CA MONTPELLIER (2e ch. A), 3 décembre 1998
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 949
CA MONTPELLIER (2e ch. A), 3 décembre 1998 : RG n° 97/0006242
Publication : Lamyline
Extrait : « Par ailleurs, le champ d'application de la loi est limité en ce qui concerne les personnes protégées et seules les personnes physiques (article L. 121-21) bénéficient de la loi qui ne s'étend pas aux personnes morales. Dans le cas présent, la société LA CRÊPERIE, société commerciale, a conclu un contrat de location pour faciliter le traitement des opérations par chèques effectuées par la clientèle. Un tel contrat, assorti d'un service de maintenance assuré par la société WHICH, conclu pour faciliter l'exercice d'une activité professionnelle relève de l'exclusion légale alors surtout qu'il n'est nullement nécessaire pour le gérant de la société concernée de disposer de compétences particulières pour pouvoir apprécier, compte tenu de la simplicité du matériel loué, de l'opportunité voire du prix du contrat proposé ».
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
DEUXIÈME CHAMBRE SECTION A
ARRÊT DU 3 DÉCEMBRE 1998
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 97/0006242. A982A. 5463. Sur le jugement rendu par LE TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN le 27 octobre 1997 sous le n° 96/841.
APPELANTE :
SA SAPAR LOCATION
Représentée par son Président Directeur Général domicilié en cette qualité au siège social sis [adresse], ayant pour avoué constitué Maître ROUQUETTE, assisté de Maître COSTE Alain, Avocat au barreau de Montpellier
INTIMÉE :
SARL LA CRÊPERIE
Représentée en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité au siège social sis [adresse], ayant pour avoué constitué la SCP ARGELLIES-TRAVIER (réf. ARG72098), assisté de Maître CAILLAUD, Avocat au barreau de PERPIGNAN, substituant la SCP DOMERG-MEJEAN, Avocat au barreau de PERPIGNAN
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 12 octobre 1998.
[minute page 2] COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : OTTAVY Jean-Loup, Président de Chambre, MININI Jeanne, Conseiller, DERDEYN Patrick, Conseiller.
GREFFIER : PAINTRAND Catherine lors des débats et GRELLEPOIX Marie-Christine lors du prononcé.
DÉBATS : en audience publique le QUINZE OCTOBRE MIL NEUF CENT QUATRE-VINGT-DIX-HUIT à 09H15 devant MININI Jeanne, Conseiller, qui, avec l'accord des conseils des parties, a entendu les plaidoiries et en a rendu compte à la cour composée comme indiqué dans son délibéré. L'affaire a été mise en délibéré au 26 novembre 1998 puis le délibéré prorogé au 3 décembre 1998.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE, prononcé en audience publique le TROIS DÉCEMBRE MIL NEUF CENT QUATRE-VINGT-DIX-HUIT par OTTAVY Jean-Loup, Président. Le présent arrêt a été signé par OTTAVY Jean-Loup, Président, et par le greffier présent à l'audience.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] LES FAITS ET LA PROCÉDURE :
Le 20 avril 1995, après démarchage effectué par un représentant de la SA WHICH, la SARL LA CRÊPERIE a conclu un contrat de location avec la SA SAPAR LOCATION portant sur un lecteur de chèques dont la maintenance devait être assurée par la société WHICH. Le contrat a été conclu pour une durée de 4 années moyennant le versement de loyers d'un montant de 569,28 francs TTC.
Le matériel ainsi financé a été installé dans le fonds de commerce exploité au [ville] par la société LA CRÊPERIE le 21 avril 1995.
Le 26 avril 1995, la SARL LA CRÊPERIE a dénoncé le contrat et a sollicité la reprise du matériel. Les sociétés WHICH et SAPAR LOCATION, invoquant l'inefficacité de la dénonciation dès lors que le contrat a été conclu par un professionnel non protégé par le droit de la consommation (loi sur le démarchage à domicile) et pour une durée irrévocable de 48 mois, ont refusé de prendre en considération la volonté du locataire de mettre fin au contrat de location.
La SA SAPAR LOCATION, constatant l'absence de tout règlement des loyers, a procédé à la résiliation du contrat de location aux torts du locataire et a exigé de la SARL LA CRÊPERIE le paiement des loyers restés impayés (8.644,80 francs) et le paiement des indemnités de résiliation prévues au contrat (loyers à échoir soit 19.103,04 francs et indemnité de 10 % de la totalité des sommes dues, soit 2.774,78 francs) soit au total la somme de 30.522,62 francs.
Le matériel installé dans le fonds de commerce de la société LA CRÊPERIE a été repris le 11 septembre 1995.
Suivant exploit d'huissier en date du 22 août 1996, la SA SAPAR LOCATION a attrait devant le Tribunal de Commerce de Perpignan la SARL LA CRÊPERIE en paiement des sommes de 30.522,62 montant de l'indemnité contractuelle, 5.000 francs à titre de dommages et intérêts et de 5.000 francs au titre des frais non taxables exposés outre les entiers dépens.
La société LA CRÊPERIE s'est opposée à ces demandes en invoquant l'application de la loi du 22 décembre 1972 sur le démarchage à domicile et la dénonciation du contrat de location valablement intervenue dans le délai légal.
Par Jugement en date du 27 octobre 1997, le Tribunal de Commerce de Perpignan a fait droit au moyen de droit soulevé par la société LA CRÊPERIE et a donc débouté la SA SAPAR LOCATION de ses demandes tout en la condamnant au paiement de la somme de 5.000 francs au titre des frais non taxables exposés outre les entiers dépens.
[minute page 4] La SA SAPAR LOCATION a relevé appel de cette décision. Elle conteste l'application de la loi sur le démarchage à une société commerciale peu importe par ailleurs le fait que le matériel loué n'entre pas dans le cadre de l'activité exercée. Elle a donc conclu à .la réformation de la décision déférée et à la condamnation de la société LA CRÊPERIE au paiement de la somme de 30.522,62 francs outre intérêts de droit à compter de l'assignation et ce à titre d'indemnité pour résiliation du contrat de location aux torts exclusifs du locataire. Elle a sollicité également la condamnation de la société LA CRÊPERIE au paiement des sommes de 5.000 francs à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et de 5.000 francs au titre des frais non taxables exposés pour la défense de ses intérêts.
La SARL LA CRÊPERIE a conclu à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a débouté la société SAPAR LOCATION de ses réclamations. Elle fait observer que bien qu'étant une société commerciale, elle peut bénéficier de la loi protectrice sur le démarchage à domicile alors surtout que le système monétique installé est étranger à son activité professionnelle et saisonnière et alors que la société de financement a agi avec mauvaise foi en se présentant dans le fonds de commerce au moment de la pleine activité surprenant ainsi le consentement du gérant.
Elle a formé appel incident afin d'obtenir l'indemnisation du préjudice subi du fait des pratiques déloyales de la société SAPAR LOCATION et a sollicité sa condamnation au paiement des sommes de 50.000 francs à titre de dommages et intérêts et de 10.000 francs au titre des frais non taxables exposés outre les entiers dépens.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE / MOTIFS DE LA DÉCISION :
Selon l'article L. 121-22 alinéa 4 du code de la consommation, ne sont pas soumises aux articles L. 121-23 et suivants du même code, les ventes, locations et locations-ventes de biens ou de prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale et artisanale ou de toute autre profession.
Par ailleurs, le champ d'application de la loi est limité en ce qui concerne les personnes protégées et seules les personnes physiques (article L. 121-21) bénéficient de la loi qui ne s'étend pas aux personnes morales.
Dans le cas présent, la société LA CRÊPERIE, société commerciale, a conclu un contrat de location pour faciliter le traitement des opérations par chèques effectuées par la clientèle.
Un tel contrat, assorti d'un service de maintenance assuré par la société WHICH, conclu pour faciliter l'exercice d'une activité professionnelle relève de l'exclusion légale alors surtout qu'il n'est nullement nécessaire pour le gérant de la société concernée de disposer de compétences particulières pour pouvoir apprécier, [minute page 5] compte tenu de la simplicité du matériel loué, de l'opportunité voire du prix du contrat proposé.
En conséquence, la Cour, infirmant le jugement déféré, dit que le contrat conclu par la société LA CRÊPERIE ne peut bénéficier des dispositions protectrices du code de la consommation en matière de démarchage.
La société LA CRÊPERIE qui a refusé de payer les loyers du matériel conformément aux clauses contractuelles, encourt donc la résiliation qui ajustement été prononcée par la société SAPAR `LOCATION à compter du mois de juillet 1995.
Toutefois, l'indemnité de résiliation stipulée à l'article 6 du contrat de location doit s'analyser en une clause pénale dès lors qu'elle constitue une évaluation forfaitaire des éventuels dommages causés au créancier par l'inexécution de l'obligation principale, l'aspect indemnitaire se doublant d'une vocation comminatoire.
Cette clause est soumise au pouvoir modérateur du juge prévu par l'alinéa 2 de l'article 1152 du code civil. A cet effet, le juge doit apprécier, même d'office, le caractère dérisoire ou excessif de la clause pénale en se plaçant au jour où il statue et en comparant le montant de la peine à celui du préjudice subi.
Dans le cas présent, si le contrat de location avait été poursuivi à son terme, la SA SAPAR LOCATION aurait dû encaisser en avril 1999 la somme de 27.325,44 francs au titre de la totalité des loyers.
Du fait du non paiement des loyers, elle n'a, à ce jour, encaissé aucune somme mais elle a obtenu, dès le 11 septembre 1995, la restitution du matériel placé chez le locataire, matériel jamais mis en service et récupéré, selon le procès-verbal établi, en bon état donc en état d'être à nouveau proposé à la clientèle.
En conséquence, en réclamant au titre de l'indemnité de résiliation la somme de 30.522,62 francs, la Cour dit que la société SAPAR LOCATION sollicite une indemnité manifestement excessive qu'il convient de réduire à la somme de 7.000 francs. La SARL LA CRÊPERIE doit donc verser la somme totale de :
- loyers impayés en juillet 1995, date de la résiliation du contrat 569,28 x 3 = 1.707,84 Francs,
- indemnité de résiliation : 7.000 francs,
soit au total la somme de 8.707,84 francs outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation.
La résistance opposée par la société LA CRÊPERIE n'ayant pas revêtu de caractère abusif, la Cour écarte la réclamation en paiement de dommages et intérêts présentée par la société SAPAR LOCATION qui, par contre, devra recevoir la somme de 3.000 francs au titre des frais non taxables exposés.
Vu l'article 696 du nouveau code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 6] PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et après en avoir délibéré.
Reçoit les appels en la forme.
Infirme le jugement rendu le 27 octobre 1997 par le Tribunal de Commerce de Perpignan.
Statuant à nouveau : condamne la société LA CRÊPERIE à payer à la société SAPAR LOCATION les sommes de 8.707,84 francs outre intérêts au taux légal à compter du 22 août 1996 et de 3.000 francs au titre des frais non taxables exposés.
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
Condamne la SARL LA CRÊPERIE aux entiers dépens et autorise Maître ROUQUETTE, Avoué à recouvrer directement ceux exposés en appel conformément à l'article.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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