CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

TJ PARIS (9e ch. 2e sect.), 16 janvier 2024

Nature : Décision
Titre : TJ PARIS (9e ch. 2e sect.), 16 janvier 2024
Pays : France
Juridiction : T.jud. Paris
Demande : 15/06281
Décision : 24/5
Date : 16/01/2024
Nature de la décision : Admission
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 3/04/2015
Numéro de la décision : 5
Référence bibliographique : 9742 (prêt en francs suisses), 5984 (indice, exécution du contrat), 6010 (date d’appréciation), 6016 et 6018 (charge de la preuve, caractère clair et compréhensible), 6017 (objet principal), 5729 (estoppel et instance pénale ; exécution provisoire), 5743 (effet rétroactif), 5748 (effet, disparition du contrat)
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 10656

TJ PARIS (9e ch. 2e sect.), 16 janvier 2024 : RG n° 15/06281 ; jugt n° 5

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « La question de savoir si ces clauses créent ou non un déséquilibre significatif entre les obligations des parties, au détriment des emprunteurs, relève du fond du droit et ne constitue pas une fin de non-recevoir pour défaut d'intérêt à agir.

Dans tous les cas, les restitutions réciproques ordonnées du fait du caractère abusif des clauses du contrat du prêt, anéantissant ce contrat, n'ont pour objet que de remettre les parties dans la situation dans laquelle elles se seraient trouvées si elles n’avaient pas conclu. Ces restitutions sont donc sans lien avec la réparation d'un préjudice financier ordonnée par le juge correctionnel, dans le cadre de l'instance pénale en cours précédemment rappelée. Il en est d'ailleurs pour preuve que, selon la situation respective des parties, la banque peut se trouver créancière dans le cadre de ces restitutions.

Par ailleurs, la fin de non-recevoir tirée de l'estoppel n'est applicable qu'au cours d’une même instance, alors que la banque soulève cette fin de non-recevoir au vu de l’attitude procédurale des emprunteurs au cours de l'instance pénale ainsi que dans le cadre de la présente instance.

Les époux X. sont donc recevables en leurs demandes fondées sur les clauses abusives.

2/ « En outre, à l'appui de leur demande tendant à condamner la banque à leur payer la somme de 54.085,99 euros, ils précisent que leur préjudice au titre du manquement à l'obligation d’information consiste en une perte de chance de ne pas contracter le prêt litigieux.

Ils n'établissent pas que ce préjudice serait distinct de celui déjà indemnisé par le jugement correctionnel, alors que la somme qui leur a déjà été allouée a pour objectif de supprimer tout effet de la variation du taux de change, étant ajouté que c'est le risque de change, ainsi qu'il sera retenu plus loin, qui a pour conséquence une augmentation du capital dû malgré les remboursements effectués. »

3/ « Il en résulte que lorsqu’une clause définit l’objet principal du contrat, elle échappe au mécanisme des clauses abusives, à condition d’être rédigée de façon claire et compréhensible. Définissent l’objet principal du contrat les clauses qui fixent les prestations essentielles de ce contrat et qui, comme telles, caractérisent celui-ci. En l’espèce, il est acquis aux débats que les cinq clauses litigieuses constituant la clause implicite d'indexation définissent l’objet principal du contrat puisqu’elles décrivent l’obligation principale des emprunteurs.

S’agissant de l’appréciation du caractère clair et compréhensible de ces clauses, la CJUE a dit pour droit, par deux arrêts en date du 10 juin 2021, que l’article 4 § 2 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que […].

La charge de la preuve du caractère clair et compréhensible des clauses concernées incombe au professionnel. »

4/ « La clause « Remboursement de votre crédit » explique que l'amortissement du prêt peut être plus ou moins rapide selon l'évolution du taux de change, tout en indiquant que le crédit peut être allongé d'une période de cinq ans pour permettre le remboursement du solde restant dû. Toutefois, en évoquant uniquement le ralentissement de l'amortissement du capital du prêt, le contrat n'explicite pas le risque d'augmentation de la dette résultant de l'augmentation du capital restant dû. À aucun moment, les clauses n°1 à 5 n'évoquent ce risque d'augmentation de la contre-valeur en euros du capital restant dû et du risque corrélatif d'une augmentation de la dette qui n'est pas limitée.

La banque soutient à tort que « le paiement d'échéances fixes en euros et la possibilité d'un allongement de la durée d'amortissement impliquent un risque d'augmentation de la contre-valeur en euros du capital restant dû en francs suisses », alors que ce risque n'est pas présenté dans les clauses litigieuses, seule la durée de l'amortissement du capital étant mentionnée.

Il ne saurait être attendu d'un consommateur raisonnablement attentif et avisé qu'il comprenne le risque d'augmentation du capital restant dû à la lecture des clauses expliquant le fonctionnement du mécanisme de change. Les emprunteurs peuvent d'autant moins être alertés sur ce risque que la banque a joint au contrat de crédit un tableau d'amortissement en précisant seulement « Le tableau d'amortissement joint à la présente offre de prêt a été établi sur la base de ce même taux de change » dans la clause « Opérations de change ». Or, il n'est pas précisé que ce tableau d'amortissement est purement théorique puisque la part d'intérêts et de capital amorti variera nécessairement à chaque échéance. Ainsi, le risque d'accroissement de l’endettement n'est pas explicité, pas plus que son caractère illimité. Les emprunteurs ne pouvaient dès lors évaluer le risque d'endettement résultant de la signature de ce contrat de crédit.

Sur l'évolution de la parité euros/francs suisses, il appartenait à la banque, en sa qualité de professionnel, d'envisager et d'informer le consommateur de toutes les évolutions possibles de cette parité, en particulier les risques encourus en cas de dépréciation significative de l’euro. De plus, l’expression « risque de change » n’est jamais utilisée d'une manière générale. Elle n'est évoquée que dans une hypothèse particulière, lorsque le consommateur déménage hors de la zone euro et devra alors lui-même acquérir des euros pour procéder aux paiements mensuels. Cela démontre que la banque pouvait insérer un avertissement explicite sur le risque de change en général, ce qu'elle a délibérément choisi de ne pas faire.

Il ne saurait être retenu que la clause « Remboursement de votre crédit » informe suffisamment de la durée du prêt de cinq ans et de l'augmentation du montant des échéances. En effet, lorsque le risque de change inhérent au contrat se réalise, cela a pour conséquence, non seulement une augmentation de la durée du prêt de cinq années maximum mais, si le paiement de la mensualité fixe sur cette période complémentaire ne suffit pas à apurer le prêt, la mensualité est alors déplafonnée. La banque ne justifie pas d'une information utile du consommateur sur ce point, en particulier en cas de forte dépréciation de l'euro par rapport au franc suisse.

Il en résulte que les effets de l’évolution de la parité entre l’euro et le franc suisse ne sont pas mis en relief ni suffisamment explicités aux termes du contrat et dans les documents annexes communiqués aux emprunteurs, de telle sorte que ces derniers puissent envisager concrètement l’incidence économique potentiellement significative d’une évolution défavorable de la parité des monnaies sur ses obligations et évaluer, en toute connaissance de cause, le risque auquel ils acceptent de s’exposer, le cas échéant.

Par conséquent, ces clauses ne constituent pas un ensemble clair et compréhensible au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation. »

5/ « Il convient, dès lors, d’examiner si elles ont pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les obligations des parties au contrat au détriment de l’emprunteur.

À cet égard, la CJUE a également dit pour droit, dans les deux arrêts précités du 10 juin 2021, que l’article 3 § 1 de la directive 93/13 doit être interprété […].

En l’espèce, ainsi que cela a été précédemment retenu, le contrat de prêt expose les emprunteurs à un risque financier du fait de la parité des monnaies de compte et de paiement mais sans que ce risque ne soit plafonné lors de la dernière période éventuelle de remboursement. Il doit être ajouté que si la banque supporte aussi le risque de change, elle ne supporte que l’aléa tenant à la durée de perception des intérêts sans qu’il n’existe de mesure entre l’accroissement significatif du capital à rembourser pour les emprunteurs et le manque à gagner en intérêts pour la banque qui voit le capital en francs suisses remboursé par équivalent en euros, selon le cours du change au moment de chaque paiement. Il s’en déduit que la BNP PPF ne pouvait s’attendre, si les emprunteurs avaient été normalement informés du fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et mis en mesure d’évaluer les conséquences économiques négatives potentielles, à ce que ces derniers acceptent le risque disproportionné qui résulte de ces clauses.

La banque fait par ailleurs valoir que les coûts mis à la charge des emprunteurs par les clauses relatives au risque de change ne traduisent aucun déséquilibre significatif puisque la note du cabinet Finexsi démontre que la situation des emprunteurs en général est comparable à celle dans laquelle ils se seraient trouvés en ayant souscrit à la même époque un prêt en euros à taux fixe.

Cependant, cette étude inclut la variation du taux d’intérêt alors qu’est ici en cause le déséquilibre lié au seul taux de change, constituant une variable distincte, résultant de clauses spécifiques seules examinées ici. Au demeurant, ces éléments allégués par la banque sont extrinsèques aux droits et obligations des parties au contrat qui constituent le champ dans lequel doit être apprécié le déséquilibre significatif. En effet, le caractère abusif de la clause doit être apprécié à la date de conclusion du contrat, peu important les conditions de son exécution. Il n'est par conséquent nullement démontré que le déséquilibre en défaveur des emprunteurs, que ces derniers n’ont d'ailleurs pas pu appréhender d'une manière claire, ne serait pas significatif.

Les clauses n°1 à 5 seront déclarées abusives, en ce qu’elles font encourir aux emprunteurs, en méconnaissance de cause, un risque tenant à la parité des monnaies de compte et de paiement. »

6/ « La BNP PPF prétend que seule la clause de remboursement de cinq années supplémentaires non plafonnée pourrait être reconnue abusive, afin de rétablir l’équilibre entre les droits et obligations des parties. Cependant, ce cantonnement de la reconnaissance du caractère abusif ne saurait être retenu, alors que la réalisation du risque de change ne découle pas uniquement de l’exécution de cette clause. En effet, cette stipulation ne constitue qu’une modalité de paiement du risque de change qui s’est réalisé. La suppression du mécanisme de déplafonnement n’aurait pour effet que de limiter l’ampleur de la réalisation du risque de change, pour les seuls consommateurs exécutant leur contrat jusqu’à son terme. En outre, la clause implicite d’indexation constitue un ensemble indivisible de stipulations, en ce que le principe descriptif de l’emprunt en francs suisses remboursable en euros est décliné par le fonctionnement de deux comptes dans chacune des devises, par les opérations de change et par les modalités de remboursement dans le temps.

De même et contrairement à ce que soutient la BNP PPF, il ne saurait être retenu que seules les stipulations relatives à la variation du taux de change et à la variation du taux d’intérêt soient jugées non écrites. En effet, ces clauses participent à l’économie même du contrat de prêt, pour un prêt à intérêts indexé sur le franc suisse, de sorte qu'en l'absence de ces clauses le contrat de prêt ne peut pas subsister. Il n'appartient pas en outre au juge de réécrire les stipulations du contrat de prêt pour lui permettre d'être exécutés sans ces clauses.

La banque n'est en outre pas fondée à affirmer que l'anéantissement rétroactif du prêt conduirait nécessairement à l'enrichissement sans cause des emprunteurs, alors qu'elle peut être créancière du solde dû à la suite des restitutions réciproques. »

7/ « L’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, dispose que « Les clauses abusives sont réputées non écrites. […] Les dispositions du présent article sont d’ordre public ». Elles sont donc privées de tout effet pour l’avenir, mais également de manière rétroactive, dès l’origine du contrat dès lors qu’elles ne lient pas le consommateur. Ce même texte ajoute que « Le contrat reste applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s’il peut subsister sans ces clauses ».

La constatation du caractère abusif d’une clause, qui est donc réputée non écrite, implique que le consommateur soit replacé dans la situation de droit et de fait dans laquelle il se serait trouvé en son absence. Si le contrat peut subsister sans ladite clause, celle-ci est simplement privée d'effet ab initio. Si, au contraire, le contrat ne peut pas subsister sans cette clause, il doit être anéanti dans son entier.

En l’espèce, les clauses n°1 à 5 reconnues abusives doivent être réputées non-écrites et les époux X. doivent se retrouver dans une situation qui aurait été la leur si les clauses n’avaient jamais existé. Or, il est acquis aux débats que lesdites clauses constituent l’objet principal du contrat. En outre, leur lecture et analyse révèlent qu’elles forment un tout indivisible. Les modalités de remboursement stipulées au contrat et les opérations de change nécessaires n’étant pas maintenues, alors que le montant du prêt est en francs suisses, l’entièreté du prêt est affectée. En conséquence, le contrat de crédit sera déclaré anéanti de manière rétroactive.

L’anéantissement rétroactif du contrat de prêt emporte remise en état des parties, qui sont replacées dans la situation dans laquelle elles se seraient trouvées si elles ne l’avaient pas conclu, en opérant une compensation entre les créances de restitution réciproques suivantes : - la créance de la banque, correspondant au montant du capital emprunté en euros ; - la créance de l’emprunteur, correspondant à l’ensemble des versements qu’il a effectués en euros. »

8/ La BNP PPF s’oppose au prononcé de l’exécution provisoire, en soutenant qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. Elle expose que l’anéantissement rétroactif du contrat avec exécution provisoire emporterait des conséquences irréversibles pour elle. Cependant, aucune considération ne justifie de ne pas prononcer l'exécution provisoire du jugement, sollicitée par les époux X., en particulier au vu de l'ancienneté de l'affaire. En outre, le risque d’insolvabilité des emprunteurs en cas d’infirmation du jugement n’est nullement établi.

Par ailleurs, la demande de publication qui n’est pas étayée sera écartée. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS

NEUVIÈME CHAMBRE DEUXIÈME SECTION

JUGEMENT DU 16 JANVIER 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/06281. Jugement n° 5. N° Portalis 352J-W-B67-CFGLU. Assignation du : 3 avril 2015.

 

DEMANDEURS :

Monsieur X.

[Adresse 2], [Localité 4]

Madame X.

[Adresse 2], [Localité 4]

représentés par Me Anne-valérie BENOIT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0686, avocat postulant et Me Cyril FABRE, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant,

 

DÉFENDERESSE :

SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

prise en la personne de son représentant légal [Adresse 1], [Localité 3], représentée par Maître Philippe METAIS du PARTNERSHIPS BRYAN CAVE LEIGHTON PAISNER (France) LLP, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R030

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Monsieur Gilles MALFRE, 1er Vice-président adjoint, Monsieur Augustin BOUJEKA, Vice-Président, Monsieur Alexandre PARASTATIDIS, Juge, assistés de Alise CONDAMINE, greffier lors des débats et de Clarisse GUILLAUME, greffier lors de la mise à disposition,

DÉBATS : A l’audience du 28 novembre 2023 tenue en audience publique devant M. MALFRE, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis été donné que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2024.

JUGEMENT : rendu publiquement par mise à disposition, contradictoire, en premier ressort

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Au cours des années 2008 à 2010, la SA BNP Paribas Personal Finance (la BNP PPF) a commercialisé, principalement par l’intermédiaire de mandataires, un contrat de crédit immobilier libellé en devise étrangère, dénommé « Helvet Immo ».

En vue de réaliser une opération d’acquisition d’un bien immobilier à usage locatif, M. et Mme X. ont accepté le 24 juin 2008 l’offre de crédit immobilier « Helvet Immo » émise le 12 juin 2008, portant sur une somme de 149.112,53 francs suisses (monnaie de compte) et remboursable en euros (monnaie de paiement) sur 22 ans à un taux d’intérêt révisable, fixé initialement à 4,15 % l’an.

Les emprunteurs ont signé un avenant à ce contrat le 10 juillet 2013, sur la base d’un capital restant dû de 121.268,45 euros remboursable au taux de 1,35% pour une durée de 222 mois.

Considérant notamment que l’évolution défavorable des taux de change depuis la date de conclusion du prêt avait eu une incidence notable sur le montant à rembourser en principal, M. et Mme X. ont fait assigner par acte du 3 avril 2015 la BNP PPF devant le tribunal de céans, aux fins de contestation de ce prêt.

Par ordonnance du 17 février 2016, le juge de la mise en état a ordonné un sursis à statuer, dans l'attente d'une décision définitive à la suite de l'information judiciaire ouverte à l'encontre de la BNP PPF, s'agissant des conditions de commercialisation des prêts « Helvet Immo ».

Par jugement du 26 février 2020, le tribunal correctionnel de Paris a condamné la BNP PPF du chef de pratique commerciale trompeuse. Elle a interjeté appel de ce jugement et l’affaire est pendante devant la cour d’appel de Paris. M. et Mme X. se sont constitués parties civiles dans le cadre de cette instance et il leur a été alloué, par la décision de première instance, la somme globale de 32.792,04 euros au titre du préjudice matériel et, à chacun, celle de 10.000 euros au titre du préjudice moral.

Cette affaire a fait l'objet d'une ordonnance de clôture du 28 mai 2019 et par jugement avant-dire droit du 1er octobre 2019, le tribunal de grande instance de Paris a ordonné un sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) statue sur huit questions préjudicielles.

La CJUE, par deux arrêts du 10 juin 2021, a statué sur ces questions préjudicielles.

Par conclusions du 20 décembre 2021, M. et Mme X. ont sollicité la reprise de l'instance et ont conclu au fond. La BNP PPF a également conclu au fond.

 

Par conclusions du 13 février 2023, M. et Mme X. demandent au tribunal :

- de les dire recevables en leur action et de débouter la BNP PPF de ses demandes de prononcé de la prescription.

- À titre principal, de juger abusives les clauses n° 1 à 5 du contrat de prêt formant ensemble le mécanisme implicite d’indexation sur le franc suisse, les clauses n°6 à 8 sur la variation du taux d’intérêt et la clause n°9 de reconnaissance d’information, de dire ces clauses non écrites, d'anéantir rétroactivement le contrat, de condamner les emprunteurs à restituer à la BNP PPF le montant libéré au titre du prêt, de condamner la banque à leur restituer l’ensemble des versements qu’ils ont effectués dans le cadre de l’exécution du prêt, depuis sa conclusion jusqu’à son terme anticipé, en ce compris tous les frais afférents à la conclusion et au fonctionnement du prêt, de prononcer la compensation entre ces créances réciproques et de condamner la BNP PPF à leur payer, au 10 novembre 2022, la somme de 6.148,42 euros, à parfaire à la date la plus proche des plaidoiries sur la base d’une mensualité de 654,74 euros.

- À titre subsidiaire, d'annuler le contrat de prêt pour vices du consentement et d'ordonner les restitutions dans les conditions précédemment rappelées.

- En tout état de cause, de condamner la banque à leur payer la somme de 54.085,99 euros en réparation de leur préjudice de perte de chance, du fait du manquement de la banque à son devoir d’information, la somme de 100.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral, de prononcer la capitalisation des intérêts, d'ordonner sous astreinte la publication du dispositif du jugement, de condamner la BNP PPF à leur payer la somme de 35.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, de débouter la banque de ses demandes et d'ordonner l'exécution provisoire.

[*]

Par conclusions du 19 septembre 2023, la BNP PPF demande au tribunal :

- Sur les demandes formées au titre des clauses abusives, à titre principal, s'agissant de la clause relative à la variation du taux de change, de la clause relative à la variation du taux d’intérêt et de la clause de reconnaissance d’information du bordereau d’acceptation, de dire irrecevables ces demandes, à titre subsidiaire, de juger que ces clauses sont rédigées de manière claire et compréhensible, en conséquence, de débouter M. et Mme X. de leurs demandes, à titre plus subsidiaire, de juger que ces clauses ne créent pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, en conséquence, de débouter M.et Mme X. de leurs demandes, à titre encore plus subsidiaire, de juger que seules les stipulations relatives à l’augmentation sans plafond du montant des échéances sont réputées non écrites, les autres stipulations étant maintenues, le contrat de prêt subsistant en l’état, à défaut, de juger que seules les stipulations relatives à la variation du taux de change et à la variation du taux d’intérêt sont réputées non écrites, les autres stipulations étant maintenues, le contrat de prêt subsistant en l’état, à titre infiniment subsidiaire, si le tribunal prononçait l’anéantissement rétroactif du contrat de prêt, d'ordonner la restitution par M. et Mme X. de la contre-valeur en euros des montants empruntés en francs suisses, soit la somme de 92.616,48 euros et de la somme de 32.792,04 euros versée en exécution du jugement pénal du 26 février 2020, la BNP PPF étant condamnée à rembourser les sommes perçues au titre du prêt, soit 107.559,60 euros au 26 septembre 2023, sauf à parfaire, la compensation entre les restitutions réciproques étant ordonnée et d'ordonner en outre le maintien de l'inscription hypothécaire sur le bien immobilier financé par le prêt jusqu’au remboursement par M. et Mme X. des sommes dues au titre de ces restitutions.

- Sur les demandes formées au titre des vices du consentement, à titre principal, de dire ces demandes irrecevables, à titre subsidiaire, de débouter M. et Mme X. de leurs demandes et, à titre infiniment subsidiaire, si le tribunal prononçait la nullité du contrat de prêt, d'ordonner les restitutions, la compensation et le maintien de l’inscription hypothécaire dans les conditions mentionnées ci-dessus.

- Sur la demande formée au titre d’un manquement à l'obligation d’information, à titre principal, de dire irrecevable cette demande, à titre subsidiaire, de débouter M. et Mme X. de leur demande de dommages-intérêts.

- Sur la demande de dommages-intérêts au titre du préjudice moral, à titre principal, de débouter M. et Mme X. de leur demande et, à titre subsidiaire, de déduire de la somme accordée à ce titre celle versée en exécution du jugement pénal du 26 février 2020.

- En tout état de cause, de débouter M. et Mme X. de leurs demandes, de les débouter de leur demande de publication de la décision et, subsidiairement, de ne pas assortir cette demande d'une astreinte, de juger que l’exécution provisoire n’est pas compatible avec la nature de l’affaire et de rejeter leur demande de condamnation au titre des frais irrépétibles.

[*]

L’ordonnance de clôture est intervenue le 26 septembre 2023 et l’affaire a été renvoyée pour plaidoirie à l’audience du 28 novembre 2023.

Par message RPVA du 15 janvier 2024, la BNP PPF a adressé une note en délibéré.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Sur la procédure :

Le sursis ordonné le 1er octobre 2019 s'est trouvé révoqué de plein droit, l'évènement l'ayant motivé s'étant réalisé.

Quant au sursis initialement ordonné le 17 février 2016, dans la mesure où les parties ont depuis conclu sur le fond, il se trouve nécessairement révoqué.

Par ailleurs, l’envoi d’aucune note en délibéré n’a été autorisé.

 

Sur la recevabilité des demandes fondées sur le droit des clauses abusives, s'agissant de la clause relative à la variation du taux de change, de la clause relative à la variation du taux d’intérêt et de la clause de reconnaissance d’information :

Sur la clause relative à la variation du taux de change, la BNP PPF soutient l’irrecevabilité de cette demande, pour défaut d'intérêt à agir, en ce que l’indemnisation du préjudice financier alloué par le tribunal correctionnel correspond à la restitution à l'emprunteur de l’effet de la variation du taux de change qu'il a supportée, sauf à procurer un enrichissement aux époux X. Elle précise que cette indemnisation a eu pour effet de supprimer le déséquilibre significatif allégué par les demandeurs, du fait des conséquences de la variation du taux de change.

La banque ajoute que cette demande est également irrecevable, pour cause d'estoppel, en ce que les époux X. ont soutenu devant le juge pénal, en leur qualité de partie civile, l'application de la clause relative à la variation du taux de change, alors que dans le cadre de la présente instance ils sollicitent que cette même clause soit jugée non écrite.

Sur la clause relative à la variation du taux d’intérêt, la BNP PPF fait valoir que les époux X. se contentent de soutenir que cette clause n'est pas claire et compréhensible, sans alléguer qu'elle crée un déséquilibre significatif, alors qu’en l'espèce cette clause leur a permis de bénéficier d’un taux d’intérêt qui n’a fait que diminuer.

S'agissant de la clause de reconnaissance d’information du bordereau d’acceptation, la banque fait valoir que les emprunteurs ne précisent pas en quoi cette clause serait susceptible de créer un tel déséquilibre.

Ceci étant rappelé.

La question de savoir si ces clauses créent ou non un déséquilibre significatif entre les obligations des parties, au détriment des emprunteurs, relève du fond du droit et ne constitue pas une fin de non-recevoir pour défaut d'intérêt à agir.

Dans tous les cas, les restitutions réciproques ordonnées du fait du caractère abusif des clauses du contrat du prêt, anéantissant ce contrat, n'ont pour objet que de remettre les parties dans la situation dans laquelle elles se seraient trouvées si elles n’avaient pas conclu. Ces restitutions sont donc sans lien avec la réparation d'un préjudice financier ordonnée par le juge correctionnel, dans le cadre de l'instance pénale en cours précédemment rappelée. Il en est d'ailleurs pour preuve que, selon la situation respective des parties, la banque peut se trouver créancière dans le cadre de ces restitutions.

Par ailleurs, la fin de non-recevoir tirée de l'estoppel n'est applicable qu'au cours d’une même instance, alors que la banque soulève cette fin de non-recevoir au vu de l’attitude procédurale des emprunteurs au cours de l'instance pénale ainsi que dans le cadre de la présente instance.

Les époux X. sont donc recevables en leurs demandes fondées sur les clauses abusives.

 

Sur la recevabilité de la demande fondée sur le manquement de la BNP PPF à son obligation d’information :

La banque fait notamment valoir que les emprunteurs ont déjà été indemnisés de leur préjudice financier qu’ils estiment avoir subi du fait des pratiques commerciales trompeuses de la banque devant le juge pénal puisqu'il leur a été a alloué à ce titre la somme de 32.792,04 euros.

Elle rappelle que cette somme a été calculée afin de neutraliser tout effet de la variation du taux de change et de placer les emprunteurs dans la situation dans laquelle ils auraient été s’ils avaient souscrit un prêt à taux fixe en euros.

Elle en conclut que dans la mesure où un même préjudice ne peut être réparé deux fois, les époux X. sont dépourvus d’intérêt à agir et donc irrecevables en leur demande.

Ceci étant rappelé.

Les époux X. ne répliquent pas à cette fin de non-recevoir soulevée par la BNP PPF.

En outre, à l'appui de leur demande tendant à condamner la banque à leur payer la somme de 54.085,99 euros, ils précisent que leur préjudice au titre du manquement à l'obligation d’information consiste en une perte de chance de ne pas contracter le prêt litigieux.

Ils n'établissent pas que ce préjudice serait distinct de celui déjà indemnisé par le jugement correctionnel, alors que la somme qui leur a déjà été allouée a pour objectif de supprimer tout effet de la variation du taux de change, étant ajouté que c'est le risque de change, ainsi qu'il sera retenu plus loin, qui a pour conséquence une augmentation du capital dû malgré les remboursements effectués.

Cette demande est par conséquent irrecevable.

 

Sur la demande tendant à voir déclarer abusives les clauses n° 1 à 5 du contrat de prêt :

Les époux X. font valoir que le contrat de prêt comporte une clause d’indexation implicite au sens des articles L. 111-1 et L. 112-2 du code monétaire et financier, résultant de la combinaison des clauses n°1 à 5 du prêt, dès lors que la monnaie de compte et la monnaie de paiement étaient différentes.

Ils soutiennent que cette clause d’indexation ne porte pas sur le prix du contrat mais constitue l’objet principal dudit contrat en ce qu’il s’agit d’une prestation essentielle, l’indexation sur la parité euro/franc suisse servant au calcul des remboursements du prêt et de son amortissement.

Ils affirment que cette clause revêt un caractère abusif, au sens des dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code de la consommation, devenus L. 212-1 et suivants, en ce qu’elle n’est ni claire, ni compréhensible.

À cet égard, ils rappellent que la CJUE a, par deux arrêts du 10 juin 2021, examiné la clause d’indexation litigieuse au regard du droit des clauses abusives et a confirmé la portée de ces décisions dans une ordonnance du 24 mars 2022.

Ils estiment qu’au vu des critères d’appréciation fixés par la CJUE, la clause d’indexation ne satisfait pas à l’exigence de transparence puisque le mécanisme d’indexation résulte de la combinaison de plusieurs clauses figurant sur plusieurs pages, lequel ne comporte aucun avertissement sur le risque engendré par l’application de cette clause.

Ils relèvent notamment que l’expression « risque de change » n’apparaît nulle part, alors qu’un paragraphe est consacré à l’opération de change afin « d’attirer l’attention du consommateur ».

Ils ajoutent que l’information relative au fonctionnement concret de la clause d’indexation est défaillante dans le contrat et les documents commerciaux. Ils exposent que la banque n’a apporté aucun exemple chiffré sur les conséquences des variations du taux de change, quant aux obligations découlant du contrat. Ils affirment que la banque a eu recours, par l’intermédiaire de ses mandataires, à un discours généralisé et trompeur et considère qu’elle n’a fourni aucune information sur le contexte économique prévisible.

S'ils soutiennent que le défaut de transparence suffit à retenir le caractère abusif de la clause d’indexation, qui doit être réputée non écrite, ils font valoir dans tous les cas que cette clause crée un déséquilibre significatif à leur détriment, en ce qu’elle fait supporter sur les seuls emprunteurs le risque de change illimité et disproportionné. Ils exposent à cet égard que le mécanisme d’indexation peut conduire à une augmentation du capital restant dû, lequel peut dépasser considérablement la somme initialement empruntée, les échéances payées ne couvrant que le montant des intérêts conventionnels.

Ils soulignent que la banque, qui consent le prêt en francs suisses est, en toute hypothèse, remboursée en francs suisses, si bien qu’elle ne subit pas les conséquences du risque de change, tout en bénéficiant du différentiel de parité. Ils notent que le mécanisme de conversion évoqué par la banque est insuffisant à pallier le déséquilibre né de la clause d’indexation puisqu’il est circonscrit dans des délais contraints. Ils contestent aussi l'affirmation selon laquelle le risque de change ainsi mis à leur charge exclusive ait pu être compensé par un taux avantageux. Ils relèvent en outre que la banque a manqué de bonne foi en adoptant un comportement déloyal au moment de la conclusion du prêt.

En réponse, la BNP PPF soutient que les clauses relatives au risque de change ne peuvent être soumises au contrôle des clauses abusives dans la mesure où, ayant trait au remboursement du montant mis à disposition de l’emprunteur, elles relèvent de l’objet principal du contrat et sont rédigées de manière claire et compréhensible.

Elle considère que les clauses relatives au risque de change satisfont à l’exigence de transparence, dans la mesure où la lecture de l’offre de prêt permet à un consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé de comprendre nécessairement qu’un prêt libellé en francs suisses et remboursable en euros entraîne un risque de change, en sa faveur ou en sa défaveur.

Elle précise que le mécanisme d’ajustement de la variation est clair et compréhensible : c'est la durée initiale d’amortissement du prêt qui est réduite sans limite ou augmentée dans la limite de 5 ans ; la mensualité reste constante et ne peut être augmentée que dans l’hypothèse où la période complémentaire de 5 ans serait insuffisante pour un complet remboursement du prêt.

Elle en conclut que les stipulations du prêt ont mis les emprunteurs en mesure d’évaluer les conséquences économiques potentiellement significatives de la clause de monnaie de compte sur leurs obligations financières.

De plus, elle soutient que les clauses critiquées ne créent pas de déséquilibre significatif au détriment du consommateur. Elle fait valoir à cet égard que l'offre de prêt prévoit deux mécanismes qui permettent aux emprunteurs de limiter leur exposition au risque de change : ils ont la possibilité de convertir leur prêt en euros à taux fixe ou à taux variable tous les 3 ans (clause « Options pour un changement de monnaie de compte ») et ils peuvent aussi rembourser leur prêt de façon anticipée à tout moment (clause « Remboursement anticipé »).

Elle ajoute que la note du cabinet d’experts financiers Finexsi démontre que la situation globale des emprunteurs ayant souscrit un prêt Helvet Immo est comparable à celle dans laquelle ils se seraient trouvés en ayant souscrit, à la même époque, un prêt en euros à taux fixe, exempt de toute variation du taux de change et du taux d’intérêt.

La BNP PPF soutient, subsidiairement, que seule la clause prévoyant l’augmentation des échéances sans plafond pourrait être déclarée abusive. Elle précise que les stipulations relatives à l’augmentation des échéances sans plafond sont prévues à l’article « Remboursement de votre crédit », qui prévoit un déplafonnement du montant des échéances pendant la période complémentaire de 5 ans si le versement d’échéances constantes en euros pendant la durée complémentaire de 5 ans ne permet pas l’apurement de la dette, pourraient être supprimées, ce qui aurait pour conséquence la suppression de tout risque de déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties.

De même, la banque sollicite que seules les stipulations relatives à la variation du taux de change et à la variation du taux d’intérêt soient réputées non écrites, soulignant que le prêt serait alors maintenu sous la forme d’un prêt en euros à taux fixe, tout en évitant de placer les époux X. dans la situation d’un prêt en euros à taux zéro, ce qui leur conférerait un enrichissement sans cause.

Ceci étant rappelé,

Les époux X. soutiennent que neuf clauses stipulées au contrat de prêt seraient abusives, dont les clauses « description de votre crédit », « financement de votre crédit », « ouverture d’un compte interne en euros et d’un compte interne en francs suisses pour gérer votre crédit », « opérations de change » et « remboursement de votre crédit », dénommées par les emprunteurs les clauses n°1 à 5 et dont il n’est pas contesté qu’elles constituent, ensemble, une clause implicite d’indexation.

Ces clauses sont ainsi rédigées :

« DESCRIPTION DE VOTRE CREDIT

Le montant du crédit est de 149.112,53 francs suisses

Il correspond au montant du financement en euros de votre projet et des frais de change relatifs à l'opération de change du montant de votre crédit en euros qui seront prélevés lors du déblocage des fonds au notaire

La durée initiale est égale à 22 ans (voir « remboursement de votre crédit »)

L'objet est le suivant : Acquisition d'un appartement à usage de location meublée à [Localité 5], Appart City, lot 101 et financement de la commission d'ouverture d'un montant de 600 euros

FINANCEMENT DE VOTRE CREDIT

Votre crédit est financé par un emprunt souscrit en francs suisses par le Prêteur sur les marchés monétaires internationaux de devises.

Cet emprunt en francs suisses vous permet de bénéficier du taux d'intérêt défini aux présentes (voir « Charges de votre crédit »).

Selon les modalités définies à l'article « Opérations de change », le montant en francs suisses de votre crédit permettra de libérer la somme de 91.247,76 euros chez le notaire le jour de la signature de l'acte de prêt et de payer les frais de change correspondant à cette opération, soit 1.368,72 euros.

OUVERTURE D'UN COMPTE INTERNE EN EUROS ET D'UN COMPTE INTERNE EN FRANCS SUISSES POUR GERER VOTRE CREDIT

Votre crédit sera géré :

- d'une part, en francs suisses (monnaie de compte) pour connaître à tout moment l'état de remboursement de votre crédit,

- et d'autre part, en euros (monnaie de paiement) pour permettre le paiement de vos échéances de votre crédit.

Dès réception de votre acceptation de l'offre, le Prêteur ouvrira un compte interne en euros et un compte interne en francs suisses à votre nom pour gérer votre crédit. Ces comptes ne constituent pas des comptes de dépôt.

* COMPTE INTERNE EN EUROS

Y seront inscrits en euros :

* au crédit,

- vos règlements mensuels en euros, valeur au jour de la réception des fonds par le Prêteur. Le montant de vos règlements, après paiement des charges annexes ci-dessous, sera converti en francs suisses, selon les modalités définies à l'article « Opérations de change », et inscrit au crédit du compte interne en francs suisses.

* au débit,

- les charges annexes :

- les primes d'assurance, valeur au jour de l'arrêté de compte

- les frais de tenue de compte, au jour de l'arrêté de compte,

- les frais de change, valeur au jour des versements effectués par le Prêteur au titre du versement du crédit et valeur au jour de la réception de vos règlements par le Prêteur.

- en cas d'exercice d'une des options de changement de monnaie de compte selon les modalités définies au paragraphe « Options pour un changement de monnaie de compte » :

- le solde débiteur du compte interne en francs suisses converti en euros, et les frais de change, selon les modalités définies au paragraphe « Opérations de change », valeur au jour de son inscription par le Prêteur au débit du compte interne en euros.

- les intérêts, valeur du jour de l'arrêté de compte.

La date d'arrêté de compte est fixée au 10 de chaque mois.

Avant le 15 février de chaque année, vous recevrez une situation de compte vous donnant le solde débiteur de votre compte interne en francs suisses et le montant des intérêts payés en francs suisses et en euros au titre de l'année civile écoulée.

* COMPTE INTERNE EN FRANCS SUISSES

Y seront inscrits en francs suisses :

* au crédit,

- les sommes en francs suisses correspondant au solde de vos règlements mensuels en euros après opération de change en francs suisses selon les modalités décrites au paragraphe « Opérations de change », valeur au jour de la réception de vos règlements en euros par le Prêteur.

* au débit,

- les versements effectués par le Prêteur, via le compte interne en euros, au titre du déblocage du crédit, valeur à la date d'émission des chèques.

- les frais de change liés au déblocage de votre prêt en euros.

- les intérêts, valeur au jour de l'arrêté de compte.

OPERATIONS DE CHANGE

Le prêt, objet de la présente offre, est un prêt de francs suisses. Ne s'agissant pas d'une opération de crédit international, vos versements au titre de ce prêt ne peuvent être effectués qu'en euros pour un remboursement de francs suisses.

En conséquence, il est expressément convenu et accepté que les frais de change occasionnés par les opérations décrites ci-dessous font partie intégrante des règlements en euros et des opérations de changement de monnaie de compte, frais sans lesquels le prêt n'aurait pas été octroyé en francs suisses.

En acceptant la présente offre de crédit, vous acceptez les opérations de change de francs suisses en euros et d'euros en francs suisses nécessaires au fonctionnement et au remboursement de votre crédit tels que précisés au sein de cette offre.

Nous attitrons particulièrement votre attention sur le fait que, si au cours de la vie de votre crédit, vous résidez dans un pays dont la monnaie nationale n'est pas l'euro et que, de ce fait, vous ne disposez pas des euros nécessaires à la réalisation de vos versements dans cette devise, il vous appartient de vous procurer ces euros par tous moyens à votre convenance, sans intervention du Prêteur.

Dans le cas où vous réalisez à cette occasion une ou des opérations de change, les frais et risques y afférents seront entièrement à votre charge.

Le montant de votre prêt, qui comprend les frais de change relatifs à l'opération de change du montant de votre crédit de francs suisses en euros est fixé selon le taux de change de 1 euro contre 1,61 francs suisses. Ce taux est invariable jusqu'au déblocage complet de votre crédit de sorte que le montant du financement en euros est arrêté définitivement.

Le tableau d'amortissement joint à la présente offre de prêt a été établi sur la base de ce même taux de change.

Il est précisé que le taux de change applicable à la fixation du financement en euros de la présente opération n'est valable que 40 jours à dater de la réception de la présente offre par vous-même de sorte que toute nouvelle offre rééditée au titre de la présente opération postérieurement à ce délai comportera une nouvelle fixation du taux de change dans les conditions ci-dessus.

Par ailleurs, les opérations de change suivantes seront réalisées par le Prêteur au cours de la vie de votre crédit :

- la conversion en francs suisses du solde de vos règlements mensuels en euros après paiement des charges annexes de votre crédit. Cette opération de change sera effectuée au taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant l’arrêté de compte.

- la conversion en euros du solde débiteur du compte interne en francs suisses en cas d’exercice d’une des deux options définies à l’article « Options pour un changement de monnaie de compte ». Cette opération de change sera effectuée au taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant la date du changement de monnaie de compte.

- la conversion en francs suisses de votre remboursement en euros en cas de remboursement anticipé total ou partiel de votre crédit, à une période où la monnaie de compte de votre crédit est toujours le franc suisse selon les modalités définies au paragraphe « Remboursement anticipé ». Cette opération de change sera effectuée au taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant la date de réception de votre remboursement anticipé.

- en cas de défaillance de l’emprunteur [...] à une période où la monnaie de compte de votre crédit est toujours le franc suisse, cette monnaie de compte pourra à tout moment et unilatéralement être changée par le prêteur et remplacée par l’euro. Ainsi votre crédit sera transformé d’office en prêt à taux révisable en euros suivant les conditions décrites au paragraphe « Options pour un changement de monnaie de compte ». Cette opération de change sera effectuée au taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant la date du changement de monnaie de compte.

Le taux de change applicable à toutes les opérations de change intervenant au cours de la vie de votre crédit sera le taux de change de référence, publié sur le site Internet de la Banque Centrale Européenne (suit l’adresse du site internet)

Les frais de change appliqués à chaque opération de change sont égaux à 1,50 % toutes taxes éventuelles comprises du montant à convertir.

REMBOURSEMENT DE VOTRE CREDIT

Montant de vos règlements mensuels

> Monnaie de paiement

La monnaie de paiement de votre crédit sera l’euro. Vos règlements mensuels se feront en euros

> Règlements mensuels

- de la date d’ouverture du compte jusqu’au premier versement du crédit, vous n'aurez aucun règlement à effectuer.

- Après le premier versement de votre crédit, vos règlements seront :

pendant les 24 premiers mois de différé total de règlement, d'un montant initial de 37,04 euros correspondant au montant initial de la prime d'assurance.

- Ensuite, vos règlements seront :

pendant les 240 mois suivants, d'un montant de 660,01 euros (assurance et frais de change inclus)

Vous pourrez, si vous le souhaitez et sur simple demande ne pas attendre le terme des 24 mois suivant le premier versement du crédit pour commencer à effectuer les règlements ci-dessus. En utilisant cette possibilité vous rembourserez plus rapidement le solde de votre compte.

Ces montants sont déterminés par application d’un taux de change de 1 euro contre 1,61 francs suisses sur le montant des échéances en francs suisses, en capital et intérêts, auquel sont ajoutées les charges annexes de votre crédit telles que déterminées ci-dessous.

> Amortissement du capital

L’amortissement du capital de votre prêt évoluera en fonction des variations du taux de change appliqué à vos règlements mensuels après paiement des charges annexes selon les modalités définies au paragraphe « Opérations de change »

- s’il résulte de l’opération de change une somme inférieure à l’échéance en francs suisses exigible l’amortissement du capital sera moins rapide et l’éventuelle part de capital non amorti au titre d’une échéance de votre crédit sera inscrite au solde débiteur de votre compte interne en francs suisses.

- s’il résulte de l’opération de change une somme supérieure à l’échéance en francs suisses exigible l’amortissement du capital sera plus rapide et vous rembourserez plus rapidement votre crédit.

En tout état de cause, les opérations de crédit sur le compte en francs suisses seront affectées prioritairement :

- au paiement des intérêts de l'échéance ;

- à l'amortissement du prêt.

> Impact des variations de taux d'intérêt sur le montant de vos règlements en euros.

A chaque 5ème anniversaire de votre premier règlement au titre du présent crédit, le taux d'intérêt de votre crédit sera révisé (voir « Charges de votre crédit »), et vous en serez avisé un mois à l'avance.

Sur la base des sommes restant dues sur le compte en francs suisses, de la durée résiduelle initiale de votre crédit, et du nouveau taux d'intérêt applicable, sera déterminé un nouveau montant d'échéance théorique en francs suisses.

Cette nouvelle échéance théorique sera alors convertie en euros, sur la base du taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant la date de la révision du taux d'intérêt de votre crédit, pour obtenir un nouveau montant de règlement mensuel théorique en euros.

- Si le montant de ce règlement mensuel théorique est inférieur au règlement mensuel en euros précédemment payé, le montant de vos règlements en euros restera néanmoins inchangé, la durée de votre crédit sera raccourcie et vous rembourserez plus rapidement.

- Si le montant de ce règlement mensuel théorique est supérieur au règlement mensuel en euros précédemment payé le montant de vos règlements en euros restera également inchangé mais la durée de votre crédit sera allongée. Néanmoins si le maintien du montant de vos règlements en euros ne permettait pas de régler la totalité du solde de votre compte sur la durée résiduelle initiale majorée de 5 années, vos règlements en euros seraient alors augmentés.

Dans cette hypothèse, cette augmentation de vos règlements en euros sera établie de manière à permettre de régler le solde de votre compte sur la durée résiduelle initiale du crédit majorée de 5 années.

Toutefois, cette majoration ne pourra être supérieure à l'augmentation annuelle de l'indice INSEE des prix à la consommation (série France entière hors tabac) sur la période des 5 dernières années précédant la révision du taux.

Si au terme de la durée initiale de votre crédit, le solde de votre compte n'était pas apuré, la durée de votre crédit sera allongée dans la limite de 5 ans. Le taux d'intérêt de votre crédit sera alors révisé (voir « Charges de votre crédit ») et vos échéances en francs suisses et vos règlements en euros correspondants, déterminés sur la base du taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant la fin de la durée initiale de votre crédit, seront recalculés pour permettre le remboursement en totalité de votre crédit au plus tard à la fin de la période complémentaire de 5 ans (hors report éventuel au titre du report chômage et/ou de l'arriéré résultant de règlements impayés).

Puis, le cas échéant, à chaque date anniversaire de votre crédit et pour la première fois à la fin de la première année de prolongation, toujours pour permettre le remboursement en totalité de votre crédit au plus tard à la fin de la période complémentaire de 5 ans :

- vos échéances en francs suisses seront augmentées en nombre et/ou en montant si vos règlements effectifs en euros de l'année écoulée n'ont pas permis de les régler intégralement compte tenu du taux de change applicable durant cette période,

- vos règlements en euros correspondant aux échéances en francs suisses seront déterminés sur la base du taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant chaque date anniversaire de votre crédit.

Durant cette période complémentaire de 5 ans, le montant de vos règlements ne pourra être inférieur à celui de l'année précédente. Si à la fin de la 5ème année de prolongation, il subsiste un solde débiteur sur votre compte provenant d'un report éventuel au titre du chômage et/ou de l'arriéré résultant de règlements impayés, vous poursuivrez vos règlements jusqu'au paiement complet du solde. »

 

En vertu de l’article L. 132-1 du code de la consommation, issu de la transposition de la directive n°93/13/CE du 5 avril 1993, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat. L’appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l’objet principal du contrat, pour autant qu’elles soient rédigées de façon claire et compréhensible.

Il en résulte que lorsqu’une clause définit l’objet principal du contrat, elle échappe au mécanisme des clauses abusives, à condition d’être rédigée de façon claire et compréhensible. Définissent l’objet principal du contrat les clauses qui fixent les prestations essentielles de ce contrat et qui, comme telles, caractérisent celui-ci.

En l’espèce, il est acquis aux débats que les cinq clauses litigieuses constituant la clause implicite d'indexation définissent l’objet principal du contrat puisqu’elles décrivent l’obligation principale des emprunteurs.

S’agissant de l’appréciation du caractère clair et compréhensible de ces clauses, la CJUE a dit pour droit, par deux arrêts en date du 10 juin 2021, que l’article 4 § 2 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d’un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l’exigence de transparence des clauses de ce contrat qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l’euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l’emprunteur, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat.

Elle a rappelé, aux termes de ces arrêts, que l’exigence de transparence doit être comprise comme imposant non seulement que la clause concernée soit intelligible pour le consommateur sur les plans formel et grammatical, mais également qu’un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, soit mis en mesure de comprendre le fonctionnement concret de cette clause et d’évaluer ainsi, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques, potentiellement significatives, d’une telle clause sur ses obligations financières, ce qui implique notamment que le contrat doit exposer de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel la clause concernée fait référence, ainsi que, le cas échéant, la relation entre ce mécanisme et celui prescrit par d’autres clauses.

La charge de la preuve du caractère clair et compréhensible des clauses concernées incombe au professionnel.

En l’espèce, est discutée l’intelligibilité des clauses n°1 à 5 du prêt en ce qu’elles ne comporteraient pas d’avertissement suffisant sur les risques engendrés par le mécanisme financier qu’elles contiennent.

La clause « Remboursement de votre crédit » explique que l'amortissement du prêt peut être plus ou moins rapide selon l'évolution du taux de change, tout en indiquant que le crédit peut être allongé d'une période de cinq ans pour permettre le remboursement du solde restant dû. Toutefois, en évoquant uniquement le ralentissement de l'amortissement du capital du prêt, le contrat n'explicite pas le risque d'augmentation de la dette résultant de l'augmentation du capital restant dû. À aucun moment, les clauses n°1 à 5 n'évoquent ce risque d'augmentation de la contre-valeur en euros du capital restant dû et du risque corrélatif d'une augmentation de la dette qui n'est pas limitée.

La banque soutient à tort que « le paiement d'échéances fixes en euros et la possibilité d'un allongement de la durée d'amortissement impliquent un risque d'augmentation de la contre-valeur en euros du capital restant dû en francs suisses », alors que ce risque n'est pas présenté dans les clauses litigieuses, seule la durée de l'amortissement du capital étant mentionnée.

Il ne saurait être attendu d'un consommateur raisonnablement attentif et avisé qu'il comprenne le risque d'augmentation du capital restant dû à la lecture des clauses expliquant le fonctionnement du mécanisme de change. Les emprunteurs peuvent d'autant moins être alertés sur ce risque que la banque a joint au contrat de crédit un tableau d'amortissement en précisant seulement « Le tableau d'amortissement joint à la présente offre de prêt a été établi sur la base de ce même taux de change » dans la clause « Opérations de change ».

Or, il n'est pas précisé que ce tableau d'amortissement est purement théorique puisque la part d'intérêts et de capital amorti variera nécessairement à chaque échéance. Ainsi, le risque d'accroissement de l’endettement n'est pas explicité, pas plus que son caractère illimité. Les emprunteurs ne pouvaient dès lors évaluer le risque d'endettement résultant de la signature de ce contrat de crédit.

Sur l'évolution de la parité euros/francs suisses, il appartenait à la banque, en sa qualité de professionnel, d'envisager et d'informer le consommateur de toutes les évolutions possibles de cette parité, en particulier les risques encourus en cas de dépréciation significative de l’euro.

De plus, l’expression « risque de change » n’est jamais utilisée d'une manière générale. Elle n'est évoquée que dans une hypothèse particulière, lorsque le consommateur déménage hors de la zone euro et devra alors lui-même acquérir des euros pour procéder aux paiements mensuels. Cela démontre que la banque pouvait insérer un avertissement explicite sur le risque de change en général, ce qu'elle a délibérément choisi de ne pas faire.

Il ne saurait être retenu que la clause « Remboursement de votre crédit » informe suffisamment de la durée du prêt de cinq ans et de l'augmentation du montant des échéances.

En effet, lorsque le risque de change inhérent au contrat se réalise, cela a pour conséquence, non seulement une augmentation de la durée du prêt de cinq années maximum mais, si le paiement de la mensualité fixe sur cette période complémentaire ne suffit pas à apurer le prêt, la mensualité est alors déplafonnée. La banque ne justifie pas d'une information utile du consommateur sur ce point, en particulier en cas de forte dépréciation de l'euro par rapport au franc suisse.

Il en résulte que les effets de l’évolution de la parité entre l’euro et le franc suisse ne sont pas mis en relief ni suffisamment explicités aux termes du contrat et dans les documents annexes communiqués aux emprunteurs, de telle sorte que ces derniers puissent envisager concrètement l’incidence économique potentiellement significative d’une évolution défavorable de la parité des monnaies sur ses obligations et évaluer, en toute connaissance de cause, le risque auquel ils acceptent de s’exposer, le cas échéant.

Par conséquent, ces clauses ne constituent pas un ensemble clair et compréhensible au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation.

Il convient, dès lors, d’examiner si elles ont pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les obligations des parties au contrat au détriment de l’emprunteur.

À cet égard, la CJUE a également dit pour droit, dans les deux arrêts précités du 10 juin 2021, que l’article 3 § 1 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que les clauses d’un contrat de prêt qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l’euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change, sans qu’il soit plafonné, sur l’emprunteur, sont susceptibles de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant dudit contrat au détriment du consommateur, dès lors que le professionnel ne pouvait raisonnablement s’attendre, en respectant l’exigence de transparence à l’égard du consommateur, à ce que ce dernier accepte, à la suite d’une négociation individuelle, un risque disproportionné de change qui résulte de telles clauses.

Elle a rappelé, en ce qui concerne l’appréciation du caractère abusif d’une clause contractuelle, qu’il incombe au juge national de déterminer, en tenant compte des critères énoncés à l’article 3§1, ainsi qu’à l’article 5 de la directive 93/13, si, eu égard aux circonstances propres au cas d’espèce, une telle clause satisfait aux exigences de bonne foi, d’équilibre et de transparence posées par cette directive.

En l’espèce, ainsi que cela a été précédemment retenu, le contrat de prêt expose les emprunteurs à un risque financier du fait de la parité des monnaies de compte et de paiement mais sans que ce risque ne soit plafonné lors de la dernière période éventuelle de remboursement. Il doit être ajouté que si la banque supporte aussi le risque de change, elle ne supporte que l’aléa tenant à la durée de perception des intérêts sans qu’il n’existe de mesure entre l’accroissement significatif du capital à rembourser pour les emprunteurs et le manque à gagner en intérêts pour la banque qui voit le capital en francs suisses remboursé par équivalent en euros, selon le cours du change au moment de chaque paiement.

Il s’en déduit que la BNP PPF ne pouvait s’attendre, si les emprunteurs avaient été normalement informés du fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et mis en mesure d’évaluer les conséquences économiques négatives potentielles, à ce que ces derniers acceptent le risque disproportionné qui résulte de ces clauses.

La banque fait par ailleurs valoir que les coûts mis à la charge des emprunteurs par les clauses relatives au risque de change ne traduisent aucun déséquilibre significatif puisque la note du cabinet Finexsi démontre que la situation des emprunteurs en général est comparable à celle dans laquelle ils se seraient trouvés en ayant souscrit à la même époque un prêt en euros à taux fixe.

Cependant, cette étude inclut la variation du taux d’intérêt alors qu’est ici en cause le déséquilibre lié au seul taux de change, constituant une variable distincte, résultant de clauses spécifiques seules examinées ici.

Au demeurant, ces éléments allégués par la banque sont extrinsèques aux droits et obligations des parties au contrat qui constituent le champ dans lequel doit être apprécié le déséquilibre significatif. En effet, le caractère abusif de la clause doit être apprécié à la date de conclusion du contrat, peu important les conditions de son exécution.

Il n'est par conséquent nullement démontré que le déséquilibre en défaveur des emprunteurs, que ces derniers n’ont d'ailleurs pas pu appréhender d'une manière claire, ne serait pas significatif.

Les clauses n°1 à 5 seront déclarées abusives, en ce qu’elles font encourir aux emprunteurs, en méconnaissance de cause, un risque tenant à la parité des monnaies de compte et de paiement.

 

Sur les conséquences de la reconnaissance du caractère abusif des clauses n°1 à 5 :

Les époux X. rappellent que du fait du caractère abusif des clauses n°1 à 5 du prêt, ce contrat doit être annulé rétroactivement, estimant que le contrat de prêt ne peut pas subsister sans la clause implicite d’indexation.

Ils soulignent que les stipulations relatives au déplafonnement des mensualités sur les 5 années additionnelles du prêt ne constituent qu’une modalité de paiement parmi d’autres du risque de change qui s’est réalisé.

Ils estiment en conséquence que la suppression du seul mécanisme de déplafonnement n’aurait pour effet que de limiter l’ampleur de la réalisation possible du risque de change pour les seuls consommateurs qui exécuteraient leur contrat jusqu’à son terme.

Ceci étant rappelé.

La BNP PPF prétend que seule la clause de remboursement de cinq années supplémentaires non plafonnée pourrait être reconnue abusive, afin de rétablir l’équilibre entre les droits et obligations des parties.

Cependant, ce cantonnement de la reconnaissance du caractère abusif ne saurait être retenu, alors que la réalisation du risque de change ne découle pas uniquement de l’exécution de cette clause. En effet, cette stipulation ne constitue qu’une modalité de paiement du risque de change qui s’est réalisé. La suppression du mécanisme de déplafonnement n’aurait pour effet que de limiter l’ampleur de la réalisation du risque de change, pour les seuls consommateurs exécutant leur contrat jusqu’à son terme.

En outre, la clause implicite d’indexation constitue un ensemble indivisible de stipulations, en ce que le principe descriptif de l’emprunt en francs suisses remboursable en euros est décliné par le fonctionnement de deux comptes dans chacune des devises, par les opérations de change et par les modalités de remboursement dans le temps.

De même et contrairement à ce que soutient la BNP PPF, il ne saurait être retenu que seules les stipulations relatives à la variation du taux de change et à la variation du taux d’intérêt soient jugées non écrites.

En effet, ces clauses participent à l’économie même du contrat de prêt, pour un prêt à intérêts indexé sur le franc suisse, de sorte qu'en l'absence de ces clauses le contrat de prêt ne peut pas subsister. Il n'appartient pas en outre au juge de réécrire les stipulations du contrat de prêt pour lui permettre d'être exécutés sans ces clauses.

La banque n'est en outre pas fondée à affirmer que l'anéantissement rétroactif du prêt conduirait nécessairement à l'enrichissement sans cause des emprunteurs, alors qu'elle peut être créancière du solde dû à la suite des restitutions réciproques.

 

Sur l’anéantissement rétroactif du prêt et les demandes de restitution :

Les époux X. précisent que cet anéantissement rétroactif emporte restitutions réciproques entre les parties, soit à leur charge, la contre-valeur en euros du capital libéré en francs suisses, au taux de change initial fixé par le contrat, d'un montant de 90.647,76 euros, alors que la banque doit rembourser l’ensemble des versements effectués par les emprunteurs au 10 novembre 2022, à savoir les mensualités intégrant les frais de change, la commission d’ouverture du compte et les frais de tenue de compte soit 96.796,18 euros.

Après compensation entre ces deux créances réciproques, ils en concluent qu'il existe un solde de 6.148,42 euros en leur faveur, ajoutant que pour éviter tout difficulté d’exécution de la décision à intervenir, il convient de préciser au dispositif les différents éléments à prendre en compte pour déterminer la créance de restitution de l’emprunteur.

Ceci étant rappelé.

L’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, dispose que « Les clauses abusives sont réputées non écrites. […] Les dispositions du présent article sont d’ordre public ». Elles sont donc privées de tout effet pour l’avenir, mais également de manière rétroactive, dès l’origine du contrat dès lors qu’elles ne lient pas le consommateur.

Ce même texte ajoute que « Le contrat reste applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s’il peut subsister sans ces clauses ».

La constatation du caractère abusif d’une clause, qui est donc réputée non écrite, implique que le consommateur soit replacé dans la situation de droit et de fait dans laquelle il se serait trouvé en son absence. Si le contrat peut subsister sans ladite clause, celle-ci est simplement privée d'effet ab initio. Si, au contraire, le contrat ne peut pas subsister sans cette clause, il doit être anéanti dans son entier.

En l’espèce, les clauses n°1 à 5 reconnues abusives doivent être réputées non-écrites et les époux X. doivent se retrouver dans une situation qui aurait été la leur si les clauses n’avaient jamais existé.

Or, il est acquis aux débats que lesdites clauses constituent l’objet principal du contrat. En outre, leur lecture et analyse révèlent qu’elles forment un tout indivisible. Les modalités de remboursement stipulées au contrat et les opérations de change nécessaires n’étant pas maintenues, alors que le montant du prêt est en francs suisses, l’entièreté du prêt est affectée.

En conséquence, le contrat de crédit sera déclaré anéanti de manière rétroactive.

L’anéantissement rétroactif du contrat de prêt emporte remise en état des parties, qui sont replacées dans la situation dans laquelle elles se seraient trouvées si elles ne l’avaient pas conclu, en opérant une compensation entre les créances de restitution réciproques suivantes :

- la créance de la banque, correspondant au montant du capital emprunté en euros ;

- la créance de l’emprunteur, correspondant à l’ensemble des versements qu’il a effectués en euros.

Les époux X. devront donc restituer à la banque la contre-valeur en euros du capital libéré en francs suisses par application du taux de change initial rappelé par le contrat, dans la mesure où c’est la somme qu’il a effectivement perçue en euros lors du déblocage des fonds.

Ils devront rembourser à ce titre la somme de 91 247,76 euros, soit la contre-valeur en euros de la somme empruntée en francs suisses. Il doit être ajouté la somme de 1 368,72 euros correspondant aux frais de change liés à l’opération mais non celle de 600 euros de commission d’ouverture. En effet, seule la première de ces sommes accessoires est reprise au paragraphe FINANCEMENT DE VOTRE CREDIT du contrat de prêt. Les emprunteurs doivent donc la somme totale de 92 616,48 euros.

 

Sur les sommes dues par la banque, elles correspondent à l’ensemble des versements que les époux X. ont effectués auprès de la banque, durant l’exécution du contrat de prêt :

Il convient de retenir le quantum indiqué par la BNP PPF, plus récent et d'un montant plus élevé que celui visé par les époux X., soit la somme de 107 559,60 euros, au 26 septembre 2023, au surplus non utilement contestée.

Contrairement à ce que suggère les demandeurs, il n’y a pas lieu de préciser les différents éléments à prendre en compte pour déterminer les créances de restitution au dispositif de la décision, lequel n’a pas pour objet d'expliquer le calcul aboutissant au montant d'une condamnation, étant ajouté qu'en l'espèce le solde aboutissant au montant de cette condamnation est arrêté à une date donnée.

Les restitutions réciproques ordonnées étant sans lien avec la réparation d'un préjudice financier et/ou moral, la BNP PPF sera déboutée de sa demande aux fins de voir diminuer la créance des emprunteurs des sommes qu'ils ont perçues dans le cadre de l'instance pénale, en réparation de leurs préjudices.

Après compensation entre ces deux créances réciproques, il en résulte un solde de 14.943,12 euros en faveur des époux X., au 26 septembre 2023, que la banque sera condamnée à rembourser. Ce solde étant à parfaire jusqu’à la date la plus proche des plaidoiries, il est supérieur à celui réclamé par les emprunteurs.

 

Sur la demande de dommages-intérêts formée au titre du préjudice moral :

Les époux X. font valoir que la charge de remboursement du prêt ne cesse de croître, ce qui les empêche de se constituer un patrimoine pour leur retraite et les conduira à transmettre à leurs héritiers un lourd passif, outre que cela les a placés dans une situation d'angoisse quotidienne.

Ils ajoutent que cette charge ne leur permet pas de souscrire d'autres prêts destinés à financer des dépenses de la vie quotidienne ou à effectuer un investissement locatif.

Cependant, comme le relève la banque, les époux X. ne justifient pas de l’existence d’un préjudice moral distinct de celui indemnisé dans le cadre de leur action civile devant le tribunal correctionnel, à hauteur de la somme totale de 20.000 euros, d'autant qu'ils sollicitent paiement à ce titre de la somme particulièrement élevée de 100/000 euros.

Ils seront donc déboutés de cette demande

 

Sur la capitalisation des intérêts :

Conformément à la demande des époux X., la capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil.

 

Sur la demande de maintien de l'inscription hypothécaire :

Dès lors que les emprunteurs ne sollicitent pas la mainlevée de l'inscription hypothécaire grevant le bien financé par le contrat de prêt, la demande de maintien de cette mesure formée par la BNP PPF ne constitue pas une prétention.

 

Sur les frais irrépétibles :

Au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, la BNP PPF sera condamnée à payer la somme de 10.000 euros.

 

Sur l’exécution provisoire et la demande de publication du jugement :

La BNP PPF s’oppose au prononcé de l’exécution provisoire, en soutenant qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. Elle expose que l’anéantissement rétroactif du contrat avec exécution provisoire emporterait des conséquences irréversibles pour elle.

Cependant, aucune considération ne justifie de ne pas prononcer l'exécution provisoire du jugement, sollicitée par les époux X., en particulier au vu de l'ancienneté de l'affaire.

En outre, le risque d’insolvabilité des emprunteurs en cas d’infirmation du jugement n’est nullement établi.

Par ailleurs, la demande de publication qui n’est pas étayée sera écartée.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe

DIT M. X. et Mme X. recevables en leurs demandes fondées sur les clauses abusives ;

DIT M. X. et Mme X. irrecevables en leurs demandes fondées sur le devoir d'information ;

DIT que les clauses n°1 à 5 du contrat de prêt Helvet Immo du 24 juin 2008 intitulées « Description de votre crédit », « Financement de votre crédit », « Ouverture d’un compte interne en euros et d’un compte interne en francs suisses pour gérer votre crédit », « Opérations de change » et « Remboursement de votre crédit », sont abusives et réputées non écrites ;

PRONONCE l’anéantissement rétroactif de ce contrat ;

CONDAMNE en conséquence la SA BNP Paribas Personal Finance à payer à M. X. et Mme X. la somme de 14.943,12 euros, arrêtée au 26 septembre 2023 ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil ;

DÉBOUTE les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires ;

CONDAMNE la SA BNP Paribas Personal Finance aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SA BNP Paribas Personal Finance à payer à M. X. et Mme X. la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

ORDONNE l'exécution provisoire.

Fait et jugé à Paris le 16 janvier 2024

Le Greffier                            Le Président