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CA PARIS (pôle 5 ch. 8), 6 janvier 2021

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 8), 6 janvier 2021
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 8
Demande : 17/21664
Date : 6/01/2021
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 24/11/2017
Référence bibliographique : 6150 (1171, présentation générale), 6151 (1171, application dans le temps), 6154 (art. 1134), 6155 (art. 1135), 6390 (obligation essentielle), 8261 (1171, domaine, contrat d’adhésion), 8395 (1171, clause sur l’objet principal), 9752 (1171 C. civ., financement)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8722

CA PARIS (pôle 5 ch. 8), 6 janvier 2021 : RG n° 17/21664 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Les intimés soutiennent que les clauses de conversion sont contraires à l'équilibre global des contrats ainsi qu'à la commune volonté des parties et que l'action tendant à ce qu'une clause soit déclarée non écrite n'est pas soumise à prescription. Invoquant les dispositions des articles 1170 et 1171 du code civil, ils arguent que l'intention du groupement Intermarché de tromper les époux X. sur la nature et la portée de leur engagement est certaine et que la clause de conversion ayant pour effet de rompre l'équilibre contractuel, lequel repose sur le droit du commerçant indépendant de conserver son indépendance et son magasin, doit être réputée non écrite.

La société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE relève que les dispositions du code civil, issues de la réforme du droit des contrats, sont inapplicables à la cause, s'agissant de contrats conclus avant son entrée en vigueur. Elle prétend, s'agissant de l'article 1171 du code civil, que la clause de conversion ne vide pas son obligation de sa substance, puisqu'elle a bien souscrit aux obligations et versé la somme de 2 millions d'euros à la société PLANUS, que le contrat d'émission d'obligations convertibles en actions n'est pas un contrat d'adhésion et que la clause de conversion ne produit en tout état de cause aucun déséquilibre significatif entre elle et la société PLANUS puisque la conversion a permis sa recapitalisation et l'allègement de son passif, favorisant ainsi son redressement. Elle soutient que les époux X. confondent leur intérêt personnel en termes de participation au capital, avec l'intérêt de la société PLANUS et l'exécution d'une convention et rappelle que la présente instance ne peut porter que sur la validité et l'exécution des contrats d'émission d'obligations convertibles en actions pour la société PLANUS et non sur les conséquences de cette exécution pour les époux X. qui ne sont pas parties aux contrats. [*]

Les dispositions des articles 1170 et 1171 du code civil, en vigueur le 1er octobre 2016, ne sont pas applicables en la cause, compte tenu de la date de conclusion des contrats litigieux. Cependant ces textes codifient la jurisprudence antérieure sur les clauses réputées non écrites et les clauses abusives.

Il doit être retenu que la clause de conversion des obligations en actions, qui ne figure pas dans un contrat d'adhésion et a été signée par deux sociétés commerciales, ne peut être envisagée sous l'angle du déséquilibre significatif qu'elle entraînerait entre les droits et les obligations des parties, puisqu'elle porte sur l'objet principal du contrat. En outre elle ne vide pas de toute sa substance l'obligation essentielle prévue par la convention puisqu'elle prévoit pour une partie l'obligation de consentir un financement à une autre en souscrivant à des obligations, et pour cette autre partie, celle de rembourser les fonds avancés dans un certain délai et précise que le non remboursement sera sanctionné par la conversion des obligations en actions.

Les intimés doivent donc en conséquence être déboutés de leur demande de ce chef. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 8

ARRÊT DU 6 JANVIER 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 17/21664 (20 pages). N° Portalis 35L7-V-B7B-B4QY5. Décision déférée à la cour : Jugement du 27 octobre 2017 - Tribunal de commerce de PARIS - RG n° 2017033739.

 

APPELANTE :

SAS ITM ALIMENTAIRE RÉGION PARISIENNE

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité, Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro XXX, Ayant son siège social [adresse], [...], Représentée par Maître Marie-Laure B., avocat au barreau de PARIS, toque : B0936, Assistée de Maître Jean-Alain J., avocat au barreau de PARIS, toque : K0002

 

INTIMÉS :

Monsieur X.

Né le [date] à [ville], Demeurant [adresse], [...]

Madame Y. épouse X.

Née le [date] à [ville], Demeurant [adresse], [...]

SAS PLANUS

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro XXX, Ayant son siège social [adresse], [...], Représentés par Me Jean-Philippe A., avocat au barreau de PARIS, toque : L0053, Assistés de Maître Héloïse C., avocat au barreau de PARIS, toque D1878,

SELARL G.-M., prise en la personne de Maître Francisque G., ès qualités d'administrateur judiciaire de la SAS PLANUS

Ayant son siège social [adresse], [...]

Maître Patrick L. DE G., ès qualités de mandataire judiciaire de la SAS PLANUS

Demeurant [adresse], [...], Représentés par Maître Pascale N.-V., avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

 

PARTIE INTERVENANTE :

SELARL AJRS, prise en la personne de Maître Thibaut M., ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SAS PLANUS

Ayant son siège social [...], [...], Représentée par Maître Pascale N.-V. de la SCP N. - H., avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l’article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 8 octobre 2019, en audience publique, devant la cour, composée de : Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre, Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère, Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère, qui en ont délibéré. Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT dans les conditions de l'article 805 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

La SNC ITM ENTREPRISES, propriétaire notamment des enseignes et marques INTERMARCHE, ECOMARCHE, BRICOMARCHE, est une société holding, qui a pour objet d'animer et de diriger le groupement INTERMARCHE dont elle détient, directement ou indirectement, l'essentiel du patrimoine, ainsi que les structures de service. Sa filiale, la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE est en charge des relations avec les adhérents au groupement de commerçants indépendants, dit « Groupement des Mousquetaires », de cette région, qui ont conclu un contrat de franchise avec la société ITM ENTREPRISES.

La société CLOVICA détenait 9374 des 9375 actions composant le capital social de la SAS PLANUS, qui a pour objet l'exploitation d'un fonds de commerce de distribution à dominante alimentaire de 2.500 m² situé [adresse], sous l'enseigne INTERMARCHE, l'action restante étant détenue par la société ITM ENTREPRISES.

Le 20 décembre 2011, M. X. et Mme X. ont acquis de la société CLOVICA, respectivement 4780 actions et 4148 actions de la SAS PLANUS, tandis que la société CLOVICA en a vendu 446 à la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE. Le prix des actions cédées a été fixé « de manière forfaitaire, ferme et définitive à 1 € pour un montant de capitaux propres de la société garanti par le vendeur à hauteur d'un euro ».

M.et Mme X. se sont engagés à signer le contrat d'enseigne d'une durée de 25 ans à intervenir entre la société PLANUS et la société ITM ENTREPRISES, lequel a été conclu le 2 janvier 2012 et contient une clause compromissoire.

Une convention de garantie d'actif et de passif a été signée le même jour.

Il est prévu à la convention que toute contestation qui s'élèverait entre les parties, relativement à son interprétation et à son exécution, serait soumise, d'abord, à un ou des conciliateurs, puis, en cas de non conciliation, à un ou des arbitres.

Le 5 mars 2012, la société PLANUS, représentée par M. X., et la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE, respectivement en qualité d'émetteur et de souscripteur, ont signé deux contrats d'émission d'obligations convertibles en actions portant chacune sur un million d'euros, divisé en 62.500 obligations convertibles (OC) d'une valeur de 16 euros chacune, « convertibles dans les conditions visées à l'article 5 ci -après en actions nouvelles de la société PLANUS », respectivement pour une durée de 5 et 7 ans. L'article 5.1.1 énumère parmi les cas de conversion le défaut de remboursement intégral par l'émetteur des OC à la date d'échéance du contrat, et stipule que, « si le souscripteur notifie à l'émetteur sa volonté de procéder à la conversion des OC en application du présent article, la totalité des OC pouvant faire l'objet d'une conversion seront converties en actions nouvelles de l'émetteur de plein droit et de façon automatique, par application de la parité », (une action nouvelle pour une OC présentée à la conversion).

Le même jour, le 5 mars 2012, M. X. et Mme X. et la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE ont signé une promesse unilatérale de cession d'actions aux termes de laquelle les premiers nommés se sont définitivement et irrévocablement engagés à vendre à la seconde l'intégralité des actions de la société PLANUS qu'ils détiendraient au jour de la levée d'option en cas de survenance de l'un des cas de conversion prévus à l'article 5.1.1 des contrats d'émission d'OC.

Des difficultés sont rapidement apparues lors de l'entrée en jouissance du fonds. M.et Mme X. ont reproché à la société CLOVICA et à M.B. son dirigeant, une situation de trésorerie mensongère, des marchandises non payées, une valorisation des stocks erronée, un transfert irrégulier de stock de marchandises vers un autre magasin de M. B. et des cotisations non payées. Ils ont fait grief à la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE de leur avoir communiqué, avant l'acquisition des titres, une étude de marché trompeuse, s'agissant de l'analyse de la concurrence, et, par voie de conséquence, des prévisions de chiffre d'affaires.

Le 12 décembre 2013, la société PLANUS a formulé une demande de mise en œuvre de la garantie de trésorerie à hauteur de 605.016,78 euros, consentie par la société CLOVICA, précisant qu'à défaut de réponse positive, elle mettrait en œuvre la clause d'arbitrage et d'expertise prévue au protocole d'accord et par ailleurs sollicité et obtenu du président du tribunal de commerce de Nanterre, le 28 décembre 2016, la désignation d'un mandataire ad hoc en la personne de Maître L. pour une durée d'un mois, prolongée de trois mois, avec pour mission de l'assister dans la recherche de toutes dispositions permettant d'assurer sa pérennité et dans la négociation et la rédaction de protocoles et actes qui consacreront les solutions adoptées. Par requête du 6 avril 2017, Maître L. a demandé qu'il soit mis fin à sa mission, au motif que le dirigeant de la société PLANUS allait demander l'ouverture d'une procédure collective.

Par lettre recommandée en date du 23 février 2017,la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE, constatant qu'aucun remboursement de la somme de 1 million d'euros n'était intervenu au terme du premier contrat d'émission d'obligations convertibles en actions d'une durée de 5 ans, soit au 20 janvier 2017, a notifié à la société PLANUS ainsi qu'à M. et Mme X. sa volonté de procéder à la conversion des 62.500 obligations convertibles en actions qu'elle avait souscrites, rappelant que, dès réception de la notification, elle deviendrait actionnaire de la société PLANUS à hauteur de ces actions, ce qui compte tenu des actions qu'elle possédait déjà la rendait actionnaire majoritaire de la société PLANUS à hauteur de 63.985 euros, M. et Mme X. n'en détenant que 29.764 actions. Elle ajoutait qu'aux termes des dispositions combinées des articles 4.5 et 5 du second contrat d'émission des OC, le changement de contrôle de la majorité des actions composant le capital social de la société constituait un cas d'exigibilité anticipée et qu'elle notifiait donc également sa volonté de procéder à la conversion en actions des 62.500 obligations convertibles souscrites dans le cadre du second contrat d'émission et ce par anticipation, et qu'ainsi elle détiendrait, au terme de cette seconde conversion qui s'effectuerait de plein droit et de façon automatique, 126.485 actions sur les 156.250 actions composant à présent le capital social de la société PLANUS, soit 80,1 %. Elle rappelait ensuite, que selon l'article 16 des statuts de la société PLANUS, le président personne physique contrôle personnellement, directement ou indirectement, plus de 50 % du capital en pleine propriété et des droits de vote définis sous le vocable « associé majoritaire », de sorte qu'à compter de la « réception/ notification » de son courrier, M. X. cesserait de plein droit ses fonctions de président de la société à compter de cette notification et que la cessation des fonctions du président, selon les statuts, entraînait celle du directeur général, Mme X.. Elle terminait en annonçant la prochaine convocation d'une assemblée générale, par ses soins, aux fins de nomination d'un nouveau président.

Le 10 mars 2017, M.et Mme X. ont initié deux procédures d'arbitrage, l'une contre leurs vendeurs, M. B. et la société CLOVICA fondée notamment sur la clause compromissoire stipulée au protocole de cession, l'autre à l'encontre des sociétés ITM ENTREPRISES et ITM ALIMENTAIRE RÉGION PARISIENNE fondée sur la clause compromissoire stipulée au contrat d'enseigne.

Le 21 mars 2017, la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE a convoqué les associés de la société PLANUS à une assemblée générale devant se tenir le 5 avril 2017 avec comme ordre du jour la constatation de la cessation du mandat de président de M. X., la nomination de la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE en qualité de nouveau président et la constatation de la cessation du mandat de directrice générale de Mme X.

Par ordonnance du 4 avril 2017, le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre, saisi par M.et Mme X. et la société PLANUS pour voir suspendre les effets de la notification par la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE de la conversion en actions des obligations souscrites selon les deux contrats d'émission d'obligations du 5 mars 2012 jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué sur les mérites de l'arbitrage introduit à l'encontre de la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE et de la société ITM Entreprises, a jugé la société PLANUS irrecevable en ses demandes et a débouté M.et Mme X. de toutes leurs demandes.

L'assemblée générale de la société PLANUS s'est tenue le 5 avril 2017, en présence de M. X. et Mme X. Les résolutions tendant à la constatation par l'assemblée générale de la cessation du mandat de président de M. X., à la nomination en qualité de nouveau président de la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE et à la constatation de la cessation du mandat de directrice générale de Mme X. ont été rejetées faute de réunir l'unanimité des votes.

Le 13 avril 2017, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société PLANUS et désigné la Selarl G.M., prise en la personne de Maître Francisque G., en qualité d'administrateur judiciaire et Maître Patrick L. de G., en qualité de mandataire judiciaire.

Le 14 avril 2017, la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE se prévalant de la conversion de la totalité des 125.000 obligations en actions réalisée le 23 février 2017 et des stipulations de l'article 5 de la convention, a notifié aux époux X. la levée de l'option d'achat des actions qu'ils détenaient dans la société PLANUS.

Autorisés à assigner à bref délai par ordonnance en date du 1er juin 2017, M. X., Mme X. et la société PLANUS, ont par acte du 7 juin 2017, fait assigner la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE et les mandataires judiciaires de la société PLANUS devant le tribunal de commerce de Paris qui a rendu la décision déférée.

Le 8 juin 2017, le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre a débouté la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE de sa demande de désignation d'un administrateur provisoire de la société PLANUS aux fins d'assurer la direction de la société pour pallier l'absence du président en exercice jusqu'à la désignation d'un nouveau président, aux motifs qu'elle ne justifiait pas de l'existence de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société PLANUS et menaçant celle-ci d'un péril imminent, que lors de l'assemblée générale du 5 avril 2017, la résolution tendant à voir constater la cessation du mandat de président de M. X. avait été rejetée, que la direction était assurée par M. X. en tant que président, figurant au K Bis, qu'il était assisté de Maître G., administrateur judiciaire, qui attestait que la société fonctionnait sans difficultés particulières, et qu'en toute hypothèse, l'administrateur judiciaire pourrait toujours, si besoin était, demander la conversion de sa mission.

Le 25 janvier 2018, la cour d'appel de Versailles, infirmant l'ordonnance de référé du 4 avril 2017 a suspendu les effets de la notification par la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE de la conversion en actions des obligations souscrites selon les deux contrats d'émission d'obligations du 5 mars 2012 et fait interdiction à la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE de se prévaloir d'aucune manière d'une quelconque conversion en actions des obligations souscrites et de solliciter une quelconque transcription sur les registres des actionnaires et des mouvements de titres, jusqu'à ce qu'il ait été statué par une décision irrévocable, sur la procédure initiée par eux devant le tribunal de commerce de Paris (ayant donné lieu au jugement déféré).

Le 16 mars 2018, le juge commissaire au redressement judiciaire de la société PLANUS a prononcé la résiliation du contrat d'enseigne conclu entre la société PLANUS et la société ITM ENTREPRISES, après avoir relevé que pendant la période d'observation, M.et Mme X. s'étaient rapprochés du Groupe Casino et que la société PLANUS avait proposé un plan de redressement par voie de continuation sur 5 ans avec le partenariat et le financement du Groupe Casino.

Le 28 juin 2018, le tribunal de commerce de Nanterre a homologué le plan de continuation de la société PLANUS, sous l'enseigne CASINO, présenté par M.et Mme X. et désigné la Selarl AJRS, prise en la personne de Maître Thibault M., commissaire à l'exécution du plan.

Par jugement rendu le 27 octobre 2017 ( objet du présent appel), le tribunal de commerce de Paris, au visa des articles 1109 et 1116 anciens du code civil, a dit recevables M.et Mme X. en leur action, dit recevable la société PLANUS en son action, dit valable l'assignation, dit non prescrite l'action en nullité pour dol engagée par M.et Mme X. et la société PLANUS, dit nulles pour dol les clauses de conversion des obligations en actions figurant à l'article 5.1.1 des deux contrats d'émission d'obligations convertibles en actions signés entre la société PLANUS et la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE, débouté M.et Mme X. de leur demande de dommages et intérêts, débouté la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE de ses demandes, débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au présent jugement, condamné la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE à payer 15. 000 euros à la société PLANUS au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et débouté M. Et Mme X. de leur demande de ce chef, dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire et condamné la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE aux dépens.

Pour statuer ainsi, le tribunal a, tout d'abord, dit que la qualité de dirigeants de M. et Mme X. dépendait de savoir si la conversion des obligations en actions, qui a donné la majorité à la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE à l'assemblée générale, était valable et que c'était justement l'objet du litige qui lui était soumis, ensuite qu'un tiers à un contrat a intérêt à agir dès lors que l'exécution de ce contrat est susceptible de lui causer un préjudice, enfin que la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE avait eu la possibilité de présenter sa défense. Sur la validité de l'exercice de l'option de conversion, il a jugé, contrairement à ce que M. et Mme X. prétendaient, qu'il était clairement stipulé au contrat les conséquences de l'absence de remboursement, et que la date d'échéance était le 20 janvier 2017. Sur la validité des clauses de conversion et l'action en nullité pour dol, il a jugé que la prescription n'était pas acquise, dès lors que « les clauses de conversion (avaient été) introduites dans les contrats sans qu'aient été explicitées [aux époux X.] les conséquences d'un tel engagement », que « l'assemblée générale de la société PLANUS approuvant les contrats d'émission d'obligations convertibles, dont la réunion (s'était tenue) sur papier, ne leur avait pas permis de poser les questions utiles sur la portée de leur engagement », et qu'ils ne l'avaient compris que « lorsqu'ils avaient reçu copie des actes le 19 août 2013 ». Sur le dol, après avoir relevé que les époux X., anciens artisans taxi, n'avaient aucune formation juridique sur des instruments financiers complexes tels que les OCA, n'avaient reçu aucune « mise en garde de leurs conseils choisis sur recommandation d'ITM » et soutenaient « valablement que s'ils avaient eu connaissance de la portée des clauses complexes figurant aux contrats et donc des conséquences possibles de leur engagement, ils n'y auraient pas souscrit en leur qualité de dirigeants et d'actionnaires de la société PLANUS », le jugement a retenu pour qualifier les manœuvres de dolosives que:

- « le concours proposé par ITM était destiné à remplacer des emprunts bancaires dont rien ne disait que les banques ne les auraient pas poursuivis, que les concours ainsi accordés par ITM étaient d'une durée équivalente à celle des emprunts bancaires mais d'un taux plus élevé, que cette substitution permettait en fait à M. B., cédant, dirigeant d'ITM et dont l'épouse siégeait à la commission d'attribution malgré le conflit d'intérêts évident, d'être libéré des cautions et garanties qu'il avait données aux banques et à la société ITM d'être remboursée des dettes accumulées à son égard sous la gestion déficitaire de M.B. »

- « ITM savait à la date de signature des contrats que l'exploitation des époux X., compte tenu des travaux du tramway, ne serait pas bénéficiaire avant 2017et que la situation financière ne permettrait pas à PLANUS de rembourser l'échéance de janvier 2017ce qui lui assurait la perspective certaine d'obtenir la majorité du capital de son franchisé »

- « ITM a rompu les discussions ouvertes dans le cadre de la procédure de conciliation... le lendemain de l'échéance des obligations convertibles sans démontrer que cette rupture ait été justifiée par un autre motif que celui de prendre la majorité chez son franchisé et de l'évincer »

- « c'est bien par des manœuvres favorisant son dirigeant, M.B., par rapport à PLANUS et aux époux X., et lui permettant de mettre fin à la gestion des époux X. sans avoir à dénoncer la franchise que l'engagement de la société PLANUS a été obtenu ».

Il en a conclu que les clauses de conversion des obligations étaient donc nulles et que la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE devait être déboutée de ses demandes tendant à constater la cessation des fonctions de président de M. X.

La société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE a relevé appel de cette décision par trois déclarations des 24 novembre 2017 et 30 novembre 2017, qui ont été jointes.

[*]

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 29 août 2019, la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE demande à la cour de se déclarer incompétente au profit de la juridiction arbitrale pour connaître des demandes formées par la société PLANUS et les époux X. tendant à la voir condamner :

- à verser à la société PLANUS la somme de deux millions d'euros à titre de dommages intérêts et aux époux X. la somme de 500.000 euros en réparation d'un prétendu préjudice subi du fait du dol allégué,

- à tenir la société PLANUS indemne et garantie de toute condamnation qui pourrait être prononcée en faveur d'ITM ENTREPRISES du chef de la résiliation du contrat d'enseigne,

- à payer à la société PLANUS la somme de 300.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire,

- à payer aux époux X. des dommages-intérêts d'un montant de 150.000 euros en réparation de leur préjudice moral, d'infirmer le jugement déféré, sauf en ce qu'il a constaté que la date d'échéance des conventions d'émission d'obligations convertibles en actions était fixée au 20 janvier 2017 et en ce qu'il a rejeté la demande en dommages-intérêts des époux X., statuant à nouveau, de constater que les époux X. ne sont plus dirigeants de la société PLANUS et n'ont donc plus le pouvoir de représenter la société PLANUS, et de ce chef, de dire et juger qu'en votant la résolution tendant à constater la cessation de plein droit des fonctions de président de M. X. par 126.486 voix contre 29.764 voix, l'assemblée réunie le 5 avril 2017 a adopté cette résolution, dire qu'en toute hypothèse, la décision de l'assemblée qui refuserait de constater la cessation des fonctions de président de M. X., ne pourrait avoir aucun effet dès lors que ces fonctions cessent de plein droit par l'effet de l'article 16-1 des statuts lorsque le président ne dispose plus de la majorité des droits sociaux, en conséquence, déclarer nulle pour vice de fond l'assignation introductive d'instance, à raison du défaut de pouvoir des époux X. ès-qualités de représentants légaux de la société PLANUS, juger que l'assignation ne contient aucun exposé des moyens et des faits venant à l'appui de la demande en indemnisation des époux X., en conséquence, déclarer nulle pour vice de forme l'assignation introductive d'instance, dire irrecevables comme nouvelles en cause d'appel et soutenues en violation de l'article 910-4 du code de procédure civile, les demandes formées par la société PLANUS et les époux X. tendant :

- à voir annuler « l'ensemble contractuel » constitué par le protocole de cession des parts de la société PLANUS par la société CLOVICA aux époux X. en sa présence et des deux contrats d'émission d'obligations convertibles en actions conclus entre la société PLANUS et elle-même,

- à la voir condamner à verser à la société PLANUS la somme de deux millions d'euros à titre de dommages intérêts et aux époux X. la somme de 500.000 euros en réparation d'un prétendu préjudice subi du fait du dol allégué, déclarer irrecevables comme nouvelles en cause d'appel et à tout le moins mal fondées les demandes des époux X. et de la société PLANUS tendant à la voir condamner

- à tenir la société PLANUS indemne et garantie de toute condamnation qui pourrait être prononcée en sa faveur d'ITM ENTREPRISES du chef de la résiliation du contrat d'enseigne,

- à payer à la société PLANUS la somme de 300.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire,

- à payer aux époux X. des dommages-intérêts d'un montant de 150.000 euros en réparation du préjudice résultant de la mise en place par elle-même du mécanisme de conversion et de la notification abusive de l'exercice de l'option de conversion, de constater que les époux X. ne sont pas parties au contrat d'émission d'obligations convertibles en actions, en conséquence, les dire irrecevables à présenter une quelconque demande dans l'intérêt de la société PLANUS, juger que les époux X. n'ont aucun intérêt à agir à la présente instance portant sur la validité et l'exécution de la clause de conversion stipulée au contrat d'émission d'obligations convertibles en actions, rejeter l'ensemble des prétentions de la société PLANUS et des époux X., juger que le consentement de la société PLANUS à la signature des contrats d'émission d'obligations convertibles en actions n'a pas été vicié pour dol, en conséquence, juger valable la clause de conversion stipulée aux contrats d'émission d'obligations convertibles en actions, dire qu'elle n'a pas abusé de son droit de procéder à la conversion des obligations en actions de la société PLANUS, en conséquence, rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions des époux X. et de la société PLANUS, juger valable et régulière la conversion des obligations en actions de la société PLANUS par elle-même, en tout état de cause, rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions des époux X. et de la société PLANUS, condamner in solidum M. et Mme X. et la société PLANUS à lui verser 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens de l'instance.

[*]

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 2 septembre 2019, la société PLANUS, M. X. et Mme May Y. épouse X. demandent à la cour de rejeter toutes les prétentions de la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE, confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit recevable la société PLANUS en son action, dit valable l'assignation, dit non prescrite l'action en nullité pour dol qu'ils ont engagée, dit nulles pour dol les clauses de conversion des obligations en actions figurant à l'article 5. 1.1 de chacun des deux contrats d'émission d'obligations convertibles en action signés entre la société PLANUS et la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE, débouté la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE de ses demandes, condamné la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE à payer 15.000 euros à la société PLANUS au titre de l'article 700 du code de procédure civile et débouté M. X. et Mme X. de leur demande de ce chef, condamné la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE aux dépens, et, statuant à nouveau, y ajoutant, à titre principal, prononcer la nullité pour manœuvres dolosives initiées par la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE de l'ensemble contractuel constitué d'un protocole de cession des parts de la société PLANUS par la société CLOVICA, cédant, aux époux X., cessionnaires en présence de la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE, franchiseur de la société PLANUS, de deux contrats d'émission d'obligations convertibles en actions de la société PLANUS, émetteur, à la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE, souscripteur, condamner la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE à verser à la société PLANUS la somme de 2 000 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par celle-ci du fait des manœuvres dolosives orchestrés par ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE, condamner ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE à verser aux époux X. la somme de 500 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par eux du fait desdites manœuvres dolosives, à titre subsidiaire, condamner ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE à payer à la société PLANUS la somme de 300.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, à payer aux époux X. des dommages-intérêts d'un montant de 150.000 euros en réparation du préjudice résultant de la mise en place par ITM Alimentaire Région Parisienne du mécanisme de conversion et de la notification abusive de l'exercice de l'option de conversion, en tout état de cause, condamner ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE à tenir la société PLANUS indemne et garantie de toute condamnation qui pourrait être prononcée en faveur d'ITM Entreprises du chef de la résiliation du contrat d'enseigne, débouter, la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE de l'ensemble de ses prétentions, réserver leurs droits à revendiquer à l'encontre de ITM ALIMENAIRE REGION PARISIENNE et ITM ENTREPRISES, devant la juridiction arbitrale, l'indemnisation sur le terrain du contrat d'enseigne et des autres conventions conclues (exécution, dénonciation) outre l'acquisition de la société PLANUS, condamner ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE à leur payer la somme de 25.000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

[*]

Par conclusions d'intervention volontaire et au fond déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 16 août 2019, la Selarl G.M., prise en la personne de Maître Francisque G., ès qualités d'administrateur judiciaire de la société PLANUS, Maître Patrick L. de G., en sa qualité de mandataire judiciaire de la société PLANUS, la Selarl AJRS, en la personne de Maître Thibault M., pris en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société PLANUS, demandent à la cour de mettre hors de cause Maître Francisque G. et Maître Patrick L. de G., en leur qualité respective d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la société PLANUS, juger recevable l'intervention volontaire de la Selarl AJRS, prise en la personne de Maître Thibault M., en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société PLANUS, confirmer le jugement déféré, en ce qu'il a jugé régulière et recevable l'action des consorts X. et de la société PLANUS, rejeter les exceptions de procédure et fins de non-recevoir soulevées par la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE, constater que Maître Thibault M., ès qualités, s'en rapporte à justice sur les demandes présentées par la société PLANUS et les époux X. et de statuer ce que de droit sur les dépens.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Sur l'exception d'incompétence :

La société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE demande à la cour de se déclarer incompétente au profit de la juridiction arbitrale pour connaître, des demandes formées par la société PLANUS et les époux X. tendant :

- à sa condamnation à payer à la société PLANUS la somme de deux millions d'euros de dommages intérêts et aux époux X. celle de 500.000 euros en réparation des préjudices consécutifs au dol allégué,

- à tenir la société PLANUS indemne et garantie de toute condamnation qui pourrait être prononcée en faveur d'ITM ENTREPRISES du chef de la résiliation du contrat d'enseigne,

- à payer à la société PLANUS la somme de 300.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire,

- à payer aux époux X. des dommages-intérêts d'un montant de 150.000 euros en réparation de leur préjudice moral.

Pour s'y opposer les intimés arguent d'une part, que la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE n'est pas partie au contrat d'enseigne, d'autre part s'agissant du protocole de cession d'actions, que le dol principal qui émane de la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE et affecte les contrats d'émission d'OC, lesquels ne comportent pas de clause compromissoire, a entrainé le dol affectant la consentement des époux X. au protocole de cession et enfin qu'aucun arbitrage n'est en cours entre la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE, la société PLANUS et les époux X.

La société PLANUS et les époux X. sollicitent à titre principal, respectivement 2 millions d'euros et 500.000 euros de dommages et intérêts dans l'hypothèse où la cour retiendrait que l'ensemble contractuel composé du protocole de cession et des contrats d'émission d'OC est nul en raison de l'existence d'un dol. Subsidiairement, ils formulent des demandes de dommages et intérêts de respectivement 300.000 euros et 150.000 euros en réparation pour la société PLANUS du préjudice subi du fait de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire et pour les époux X. du préjudice résultant de la mise en place du mécanisme de conversion et de la notification abusive de l'exercice de l'option de conversion.

Le protocole de cession d'actions de la société PLANUS comporte une clause compromissoire aux termes de laquelle les parties s'engagent à soumettre à des arbitres tout différend relatif à l'interprétation et à l'exécution des présentes non réglé par la procédure de conciliation.

Les demandes de dommages et intérêts de la société PLANUS et des époux X. formées à titre principal (2 millions et 500.000 euros) tendent à obtenir l'indemnisation de préjudices nés d'un dol qui affecterait 'l'ensemble contractuel' dans lequel ils incluent le protocole de cession des actions de la société PLANUS par la société CLOVICA. Il ressort de la pièce 15 de la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE, (courrier du professeur P. du 5 mai 2017) que le choix des arbitres a été fait. Dès lors, que ce contrat est l'objet d'un litige relevant de la juridiction arbitrale et qu'il n'est pas allégué que la convention d'arbitrage est nulle ou manifestement inapplicable, la cour se dira incompétente pour connaitre des demandes de dommages et intérêts fondées sur la nullité pour dol de 'l'ensemble contractuel'.

Il en sera de même de la demande de garantie due à la société PLANUS au titre des condamnations qui pourraient être prononcées en faveur d'ITM ENTREPRISES du chef de la résiliation du contrat d'enseigne, dès lors que le contrat d'enseigne conclu entre la société ITM ENTREPRISES, la société PLANUS et les époux X., stipule en son article 14 que tous les litiges auxquels le contrat pourra donner lieu seront résolus par voie d'arbitrage.

En revanche les demandes dites « subsidiaires » de dommages et intérêts relèvent de la compétence de la juridiction étatique dès lors qu'elles sont fondées uniquement sur le contrat d'émission d'OC, qui ne comporte pas de clause compromissoire.

 

Sur la nullité de l'assignation pour vice de fond :

La société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE soutient que les époux X. n'ont aucun pouvoir pour représenter la société, les conséquences attachées à l'exécution des conventions d'émission des obligations convertibles en actions et les statuts de la société PLANUS, leur ayant fait perdre leur qualité de dirigeants, dès avant l'assignation à l'origine de la présente instance.

Elle précise que selon l'article 16-1 des statuts de la société PLANUS, le président doit contrôler personnellement directement ou indirectement plus de cinquante pour cent (50 %) du capital et que les fonctions de président cessent de plein droit par la perte de cette qualité nécessaire, que l'article 18-2 des statuts stipule notamment que la cessation, quelle qu'en soit la cause, des fonctions du président, entraîne la cessation des fonctions du ou des directeur(s) général(aux) qu'il aura nommés, que cette situation s'est produite, le 23 février 2017, lors de la conversion des obligations convertibles en actions, qu'à tout le moins, M.et Mme X. ne peuvent plus représenter la société depuis l'assemblée générale du 30 décembre 2017 au cours de laquelle leur révocation a été votée.

La société PLANUS et M.et Mme X. répliquent qu'il est juridiquement et factuellement inexact d'affirmer que la notification de la conversion a mis fin de plein droit aux fonctions de président de M. X., que l'assemblée générale s'est tenue le 5 avril 2017, sans toutefois que les résolutions tendant à la destitution des dirigeants ne soient adoptées et qu'un autre président ait été désigné, faute pour la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE de disposer de l'unanimité requise par les dispositions de l'article 16.1 des statuts, qu'ainsi M. X. est demeuré le président « désigné dans les conditions prévues par les Statuts » de la société PLANUS, au sens de l'article L. 227-6 du code de commerce, et dispose de ce fait du pouvoir d'agir en justice, que par ordonnance du 8 juin 2017, le président du tribunal de commerce de Nanterre a débouté la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE de sa demande visant à faire nommer un administrateur chargé de procéder à la désignation d'un nouveau président, et qu'en tout état de cause, la cour d'appel de Versailles a suspendu les effets de la conversion des obligations en actions.

Le commissaire à l'exécution du plan de la société PLANUS soutient que les mandats de gestion n'ont pas été remis en cause par un acte juridique, que les époux X. sont toujours les seuls représentants légaux de la société PLANUS, qu'aucune révocation des mandats n'est intervenue, que l'assemblée du 5 avril 2017 a rejeté cette motion et que la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE a été déboutée de sa demande de nomination d'un administrateur judiciaire.

Selon l'article 117 du code de procédure civile, constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte, le défaut de capacité d'ester en justice, le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice, le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice.

Aux termes de l'article 16-1 des statuts de la SAS PLANUS, « la société est dirigée, administrée et représentée par un Président personne physique contrôlant personnellement directement ou indirectement plus de 50 % du capital en pleine propriété et des droits de vote défini sous le vocable « associé majoritaire ». Le Président est nommé par décision collective ordinaire des associés ».

Si selon les contrats d'émission des OC, la notification par le souscripteur de la conversion des obligations en actions le 23 février 2017 a pour effet que la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE et non plus M. X., détienne la majorité du capital social de la société PLANUS, il doit toutefois être relevé que l'objet de la présente instance porte précisément sur la contestation de la clause de conversion et son exercice et que l'issue qui sera réservée au litige aura une incidence sur les décisions qui pourront être prises en assemblée générale pour la désignation du président.

La qualité de dirigeant dépend de sa désignation par l'assemblée générale des associés dans les conditions fixées par les statuts.

Au 7 juin 2017, date de l'assignation, aucun président n'avait été nommé en remplacement de M. X. par décision collective de l'assemblée des associés, les résolutions en ce sens n'ayant pu être adoptées ni le 5 avril 2017, ni le 30 décembre 2017. D'autre part, M. X. n'avait pas été privé de sa qualité de représentant de la société PLANUS par une décision de justice. Au contraire, par arrêt du 25 janvier 2018, la cour d'appel de Versailles a suspendu les effets de la notification par la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE de la conversion en actions des obligations souscrites selon les deux contrats d'émission d'obligations du 5 mars 2012, et fait interdiction à la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE de se prévaloir d'aucune manière d'une quelconque transcription sur le registre des actionnaires et des mouvements de titres jusqu'à ce qu'il soit statué par une décision irrévocable sur la présente procédure.

Il s'ensuit que la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE doit être déboutée de sa demande d'annulation de l'assignation, le jugement déféré étant confirmé de ce chef.

 

Sur la nullité de l'assignation pour vice de forme :

La société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE expose que la seule demande faite à titre personnel par les époux X. dans cet acte consistait en l'octroi de dommages-intérêts à hauteur de la somme de 100.000 euros en raison d' ' une fraude dans les initiatives procédurales d'Intermarché', qui n'est, au demeurant, qu'une marque appartenant à la société ITM ENTREPRISES et, non à elle-même, et qu'elle même s'est contentée de saisir le président du tribunal de commerce de Nanterre aux fins de désignation d'un mandataire ad hoc ou d'un administrateur provisoire de la société PLANUS. Elle en déduit que la demande des époux X. n'est explicitée ni en droit, ni en fait, tant au regard de la personne prétendument responsable que de la prétendue faute et ne répond pas aux exigences de l'article 56 du code de procédure civile.

L'assignation n'est pas versée au débat. Il ressort cependant des mentions du jugement que les époux X. ont présenté dans leur assignation des demandes précises, qu'ils ont exposé les conséquences dommageables qu'aurait pour eux la conversion des obligations en actions en leur faisant perdre la majorité du capital de la société PLANUS et que la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE a été en mesure de présenter sa défense au regard de ces prétentions.

C'est en conséquence à juste titre que le tribunal a rejeté la demande d'annulation de l'assignation pour vice de forme.

 

Sur la demande de nullité pour dol :

Le 5 mars 2012, la société PLANUS, représentée par M. X., et la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE ont signé deux contrats d'émission d'obligations convertibles en actions, portant sur un million d'euros chacune, divisé en 62.500 obligations convertibles en actions, d'une valeur de 16 euros chacune, dans les cas visés aux contrats.

Le 23 février 2017, la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE, constatant qu'aucun remboursement n'était intervenu au terme du premier contrat d'une durée de 5 ans, soit au 20 janvier 2017, et que M. et Mme X. avaient indiqué ne pas être en mesure de rembourser la dette, a notifié à la société PLANUS et à M.et Mme X. sa volonté de procéder à la conversion des 62.500 obligations convertibles en actions qu'elle avait souscrites.

La société PLANUS et les époux X. demandent à la cour dans leurs dernières conclusions, d'une part, de confirmer le jugement en ce qu'il a dit non prescrite l'action en nullité pour dol et dit nulles pour dol les clauses de conversion des obligations en action figurant à l'article 5.1.1 de chacun des contrats d'émission, d'autre part, « statuant à nouveau et y ajoutant, A titre principal » de prononcer la nullité pour dol de « l'ensemble contractuel » constitué par le protocole de cession des parts de la société PLANUS et des deux contrats d'émission d'obligations convertibles en actions.

La cour ne s'étant pas reconnue compétente pour statuer sur la demande d'annulation de « l'ensemble contractuel », n'examinera que la demande d'annulation des clauses de conversion des obligations, la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE sollicitant l'infirmation du jugement sur ce point et les intimés sa confirmation.

 

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :

La société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE, qui conteste avoir commis le moindre dol, soutient que l'action en nullité pour dol se prescrit par cinq ans, conformément à l'article 2224 du code civil, qu'à l'expiration de ce délai, toute action en nullité est irrecevable et que seul un empêchement dirimant, une impossibilité d'agir, résultant de la loi ou de la force majeure, est de nature à suspendre le cours de la prescription, aux termes de l'article 2234 du code civil. Elle rappelle que le contrat d'émission d'obligations convertibles en actions ayant été signé le 5 mars 2012 l'action en nullité était donc prescrite depuis le 5 mars 2017 lorsque l'assignation a été signifiée le 7 juin 2017, et qu'il n'est pas justifié de retarder le point de départ de la prescription « à compter de l'année 2014/2015 ».

Les intimés prétendent que le point de départ de la prescription doit être reporté au jour où ils ont eu connaissance des faits leur permettant d'exercer l'action en nullité, précisant que lors de l'acquisition, comme lors de la signature des contrats d'émission, les époux X. n'étaient assistés que par les Juristes du Nord Associés, c'est-à-dire par les conseils habituels d'Intermarché, qui se sont abstenus, tout comme Intermarché, de leur signaler le caractère dolosif de l'engagement souscrit et ne leur ont fait retour des actes signés, ainsi que du procès-verbal de l'assemblée datée du 20 janvier 2012, qui fut une assemblée générale « papier », que le 19 mars 2013, soit plus d'un an après leur régularisation. Ils affirment que ce n'est que lorsqu'Intermarché a manifesté son intention de les exproprier du magasin, c'est-à-dire progressivement à compter de l'année 2014/2015, qu'ils ont pu prendre connaissance de la portée méconnue de la clause de convertibilité.

Aux termes de l'article 1304 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable à l'espèce, dans tous les cas où l'action en nullité d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure 5 ans. Ce temps ne court dans le cas de dol que du jour où il a été découvert.

L'action en nullité a été engagée le 7 juin 2017, plus de cinq après le 5 mars 2012, date non contestée des conventions comportant les clauses litigieuses.

Les intimés soutiennent cependant qu'ils n'ont pu découvrir « les manœuvres dolosives confinant à l'escroquerie dont ils avaient été victimes » qu'au cours des années 2014/2015 'quand ils ont dû constater non seulement l'absence totale de soutien du groupement en présence d'une situation difficile, mais les résultats très éloignés des prévisionnels pourtant établis sur les indications et avec le concours plus qu'actif du groupement', et qu'ainsi le point de départ de l'action en nullité doit être reporté à cette période, et à tout le moins à la date de réception des actes, le 19 mars 2013.

Les intimés ne sauraient pertinemment soutenir que la date de transmission des originaux des actes, notamment, des conventions d'émission d'OC, le 19 mars 2013, par le cabinet d'avocat à la société PLANUS, constitue le point de départ de l'action en nullité, dès lors qu'ils n'ont pas découvert la clause de conversion figurant au contrat en lisant l'original lui-même. En effet, ils en connaissaient l'existence dès le mois de décembre 2011, M. et Mme X. ayant préparé et participé à l'assemblée générale de la société PLANUS du 20 janvier 2012 au cours de laquelle a été adoptée la résolution autorisant l'émission, pour un montant de 2 millions d'euros, d'obligations convertibles en actions nouvelles de la société PLANUS et au cours de laquelle ont été arrêtés les termes précis des contrats d'émission, dont les dispositions sont intégralement reprises dans le procès-verbal de l'assemblée générale, qui a été signé par M. X. en qualité de président et d'associé, ainsi que par son épouse en sa qualité d'associée.

L'absence de réclamation par la société PLANUS et M.et Mme X. des originaux des contrats durant une année, alors qu'il s'agit d'engagements financiers particulièrement importants, accrédite le fait qu'ils étaient bien en possession d'un exemplaire du projet des contrats qu'ils avaient signés et qu'ils pouvaient s'y référer avant la réception de l'original du contrat.

M. X. et Mme X. sont tous deux titulaires d'un diplôme d'ingénieur. Ils ont de surcroît suivi une formation théorique et pratique au sein du Groupement des Mousquetaires au terme de laquelle ils ont été déclarés 'affectables' le 12 juillet 2011 avant de devenir adhérents du groupement. Ils sont dès lors, notamment M. X. en sa qualité de président de la société PLANUS, aptes à la lecture de convention et capables d'appréhender des données comptables et financières.

Contrairement à ce que soutiennent les intimés, le contrat d'émission des obligations convertibles n'est pas d'une complexité particulière pour un dirigeant de société et son mécanisme est clairement expliqué. Il y est précisé que la société PLANUS (l'émetteur) ayant besoin de renforcer ses quasi fonds propres, la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE (le souscripteur) met à sa disposition une somme de 2 millions d'euros, en souscrivant à des obligations, que cette somme doit être remboursée dans un certain délai (5 ans pour le premier contrat portant sur 1 millions d'euros, 7 ans pour le second de même montant), avec intérêts au taux fixe de 5 %. Les conditions dans lesquelles la dette devient exigible et celles dans lesquelles les obligations peuvent être converties en actions (article 5), ce qui transformera la qualité de la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE, laquelle, de créancière, deviendra actionnaire, sont précisément détaillées. Cette convertibilité, qui figure dans l'intitulé de la convention, est l'objet même du contrat, dont les différentes clauses sont déclinées autour de cette notion.

Eu égard à l'importance des sommes en jeu, la société PLANUS, représentée par son dirigeant M. X., a nécessairement été attentive aux dispositions de ces conventions.

Le mécanisme mis en place dans les conventions d'émission d'OC n'était destiné qu'à permettre à la société PLANUS de disposer de fonds propres, par le biais d'un prêt obligataire et non d'un apport. Ce schéma de financement est présenté dans les contrats comme une mesure transitoire, le souscripteur n'ayant pas pour objectif de prendre une participation dans la société d'exploitation franchisée et la conversion n'intervenant qu'en l'absence de remboursement à l'échéance.

Un tel mécanisme constitue un mode de financement des sociétés qui n'a rien d'exceptionnel et comporte également des risques pour le souscripteur, dès lors que les valeurs de l'obligation et de la parité sont fixées lors de la signature du contrat.

En ce qui concerne les années 2014 /2015, aucune pièce n'est versée aux débats susceptible de caractériser l'intention 'd'expropriation' et la découverte du dol à cette date. La circonstance que la société PLANUS n'ait pas été en capacité de faire face au remboursement des prêts à leurs échéances compte tenu de l'insuffisance de résultats du fonds de commerce ne permet pas de situer à cet instant la découverte du dol, alors que cette situation n'a eu pour conséquence que de faire jouer l'une des clauses du contrat.

Il n'appartient pas à la cour de se prononcer sur le contentieux opposant les époux X. aux cédants relativement à la convention de cession des actions, mais il peut être relevé qu'aux termes de ce contrat M.et Mme X. ont reconnu avoir une connaissance complète de l'environnement concurrentiel, de la perturbation de la zone de chalandise dans laquelle se situe la société PLANUS du fait des travaux de mise en place d'une ligne de tramway, mais aussi de la situation financière de la société, des pertes qu'elle avait subies et de ses difficultés, qui expliquaient que le prix des actions soit fixé à 1 euro. Ils ont été informés du montant des sommes restant dues au titre des emprunts contractés auprès de la BNP Paribas, et des garanties personnelles souscrites par les époux B. auprès de cet établissement bancaire. M. X. en sa qualité 'de futur dirigeant de la société PLANUS' s'est formellement engagé 'à rembourser par anticipation lesdits emprunts et à affecter en priorité l'emprunt obligataire convertible en actions qui sera contracté auprès de la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE au paiement desdites dettes bancaires et ce dans les 8 jours de la libération de 1'emprunt obligataire'.

Ainsi à la date de conclusion des conventions d'émission des OC, M. X., qui les a signées pour le compte de la société PLANUS, était informé que l'emprunt obligataire convertible en actions que la société PLANUS allait contracter auprès de la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE et devrait lui rembourser, était destiné au remboursement des emprunts garantis par les époux B. auprès de la BNP Paribas. La circonstance que le remboursement du prêt souscrit par la société PLANUS auprès de la BNP Paribas a permis de décharger M.et Mme B. de leur engagement personnel à l'égard de la banque, est sans incidence sur la date à laquelle les intimés ont été pleinement informés de la clause de conversion des obligations.

Rien ne démontre par ailleurs que la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE se serait engagée à ne pas mettre en jeu la clause de conversion en cas de difficultés de paiement figurant dans les contrats d'émission d'OC. Les allégations des intimés selon lesquelles « l'absence totale de soutien du groupement en présence d'une situation difficile » leur a fait prendre conscience de la portée de la clause de convertibilité des obligations en actions manque de pertinence, les pratiques supposées plus favorables de la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE à l'égard d'autres entités du groupement, ne pouvant réduire la portée des dispositions claires des contrats d'émission des OC signés avec la société PLANUS.

Il se déduit de ces éléments que la société PLANUS et ses dirigeants ont pu appréhender le sens et la portée des conventions d'émission d'OC dès leur signature, de sorte que la découverte du mécanisme de conversion ne dépend pas d'un événement ultérieur qui aurait retardé le point de départ de la prescription. L'action en nullité pour dol ayant été engagée plus de cinq ans après la conclusion des contrats, objets du litige, est en conséquence prescrite. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription.

 

Sur la demande tendant à voir déclarer les clauses de conversion non écrites :

Les intimés soutiennent que les clauses de conversion sont contraires à l'équilibre global des contrats ainsi qu'à la commune volonté des parties et que l'action tendant à ce qu'une clause soit déclarée non écrite n'est pas soumise à prescription. Invoquant les dispositions des articles 1170 et 1171 du code civil, ils arguent que l'intention du groupement Intermarché de tromper les époux X. sur la nature et la portée de leur engagement est certaine et que la clause de conversion ayant pour effet de rompre l'équilibre contractuel, lequel repose sur le droit du commerçant indépendant de conserver son indépendance et son magasin, doit être réputée non écrite.

La société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE relève que les dispositions du code civil, issues de la réforme du droit des contrats, sont inapplicables à la cause, s'agissant de contrats conclus avant son entrée en vigueur. Elle prétend, s'agissant de l'article 1171 du code civil, que la clause de conversion ne vide pas son obligation de sa substance, puisqu'elle a bien souscrit aux obligations et versé la somme de 2 millions d'euros à la société PLANUS, que le contrat d'émission d'obligations convertibles en actions n'est pas un contrat d'adhésion et que la clause de conversion ne produit en tout état de cause aucun déséquilibre significatif entre elle et la société PLANUS puisque la conversion a permis sa recapitalisation et l'allègement de son passif, favorisant ainsi son redressement. Elle soutient que les époux X. confondent leur intérêt personnel en termes de participation au capital, avec l'intérêt de la société PLANUS et l'exécution d'une convention et rappelle que la présente instance ne peut porter que sur la validité et l'exécution des contrats d'émission d'obligations convertibles en actions pour la société PLANUS et non sur les conséquences de cette exécution pour les époux X. qui ne sont pas parties aux contrats.

[*]

Les dispositions des articles 1170 et 1171 du code civil, en vigueur le 1er octobre 2016, ne sont pas applicables en la cause, compte tenu de la date de conclusion des contrats litigieux. Cependant ces textes codifient la jurisprudence antérieure sur les clauses réputées non écrites et les clauses abusives.

Il doit être retenu que la clause de conversion des obligations en actions, qui ne figure pas dans un contrat d'adhésion et a été signée par deux sociétés commerciales, ne peut être envisagée sous l'angle du déséquilibre significatif qu'elle entraînerait entre les droits et les obligations des parties, puisqu'elle porte sur l'objet principal du contrat. En outre elle ne vide pas de toute sa substance l'obligation essentielle prévue par la convention puisqu'elle prévoit pour une partie l'obligation de consentir un financement à une autre en souscrivant à des obligations, et pour cette autre partie, celle de rembourser les fonds avancés dans un certain délai et précise que le non remboursement sera sanctionné par la conversion des obligations en actions.

Les intimés doivent donc en conséquence être déboutés de leur demande de ce chef.

 

Sur l'efficacité de la levée d'option et de la conversion des obligations en actions :

L'article 5.2.1 du contrat d'émission des OC stipule que « l'Emetteur des OC s'engage à rembourser, à l'échéance du Contrat d'Emission d'OC, au Souscripteur, l'intégralité des sommes dues au titre du présent Contrat ».

L'article 5.1 prévoit que :

« Le Souscripteur aura la faculté de procéder à la conversion de tout ou partie des OC dans les cas suivants :

a) A défaut de remboursement intégral par 1'Emetteur des OC à la Date d'Echéance du présent Contrat,

b) Exigibilité anticipée des OC en application de l'article 4.5 « Cas d'exigibi1ité anticipée » ci-dessus ;

c) Défaut de paiement par l'Emetteur à son échéance de toute somme due au titre de l'article 4.4 ci-dessus, non régularisé dans un délai d'un (1) mois suivant la notification par le Souscripteur d'une mise en demeure enjoignant l'Emetteur de régulariser ledit défaut de paiement, ce défaut entrainant automatiquement une pénalité égale à 3 fois le taux d'intérêt légal appliquée sur les sommes dues.

(Ci apres les « Cas de Conversion »).

En cas de survenance d'un Cas de Conversion, le Souscripteur pourra notifier à 1'Emetteur sa volonté de convertir les OC dans les conditions visées ci-dessus dans un délai de 90 jours calendaires à compter de la survenance du Cas de Conversion.

Si le Souscripteur notifie à 1'Emetteur sa volonté de procéder à la conversion des OC en application du présent article, la totalité des OC pouvant faire l'objet d'une conversion seront converties en actions nouvelles de 1'Emetteur de plein droit et de façon automatique, par application de la Parité.

L'article 5.1.2 précise que la Parité est d'une action nouvelle pour une OC présentée à la conversion.

Par lettre recommandée du 23 février 2017, la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE, constatant qu'aucun remboursement n'était intervenu au terme du premier contrat d'émission, soit au 20 janvier 2017, a notifié à la société PLANUS, ainsi qu'à M. X. sa volonté de procéder à la conversion des 62.500 obligations convertibles en actions au titre du premier contrat, ainsi que sa volonté de convertir en actions les 62.500 obligations souscrites au titre du second contrat, en application des dispositions combinées des articles 4.5 et 5 du second contrat.

Les intimés soutiennent que l'exercice de l'option a été notifiée par la société ITM, avant le début de la période instaurée par les parties alors que la dette n'était pas exigible, de sorte qu'elle ne pouvait valablement s'opérer. Ils exposent que la date de souscription est le 5 mars 2012 et que l'échéance contractuelle est nécessairement le 5 mars 2017 pour le premier contrat et le 5 mars 2019 pour le second, la mention à l'article 4.3 des dates d'échéance au 20 janvier 2017 et au 20 janvier 2019 relevant d'erreurs matérielles qu'il y a lieu de corriger par application des articles 1188 et 1190 du code civil, étant à préciser que les règles d'interprétation des contrats, qui plus est dans le contexte du contrat d'adhésion imposé par Intermarché, conduisent nécessairement à donner à la clause de durée de l'emprunt le sens en résultant manifestement selon la volonté des parties, celle d'une durée de 5 ans à compter de la date d'émission.

La société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE soutient que les stipulations des conventions d'émission d'obligations convertibles en actions fixant la date d'échéance sont explicites et non sujettes à interprétation, que les intimés confondent à dessein la date d'émission et la date de souscription.

Le premier contrat d'émission des obligations convertibles stipule à l'article 4.3 intitulé « Durée de l'emprunt » que « les OC sont émises pour une durée de CINQ (5) ANS expirant après la Date d'Emission, soit le 20 janvier 2017 (ci-après la « Date d'Échéance »).A la Date d'Échéance, les OC feront l'objet, à défaut de remboursement intégral, d'une conversion selon les modalités visées à l'article 5 » ( en gras dans le texte).

« La Date d'échéance » est définie, dans le contrat lui-même (article 1-Définitions), comme étant « La date d'échéance des OC telle que visée à l'article 4.3 ci-dessous. »

Le second contrat est libellé dans des termes identiques sauf que « les OC sont émises pour une durée de sept (7) ANS expirant après la Date d'Emission, soit le 20 janvier 2019. »

Ainsi la date du 20 janvier 2017 et celle du 20 Janvier 2019 sont désignées, contractuellement, clairement et précisément, comme étant les dates d'échéance. Elles ne sauraient être considérées comme étant sujettes à interprétation ou le résultat d'erreurs purement matérielles qu'il conviendrait de rectifier, sous peine de dénaturer les contrats, étant relevé que les obligations ont été émises lors de l'assemblée générale de la société PLANUS du 20 janvier 2012 et que les contrats rappellent les conséquences de l'absence de remboursement à l'échéance.

Il s'ensuit que la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE a valablement notifié le 23 février 2017 sa décision de conversion des obligations en actions.

 

Sur l'abus par la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE d'une prérogative contractuelle :

Pour soutenir que l'exercice par la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE de l'option de conversion est constitutif d'un abus de prérogative contractuelle et demander à la cour de déclarer nul et de nul effet et en tout état de cause inopposable l'exercice de cette option, les intimés font valoir que la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE savait dès l'origine que l'emprunt ne pourrait pas être remboursé, que l'option de conversion n'avait pas d'autre objet que de prendre le contrôle du magasin, d'en exproprier les époux X., l'exercice par 'Intermarché' de la promesse de cession d'actions parachevant le mécanisme d'expropriation mis en place, contredisant ainsi les clauses du contrat, selon lesquelles l'objectif du souscripteur n'est pas la prise du contrôle du magasin, mais le renforcement des fonds propres de PLANUS.

Ils ajoutent que la société, qui s'était engagée dans le cadre de négociations en cours sous l'égide du tribunal de commerce de Nanterre à ne pas exercer la promesse avant la fin des négociations, a rompu les négociations dès qu'elle a estimé être en mesure de pouvoir faire jouer la clause de conversion, que la clause de conversion ne comporte aucune faculté de temporisation en cas de difficulté, la conversion étant acquise au profit du créancier quand bon lui semble, dès lors qu'il a exercé l'option, sans possibilité aucune de régularisation de la part de l'émetteur, jouant comme une clause de déchéance de plein droit, ce qui n'est pas conforme au principe du droit français en la matière, et que le fait d'invoquer en plus la clause de changement de contrôle contenue à l'article 4.5 des contrats d'émission d'obligations convertibles, pour prononcer l'exigibilité de l'émission obligataire ayant pour terme janvier 2019 (second contrat) caractérise de plus fort la mauvaise foi et l'abus du groupement Intermarché.

La société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE réplique que l'abus de droit n'est pas caractérisé dès lors qu'il est constant que la société PLANUS n'a pas remboursé l'emprunt, qu'elle ne pouvait pas s'abstenir de réclamer son dû, sous peine de voir incriminer un soutien abusif ou un acte anormal de gestion et que la conversion n'est que l'exécution de la convention, étant souligné que la conversion est dans l'intérêt de la société PLANUS qui a vu son passif diminué de 2 millions d'euros alors qu'elle aurait pu faire l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire. Elle rappelle que son but n'était pas de prendre le contrôle de la société PLANUS mais d'obtenir le remboursement des sommes prêtées, qu'elle a bien voulu participer à des négociations et que c'est le comportement des époux X. et du mandataire judiciaire qui est responsable de leur échec.

Les deux contrats d'émission d'obligations convertibles en actions ont été régulièrement formés et leur validité ne saurait être remise en cause.

Ces contrats prévoient l'obligation essentielle pour la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE de souscrire à l'emprunt obligataire émis par la société PLANUS, donc d'apporter à cette société un financement de 2 millions d'euros, et pour la société PLANUS de rembourser les sommes empruntées dans un délai déterminé (5 et 7 ans). Les contrats définissent expressément, et de manière tout aussi essentielle, les conséquences du défaut de paiement à l'échéance, lequel donne au souscripteur la possibilité de convertir les obligations en actions.

Il est constant, d'une part, que la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE a exécuté son obligation, et que les fonds qu'elle a procurés à la société PLANUS ont permis à cette dernière d'éteindre la dette qu'elle avait contractée envers la BNP Paribas, d'autre part, que la société PLANUS n'a pas remboursé, même partiellement, à l'échéance l'emprunt dont elle avait bénéficié.

Il ne peut être sérieusement prétendu, en l'absence de tout document en ce sens, que la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE a pris l'engagement formel de s'abstenir de mettre en jeu la clause de conversion des obligations en actions. Si elle a accepté de négocier avec la société PLANUS sous l'égide du mandataire ad hoc, il ne saurait être déduit de l'échec de ces négociations le fait que la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE avait à l'origine la volonté de s'approprier la société PLANUS et de priver les époux X. de leur investissement. Ni la société PLANUS, ni les époux X. ne démontrent avoir été en capacité de régler la somme d'un million d'euros à l'échéance du 20 janvier 2017 ou même au cours des négociations, étant relevé qu'aucun versement même partiel n'est intervenu avant l'exercice de l'option. Le fait que la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE a pu dans d'autres circonstances décider de ne pas faire usage de la faculté de conversion dont elle disposait et recourir à des solutions alternatives pour résoudre les difficultés d'autres adhérents à faire face à leurs engagements, n'est pas constitutif de droit pour la société PLANUS et ne caractérise pas un abus du souscripteur dans l'exercice de la faculté de conversion à l'égard de la société PLANUS, chaque situation étant spécifique. En l'espèce, la situation était devenue irréversible, la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE reprochant à la société PLANUS sa mauvaise gestion et son mauvais entretien du point de vente, rejaillissant sur l'image du groupement des Mousquetaires, et la société PLANUS ayant demandé l'ouverture d'une procédure collective et décidé de changer d'enseigne.

Il s'ensuit que la société PLANUS et les époux X. ne démontrent aucune circonstance ayant fait dégénérer en abus le droit de la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE d'exercer son option de conversion.

Leur demande de ce chef sera écartée.

 

Sur les demandes indemnitaires :

Compte tenu de la décision de la cour, toutes les demandes dites 'subsidiaires' de dommages et intérêts présentées par les intimés doivent être rejetées.

 

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Les intimés, qui succombent et seront condamnés aux entiers dépens, ne peuvent prétendre à l'octroi de sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront infirmées.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Dit la cour incompétente pour connaître des demandes de dommages et intérêts formées à titre principal par la société PLANUS, ainsi que M.et Mme X. fondées sur la nullité pour dol de ' l'ensemble contractuel' constitué du protocole de cession des actions et des contrats d'émission des obligations convertibles, et pour connaître de la demande de garantie au titre du contrat d'enseigne,

Rejette l'exception d'incompétence portant sur les demandes de dommages et intérêts formées à titre 'subsidiaire' par la société PLANUS ainsi que M. et Mme X.

Met hors de cause, sur leur demande, la Selarl G.M., prise en la personne de Maître Francisque G., en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société PLANUS, et Maître Patrick L. de G., en sa qualité de mandataire judiciaire de la société PLANUS,

Reçoit la Selarl AJRS, prise en la personne de Maître Thibault M., en son intervention volontaire en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société PLANUS,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit valable l'assignation délivrée le 7 juin 2017 par la société PLANUS, M. X. et Mme X., en ce qu'il a débouté M. et Mme X. de leur demande de dommages et intérêts, ainsi que de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'infirme en ce qu'il dit l'action en nullité non prescrite, a dit nulles pour dol les clauses de conversion des obligations au titre des deux contrats d'émission d'obligations convertibles, et a condamné la société ITM ALIMENTAIRE REGION PARISIENNE au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit l'action et les demandes relatives au dol irrecevables comme étant prescrites,

Rejette la demande tendant à voir déclarer non écrites les clauses de conversion des obligations en actions, figurant dans les conventions d'émission des obligations convertibles du 5 mars 2012,

Rejette la demande tendant à voir déclarer de nul effet ou inopposable pour abus d'une prérogative contractuelle l'exercice des clauses permettant la conversion des obligations en actions,

Déboute la société PLANUS et les époux X. de leurs demandes de dommages et intérêts,

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la société PLANUS, M. X. et Mme X. aux dépens de première instance et d'appel et admet pour ces derniers l'avocat concerné au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

La greffière,                          La Présidente,

Liselotte FENOUIL             Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

 

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