clause de dédit ou d’annulation
- 6453 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Traiteur