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CA PARIS (8e ch. sect. A), 23 novembre 1993

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (8e ch. sect. A), 23 novembre 1993
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), 8e ch. sect. A
Demande : 92/21697
Date : 23/11/1993
Nature de la décision : Infirmation
Décision antérieure : TI PARIS (9e arrdt), 23 avril 1992
Décision antérieure :
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1298

CA PARIS (8e ch. sect. A), 23 novembre 1993 : RG n° 92/21697

 

Extrait : « Considérant que l'article 55 A alinéa 1er du « Tarif général des voyageurs » institue une clause exonératoire de responsabilité ; que si une telle clause peut être écartée en cas de vol imputable à la SNCF - tel que le vol d'un bagage commis par l'un de ses préposés - il importe de relever que cette hypothèse est étrangère au présent litige ; Considérant que M. X. soutient qu'il s'agit d'une clause abusive […] ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient M. X., le voyageur n'a pas l'obligation juridique de surveiller ses bagages ; que la clause litigieuse a seulement pour effet de lui faire supporter, entre autres risques, celui du vol de ses bagages à main commis par un tiers, risque par ailleurs assurable ; que la situation évoquée par M. X. ne tend pas à amoindrir les facilités offertes, c'est à dire les prestations dues au cocontractant en contrepartie du paiement du prix au point de rendre abusive la clause exonératoire de responsabilité mais à modifier lesdites prestations en permettant, certes au prix d'un risque accru de vol, au voyageur d'emporter avec lui « des bagages volumineux » comme l'indique les affichettes collées dans les voitures ;

Considérant que s'il n'est pas sérieusement contesté que la disposition de la voiture où a pris place M. X. facilite, ne serait-ce que par la tentation offerte, les vols, c'est à dire des agissements préjudiciables aux voyageurs commis par des tiers au contrat, il n'en demeure pas moins, que celle ci n'a pas rendu impossible à M. X. la surveillance de sa valise ne serait-ce qu'en lui offrant la possibilité de déambuler dans la voiture arrêtée - au point que ladite disposition des lieux aurait entraîné pour lui un risque démesuré et sans contrepartie qui n'aurait pas pu entrer dans les prévisions du contrat de transport, qu'ainsi il n'est pas établi que l'article 55 A précité procure à la SNCF un avantage excessif et que, dès lors, n'étant pas abusive, cette clause doit régir les relations contractuelles ayant existé entre elle et son client, M. X. »

 

COUR D’APPEL DE PARIS

HUITIÈME CHAMBRE SECTION A

ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 1993

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 92/21697. Date de l’ordonnance de clôture : 5 octobre 1993. Sur appel d’un jugement du Tribunal d’instance de Paris 9e du 23 avril 1992 n° 1754/91 Mme Boulanger.

 

PARTIES EN CAUSE :

1°) LA SOCIÉTÉ NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANÇAIS - SNCF

[adresse] agissant en la personne de ses représentants légaux, APPELANTE AU PRINCIPAL, INTIMÉE INCIDEMMENT, Représentée par Maître RIBAUT Avoué, Assistée de Maître M. BERTIN Avocat

2°) Monsieur X.

[adresse] INTIMÉ AU PRINCIPAL, APPELANT INCIDEMMENT, Représenté par la SCP MENARD - SCELLE - MILLET Avoué, Assisté de Maître SLOAN Avocat

 

COMPOSITION DE LA COUR Lors des débats et du délibéré : Président : M. MAYNIAL, Conseillers : M. REMOND - M. ANQUETIL.

GREFFIER : Josiane BARBINI

DÉBATS : audience publique du 19 octobre 1993.

[minute page 2] ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement par M. MAYNIAL, Président, lequel a signé la minute avec le greffier J. BARBINI.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 11 mai 1991, M. X. muni d'un billet de première classe prenait place à MONTPELLIER dans un train à destination de TOULOUSE après avoir déposé à l'arrière de la voiture, dans un endroit destiné à cet effet, sa valise.

Une heure après le départ, ce voyageur constatait que la valise avait disparu.

L'alerte qu'il déclenchait demeurait sans effet.

M. X. demandait alors réparation à la SNCF du préjudice résultant de ce vol. Devant le refus de celle ci de l'indemniser, il s'adressait à justice à laquelle il demandait réparation de son préjudice évalué à la somme de 30.000 Francs.

Par jugement en date du 23 avril 1992 le tribunal d'Instance du 9e arrondissement de PARIS condamnait la SNCF à payer à M. X. la somme de 10.000 Francs à titre de dommages-intérêts et celle de 3.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Le premier juge a, en effet, retenu la responsabilité de la SNCF au motif que nonobstant l'article 55 A du « Tarif général des voyageurs » qui l'exonère de sa responsabilité en ce qui concerne les bagages et les colis à main, celle ci ne permet pas à M. X., du fait de la configuration de la voiture où il avait pris place, d'exercer normalement l'obligation de surveillance sur ses propres bagages.

[minute page 3] La SNCF a interjeté appel de ce jugement pour le voir infirmer et voir M. X. débouter de sa demande.

La SNCF expose que sa responsabilité contractuelle ne peut être recherchée en l'absence de contrat relatif aux bagages à main et qu'aucune faute délictuelle ne peut lui être reprochée.

Il n'existe pas, selon elle, de convention de dépôt de bagages à main nécessaire et accessoire au contrat de transport de voyageurs. Dès lors, les articles 1949 et 1952 du code civil sont inapplicables au cas de l'espèce et ce d'autant plus que « le tarif général des voyageurs » exclut sa responsabilité en cas de perte ou du vol des bagages à main non enregistrés.

En ce qui concerne la situation particulière évoquée par M. X., la SNCF fait valoir qu'il ne démontre pas que sa valise ne pouvait pas être placée au-dessus de son siège dans un emplacement prévu à cet usage, ni s'être trouvé dans l'impossibilité d'exercer une surveillance sur sa valise ou que le vol aurait été commis par un employé de la SNCF ; que dès lors celle-ci ne saurait être déclarée responsable de la perte des objets volés par un tiers.

La SNCF soutient également que ses agents, et notamment les contrôleurs, n'ont pas pour mission de surveiller les bagages à main - qui sont transportés gratuitement - et que si le bagage de M. X. était volumineux, comme il l'affirme, il lui appartenait de l'enregistrer pour qu'il soit confié à la garde du transporteur ; qu'en effet, selon l'article 49 alinéa 2 du Tarif général des voyageurs, seuls les bagages faciles à transporter pourront être emportés avec eux par les voyageurs ; qu'il ne peut donc être fait grief à la SNCF d'offrir des cases à bagages à l'entrée de la voiture en sus des caissons prévus au dessus des sièges;

M. X. conclut à la confirmation du jugement dans son principe et forme un appel incident pour voir la SNCF condamnée à lui payer les sommes de 30.000 Francs à titre de dommages-intérêts et celle de 10.000 au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

[minute page 4] Il soutient que les bagages à main font l'objet d'un contrat de dépôt, que la clause de non responsabilité prévue par l'article 55 A du « Tarif général des voyageurs » relative à l'exonération des responsabilités de la SNCF est abusive chaque fois que la disposition des lieux ne permet pas aux voyageurs de remplir normalement son obligation de surveillance sur ses bagages, cette clause étant au surplus imposée à la clientèle d'un transporteur en position dominante.

Il fait valoir également que la SNCF lui avait laissé le choix de placer sa valise soit au-dessus de son siège, soit à l'entrée de la voiture ; qu'il n'a donc à établir qu'il lui était impossible d'utiliser la première branche de l'alternative et subir les conséquences d'un choix que la SNCF juge a posteriori critiquable.

Par ailleurs M. X. fait grief à la SNCF de ne pas faire surveiller les bagages par les agents du chemin de fer et de ne pas informer les voyageurs des risques qu'ils courent du fait des vols.

A ce sujet, la SNCF entend répliquer que les agents d'accompagnement des trains ne sont pas des autorités de police, qu'ils ne peuvent savoir à qui appartient tel bagage, que pour mettre en garde les voyageurs, elle appose dans les voitures des affichettes indiquant « bagages volumineux - ne pas laisser d'objets de valeur », et que du fait des arrêts moins fréquents et de courte durée, les voyageurs peuvent plus commodément surveiller leurs effets personnels.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE LA COUR :

Considérant qu'en délivrant un titre de transport à M. X., la SNCF s'était engagée à transporter non seulement sa propre personne, mais aussi ses bagages à main dès lors qu'ils étaient faciles à transporter par lui ;

[minute page 5] Considérant que le transport de tels bagages qui intervient en l'absence de leur remise en mains propres à la SNCF, par conséquent en l'absence d'un dépôt, a un fondement contractuel même s'il ne donne pas lieu au paiement d'une rémunération supplémentaire ; qu'« a contrario », la SNCF n'accepterait pas de transporter des bagages à main si leur gardien n'était pas lui-même transporté à titre de voyageur dans le même train ; que dès lors que le transport des bagages litigieux ayant eu lieu en exécution du contrat de transport de voyageurs, la SNCF ne saurait avoir engagé sa responsabilité quasi-délictuelle ;

Considérant qu'il importe d'examiner si la responsabilité contractuelle du transporteur peut être recherchée du fait d'un vol de bagage commis par un tiers au contrat du transport ;

Considérant que l'article 55 A alinéa 1er du « Tarif général des voyageurs » institue une clause exonératoire de responsabilité ; que si une telle clause peut être écartée en cas de vol imputable à la SNCF - tel que le vol d'un bagage commis par l'un de ses préposés - il importe de relever que cette hypothèse est étrangère au présent litige ;

Considérant que M. X. soutient qu'il s'agit d'une clause abusive notamment par le fait que si elle devait supporter ce risque, la SNCF ignorant la consistance et l'importance des bagages litigieux, lesquelles ne lui seraient révélées qu'une fois ces derniers disparus ne pourrait apprécier l'étendue de son engagement ; qu'elle doit être réputée non écrite, dans la mesure où, comme l'a relevé le premier juge, la SNCF l'a privé de la possibilité d'exercer la surveillance qui s'imposait en raison de la disposition des bagages par rapport à son siège et de la situation de la soute par rapport aux l'accès de la voiture ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient M. X., le voyageur n'a pas l'obligation juridique de surveiller ses bagages ; que la clause litigieuse a seulement pour effet de lui faire supporter, entre autres risques, celui du vol de ses bagages à main commis par un tiers, risque par ailleurs assurable ; que la situation évoquée par M. X. ne tend pas à amoindrir les facilités offertes, c'est à dire les prestations dues au cocontractant en contrepartie du paiement du prix au point de rendre abusive la clause exonératoire de responsabilité mais à modifier lesdites prestations en permettant, certes au prix d'un risque accru de vol, au voyageur d'emporter avec lui « des bagages volumineux » comme l'indique les affichettes collées dans les voitures ;

[minute page 6] Considérant que s'il n'est pas sérieusement contesté que la disposition de la voiture où a pris place M. X. facilite, ne serait-ce que par la tentation offerte, les vols, c'est à dire des agissements préjudiciables aux voyageurs commis par des tiers au contrat, il n'en demeure pas moins, que celle ci n'a pas rendu impossible à M. X. la surveillance de sa valise ne serait-ce qu'en lui offrant la possibilité de déambuler dans la voiture arrêtée - au point que ladite disposition des lieux aurait entraîné pour lui un risque démesuré et sans contrepartie qui n'aurait pas pu entrer dans les prévisions du contrat de transport, qu'ainsi il n'est pas établi que l'article 55 A précité procure à la SNCF un avantage excessif et que, dès lors, n'étant pas abusive, cette clause doit régir les relations contractuelles ayant existé entre elle et son client, M. X. ; qu'il s'ensuit que le jugement déféré, en déclarant que la SNCF a engagé sa responsabilité à l'égard de M. X. qui n'était pas en mesure de surveiller sa valise, a méconnu la portée des conventions et du « tarif général des voyageurs » qui régissent les rapports des parties ; qu'il y a lieu de l'infirmer et de débouter M. X. de ses demandes ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement déféré.

Statuant à nouveau :

Déboute M. X. de ses demandes

Le condamne aux dépens de première instance et d'appel.

Admet Maître RIBAUT Avoué au bénéfice de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.

 

 

 

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