CA BESANÇON (2e ch. civ.), 21 janvier 2009
CERCLAB - DOCUMENT N° 2632
CA BESANÇON (2e ch. civ.), 21 janvier 2009 : RG n° 07/00836
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu que M. X. conteste l'indemnité de résiliation appliquée par l'organisme de crédit-bail au motif qu'elle s'analyserait en une clause abusive en raison du déséquilibre créé entre les parties ;
Attendu qu'aux termes de l'article 10 du contrat : « la résiliation entraîne de plein droit au profit du bailleur, le paiement par le locataire en réparation du préjudice subi en sus des loyers impayés et de leurs accessoires, d'une indemnité égale aux loyers restant à échoir au jour de la résiliation actualisée à la moitié du taux de référence, augmentée de la valeur résiduelle prévue au contrat également actualisée, le tout majoré de 10 % et exigible au jour de la résiliation ; dans le cas où le matériel resterait en possession du locataire après résiliation, l'indemnité serait diminuée des 4/5 des redevances d'utilisation déterminées conformément à l'article 3 et effectivement encaissées ; si après reprise par le bailleur, le matériel est revendu ou reloué, l'indemnité telle que stipulée ci-dessus sera diminuée, en cas de revente, des sommes nettes de frais relatifs au matériel et à la vente effectivement perçues de l'acquéreur » ;
Attendu, s'agissant d'un contrat de crédit-bail souscrit par l'appelant pour les besoins de son activité professionnelle, ne s'appliquant pas aux véhicules de transport de personnes et/ou de marchandises, que M. X. ne peut revendiquer le bénéfice de la protection issue de la recommandation n° 96-02 de la commission des clauses abusives du 14 juin 1996, ni des articles L. 132-1et L. 133-1 du code de la consommation ;
Que pour le surplus l'appelant ne démontre pas en quoi la stipulation d'une clause de résiliation prévoyant une indemnité dont l'objet est de réparer le préjudice subi par le crédit-bailleur du fait de la défaillance du locataire, présente un caractère abusif, si l'on considère que son montant peut être diminué du prix de revente du matériel loué ; que la seule circonstance que ce contrat relève de la catégorie des contrats d'adhésion ne suffit pas démontrer que la clause résiliation a été imposée par un abus de puissance économique ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE BESANÇON
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 21 JANVIER 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 07/00836. S/ appel d'une décision du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE VESOUL en date du 23 janvier 2007, R.G. n° 04/0855.
PARTIES EN CAUSE :
- Monsieur X.
de nationalité française, demeurant [adresse]
- Madame Y. épouse X.
de nationalité française, demeurant [adresse]
APPELANTS - Ayant la SCP LEROUX pour avoué et Maître Catherine BERTHOLDE, avocat au barreau de VESOUL
ET :
SAS CNH CAPITAL EUROPE
ayant son siège, [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux en exercice demeurant pour ce audit siège, INTIMÉE, Ayant la SCP DUMONT - PAUTHIER pour avoué [minute Jurica page 2] et Maître Agathe HENRIET, avocat au barreau de BESANÇON
COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats :
MAGISTRATS : M. SANVIDO, Président de Chambre, M. POLANCHET et R. VIGNES, Conseillers,
GREFFIER : M. ANDRE, Greffier,
Lors du délibéré : M. SANVIDO, Président de Chambre, M. POLANCHET et R. VIGNES, Conseillers,
L'affaire plaidée à l'audience du 25 novembre 2008, a été mise en délibéré au 21 janvier 2009. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La société CNH CAPITAL EUROPE a consenti à M. X., le 20 octobre 2001, un crédit-bail destiné à financer la location d'une pelle hydraulique 988 CK d'un prix de 83.142,04 Francs TTC (12.674,92 €) payable en 60 loyers mensuels de 1.627,16 € TTC,
Mme Y. épouse X. s'étant, pour sa part, par acte du 15 mai 2001, portée caution solidaire des engagements de son époux à hauteur de 603.000 Francs TTC.
M. X. n'ayant pas réglé la totalité des loyers, malgré plusieurs mises en demeure, la société CNH CAPITAL EUROPE a fait assigner les époux X., le 27 septembre 2004, devant le tribunal de grande instance de Vesoul afin de les entendre condamner solidairement à lui payer, avec exécution provisoire, la somme de 86.985,90 € avec intérêts au taux contractuel à compter du 24 août 2005, outre capitalisation des intérêts, ainsi qu'une indemnité de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 23 janvier 2007, auquel la cour se réfère pour un plus ample exposé des faits et moyens, ainsi que pour les motifs, le tribunal a :
- condamné solidairement M. X. et Mme Y. épouse X. à payer à la société CNH CAPITAL EUROPE la somme de 86.985,90 €, avec intérêts au taux contractuel à compter du 24 août 2005
- ordonné la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil,
- condamné solidairement les défendeurs au paiement d'une indemnité de 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toutes demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration déposée au greffe de la cour le 16 avril 2007, les époux X. ont interjeté appel de cette décision.
[minute Jurica page 3] Par conclusions récapitulatives déposées le 18 août 2008, les époux X. demandent à la cour, après avoir infirmé le jugement, de :
- prononcer la nullité du contrat de crédit-bail,
- en conséquence, dire qu'aucune somme ou indemnité ne peut leur être réclamée,
- à titre subsidiaire,
- dire que l'acte de caution solidaire de Mme X. est irrégulier,
- débouter la société CNH CAPITAL EUROPE de ses demandes,
- en tout état de cause débouter la société CNH CAPITAL EUROPE de ses demandes à l'encontre de Mme X.,
- plus subsidiairement,
- déclarer abusive la clause pénale prévue au contrat et, en tout état de cause, la réduire,
- condamner la société CNH CAPITAL EUROPE au paiement d'une indemnité de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions récapitulatives déposées le 6 février 2008, la société CNH CAPITAL EUROPE, intimée, demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner les époux X., « conjointement et solidairement », à lui payer la somme de 2.000 € pour les frais irrépétibles exposés en appel.
Par application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
Vu l'ordonnance de clôture du 2 octobre 2008,
Vu les pièces régulièrement communiquées ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
- Sur les demandes formées à l'encontre de M. X. :
Attendu que contrairement à ce qu'énonce le jugement, le contrat de crédit-bail en date du 24 octobre 2001 porte sur un montant de 83.142,04 € et non sur la même somme libellée en francs ;
Attendu qu'aux termes de ses écritures, M. X. ne conteste pas devoir les loyers impayés qui lui sont réclamés, mais fait valoir que sa situation financièrement difficile a été la conséquence d'un accident du travail survenu en 2002 et qu'en dépit de diverses propositions formulées auprès de la société CNH CAPITAL EUROPE, aucune suite n'y a été donnée ;
Attendu que la situation alléguée, aussi dramatique soit-elle, ne constitue pas un cas de force majeure de nature à exonérer M. X. de ses obligations ;
Attendu que M. X. conteste l'indemnité de résiliation appliquée par l'organisme de crédit-bail au motif qu'elle s'analyserait en une clause abusive en raison du déséquilibre créé entre les parties ;
Attendu qu'aux termes de l'article 10 du contrat : « la résiliation entraîne de plein droit au profit du [minute Jurica page 4] bailleur, le paiement par le locataire en réparation du préjudice subi en sus des loyers impayés et de leurs accessoires, d'une indemnité égale aux loyers restant à échoir au jour de la résiliation actualisée à la moitié du taux de référence, augmentée de la valeur résiduelle prévue au contrat également actualisée, le tout majoré de 10 % et exigible au jour de la résiliation ; dans le cas où le matériel resterait en possession du locataire après résiliation, l'indemnité serait diminuée des 4/5 des redevances d'utilisation déterminées conformément à l'article 3 et effectivement encaissées ; si après reprise par le bailleur, le matériel est revendu ou reloué, l'indemnité telle que stipulée ci-dessus sera diminuée, en cas de revente, des sommes nettes de frais relatifs au matériel et à la vente effectivement perçues de l'acquéreur » ;
Attendu, s'agissant d'un contrat de crédit-bail souscrit par l'appelant pour les besoins de son activité professionnelle, ne s'appliquant pas aux véhicules de transport de personnes et/ou de marchandises, que M. X. ne peut revendiquer le bénéfice de la protection issue de la recommandation n° 96-02 de la commission des clauses abusives du 14 juin 1996, ni des articles L. 132-1et L. 133-1 du code de la consommation ;
Que pour le surplus l'appelant ne démontre pas en quoi la stipulation d'une clause de résiliation prévoyant une indemnité dont l'objet est de réparer le préjudice subi par le crédit-bailleur du fait de la défaillance du locataire, présente un caractère abusif, si l'on considère que son montant peut être diminué du prix de revente du matériel loué ; que la seule circonstance que ce contrat relève de la catégorie des contrats d'adhésion ne suffit pas démontrer que la clause résiliation a été imposée par un abus de puissance économique ;
Attendu que Monsieur X. soulève également, au visa de l'article L. 313-9 du code monétaire et financier, la nullité du contrat de crédit-bail en l'absence de prévision d'une faculté de résiliation en faveur du crédit-preneur, ainsi que le caractère abusif de la clause résiliation en raison de l'impossibilité pour le crédit-preneur de revendre lui-même le matériel loué à de meilleures conditions que celles dont se prévaut le crédit-bailleur ;
Mais attendu que l'article invoqué par M. X. s'applique au crédit-bail immobilier et non au crédit-bail mobilier et que, nonobstant l'absence de prévision d'une faculté de résiliation unilatérale par le crédit-preneur dans le contrat souscrit par celui-ci, la condition résolutoire est toujours sous-entendue en application de l'article 1184 du code civil et que M. X. était à même de se prévaloir des dispositions de l'article 1741 du même code prévoyant la résolution du contrat de louage en cas de perte de la chose louée ou de défaut respectif du bailleur et du preneur de remplir leurs engagements ;
Que l'argument tenant de l'impossibilité pour le crédit-preneur revendre lui-même le matériel loué est inopérant, dès lors que n'en étant pas le propriétaire il ne peut en disposer ;
Attendu qu'il y a lieu de relever, enfin, que l'indemnité de résiliation qui présente un caractère indemnitaire et comminatoire, comme le reconnaît l'intimée (cf. p. 8 de ses conclusions), s'analyse en une clause pénale que le juge peut, le cas échéant, réduire si elle présente un caractère manifestement excessif ;
Que le moyen tiré du déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties doit en conséquence être écarté ;
Attendu que M. X. n'est pas davantage fondé à opposer à la société CNH CAPITAL EUROPE la mauvaise foi dans l'exécution du contrat au motif que celle-ci a tardé à reprendre le matériel loué, alors que si elle a été autorisée à reprendre possession de la pelle hydraulique par ordonnance de référé du 10 décembre 2004, la restitution est devenue effective le 8 février 2005, soit moins de deux mois plus tard, de sorte qu'aucun retard manifeste ne peut lui être opposé ; qu'en outre, comme l'ont relevé les premiers juges, les appelants ne rapportent pas la preuve de la sous-estimation du prix de [minute Jurica page 5] vente du matériel ;
Attendu que la société CNH CAPITAL EUROPE réclame le paiement d'une indemnité de résiliation fixée à 72.942,83 € ;
Que, s'agissant de l'appréciation de son caractère manifestement excessif, il y a lieu de relever que le prix HT de la pelle hydraulique financée s'établit à 69.516,75 €, déterminant un loyer total HT de : 69.516,75 x 115,920 % = 80.583,82 €, de sorte que l'indemnité de résiliation contractuelle permet à la société CNH CAPITAL EUROPE, à l'instar du paiement du capital restant dû en matière de prêt, de compenser le préjudice résultant du défaut de paiement des loyers restant à courir, alors qu'elle a payé le matériel financé au moyen du crédit-bail ;
Que dans la mesure où le prix de vente du matériel vient en déduction de la créance, il n'apparaît pas que ladite indemnité de résiliation présente un caractère manifestement excessif et qu'il n'y a pas lieu de la réduire ;
Que la décision des premiers juges doit en conséquence être approuvée en ce qu'elle a exactement déterminé le montant de la créance de la société CNH CAPITAL EUROPE à 86.985,90 €, selon décompte arrêté au 24 août 2005, auxquels s'ajoutent les intérêts au taux contractuel à compter de cette date ;
- Sur la demande à l'encontre de Mme X. :
Attendu que compte tenu de ce qui précède, les moyens soulevés par Mme X. pour être déchargée de son engagement de caution, notamment en ce qui concerne la nullité du contrat de crédit-bail, le caractère abusif de la clause de résiliation, ou le montant excessif de l'indemnité de résiliation, doivent être écartés ;
Attendu que Mme X. soutient également que son engagement de caution est irrégulier au motif qu'il est intervenu antérieurement à la souscription du crédit-bail, alors que les caractéristiques de celui-ci n'étaient pas déterminées, de sorte qu'elle ignorait le montant de sa garantie ;
Mais attendu que par des motifs que la cour adopte, les premiers juges ont, à bon droit, relevé que l'antériorité du cautionnement par rapport au contrat de crédit-bail ne rend pas pour autant cette garantie personnelle irrégulière et qu'aucune disposition n'interdit le cautionnement de dettes futures ;
Qu'aux termes de l'acte du 15 mai 2001, Mme X. a limité sa garantie au montant total de 603.000 Francs TTC (91.926,76 €), intérêts, frais et accessoires compris, et que selon les énonciations de l'acte les caractéristiques du crédit-bail étaient reprises au verso de l'acte de cautionnement, peu important que celui-ci n'ait été finalement signé que le 24 octobre 2001 ;
Que l'intéressée a été en outre destinataire les 16 juillet 2002, 17 septembre 2002, 28 novembre 2002, 18 mars 2003 et 5 mai 2004 de lettres recommandées l'informant de défauts de paiement des loyers, de la résiliation du contrat de crédit-bail et des sommes restant dues au titre de celui-ci ;
Que le jugement doit être confirmé en ce qu'il l'a condamnée solidairement avec son époux au paiement de la somme restant due au titre dudit contrat ;
- Sur les autres demandes :
Attendu que les autres chefs du jugement relatifs à la capitalisation des intérêts et à l'application d'une indemnité pour frais irrépétibles doivent être confirmés ;
[minute Jurica page 6] Que les appelants qui succombent supporteront les dépens et leurs frais irrépétibles et seront condamnés à payer à l'intimée une indemnité de 600 € au titre des frais irrépétibles exposés par celle-ci en appel ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 23 janvier 2007 par le Tribunal de Grande Instance de Vesoul,
Y ajoutant,
CONDAMNE M. X. et Mme Y. épouse X. à payer solidairement à la société CNH CAPITAL EUROPE la somme de SIX CENTS EUROS (600 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE solidairement M. X. et Mme Y. épouse X. aux dépens d'appel avec possibilité de recouvrement direct au profit de la SCP DUMONT-PAUTHIER, avoués associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
LEDIT arrêt a été signé par M. SANVIDO, Président de Chambre, ayant participé au délibéré et M. ANDRE, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,
- 5803 - Code de la consommation - Clauses abusives - Évolution de la protection (2) - Cass. civ. 1re, 14 mai 1991 - Application directe de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 : illustrations
- 5805 - Code de la consommation - Clauses abusives - Évolution de la protection (4) - Loi n° 95-96 du 1er février 1995
- 5816 - Code de la consommation - Clauses abusives - Application dans le temps - Clauses abusives - Illustrations : Loi n° 95-96 du 1er février 1995
- 5878 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères alternatifs : besoins de l’activité
- 5879 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères alternatifs : cadre de l’activité
- 5930 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Matériels et matériaux
- 5933 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Véhicules et engins
- 6277 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Locations financières - Crédit-bail