CA ROUEN (2e ch. civ.), 10 novembre 1999
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 980
CA ROUEN (2e ch. civ.), 10 novembre 1999 : RG n° 97/05449 ; arrêt n° 824 (?)
Publication : RJDA 2000/6, n° 722
Extrait : « Attendu en l'espèce que le matériel loué par Mme X. est un terminal de paiement par carte bancaire et lecteur de chèques ; Qu'un tel matériel, exclusivement destiné à recevoir les paiements de clients munis de cartes bancaires, par sa nature même, ne peut être utilisé que dans le cadre d'une activité professionnelle ; qu'il est en effet dépourvu de toute utilité pour un simple particulier et ne peut manifestement pas servir à un usage personnel ; Qu'à cet égard, Mme X. ne conteste pas d'ailleurs pas avoir été démarchée dans le cadre de son activité professionnelle commerciale ; Attendu qu'en raison du rapport direct qui existe entre le matériel loué et l'activité professionnelle de Mme X., celle-ci n'est donc pas fondée à se prévaloir des dispositions susvisées du Code de la consommation ;Qu'au surplus, compte tenu du développement important des paiements par cartes bancaires, l'utilisation d'un tel matériel pouvait, dans une certaine mesure, favoriser l'activité de Mme X. ; que celle-ci ne peut donc alléguer l'absence de cause du contrat ».
COUR D’APPEL DE ROUEN
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 1999
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 9705449.
DÉCISION CONTESTÉE : JUGEMENT du TRIBUNAL DE COMMERCE de ROUEN du 3 novembre 1997
APPELANTE :
Société anonyme PREFI
ayant son siège [adresse], Représentée par Maître COUPPEY, Avoué Assistée de Maître NOUAUD, Avocat,
INTIMÉE :
Madame X.
Demeurant [adresse], Représentée par la SCP COLIN-VOINCHET-RADIGUET, Avoué Assistée de Maître BOURDON, Avocat, Aide juridictionnelle totale du 15 septembre 1998
[minute originale seconde page non paginée]
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats et du délibéré : Mme le Président CREDEVILLE - M. le Conseiller PERIGNON ; Mme le Conseiller ZAUBERMAN
assistés de Mme LECUYER, greffier, lors des débats
DÉBATS : A l'audience publique du 6 octobre 1999
ARRÊT CONTRADICTOIRE : Prononcé à l'audience publique du 10 novembre 1999 par Madame le Président CREDEVILLE qui a signé la minute avec Madame LECUYER, greffier présent à cette audience.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 1] LES FAITS ET LA PROCÉDURE :
Le 10 janvier 1996, Mme X. a conclu avec la SA PREFI un contrat de location portant sur un terminal de paiement par carte bancaire et un lecteur de chèque fourni par la société TELESIX, moyennant un loyer mensuel de 651,24 Francs TTC du 10 février 1996 au 10 janvier 2000.
Le même jour, Mme X. a signé un contrat de maintenance avec la société TELESIX.
Le matériel a été livré le 12 janvier 1996 et installé le 18 janvier 1996.
Mme X. a cessé de payer le loyer à compter du 10 avril 1996 et, le 26 juin 1996, la SA PREFI l'a mise en demeure de régler l'arriéré dans les huit jours, sous peine de résiliation du contrat avec déchéance du terme.
A défaut d'exécution, le 17 juillet 1996, la SA PREFI a obtenu du président du Tribunal de Commerce de ROUEN une ordonnance d'injonction de payer à l'encontre de Mme X. pour un montant total de 29.957,04 Francs.
Le 11 septembre 1996, Mme X. a régulièrement formé opposition à cette ordonnance signifiée le 29 août 1996.
Par jugement rendu le 3 novembre 1997, le Tribunal de Commerce de ROUEN a :
- prononcé la nullité du contrat de location,
- dit n'y avoir lieu à dommages-intérêts au profit de Mme X.,
- condamné la SA PREFI à payer Mme X. une somme de 1.500,00 Francs par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
- condamné la SA PREFI aux dépens.
Le 17 décembre 1997, la SA PREFI a régulièrement interjeté appel de cette décision.
LES PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Aux termes de ses conclusions auxquelles la Cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, conformément aux dispositions de l'article 455 du Nouveau code de procédure civile, la SA PREFI expose notamment que :
- s'agissant d'une convention à caractère professionnel et commercial, la loi du 22 décembre 1972, relative à la protection des consommateurs, n'a pas [minute page 2] vocation à s'appliquer ; ce serait donc à tort que le tribunal s'est fondé sur ses dispositions pour considérer que le contrat ne répondait pas aux conditions de forme exigées à peine de nullité,
- par ailleurs, Mme X. n'apporte pas la moindre preuve des manœuvres dolosives dont elle se prévaut, ni de l'absence de cause du contrat, ni, enfin, du manquement de la SA PREFI à son obligation de conseil.
Elle demande en conséquence à la Cour d'infirmer le jugement déféré et de :
- condamner Madame X. au paiement de la somme principale de 29.957,04 Francs avec intérêts au taux conventionnel à compter de la signification de l'ordonnance d'injonction de payer en date du 29 août 1996,
- condamner Madame X. au paiement de la somme de 2.995,70 Francs à titre de clause pénale, outre les intérêts au taux légal à compter de la même date,
- condamner Madame X. à restituer le matériel sous astreinte de 200 Francs par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
- condamner Madame X. au paiement d'une somme de 10.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- la condamner aux dépens de première instance et d'appel.
Aux termes de ses conclusions auxquelles la Cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, conformément aux dispositions de l'article 455 du Nouveau code de procédure civile, Mme X. soutient essentiellement que :
- elle est fondée à se prévaloir des dispositions des articles L. 132-1 du Code de la consommation car le contrat n'avait pas de rapport direct avec son activité professionnelle ou commerciale et compte tenu de ses irrégularités de forme, celui-ci doit être annulé,
- par ailleurs, l'insistance extrême dont ont fait preuve les représentants de la SA PREFI s'apparente à des manœuvres dolosives et, compte tenu de la faiblesse de son activité, le contrat était dépourvu de toute cause, [minute page 3]
- subsidiairement, la SA PREFI a manifestement manqué à son obligation de conseil.
Elle demande donc à la Cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a reçu l'opposition à injonction de payer formée par Madame X. et prononcé la nullité du contrat de location revendiqué par PREFI,
Et recevant Madame X. en son appel incident :
- condamner, la société PREFI au paiement d'une somme de 10.000 Francs à titre de dommages et intérêts.
Très subsidiairement :
- dire que la société PREFI a manqué à son obligation de conseil et a donc engagé sa responsabilité,
- la condamner en conséquence au paiement d'une somme de 35.000 Francs à titre de dommages et intérêts et ordonner la compensation entre les créances réciproques qui pourraient être retenues,
- dans tous les cas, confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société PREFI à payer à Madame X. la somme de 7.500 Francs sur le fondement de l'article 700 du NCPC et à supporter les dépens de première instance.
Et y ajoutant :
- condamner la société PREFI au paiement d'une indemnité de 3.000 Francs sur le même fondement,
- condamner la SA PREFI aux dépens d'appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE LA COUR :
Attendu qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, les dispositions relatives à la protection des consommateurs contre les clauses abusives concernent les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs ; que ces dispositions ne s'appliquent pas aux contrats de fourniture de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le contractant ;
[minute page 4] Attendu en l'espèce que le matériel loué par Mme X. est un terminal de paiement par carte bancaire et lecteur de chèques ;
Qu'un tel matériel, exclusivement destiné à recevoir les paiements de clients munis de cartes bancaires, par sa nature même, ne peut être utilisé que dans le cadre d'une activité professionnelle ; qu'il est en effet dépourvu de toute utilité pour un simple particulier et ne peut manifestement pas servir à un usage personnel ;
Qu'à cet égard, Mme X. ne conteste pas d'ailleurs pas avoir été démarchée dans le cadre de son activité professionnelle commerciale ;
Attendu qu'en raison du rapport direct qui existe entre le matériel loué et l'activité professionnelle de Mme X., celle-ci n'est donc pas fondée à se prévaloir des dispositions susvisées du Code de la consommation ;
Qu'au surplus, compte tenu du développement important des paiements par cartes bancaires, l'utilisation d'un tel matériel pouvait, dans une certaine mesure, favoriser l'activité de Mme X. ; que celle-ci ne peut donc alléguer l'absence de cause du contrat ;
Que par ailleurs, le contrat litigieux mentionne les coordonnées complètes du loueur, du fournisseur du matériel et de la locataire ; que l'objet de la location est clairement désigné ainsi que les conditions financières de celle-ci ; que le contrat est régulièrement signé par les parties ; que les objections de Mme X. tenant à l'absence d'identification des parties sont donc infondées ;
Qu'à cet égard, l'absence de date portée de la main de Mme X. est sans influence sur la validité du contrat dès lors qu'il n'est pas contesté que le contrat a été signé le 10 janvier et le matériel livré le 12 janvier et installé le 18 janvier 1996 ;
Attendu que Mme X. soutient également qu'elle aurait subi des manœuvres dolosives de la part de la SA PREFI ; que cependant, elle n'apporte aucun élément à l'appui de cette thèse ;
Attendu qu'il convient donc d'infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat ;
Attendu en revanche que, compte tenu de la nature du commerce de Mme X. (réfection de sièges et petite décoration), de la faiblesse de son volume d'activité et de son chiffre d'affaires, circonstances qui ne pouvaient échapper aux représentants de la SA PREFI, il convient de considérer que ceux-ci, en lui proposant un matériel dont le caractère indispensable n'est réellement pas établi eu égard à la modicité de l'exploitation et dont la charge financière était manifestement disproportionnée par rapport à ses possibilités, ont commis un [minute page 5] manquement à l'obligation de conseil à laquelle, en leur qualité de professionnels avisés, ils ne peuvent prétendre se soustraire ;
Qu'au vu des circonstances de l'espèce, il convient de fixer à la somme de 33.000,00 Francs le préjudice subi par Mme X. en raison de la faute de la SA PREFI et de dire que cette somme se compensera avec les sommes réclamée par la SA PREFI au titre du contrat ;
Attendu enfin qu'il n'est pas contesté que le matériel litigieux a été repris par la SA PREFI courant 1996 ; que la demande visant à ordonner sa restitution est donc sans objet ;
Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties, étant relevé que Mme X. bénéficie de l'aide juridictionnelle, les frais exposés en marge des dépens en cause d'appel ; qu'il y a donc lieu de les débouter de leurs demandes fondées sur l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;
Attendu qu'il y a lieu de mettre les dépens de première instance et d'appel à la charge de la SA PREFI ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour :
Déclare l'appel recevable en la forme ;
Au fond :
Infirme le jugement entrepris ;
Dit que Mme X. est redevable des sommes suivantes envers la SA PREFI :
- 29.957,04 Francs à titre principal avec intérêts au taux conventionnel à compter du 29 août 1996,
- 2.995,70 Francs au titre de la clause pénale;
Dit n'y avoir lieu à ordonner la restitution du matériel litigieux ;
Dit qu'en raison de sa faute, la SA PREFI est redevable envers Mme X. de la somme de 33.000,00 Francs à titre de dommages-intérêts ;
Ordonne la compensation entre les créances réciproques des parties ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
[minute page 6] Met les dépens de première instance et d’appel à la charge de la SA PREFI et dit qu’ils seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l’aide juridictionnelle.
- 5715 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Notion
- 5823 - Code de la consommation - Autres textes - Application dans le temps - Autres textes : démarchage à domicile
- 5884 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères combinés : rapport direct et cadre de l’activité
- 5894 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Objet du contrat - Nature des biens ou des services
- 5895 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Objet du contrat - Contrat n’ayant d’utilité que dans un cadre professionnel
- 5899 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Finalité du contrat - Développement de l’activité
- 5941 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Paiement du professionnel