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CA NÎMES (2e ch. sect. A), 19 mars 1998

Nature : Décision
Titre : CA NÎMES (2e ch. sect. A), 19 mars 1998
Pays : France
Juridiction : Nimes (CA), 2e ch. sect. A
Demande : 96/3575
Date : 19/03/1998
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Juris Data
Décision antérieure : TI CARPENTRAS, 25 AVRIL 1996
Numéro de la décision : 204
Décision antérieure :
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1075

CA NÎMES (2e ch. sect. A), 19 mars 1998 : RG n° 96/3575 ; arrêt n° 204

Publication : Juris-Data n° 030537 ; site CCAB

 

Extraits : 1/ « C'est à bon droit conformément à cette recommandation que le premier juge n'a pas considéré comme abusive la clause du contrat du 25 juillet 1990 prévoyant que la garantie ALD pour chômage n'était pas accordée « si l'arrêt de travail, quelle qu'en soit la durée survient dans les 9 mois qui suivent la date d'effet » du contrat dans la mesure où ce délai n'apparaît pas excessif au regard du risque de fraude et de la connaissance que peut avoir le souscripteur du risque de licenciement qui pourrait peser sur lui à la date de la souscription du contrat, et de ce fait n'est pas d'une durée telle qu'il dénature les garanties du contrat. »

2/ « C'est aussi à bon droit que le premier juge, conformément à la même recommandation 90-1B-6e, a considéré au contraire comme abusive une autre clause du même contrat du 25 juillet 1990 prévoyant un délai de « franchise absolue » de 18 mois ininterrompu en cas de chômage en ce qui concerne la même garantie ALD, dans la mesure où ce délai était exagéré notamment du fait que les indemnités ASSEDIC en cas de chômage ne sont perçues généralement que pendant une durée maximum de 12 mois, ce qui diminue tellement l'intérêt du souscripteur qu'il dénature la garantie chômage du contrat. »

3/ « Une clause abusive est réputée non écrite et de ce fait inapplicable au contrat en cause sans qu'il puisse lui être substituée d'office par le juge une autre clause. »

 

COUR D’APPEL DE NÎMES

DEUXIÈME CHAMBRE SECTION A

ARRÊT DU 19 MARS 1998

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 96.3575. Arrêt n° 204.

Ce jour, DIX NEUF MARS MIL NEUF CENT QUATRE VINGT DIX HUIT,

A l'audience publique de la DEUXIÈME CHAMBRE SECTION A, DE LA COUR D'APPEL DE NÎMES, Monsieur ROCHE, Président, assisté de Madame DERNAT, Premier Greffier, a prononcé l'arrêt suivant, dans l'instance opposant :

 

D'une part :

Monsieur X.,

demeurant et domicilié [adresse], AJT du […] – N° […], ayant pour avoué constitué Maître d'EVERLANGE et la SCP PENARD-GEIGER-MARIN pour avocat, APPELANT

 

D'autre part :

1/ La SA SOVAC

dont le siège social est [adresse], prise en la personne de son Président Directeur Général en exercice y domicilié en cette qualité, ayant pour avoué constitué la SCP FONTAINE - MACALUSO JULLIEN et la SCP REINHARD DELRAN - BERGER GOUAZE pour avocat,

2/ La Compagnie d'Assurances VIE PLUS

dont le siège social est [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux en exercice y domiciliés en cette qualité, ayant pour avoué constitué la SCP GUIZARD et Maître BROT pour avocat, INTIMÉES

 

[minute page 2] Après que l'instruction ait été clôturée par le Conseiller de la Mise en Etat en date du 5 janvier 1998, Après que les débats aient eu lieu à l'audience publique du 29 janvier 1998 où siégeaient : Monsieur ROCHE, Président, Monsieur DE MONREDON, Conseiller, Monsieur EYNARD, Conseiller,

assistés de Madame DERNAT, Premier Greffier.

La Cour ainsi composée et assistée a entendu les avoués en leurs explications et conclusions, et renvoyé le prononcé pour plus ample délibéré à la date de ce jour.

Les magistrats du siège en ont ensuite délibéré en secret conformément à la loi.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par convention sous seing privée du 25 juillet 1990 X. a accepté une offre préalable de crédit « compte disponible » de la SOVAC d'un montant maximum de découvert autorisé de 40.000 francs remboursable par mensualités suivant un tableau de fonctionnement.

Par le même acte il a adhéré à une assurance groupe complémentaire auprès de la Compagnie VIE PLUS, couvrant notamment l'arrêt total de travail de longue durée (ALD) par perte d'emploi salarié.

* * *

Par ordonnance du 31 mars 1994, il a été enjoint à X. de payer à la SA SOVAC la somme de 86.607, 82 francs avec intérêts au taux légal.

Le 20 juin 1994 X. a formé opposition à cette ordonnance.

[minute page 3] X. a régulièrement relevé appel d'un jugement du Tribunal d'Instance de CARPENTRAS du 25 avril 1996 qui a :

- réputé non écrite la clause du contrat d'assurance édictant une franchise de 18 mois en cas de chômage alors que celle-ci ne devrait pas dépasser 12 mois.

- rejeté la responsabilité de la SOVAC.

- condamné BOUTS à payer à la SA SOVAC la somme de 86.607, 82 francs avec intérêts au taux légal faute de taux contractuel fixe depuis le 22 mars 1994.

- rejeté les autres demandes.

- condamné X. aux entiers dépens.

* * *

X. estime que la clause du contrat d'assurance instaurant un délai de carence de 9 mois et celle stipulant une franchise de 18 mois doivent être purement et simplement annulées et la société d'assurances doit être condamnée à prendre en charge sa perte d'emploi à compter de son licenciement du 28 mars 1991 ou à défaut à compter de son second licenciement du 1er mars 1994.

Subsidiairement, il est bien fondé à soulever l'inopposabilité à son égard de la limitation de garantie et à demander l'application du contrat d'assurance dans toutes ses dispositions. En tout état de cause, il est manifeste que la SOVAC a commis une faute en ne respectant pas son devoir d'information et de conseil à l'égard de X.

 X. demande en conséquence :

Accueillant l'appel de Monsieur X. et y faisant droit,

Réformant le jugement rendu par le Tribunal d'Instance de CARPENTRAS à l'audience du 25 avril 1996,

Statuant à nouveau, de :

- [minute page 4] dire abusives et en tout cas inopposables à Monsieur X. les clauses instaurant un délai de carence de 9 mois et une franchise de 18 mois pour permettre de bénéficier de la garantie perte d'emploi prévue à l'assurance de groupe souscrite par Monsieur X. lors de la signature de l'offre préalable d'ouverture de crédit « compte disponible » du 25 juillet 1990 auprès de la société SOVAC.

- dire les clauses litigieuses inopposables Monsieur X.

- en conséquence, condamner la Compagnie VIE PLUS à garantir auprès de la société SOVAC Monsieur X. de ses pertes d'emploi des 28 mars 1991 et 1er mars 1994 en prenant en charge les échéances du contrat de crédit pendant sa période d'inactivité, ou à défaut condamner la société VIE PLUS à payer à la société SOVAC en lieu et place de Monsieur X. la somme de 86.607,82 francs en principal, majorée des intérêts depuis le 31 mars 1994 en lieu et place de Monsieur X.

Subsidiairement,

- condamner la société SOVAC à payer à Monsieur X., à titre de dommages-intérêts, une somme de 86.607,82 francs, majorés des intérêts légaux courus depuis le 31 mars 1994 et dire que cette somme se compensera avec celle que Monsieur X. pourrait lui devoir au titre de son contrat de crédit.

- condamner la société SOVAC solidairement avec la société VIE PLUS à payer à Monsieur X. une somme de 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

- condamner conjointement et solidairement la SA SOVAC et la Compagnie d'Assurances VIE PLUS aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de son avoué.

* * *

[minute page 5] La SA SOVAC conclut à :

- statuer ce que de droit sur le caractère abusif ou non des clauses du contrat d'assurance instaurant un délai de carence et de franchise.

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté la responsabilité de la SOVAC et condamné Monsieur X. à lui porter et payer la somme de 86.607,82 francs outre les intérêts au taux légal à compter du 31 mars 1994.

- débouter Monsieur X. de l'intégralité des demandes formulées à l'encontre de la concluante.

- le condamner à porter et payer à la SOVAC la somme de 10.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La créance réclamée n'est pas contestée par X. Le caractère abusif ou non de la clause alléguée ne concerne pas la SA SOVAC sauf à dire que l'assurance souscrite était facultative.

La SOVAC conteste tout manquement à son obligation d'information et de conseil. Les dispositions principales du contrat d'assurance sont reproduites de façon claire, précise et sans ambiguité dans l'offre préalable de crédit, et une notice a été d'autre part adressée au souscripteur.

* * *

La Compagnie d'Assurances VIE PLUS conclut à :

- réformer partiellement le jugement rendu par le Tribunal d'Instance de CARPENTRAS en date du 25 avril 1996.

En conséquence,

- dire et juger que le délai de franchise de 18 mois n'est pas abusif et ne peut être réputé non écrit.

- confirmer le jugement rendu dans toutes ses autres dispositions.

- [minute page 6] condamner Monsieur X. à verser à la Compagnie VIE PLUS une somme de 5.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

- condamner Monsieur X. aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de son avoué.

Le délai de carence de 9 mois prévu contractuellement n'est pas abusif. X. fait une interprétation erronée du Code des Assurances en soutenant que les contrats d'assurances collectives ne peuvent avoir une durée supérieure à un an.

C'est à tort que le Tribunal a estimé abusif le délai de franchise de 18 mois. Le but principal de la garantie n'est pas de régler des échéances de façon continue mais de solder la totalité du crédit à l'issue de la franchise.

Les clauses de limitation de garantie sont parfaitement opposables à X., la notice qui lui a été adressée reproduisant les dispositions essentielles du contrat sans qu'il existe d'autres obligations d'information à la charge de l'assureur.

En tout état de cause l'assureur a versé à X. conformément aux dispositions contractuelles une somme de 36.216,49 francs le 12 octobre 1995.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS

Aux termes des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, les clauses abusives sont réputées non écrites.

Aux termes de l'article L. 132-4 du même Code, la Commission des Clauses Abusives recommande la suppression ou la modification des clauses qui présentent un caractère abusif.

[minute page 7] Par une délibération 90-01 concernant les contrats d'assurances complémentaires de crédit à la consommation ou immobilier ou à un contrat de location avec option d'achat, la Commission des Clauses Abusives recommande « que soient supprimées (dans ces contrats) les clauses ayant pour effet ou pour objet… 6e) de prévoir un délai de carence d'une durée telle qu'il dénature les garanties du contrat, en considération notamment de la durée du prêt auquel elles se rapportent ».

* * *

C'est à bon droit conformément à cette recommandation que le premier juge n'a pas considéré comme abusive la clause du contrat du 25 juillet 1990 prévoyant que la garantie ALD pour chômage n'était pas accordée « si l'arrêt de travail, quelle qu'en soit la durée survient dans les 9 mois qui suivent la date d'effet » du contrat dans la mesure où ce délai n'apparaît pas excessif au regard du risque de fraude et de la connaissance que peut avoir le souscripteur du risque de licenciement qui pourrait peser sur lui à la date de la souscription du contrat, et de ce fait n'est pas d'une durée telle qu'il dénature les garanties du contrat.

Il ne saurait être allégué d'une durée du prêt limitée à un an, s'agissant d'une ouverture de crédit dont le caractère renouvelable par tacite reconduction empêche de fixer une durée fixe et certaine, et le contrat en cause ayant lui-même atteint une durée effective de plus de 4 années à la date de l'ordonnance d'injonction de payer.

Il ne saurait mieux être allégué du caractère inopposable de cette clause à l'égard de X., celle-ci figurant clairement et de façon non ambiguë dans l'offre préalable de crédit et dans la notice descriptive qu'il a reconnu avoir reçue.

* * *

C'est aussi à bon droit que le premier juge, conformément à la même recommandation 90-1B-6e, a [minute page 8] considéré au contraire comme abusive une autre clause du même contrat du 25 juillet 1990 prévoyant un délai de « franchise absolue » de 18 mois ininterrompu en cas de chômage en ce qui concerne la même garantie ALD, dans la mesure où ce délai était exagéré notamment du fait que les indemnités ASSEDIC en cas de chômage ne sont perçues généralement que pendant une durée maximum de 12 mois, ce qui diminue tellement l'intérêt du souscripteur qu'il dénature la garantie chômage du contrat.

Il importe peu à ce sujet comme il est prétendu par la Compagnie VIE PLUS que le but principal de cette garantie soit de solder la totalité du crédit et non de régler les échéances de façon continue, le souscripteur étant en tout état de cause en droit d'attendre à l'issue d'un délai raisonnable de franchise, constitué comme en l'espèce par celui de l'indemnisation ASSEDIC, une prise en charge par l'assureur, en exécution du contrat souscrit, de tous ses engagements à l'égard du prêteur quelles qu'en soient les modalités de règlement.

C'est par contre à tort que le premier juge a déclaré la clause de franchise de 18 mois applicable dans la limite de 12 mois, après l'avoir justement déclarée abusive, la loi ne prévoyant pas une telle possibilité. Une clause abusive est réputée non écrite et de ce fait inapplicable au contrat en cause sans qu'il puisse lui être substituée d'office par le juge une autre clause.

* * *

Il ne saurait être allégué d'une faute commise par le prêteur dans son obligation d'information et de conseil à l'égard de X., les indications litigieuses figurant clairement dans le contrat souscrit et dans la notice jointe, et apparaissant parfaitement compréhensibles pour un souscripteur normal sans que le prêteur ait à justifier de diligences particulières complémentaires.

* * *

[minute page 9] Il y a lieu en conséquence de rejeter la demande de clause abusive concernant le délai de carence d'effet de 9 mois et de confirmer le jugement déféré qui a déclaré abusive la clause du contrat du 25 juillet 1990 concernant le délai de franchise de 18 mois sauf à dire cette clause inopposable dans son entier à X.

De ce fait c'est à juste titre que l'assureur a refusé la prise en charge du licenciement déclaré par X. le 28 mars 1991 comme étant survenu moins de 9 mois après la prise d'effet du contrat du 25 juillet 1990.

De ce fait ce même assureur doit prendre en charge le contrat de crédit à compter du 31 décembre 1993 à la suite du nouveau licenciement de X. intervenu à compter de cette date, tout en tenant compte qu'il a déjà versé à ce titre à X. le 12 octobre 1995 la somme de 36.216,49 francs.

Le montant de la créance de la SOVAC n'étant contesté ni dans son principe ni dans son montant et aucun manquement aux obligations du prêteur n'ayant été démontré, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné X. à payer à la SA SOVAC la somme de 86.607, 82 francs avec intérêts de droit au taux légal dont le point de départ doit être fixé au 31 mars 1994, la déchéance du terme ayant été prononcée par le prêteur après l'échéance impayée de ce mois.

* * *

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles.

Succombant chacune en partie dans leurs prétentions, X. et la Compagnie VIE PLUS supporteront la charge des dépens de première instance et d'appel partagés par moitié entre eux.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 10] PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

En la forme,

Déclare l'appel régulier et recevable.

Au fond,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- déclaré réputée non écrite la clause du contrat de crédit du 25 juillet 1990 mentionnant l'existence d'un délai de franchise absolue de 18 mois pour la garantie d'assurance complémentaire chômage ALD.

- débouté X. de sa mise en cause de la SA SOVAC en raison de son obligation d'information et de conseil.

- condamné X. à payer à la SA SOVAC la somme de 86.607, 82 francs avec intérêts au taux légal sauf à fixer le point de départ de ces intérêts au 31 mars 1994.

- rejeté les demandes sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Réformant pour le surplus et y ajoutant,

- Déboute X. de sa demande de déclaration d'abus et en tout cas d'inopposabilité de la clause du contrat de crédit du 25 juillet 1990 mentionnant un délai de carence d'effet de 9 mois de la garantie d'assurance complémentaire chômage ALD.

- Condamne la Compagnie d'Assurances VIE PLUS à garantir en totalité X. de sa perte d'emploi à compter du 31 décembre 1993 à l'égard de la SA SOVAC sous déduction de la somme de 36.216, 49 francs [minute page 11] versée par la Compagnie VIE PLUS à X. le 12 octobre 1995.

Déboute les parties de leurs nouvelles demandes sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Condamne X. et la Compagnie d'Assurances VIE PLUS à supporter chacun à concurrence de la moitié la charge des dépens de première instance et d'appel à recouvrer comme il est prescrit en matière d'aide juridictionnelle.

Arrêt signé par Monsieur ROCHE, Président et Madame DERNAT, Premier Greffier.

 

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