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CA AMIENS (1re ch. 2e sect.), 12 décembre 2008

Nature : Décision
Titre : CA AMIENS (1re ch. 2e sect.), 12 décembre 2008
Pays : France
Juridiction : Amiens (CA), 1re ch. sect. 2
Demande : 08/03155
Date : 12/12/2008
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 4/06/2007
Décision antérieure : CA AMIENS (1re ch. 2e sect.), 22 mai 2008
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2330

CA AMIENS (1re ch. 2e sect.), 12 décembre 2008 : RG n° 08/03155

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Or attendu que conformément à l'article L. 311-37 avant sa modification par la loi du 11 décembre 2001, l'emprunteur ne peut pas remettre en cause la conformité d'un contrat plus de deux années après sa signature ; que toutefois, comme la cour l'a rappelé dans son arrêt du 22 mai 2008, conformément à l'article 12 du Code de procédure civile le juge peut relever d'office le caractère abusif ou illicite d'une clause sur le fondement de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, sous réserve de respecter le principe du contradictoire prévu par l'article 16 du Code de procédure civile ; que ce pouvoir n'est pas limité par le délai biennal prévu par l'article L. 311-37 du Code de la consommation ; qu'il est donc possible de constater le caractère abusif d'une clause plus de deux ans après la formation du contrat ».

2/ « Attendu qu'en vertu de l'article L. 311-9 du Code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-67 du 28 janvier 2005, l'offre préalable est obligatoire pour le contrat initial et pour toute augmentation du crédit consenti ; qu'en vertu de l'article L. 311-33 du même Code le non-respect de cette obligation est sanctionnée de la déchéance du droit aux intérêts contractuels ;

Mais attendu que cette sanction est applicable sous réserve que l'action du prêteur ne soit pas forclose ; Attendu qu'en effet la forclusion constitue une fin de non recevoir d'ordre public, aux termes de l'article L. 313-16 du Code de la consommation, qu'il appartient au juge de soulever d'office, conformément aux dispositions de l'article 125 du Code de procédure civile ; Que le pouvoir du juge de soulever d'office toutes les dispositions du Code de la consommation dans les litiges nés de son application a été de plus consacré par l'article L. 141-4 du Code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 ;

Attendu que selon les dispositions de l'article L. 311-37 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable au présent litige, les actions engagées en matière de crédit à la consommation doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance, à peine de forclusion ».

 

COUR D’APPEL D’AMIENS

PREMIÈRE CHAMBRE DEUXIÈME SECTION

ARRÊT DU 12 DÉCEMBRE 2008

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 08/03155. APPEL D'UN JUGEMENT DU TRIBUNAL D'INSTANCE DE SAINT-QUENTIN du 23 mars 2007.

 

APPELANTE :

SA MEDIATIS

[adresse], Représentée par la SCP LE ROY, avoué à la Cour et plaidant par Maître HOURDIN, avocat au barreau de SAINT QUENTIN

 

ET :

INTIMÉS :

Madame Y. épouse X.

[adresse],

Monsieur X.

[adresse], Assignés dans les conditions de l'article 659 du Code de procédure civile suivant exploit de la SCP D. [minute Jurica page 2] Huissiers de Justice Associés à SAINT-QUENTIN en date du 4 décembre 2007 à la requête de la SA MEDIATIS. Non comparants.

 

DÉBATS : A l'audience publique du 10 octobre 2008 devant Madame SIX, Conseiller, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 12 Décembre 2008.

GREFFIER : M. BOURSIER

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DELIBÉRÉ : Madame Le Conseiller en a rendu compte à la Cour composée de : M. DE LAGENESTE, Président, M. FLORENTIN et Madame SIX, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi.

ARRÊT : PRONONCE PUBLIQUEMENT le 12 décembre 2008 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; M. DE LAGENESTE, Président, a signé la minute avec M. BOURSIER, Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DÉCISION :

La société COFINOGA, devenue MEDIATIS, a, le 30 septembre 1994 adressé aux époux X. une offre préalable d'une ouverture de crédit utilisable par fractions et assortie d'une carte de crédit pour un découvert autorisé de 80.000 francs soit 12.195,92 €. Le 17 octobre 1994, les époux X. n'ont sollicité qu'une réserve de 15.000 francs (2.286,74 €).

Par acte d'huissier en date du 23 janvier 2007 la société Médiatis a fait assigner les époux X. devant le tribunal d'instance de Saint-Quentin afin de les voir solidairement condamnés à lui payer, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, la somme de 14.558,24 € au titre du solde du crédit avec intérêt au taux contractuel de 16,71 % par an à compter du 23 octobre 2006 sur la somme de 13.691,98 € et la somme de 500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement en date du 23 mars 2007 réputé contradictoire le tribunal d'instance a :

- condamné solidairement les époux X. à payer à la société Médiatis la somme de 7.937,46 € avec intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2006 et la somme de 10 € avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- rappelé qu'en cas d'établissement d'un plan amiable de surendettement la créance sera remboursée selon les [minute Jurica page 3] termes et conditions édictés par la commission de surendettement des particuliers ou par le juge de l'exécution,

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du jugement,

- débouté la société Médiatis du surplus de sa demande,

- condamné les époux X. aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 4 juin 2007 la société Médiatis a interjeté appel de ce jugement.

Par un arrêt rendu par défaut le 22 mai 2008, statuant partiellement sur le fond, la cour a :

- dit abusives et dès lors non écrites les clauses permettant l'augmentation du montant du crédit sans nouvelle offre,

- sursis à statuer pour le surplus,

- ordonné la réouverture des débats et invité la société Médiatis à conclure sur l'éventuelle forclusion de son action à raison du dépassement du crédit consenti plus de deux ans avant l'assignation délivrée aux époux X.,

- renvoyé l'affaire à l'audience du 1er juillet 2008,

- réservé les dépens.

Par conclusions signifiées le 30 juin 2008 la société Médiatis demande à la cour, au visa des articles L. 311-1 et suivants du Code de la consommation, de l'article L. 311-33 et L. 311-37 du même Code, avant sa modification par la loi du 11 décembre 2001, de :

- lui donner acte de ce qu'elle a répondu à l'invitation de la cour,

- la déclarer recevable et bien fondée,

- condamner solidairement les époux X. à lui payer la somme de 14.558,24 € suivant le décompte arrêté au 23 octobre 2006, avec intérêts de retard au taux de 16,71 % par an sur la somme de 13.691,90 € à compter du 24 octobre 2006 jusqu'à parfait paiement,

- très subsidiairement dire que la déchéance du droit aux intérêts qui serait prononcée à son encontre ne prendra effet qu'à compter du mois de juin 2005,

-dire qu'il n'y a pas lieu de limiter l'indemnité de résiliation qui a été calculée en vertu des dispositions d'ordre public de l'article L. 311-30 du Code de la consommation,

- condamner solidairement les époux X. à lui payer une somme de 800 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner solidairement les époux X. aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle soutient que la seule sanction infligée au prêteur ayant accordé un crédit sans saisir l'emprunteur d'une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 est la déchéance du droit aux intérêts ; que la fraction disponible de 80.000 francs soit 12.195,92 € a été dépassée de façon continue qu'à compter du mois de juin 2005 et que les emprunteurs ont néanmoins continué à rembourser les échéances jusqu'à celle du mois de janvier 2006, qui constitue le point de départ du délai biennal de forclusion ; que son [minute Jurica page 4] action ayant été engagée par assignation du 23 juin 2007 n'est donc pas forclose.

Les époux X., assignés par acte d'huissier en date du 4 décembre 2007, dans les formes prévues par l'article 659 du Code de procédure civile, n'ont pas constitué avoué.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE LA COUR,

Attendu que les époux X., n'ayant pas été assignés à leur personne il doit être statué par arrêt rendu par défaut ;

Attendu que dans son arrêt du 22 mai 2008 la cour a considéré que l'article 10 de l'offre préalable qui tend à permettre une augmentation du crédit contractuellement prévu sans présenter de nouvelle offre et sans offrir à l'emprunteur une possibilité de rétractation, crée un déséquilibre significatif à son détriment et constitue une clause abusive réputée non écrite, aux termes de l'article L. 132-1 du Code de la consommation ;

Attendu que la société Médiatis fait valoir que dans cet arrêt du 22 mai 2008 la cour n'a pas répondu au moyen tiré de l'impossibilité de remettre en cause la conformité d'un contrat plus de deux années après sa signature conformément à l'article L. 311-37 avant sa modification par la loi du 11 décembre 2001 ;

Or attendu que conformément à l'article L. 311-37 avant sa modification par la loi du 11 décembre 2001, l'emprunteur ne peut pas remettre en cause la conformité d'un contrat plus de deux années après sa signature ; que toutefois, comme la cour l'a rappelé dans son arrêt du 22 mai 2008, conformément à l'article 12 du Code de procédure civile le juge peut relever d'office le caractère abusif ou illicite d'une clause sur le fondement de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, sous réserve de respecter le principe du contradictoire prévu par l'article 16 du Code de procédure civile ; que ce pouvoir n'est pas limité par le délai biennal prévu par l'article L. 311-37 du Code de la consommation ; qu'il est donc possible de constater le caractère abusif d'une clause plus de deux ans après la formation du contrat ;

Attendu que la société COFINOGA, devenue la société Médiatis, a le 30 septembre 1994, adressé aux époux X. une offre préalable d'une ouverture de crédit par découvert en compte pour un découvert autorisé de 80.000 francs soit 12.195,92 €, le 17 octobre 1994 ; que les époux X. n'ont sollicité qu'une réserve de 15.000 francs (2.286,74 €) en précisant « je préfère tester d'abord le Compte Confiance à 15.000 francs. Dans ce cas je fournis seulement un relevé d'identité bancaire et un chèque annulé »; qu'il était précisé que le plafond de la réserve ne pouvait dépasser le triple des revenus nets dont il serait justifié par la fourniture de bulletins de salaire, sauf en cas de réserve limitée à 15.000 francs ; qu'il ressort de l'offre préalable que le revenu net du couple s'élevait à 10.635 francs ;

Attendu que l'ouverture de crédit sur laquelle les parties s'étaient accordées s'élevait donc à 15.000 francs et non pas à 80.000 francs ;

Attendu qu'il ressort de l'historique du compte versé aux débats que le montant du découvert initial de 15.000 francs, soit 2.286,73 €, a été dépassé dès le mois d'avril 1995, le solde du compte s'élevant à 22.586,25 francs soit 3.443,25 € ;

Attendu que la société Médiatis, invitée par l'arrêt du 22 mai 2008 à faire ses observations sur l'éventuelle forclusion de son action, ne conteste pas qu'elle n'a jamais adressé aux emprunteurs une nouvelle offre préalable lors de l'augmentation du crédit accordé à ces derniers mais qu'elle soutient que la seule sanction infligée au prêteur ayant accordé un crédit sans saisir l'emprunteur d'une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 et notamment l'article L. 311-9 du Code de la consommation, est la déchéance du droit aux intérêts et non la forclusion de son action ;

Attendu qu'en vertu de l'article L. 311-9 du Code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-67 du 28 janvier 2005, l'offre préalable est obligatoire pour le contrat initial et pour toute augmentation du crédit consenti ; qu'en vertu de l'article L. 311-33 du même Code le non-respect de cette obligation est [minute Jurica page 5] sanctionnée de la déchéance du droit aux intérêts contractuels ;

Mais attendu que cette sanction est applicable sous réserve que l'action du prêteur ne soit pas forclose;

Attendu qu'en effet la forclusion constitue une fin de non recevoir d'ordre public, aux termes de l'article L. 313-16 du Code de la consommation, qu'il appartient au juge de soulever d'office, conformément aux dispositions de l'article 125 du Code de procédure civile ;

Que le pouvoir du juge de soulever d'office toutes les dispositions du Code de la consommation dans les litiges nés de son application a été de plus consacré par l'article L. 141-4 du Code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 ;

Attendu que selon les dispositions de l'article L. 311-37 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable au présent litige, les actions engagées en matière de crédit à la consommation doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance, à peine de forclusion ;

Attendu que, conformément à la règle selon laquelle le point de départ d'un délai à l'expiration duquel une action ne peut plus s'exercer se situe à la date de l'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance, le délai biennal prévu par l'article L. 311-37 du Code de la consommation court, dans le cas d'une ouverture de crédit reconstituable et assortie d'une obligation de remboursement à échéances convenues, à compter du dépassement du découvert initialement autorisé sans régularisation d'une offre écrite de crédit plus de deux ans avant l'assignation ou en l'absence de dépassement dudit découvert, en cas de premier incident de paiement non régularisé datant de plus de deux ans avant l'assignation ;

Attendu que la société Médiatis affirme qu'un emprunteur ne peut être considéré « défaillant » dans son obligation de remboursement s'il règle régulièrement les échéances du prêt qu'il a contracté ;

Or attendu qu'en l'espèce il ressort de l'historique du compte que les époux X. n'ont pas « réglé régulièrement les échéances du prêt qu'ils ont contracté » puisque le montant du découvert initial était de 15.000 francs, soit 2.286,73 €, et qu'il a été dépassé dès le mois d'avril 1995, le solde du compte s'élevant à 22.586,25 francs soit 3.443,25 € ;

Attendu que le solde qui avait atteint 9.636,88 € en avril 2002 a été réglé en mai 2002 ; qu'aucun achat et aucun règlement ne sont intervenus pendant plus d'un an ; que le compte a fonctionné à nouveau à compter d'août 2003 avec un débit de 2.532,73 € puis un débit de 7.029,38 € en septembre 2003 puis un débit qui sera constamment supérieur à 9.825,80 € à compter de novembre 2003 pour atteindre un solde de 14.558,24 € en octobre 2006 ; que le dépassement à compter de septembre 2003 du découvert autorisé de 15.000 francs, soit 2.286,73 € constitue l'événement qui a donné naissance à l'action de la société Médiatis au sens de l'article L. 311-37 du Code de la consommation ; que l'action de celle-ci ayant été engagée par acte du 23 janvier 2007, soit au-delà de délai de deux ans précité, est donc forclose ; que la société Médiatis doit être déboutée de toutes ses demandes ;

Que le jugement doit être infirmé en toutes ses dispositions ;

Attendu que la société Médiatis succombant en ses demandes doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS, par arrêt rendu par défaut

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Déclare l'action de la société Médiatis forclose à l'égard des époux X.,

Déboute la société Médiatis de toutes ses demandes à l'égard des époux X.,

[minute Jurica page 6] Condamne la société Médiatis aux dépens de première instance et d'appel ;

LE GREFFIER,        LE PRÉSIDENT,

 

Est cité par :