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CA PARIS (15e ch. sect. A), 12 février 1991

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (15e ch. sect. A), 12 février 1991
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), 15e ch. sect. A
Demande : 89/13085
Date : 12/02/1991
Nature de la décision : Confirmation
Décision antérieure : CASS. CIV. 1re, 26 mai 1993, TGI PARIS (5e ch. 1re sect.), 25 avril 1989
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1304

CA PARIS (15e ch. sect. A), 12 février 1991 : RG n° 89/13085

(sur pourvoi Cass. civ. 1re, 26 mai 1993 : pourvoi n° 91-15876)

 

Extrait : « Considérant, au demeurant, qu'à supposer que la convention du 17 septembre 1987 fût déclarée dissociable du prêt du 29 novembre 1985, l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978 relative à la protection et à l'information de consommateurs qui répute non écrites les stipulations abusives, ne trouverait pas application en la cause ; Considérant, en effet, que ne sont soumis à cette disposition que les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ; Or considérant que la SCI de L'AVENIR représentée par son gérant Monsieur X. « géomètre », ne saurait être admise comme étant un non professionnel, alors qu'elle contractait le remboursement anticipé d'un prêt obtenu en vue de l'acquisition moyennant la somme de plus de 9 millions d'un immeuble à usage de bureaux »

 

COUR D’APPEL DE PARIS

QUINZIÈME CHAMBRE A

ARRÊT DU 12 FÉVRIER 1991

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 89-013085. Date de l’ordonnance de clôture : 12 novembre 1990. Sur appel d’un jugement du TGI de PARIS 5ème Ch. 1ère section en date du 25 avril 1989.

 

PARTIES EN CAUSE :

1°) La SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE DE L'AVENIR,

dont le siège est [adresse], APPELANTE, Représentée par Maître HUYGHE, Avoué, Assistée de Maître HERMET-LARTIGUE, Avocat

 

2°) La BANQUE BRUXELLES LAMBERT FRANCE anciennement dénommée BANQUE LOUIS DREYFUS, SA

dont le siège est, [adresse], INTIMÉE, Représentée par la SCP DUBOSCQ et PELLERIN, Avoué, Assistée de Maître NEVEU, Avocat

 

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Monsieur J. LEONNET, Président, Monsieur P. MAGLIOLI, Conseiller, Monsieur F. DUCLAUD, Conseiller

GREFFIER : Melle HOUDIN

DÉBATS : A l'audience publique du 14 janvier 1991

ARRÊT : Contradictoire, Prononcé publiquement par Monsieur MAGLIOLI, Conseiller le plus ancien ayant délibéré, qui, en l'empêchement du Président, a signé la minute avec Melle HOUDIN, Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] La Cour statue sur l'appel relevé par la Société Civile Immobilière de L'AVENIR « SCI de L'AVENIR » d'un jugement rendu le 25 avril 1989 par le Tribunal de Grande Instance de Paris 5ème Chambre qui a rejeté sa demande et l'a condamnée à payer 3.500 francs à la Société BANQUE LOUIS DREYFUS.

Les premiers juges ont exposé les faits, la procédure et les prétentions des parties.

Il suffit de rappeler que dans le cadre d'un prêt de 6.560.000 francs au taux de 13,58 % que lui avait consenti la BANQUE LOUIS DREYFUS avec remboursement en dix ans, la SCI de L'AVENIR, alors qu'il n'avait pas été stipulé de cause de résiliation avant terme, convenait avec le prêteur d'un remboursement anticipé moyennant une indemnité de 400.000 francs.

Estimant que cette indemnité constituait une contravention aux dispositions de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978, et qu'une somme de 46.333 francs lui était réclamée à titre d'agios injustifiés, la SCI saisissait le Tribunal de Grande Instance du litige, ce à la suite de quoi intervenait le jugement entrepris.

Le Tribunal, pour fonder sa décision, retenait qu'une nouvelle convention avait été conclue entre les parties et qu'en admettant même que les dispositions de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978 trouvent application, le caractère excessif de l'indemnité litigieuse n'était pas établi.

Il considérait d'autre part que les agios contestés, qui étaient réclamés jusqu'au remboursement effectif du prêt, étaient dus.

La SCI de L'AVENIR fait valoir au soutien de son appel qu'elle avait remboursé 21 mensualités soit la totalité des intérêts du prêt, lorsqu'elle a sollicité le remboursement anticipé de celui-ci.

Elle considère que l'indemnité de 400.000 francs qui lui a été imposée, relève des dispositions de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978 qui répute non écrites les clauses relatives aux conditions de la résolution de la convention, lorsqu'elles apparaissent s'imposer au non professionnel ou consommateur par un abus de la puissance économique de l'autre partie et conférant à cette dernière un avantage excessif.

[minute page 3] Elle estime en effet qu'ayant payé en deux ans 2 millions de francs, soit un montant équivalent aux intérêts dus pendant dix ans sur la totalité du prêt, elle a conféré à la Banque un avantage excessif encore augmenté du fait de l'indemnité de 400.000 exigée.

Elle expose, d'autre part, que le compte ayant été arrêté le 17 septembre 1987, à la somme de 6.808.366,21 francs, indemnité de 400.000 francs comprise, elle a à cette date, payé la somme totale de 600.409,46 francs.

Elle prétend que la Banque n'ayant pas fait immédiatement le nécessaire, la résiliation n'est intervenue que le 16 octobre 1987 avec comme conséquence qu'il lui a été indûment compté 46.333,35 francs d'agios. Elle demande en conséquence à la Cour de réformer le jugement et statuant à nouveau, d'annuler en application des dispositions de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978, la pénalité de 400.000 francs, de condamner la BANQUE LOUIS DREYFUS à lui rembourser celle-ci avec intérêts de droit à compter de l'assignation, de constater que la perception avec retard du remboursement du prêt est imputable au prêteur qui doit donc être condamné à lui rembourser la somme de 46.333,35 francs avec intérêts de droit à compter de l'assignation.

Elle sollicite en outre la condamnation de l'intimée au paiement de la somme de 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La Société « BANQUE BRUXELLES LAMBERT FRANCE « BBLF » anciennement dénommée BANQUE LOUIS DREYFUS, intimée, résiste à ces prétentions en soutenant pour ce faire, que l'indemnité forfaitaire de 400.000 francs a été acceptée par la SCI de L'AVENIR après négociation.

Elle en infère que cette somme n'a pas été versée en application d'une clause qu'elle aurait imposée dans le cadre d'un contrat de prêt et que donc l'indemnité litigieuse ne relève pas des dispositions législatives invoquées.

Elle ajoute que le Tribunal, à titre, surabondant, a retenu l'absence de caractère excessif de l'indemnité, ce en quoi il doit être approuvé si besoin est.

Elle précise que c'est en raison du fait du Notaire de la Banque devant rembourser le prêt pour le compte de la SCI de L'AVENIR, qu'un retard s'est produit, ce qui a tout naturellement entraîné la perception d'agios.

[minute page 4] Elle prie, en conséquence, la Cour de confirmer le jugement et additionnellement, de condamner la SCI appelante à lui payer la somme de 15.000 francs au titre des frais irrépétibles.

La SCI de L'AVENIR répond que constituée par un gérant représentant une affaire d'import-export avec l'Afrique, de sa femme et de ses deux enfants, elle était bien un non professionnel affronté à une Banque puissance économique qui a imposé en sa faveur une pénalité lui conférant un avantage excessif ; que le prêt a été entièrement remboursé le 17 septembre 1987, peu important la date de rédaction de l'acte notarié et qu'ainsi les agios litigieux sont indus.

La Banque « BBLF » réplique que le gérant de la SCI de L'AVENIR, géomètre et acquéreur d'un immeuble de 9.600.000 francs est infondé à soutenir qu'il n'a aucune compétence dans les domaines immobilier et financier ; que c'est contrairement à la vérité que la SCI prétend que le prêt a été remboursé le 17 septembre 1987.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Cela étant exposé, la Cour :

Considérant qu'un crédit de 6.560.000 francs était octroyé le 31 octobre 1985 à la SCI de L'AVENIR suivant des modalités précisées dans un acte notarié en date du 29 novembre 1985 constatant la vente par la Société « BOURGES PROMO CONSTRUCTION BPC » à cette SCI en formation, d'un immeuble situé à Bourges moyennant le prix de 9.725,200 francs ;

Considérant que ces modalités étaient les suivantes : durée 10 ans à compter de l'acte notarié, remboursement au moyen de 120 mensualités constantes chacune de 100.204,73 francs, remboursement de la première mensualité le 29 décembre 1985 et ainsi de suite de mois en mois pour la dernière mensualité avoir lieu le 29 novembre 1995, intérêts au taux fixe de 13,58% ;

Considérant qu'il est constant que le prêt consenti ne comportait pas de clause de résiliation avant terme ;

Considérant qu'il est en coutre constant que la BANQUE LOUIS DREYFUS, interrogée par Monsieur X., gérant de la SCI de L'AVENIR sur les modalités d'un remboursement anticipé avait, le 29 avril 1987, dans un premier temps, en l'absence de clause stipulée à cette fin, vainement proposé à celui-ci un abaissement du taux d'intérêt à 12,25 % hors assurance, étant ajouté qu'elle était disposée à envisager un remboursement avant terme moyennant une indemnité à déterminer ;

[minute page 5] Considérant qu'après négociations, Monsieur X. indiquait le 17 septembre 1987 à la Banque qu'il confirmait sa demande de remboursement par anticipation du prêt lui ayant été consenti le 29 novembre 1985, étant précisé :

- que la somme de 6.409.366,21 francs serait réglée par le CRÉDIT MUTUEL devant être subrogé dans les droits du prêteur créancier hypothécaire suivant quittance subrogative ;

- qu'il y avait lieu de déduire dès à présent la somme de 200.409,46 francs matérialisée par un chèque de CRÉDIT MUTUEL en date du 17 septembre 1987 ;

- qu'il avait bien noté que le remboursement anticipé était conditionné par le versement d'une indemnité forfaitaire arrêtée à 400.000 francs concomitamment à la signature de l'acte de quittance subrogative ;

- qu'il entendait payer personnellement cette indemnité, ce pourquoi il donnait instruction à la Banque de vendre, à concurrence de 400.000 francs, des titres lui appartenant et d'en conserver le produit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'une convention est intervenue le 17 septembre 1987 entre les parties arrêtant le principe et les modalités d'un remboursement anticipé du prêt moyennant notamment le paiement d'une indemnité forfaitaire de 400.000 francs ;

Considérant, certes, que cette convention était postérieure au prêt et antérieure à la modification en 1989 de l'article 19 de la loi du 10 janvier 1978 à supposer que cette dernière loi trouve application en la cause ;

Considérant, certes, que l'article 19 en vigueur le 17 septembre 1987, édictait « si l'un des prêts, contrats ou opérations de crédit visés à l'article 1er comporte une clause aux termes de laquelle en cas de remboursement par anticipation partiel ou total du prêt, le prêteur sera en droit d'exiger une indemnité... » ;

Considérant, toutefois, que rien dans ce texte n'impose l'insertion de la clause de remboursement anticipé dans l'acte du prêt ; qu'il doit en être d'autant plus ainsi que l'indemnité à cette fin est susceptible d'avoir été négociée par les parties aussi bien à l'occasion du prêt, que postérieurement comme en la cause ;

Considérant qu'il s'ensuit que contrairement aux allégations de la Banque, la convention du 17 septembre 1987 portant remboursement anticipé du prêt, relevait bien de la loi du 10 janvier 1978 relative à l'information et à la protection des consommateurs dans le domaine de certaines opérations de crédit, lorsqu'elle ne comporte pas de dispositions réputant non écrites les clauses abusives ;

[minute page 6] Considérant que l'article 19 pose le principe que l'indemnité en cas de remboursement par anticipation, partiel ou total du prêt ne pourra sans préjudice de l'application de l'article 1152 du Code Civil, excéder un montant qui dépendant de la durée restant à courir du contrat, sera fixé suivant un barème déterminé par décret ;

Considérant que le Décret du 17 mars 1978 pris pour l'application notamment de l'article 19 stipule que le montant maximum de l'indemnité visée à cet article ne pourra excéder 4 % du capital remboursé par anticipation et que lorsque le prêt est remboursé en totalité, cette indemnité ne pourra excéder le montant des intérêts non encore échus ;

Considérant qu'au moment du remboursement total, les intérêts non échus avoisinaient 3.800.000 francs ;

Considérant que l'indemnité de 400.000 francs litigieuse n'apparaît pas d'un montant manifestement excessif, qu'elle doive être supprimée comme le demande la SCI ou même modérée ;

Considérant, au demeurant, qu'à supposer que la convention du 17 septembre 1987 fût déclarée dissociable du prêt du 29 novembre 1985, l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978 relative à la protection et à l'information de consommateurs qui répute non écrites les stipulations abusives, ne trouverait pas application en la cause ;

Considérant, en effet, que ne sont soumis à cette disposition que les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ;

Or considérant que la SCI de L'AVENIR représentée par son gérant Monsieur X. « géomètre », ne saurait être admise comme étant un non professionnel, alors qu'elle contractait le remboursement anticipé d'un prêt obtenu en vue de l'acquisition moyennant la somme de plus de 9 millions d'un immeuble à usage de bureaux ;

Et considérant qu'en toute hypothèse, l'indemnité convenue ne conférait pas à la Banque un avantage excessif dès lors que celle-ci, à l'occasion du prêt à la SCI sur 10 ans au taux de 13 % avait procédé au refinancement de ce prêt pour sa durée à un taux certes inférieur à celui de 13 %, mais alors que le bénéfice escompté se trouvait diminué en raison du remboursement du prêt ;

[minute page 7] Considérant qu'il convient, en conséquence, de confirmer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande formée en annulation de l'indemnité litigieuse ;

Considérant que le compte de la somme totale à rembourser était arrêté au 29 septembre 1987 ;

Considérant qu'il s'ensuit que le paiement devait en être effectué à cette date ;

Considérant qu'il est établi que le prêt de substitution du CRÉDIT MUTUEL devant permettre ce règlement n'a été effectivement reçu par la Banque que le 16 octobre 1987 ;

Considérant qu'il résulte des correspondances versées aux débats que le retard de 17 jours est imputable au Notaire du CRÉDIT MUTUEL, chargé d'établir la quittance aux termes de laquelle cet établissement de crédit était subrogé dans les droits au prêt hypothécaire du 29 novembre 1985 ;

Considérant, en conséquence, que des agios étaient dus en raison du retard ; que leur montant n'est pas discuté ; que c'est donc à juste titre que le Tribunal a fait droit à la demande de ce chef ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Considérant que la SCI de L'AVENIR succombe dans ses prétentions ; qu'elle ne sera pas accueillie en sa demande en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Considérant qu'il ne serait pas inéquitable de laisser à la Banque intimée la charge des frais irrépétibles qu'elle a exposés en appel ; qu'elle est donc infondée en sa demande de ce chef, la disposition du jugement lui ayant alloué une indemnité à ce titre étant toutefois approuvée ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement et y ajoutant :

Déboute les parties de leur demande en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Condamne la SCI de L'AVENIR aux dépens d'appel ;

Admet la SCP DUBOSCQ et PELLERIN Avoué au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.