CA NÎMES (ch. civ. 2 A), 4 novembre 2003
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1063
CA NÎMES (ch. civ. 2 A), 4 novembre 2003 : RG n° 01/00290 ; arrêt n° 588
Publication : Juris-Data n°228662
Extrait : « Le Collège SAINT-EXUPERY, qui ne peut être considéré comme un professionnel dans la mesure où il n'exerce aucune activité professionnelle définie comme celle habituellement exercée par une personne pour se procurer les revenus nécessaires à son existence, a qualité pour solliciter l'annulation de la clause de résiliation en application de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation ».
« Toutefois, sans aucune démonstration, il se contente d'affirmer que sa cocontractante a commis un abus lui conférant un avantage excessif, alors qu'il existe un équilibre certain entre les droits et obligations des parties au contrat : moindre prix des prestations à condition de s'engager pour 5 ans - sanction en cas de non-respect de ce délai, et qu'affirmer que cette clause est abusive reviendrait à entériner les caprices du consommateur au détriment au professionnel. »
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE 2 A
ARRÊT DU 4 NOVEMBRE 2003
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 01/00290. Arrêt n° 588.
APPELANTE :
COLLEGE SAINT-EXUPERY
poursuites et diligences de son principal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social [adresse], représentée par la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués à la Cour, assistée de la SCP JL BERGEL & MR BERGEL, avocats au barreau de MARSEILLE substituée par Maître NOEL, avocat
INTIMÉE :
SA REX ROTARY
poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés ès qualités au siège social [adresse], représentée par la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués à la Cour assistée de la FIDUCIAIRE JURIDIQUE FIDAL, avocats au barreau de LYON plaidant par Maître MANOUKIAN, avocat
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 29 Septembre 2003
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Jean-Loup OTTAVY, Président, Madame Catherine BRISSY-PROUVOST, Conseiller, Madame Elisabeth PONSARD, Conseiller,
ont entendu les plaidoiries et en ont ensuite délibéré conformément à la loi. [minute page 2]
GREFFIER : Madame Mireille DERNAT, Premier Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS : à l'audience publique du 30 septembre 2003, où l'affaire a été mise en délibéré au 4 novembre 2003,
ARRÊT : Arrêt contradictoire, prononcé et signé par Monsieur Jean-Loup OTTAVY, Président, à l'audience publique du 4 novembre 2003, date indiquée à l'issue des débats.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS - PROCÉDURE - PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Pour un plus ample exposé de la cause, la Cour fait expressément référence :
- au jugement rendu le 24 octobre 2000 par le Tribunal d'Instance d'AVIGNON,
- aux conclusions signifiées par l'appelant le 10 mai 2001,
- aux conclusions signifiées par l'intimée le 13 juillet 2001.
* * * * *
Le 21 octobre 1993, le Collège SAINT-EXUPERY a commandé à la SA REX ROTARY un photocopieur n° 8135 et un [minute page 3] reprocopieur n° 1140 réglés par la Compagnie du Crédit Universel qui lui a consenti le même jour un crédit-bail avec option d'achat pour une durée de cinq ans.
Un contrat tout risque n° 22421 correspondant à la fourniture de consommables et à l'entretien technique de l'appareil 8135 par la SA REX ROTARY, a été souscrit le même jour pour une durée de cinq ans.
Un contrat du même type a été signé pour l'appareil 1140 le 18 mai 1995 (n° 32386) et modifié le 19 janvier 1996 (n° 37436).
Aucun contrat du 30 janvier 1995 n'est fourni par les parties.
Par courrier du 25 septembre 1998, le Collège SAINT-EXUPERY a indiqué à la SA REX ROTARY ne plus détenir ces appareils à compter du 1er décembre 1998 et considérer que les contrats de maintenance y afférent s'arrêtaient à cette date.
Sollicitant le paiement de l'indemnité de résiliation anticipée prévue par l'article 4 des contrats signés les 30 janvier 1995 et 25 janvier 1996 (en réalité 18 mai 1995 et 19 janvier 1996), la SA REX ROTARY a vainement réclamé au Collège SAINT-EXUPERY le règlement de la somme totale de 26.966,16 francs correspondant au montant de trois factures :
- du 25 janvier 1999 : CTR copie repro 114051170 : 10.226, 88 francs,
- du 31 janvier 1999 : CTR copie copieur 3832050012 : 7.091, 28 francs,
- du 25 novembre 1999 : indemnités de résiliation : 9.648 francs.
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Saisi d'une demande en paiement de ladite somme outre celle de 8.000 francs au titre des frais irrépétibles, le Tribunal d'Instance d'AVIGNON :
- [minute page 4] rejetant la thèse selon laquelle le contrat de maintenance est dépourvu de cause ou d'objet en l'absence de matériel à entretenir,
- estimant que le collège, qui utilisait le matériel pour son activité professionnelle, ne peut pas invoquer les dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation,
- considérant que l'indemnité de résiliation n'est pas une clause pénale,
a condamné, avec exécution provisoire, le Collège SAINT-EXUPERY à payer à la SA REX ROTARY la somme de 26.966,16 francs avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 14 mai 1999 outre celle de 3.000 francs en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
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Le Collège SAINT-EXUPERY a interjeté appel de cette décision dont il sollicite la réformation.
A titre principal et au motif qu'entre les contrats de location et de maintenance il existe une unité fonctionnelle permettant de conclure à leur indivisibilité de sorte que l'anéantissement de l'un entraîne automatiquement la résiliation de l'autre, l'appelant conclut au débouté de l'ensemble des demandes formulées par la SA REX ROTARY.
A titre subsidiaire et en sa qualité de consommateur abusé par la puissance économique ou technique qui a permis au prestataire de service de lui imposer une clause lui conférant un avantage excessif, il prie la Cour de déclarer ladite clause abusive et non écrite, conformément aux dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation.
A titre infiniment subsidiaire, il sollicite, en application des dispositions de l'article 1152 du Code Civil et en l'absence de préjudice démontré du fait de la résiliation, la réduction de cette indemnité à un franc.
[minute page 5] Enfin, il réclame paiement d'une somme de 10.000 francs en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et la condamnation de l'intimée aux entiers dépens.
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Répondant :
- que certes les conventions de maintenance sont inévitablement liées à la mise à disposition du matériel mais qu'elle ne saurait subir les conséquences du choix de l'appelant d'en avoir disposé puisque les contrats de crédit-bail et de maintenance ne présentent aucun caractère d'indivisibilité,
- que les tarifs intéressants proposés au collège s'inscrivaient dans le cadre de relations contractuelles durables justifiant le montant de l'indemnité de résiliation permettant au professionnel qu'il est d'user d'une faculté de dédit,
la SA REX ROTARY conclut à la confirmation du jugement déféré et réclame condamnation de l'appelant à paiement de la somme de 15.000 francs en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE L'ARRÊT :
A titre préliminaire et ainsi qu'il ressort de l'exposé des faits constants, il convient de distinguer quant à la maintenance de chaque appareil. [minute page 6]
En ce qui concerne le photocopieur n° 8135, le contrat tout risque a été signé le 26 octobre 1993 mais un autre « contrat », qu'il convient de considérer comme un avenant à la convention initiale, a été passé en janvier 1995, ce qui permet de fixer l'échéance du contrat au 26 octobre 1998. D'ailleurs, la SA REX ROTARY, qui ne plaide pas la reconduction tacite, ne produit pas de facture de résiliation concernant ledit copieur. En effet, elle réclame une somme de 7.091,28 francs pour un copieur 3832050012.
Le jugement sera donc réformé en ce qu'il a fait droit à ce chef de demande qu'il convient d'écarter.
En ce qui concerne le reprocopieur n° 1140, le contrat initial signé le 23 mai 1995 pour une durée de 5 ans soit jusqu'au 23 mai 2000, prévoit :
« Dans tous les cas de résiliation survenant avant l'expiration du contrat que ce soit à l'initiative du client, de plein droit ou à l'initiative de la société REX ROTARY SA en cas de violation par le client de ses obligations, le client paiera à REX ROTARY SA une indemnité égale à la totalité des montants dus ou à devoir jusqu'à la date d'expiration de la période initiale de 5 ans ou de la période de renouvellement d'un an en cours le calcul de ce montant étant effectué sur la base du nombre minimum de copies par an figurant au recto augmenté, le cas échéant, des commandes supplémentaires passées par le client au titre de la période considérée. Toute indemnité due au titre du présent contrat se cumulera avec et ne sera pas exclusive de toute indemnité due au titre de toute acquisition, location, location vente ou crédit bail du matériel dû soit à REX ROTARY SA soit à tout organisme de financement. »
Il n'y a donc pas indivisibilité contractuelle entre la possession du matériel et la maintenance de celui-ci. Le Collège SAINT-EXUPERY ne saurait invoquer une indivisibilité « naturelle » au surplus exclue par la non-simultanéité de la commande du reprocopieur (26 octobre 1993) et de la signature du contrat de prestations de services (23 mai 1995) le concernant.
Ainsi que retenu par le Tribunal en de justes motifs, la discussion instaurée sur la cause ou l'objet d'un contrat s'apprécie lors de la formation dudit contrat alors qu'en l'espèce il s'agit d'analyser les conditions de résiliation et plus précisément de se prononcer sur le caractère, subsidiairement le montant de l'indemnité contractuelle y rattachée.
[minute page 7] Le Collège SAINT-EXUPERY, qui ne peut être considéré comme un professionnel dans la mesure où il n'exerce aucune activité professionnelle définie comme celle habituellement exercée par une personne pour se procurer les revenus nécessaires à son existence, a qualité pour solliciter l'annulation de la clause de résiliation en application de l'article L 132-1 du Code de la Consommation.
Toutefois, sans aucune démonstration, il se contente d'affirmer que sa co-contractante a commis un abus lui conférant un avantage excessif, alors qu'il existe un équilibre certain entre les droits et obligations des parties au contrat : moindre prix des prestations à condition de s'engager pour 5 ans - sanction en cas de non-respect de ce délai, et qu'affirmer que cette clause est abusive reviendrait à entériner les caprices du consommateur au détriment au professionnel.
Le Tribunal a justement analysé cette indemnité en une faculté de dédit excluant une modération judiciaire puisque son objet est de permettre aux parties de se libérer unilatéralement de leurs engagements avant le terme du contrat.
Celui-ci aurait dû advenir le 18 mai 2000. Il a été résilié prématurément à la date du ter décembre 1998. Dès lors, la SA REX ROTARY est fondée à réclamer paiement des sommes qui auraient dû être versées pour la période du 25 janvier 1999 au 25 janvier 2000, soit la somme non contestée de 10.226, 88 francs, 1.559,08 euros avec intérêts au taux contractuel à compter de la mise en demeure du 14 mai 1999.
Par contre, la somme de 9.648 francs objet de la facture du 25 novembre 1999 sous l'intitulé « indemnités de résiliation » n'est pas exigible au vu des stipulations contractuelles.
Le jugement sera donc réformé pour partie.
Eu égard aux succombances respectives, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel et il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR
Après en avoir délibéré, conformément à la loi,
[minute page 8] Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
- déclare l'appel régulier en la forme mais partiellement fondé,
- confirme le jugement déféré sauf sur le montant de la condamnation,
statuant à nouveau,
- condamne le Collège SAINT-EXUPERY à payer à la SA REX ROTARY la somme de 1.559,08 euros (10.226, 88 francs) avec intérêts au taux légal à compter du 14 mai 1999,
- rejette le surplus des demandes,
- dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel.
Arrêt signé par Monsieur OTTAVY, Président et par Madame DERNAT, Premier Greffier présente lors du prononcé.
- 5859 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection explicite
- 5868 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Notion d’activité professionnelle - Nature de l’activité
- 5947 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Reprographie : présentation globale
- 5948 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Reprographie : présentation par type d’activité
- 6019 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Clauses sur l’objet principal ou le prix - Loi du 1er février 1995 - Adéquation au prix
- 6133 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Durée du contrat - Contrat à durée déterminée - Durée initiale
- 6979 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Droit postérieur à la loi n° 2017-203 du 21 février 2017
- 7289 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs – Absence de cause (droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016)