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CA ROUEN (2e ch.), 23 novembre 2000

Nature : Décision
Titre : CA ROUEN (2e ch.), 23 novembre 2000
Pays : France
Juridiction : Rouen (CA), 2e ch.
Demande : 99/00172
Date : 23/11/2000
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Revue de jurisprudence de droit des affaires
Décision antérieure : T. COM. ROUEN, 16 novembre 1998
Numéro de la décision : 733
Décision antérieure :
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 979

CA ROUEN (2e ch.), 23 novembre 2000 : RG n° 99/00172 ; arrêt n° 733 (?)

Publication : RJDA 2001/3, n° 372

 

Extraits : 1/ « Madame X. qui exploite un fonds de commerce de bar a conclu, le 17 janvier 1997, deux contrats, l'un de prestations de téléphonie avec la société TELESIX et l'autre de location de publiphone à pièces avec la société Cofilion qui était représentée par la société Cofigest » […] « Qu'en l'espèce, la location par madame X. d'une installation destinée à constituer un moyen d'assurer des recettes supplémentaires avait un rapport direct avec l'activité professionnelle, s'agissant d'un commerce permettant à des clients de consommer sur place où ils pouvaient être attirés par la présence de l'installation, qui, par sa nature est destinée à l'utilisation du public ; Que dès lors il existe un rapport direct entre l'objet du contrat litigieux et l'exploitation du bar qui empêche madame X. d'invoquer la nullité du contrat conclu pour non respect des dispositions de l'article L. 123-23 du code de la consommation relatives aux mentions que doivent obligatoirement comporter les contrats dont font l'objet les opérations soumises à la réglementation du démarchage, et ce, malgré la référence qui est faite dans les contrats à ces dispositions faute de preuve que les parties et spécialement madame X. qui y avait intérêt, mais se prévaut de la nullité du contrat, ont entendu, en dehors des conditions générales du contrat, s'y référer expressément ».

2/ « Attendu que le premier juge a encore considéré que le contrat litigieux était dépourvu de cause dans la mesure où l'économie voulue par les parties était impossible ; que selon la société Prefi il n'est pas établi que la cause des obligations de madame X. était de réaliser un profit provenant de l'usage, par les consommateurs de son bar, de ce matériel, mais qu'en réalité elle souhaitait leur procurer un service supplémentaire, leur permettant de téléphoner sur place et donc de rester plus longtemps sur place pour consommer ;

Mais attendu que c'est précisément grâce aux recettes du publiphone et aussi à celles procurées par les recettes supplémentaires des clients que madame X. pouvait réaliser un profit ; Qu'à cet égard elle verse aux débats le relevé d'une facture téléphonique démontrant que les consommations s'élevaient à 343,41 francs pour deux mois y compris le coût de l'abonnement professionnel, de janvier à mars 1998 ; Qu'elle justifie de l'envoi d'un courrier à la société Cofilion le 11 mars 1999 où elle fait valoir qu'elle a décidé de renvoyer l'appareil qui n'était pas rentable ; Qu'ainsi, force est de constater, qu'en vertu des contrats souscrits pour deux années le fournisseur s'engageait à fournir un matériel d'un coût mensuel hors taxe de 390 francs, mais qu'au regard de l'engagement de l'acquéreur de payer ce prix, l'utilisation de l'appareil apparaît dérisoire et par conséquent l'avantage procuré par le fournisseur est disproportionné au point que le contrat est dénué de cause dès lors qu'est établi le défaut de toute contrepartie réelle à l'obligation de payer le prix de la location de l'appareil ».

 

COUR D’APPEL DE ROUEN

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2000

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 99/00172. DÉCISION ATTAQUÉE : T. Com. ROUEN du 16 novembre 1998.

 

APPELANTE :

SA PREFI venant aux droits de la société COFILION

[adresse], représentée par Maître COUPPEY (avoué à la Cour) assistée de Maître NIZOU-LESAFFRE, avocat

 

INTIMÉE :

Madame X.

[adresse] représentée par la SCP HAMEL FAGOO (avoués à la Cour), assistée de Maître Gwennaëlle LEGIGAN-JUNG substituant Maître SILIE (avocat au barreau de ROUEN), (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro […] du […] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Rouen).

 

COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats et du délibéré : Madame CREDEVILLE, Président ; Monsieur BLOCH, Conseiller ; Madame BRUMEAU, Conseiller.

[minute originale non paginée, en fait page 2]

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame LECUYER, Greffier.

DÉBATS : A l'audience publique du 12 octobre 2000, où l'affaire a été mise en délibéré au 23 novembre 2000.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE.

Prononcé à l'audience publique du 23 novembre 2000 par Madame le Président CREDEVILLE qui a signé la minute avec Madame LECUYER, Greffier présent à cette audience.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute originale page 1, en fait page 3] FAITS ET PROCÉDURE :

Madame X. qui exploite un fonds de commerce de bar a conclu, le 17 janvier 1997, deux contrats, l'un de prestations de téléphonie avec la société TELESIX et l'autre de location de publiphone à pièces avec la société Cofilion qui était représentée par la société Cofigest ;

Le matériel a été livré et installé le 13 février 1997, mais aucune mensualité n'ayant été réglée la société Firent venant aux droits de la société Cofigest a mis en demeure madame X. de lui payer la somme de 24.883,95 francs représentant les loyers impayés de février 1997 à novembre 1997 et ceux restant à échoir de février 1998 à novembre 2000, puis l'a fait assigner en paiement ainsi que pour voir constater que le contrat avait été résilié de plein droit huit jours après la mise en demeure du 26 novembre 1997;

Par jugement du 16 novembre 1998 le tribunal de commerce de Rouen a prononcé la nullité du contrat, condamné madame X. à régler à la société Cofilion la somme de 600 francs au titre de la jouissance de l'appareil installé dans le bar depuis le 3 février 1997, dit que cet appareil devait être restitué après avertissement délivré par lettre recommandée de la date de l'enlèvement et condamné la société Cofilion à payer à madame X. la somme de 4.500 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

 

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Madame X. qui a interjeté appel de cette décision, a conclu le 31 août 1999 pour voir :

- débouter la société Cofilion de ses demandes ;

- constater, et à défaut prononcer la nullité du contrat de prestations de téléphonie et de location, par application de l'article L. 121-23 du code de la consommation et surabondamment de l'article 1131 du code civil ;

- subsidiairement lui accorder des délais de paiement ;

Elle fait valoir que le contrat qui en vise expressément les dispositions est soumis au code de la consommation et qu'il doit être annulé dans la mesure où il ne comporte pas l'indication globale du prix à payer; à titre surabondant elle soutient que le contrat est nul pour absence de cause, l'économie voulue par les parties étant impossible ;

[minute originale page 2, en fait page 4]

La société Prefi venant aux droits de la société Cofilion a conclu le 28 février 2000 à l'infirmation de la décision :

- à titre principal qu'il soit constaté que le contrat a été résilié de plein droit huit jours après l'envoi de la lettre de mise en demeure et que madame X. soit condamnée au paiement de la somme de 24.883,95 francs outre les intérêts de droit à compter du 26 novembre 1997 et les intérêts capitalisés ;

- à titre subsidiaire à la condamnation au paiement de la somme de 24.883,95 francs à titre de dommages et intérêts outre une indemnité de jouissance de 470,34 francs par mois du 3 février 1997 jusqu'à la date de restitution du matériel ;

- en tout état de cause, à la réformation de la décision quant au montant de l'indemnité de jouissance et à la condamnation de madame X. à verser à ce titre une somme mensuelle de 470,34 francs du 23 février 1997 jusqu'à la date de restitution effective du matériel, ainsi qu'une somme de 5.000 francs par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;

Elle soutient que le contrat n'est pas soumis aux dispositions des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation dans la mesure où la convention a été conclue dans le cadre de l'activité professionnelle ; qu'à supposer qu'il le soit le contrat mentionnant le montant des mensualités mises à la charge de madame X., les dispositions de l'article L. 121- 23 du code de la consommation ont été respectées ; que l'économie du contrat étant possible il n'est pas dépourvu de cause ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, LA COUR

Attendu que selon l'article L. 121-22 du code de la consommation les ventes, locations ou locations-ventes de ces biens ou les prestations de service lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute profession, ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-28 du même code qui réglementent le démarchage à domicile ;

Qu'en l'espèce, la location par madame X. d'une installation destinée à constituer un moyen d'assurer des recettes supplémentaires avait un rapport direct avec l'activité professionnelle, s'agissant d'un commerce permettant à des clients de consommer sur place où ils pouvaient être attirés par la présence de l'installation, qui, par sa nature est destinée à l'utilisation du public ;

[minute originale page 3, en fait page 5] Que dès lors il existe un rapport direct entre l'objet du contrat litigieux et l'exploitation du bar qui empêche madame X. d'invoquer la nullité du contrat conclu pour non respect des dispositions de l'article L. 123-23 du code de la consommation relatives aux mentions que doivent obligatoirement comporter les contrats dont font l'objet les opérations soumises à la réglementation du démarchage, et ce, malgré la référence qui est faite dans les contrats à ces dispositions faute de preuve que les parties et spécialement madame X. qui y avait intérêt, mais se prévaut de la nullité du contrat, ont entendu, en dehors des conditions générales du contrat, s'y référer expressément ;

Attendu que le premier juge a encore considéré que le contrat litigieux était dépourvu de cause dans la mesure où l'économie voulue par les parties était impossible ; que selon la société Prefi il n'est pas établi que la cause des obligations de madame X. était de réaliser un profit provenant de l'usage, par les consommateurs de son bar, de ce matériel, mais qu'en réalité elle souhaitait leur procurer un service supplémentaire, leur permettant de téléphoner sur place et donc de rester plus longtemps sur place pour consommer ;

Mais attendu que c'est précisément grâce aux recettes du publiphone et aussi à celles procurées par les recettes supplémentaires des clients que madame X. pouvait réaliser un profit ;

Qu'à cet égard elle verse aux débats le relevé d'une facture téléphonique démontrant que les consommations s'élevaient à 343,41 francs pour deux mois y compris le coût de l'abonnement professionnel, de janvier à mars 1998 ;

Qu'elle justifie de l'envoi d'un courrier à la société Cofilion le 11 mars 1999 où elle fait valoir qu'elle a décidé de renvoyer l'appareil qui n'était pas rentable ;

Qu'ainsi, force est de constater, qu'en vertu des contrats souscrits pour deux années le fournisseur s'engageait à fournir un matériel d'un coût mensuel hors taxe de 390 francs, mais qu'au regard de l'engagement de l'acquéreur de payer ce prix, l'utilisation de l'appareil apparaît dérisoire et par conséquent l'avantage procuré par le fournisseur est disproportionné au point que le contrat est dénué de cause dès lors qu'est établi le défaut de toute contrepartie réelle à l'obligation de payer le prix de la location de l'appareil ;

Attendu que, dans ces conditions, la décision des premiers juges ne peut qu'être confirmée ;

[minute originale page 4, en fait page 6] Attendu sur la demande en paiement de dommages et intérêts présentée par la société Prefi au motif que le comportement de madame X. aurait été déloyal, force est de constater la légèreté de cette société qui n'a pas craint, quant à elle, de proposer de soumettre leurs engagements aux dispositions du code de la consommation inapplicables en l'espèce et qu'elle ne démontre en aucune manière que c'est madame X. qui aurait surpris son consentement ; qu'une telle demande sera par conséquent rejetée ;

Attendu quant au paiement d'une indemnité de jouissance, qu'il appartenait à madame X. qui entendait contester le contrat signé par elle de ne pas utiliser le matériel mis à sa disposition ; que ce n'est que le 11 mars 1999 qu'elle a proposé de restituer le matériel et le 3 septembre 1998 soit vingt mois après la date du contrat et plus de dix mois après la mise en demeure qu'elle en a contesté la validité ; qu'il y a lieu de fixer à une somme de 200 francs par mois l'indemnité de jouissance que madame X. devra payer depuis la livraison de l'appareil jusqu'à sa restitution effective ;

Attendu que madame X. qui aurait pu réagir plus rapidement n'établit pas le bien fondé de sa demande de délais de paiement ;

Attendu qu'aucune considération d'équité ne justifie l'octroi d'une somme au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile à aucune des parties ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Prononce la nullité des contrats conclus le 17 janvier 1997 ;

Rejette la demande de dommages et intérêts présentée par la société Prefi ;

Dit que l'indemnité de jouissance qui lui est due sera de deux cents francs par mois ;

Rejette les autres demandes ;

Met les dépens à la charge de la société Prefi avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.