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TI AVRANCHES, 20 décembre 2006

Nature : Décision
Titre : TI AVRANCHES, 20 décembre 2006
Pays : France
Juridiction : Avranches (TI)
Demande : 11-06-000150
Date : 20/12/2006
Nature de la décision : Irrecevabilité
Date de la demande : 28/06/2006
Décision antérieure : CA CAEN (1re ch. sect. civ. com.), 18 décembre 2008
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3306

TI AVRANCHES, 20 décembre 2006 : RG n° 11-06-000150

(sur appel CA Caen (1re ch. sect. civ.), 18 décembre 2008 : RG n° 07/01883)

 

Extrait : « Extraits : 1/ « Sur le fond, les articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation transposent en droit interne les dispositions de la directive n° 87-102 du Conseil du 22 décembre 1986 sur le rapprochement des droits nationaux en matière de crédit à la consommation. Ils ont donc pour finalité d'assurer, d'une part, la protection du consommateur et d'autre part, l'égalité de traitement des pratiques commerciales et concurrentielles au sein des pays de l'Union Européennes.

Les règles du code de la consommation contiennent donc des impératifs d'ordre public de direction. Or, dans une telle hypothèse, le juge national est tenu, selon le droit communautaire, de veiller au plein effet des normes communautaires, au besoin en écartant les normes nationales contradictoires, même postérieures, ainsi que l'a jugé la Cour de Justice des Communautés Européennes le 9 mars 1978 (CJCE, Simmenthal), décision ayant valeur normative. En outre, cette juridiction a confié au juge le soin de veiller au respect des normes communautaires même si le consommateur, par ignorance n'en demande pas l'application, par sa décision du 27 juin 2000 relative à la directive des clauses abusives (CJCE, Oceano Groupo), qui pose un principe d'une telle généralité qu'il doit s'appliquer à la directive relative au crédit à la consommation.

Par ailleurs, en droit interne, l'article 6 du code civil dispose qu'on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public et l'article 1134 du même code précise que seules les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Les dispositions en matière de crédit à la consommation sont d'ordre public, le législateur a donc manifestement une volonté de voir appliquer ces règles en tout état de cause. »

2/ « Aux termes de l'article L. 311-37 du code de la consommation, les actions en paiement à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet article institue une fin de non-recevoir ayant un caractère d'ordre public. Or, l'article 125 du nouveau code de procédure civile dispose que les fins de non-recevoir doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public. »

3/ « Ainsi, la société Finaref distingue le crédit utilisable à l'ouverture et le crédit maximum autorisé. Cependant, l'article L. 311-10 du code de la consommation, relatif aux mentions obligatoires de l'offre préalable, ne fait état que du montant du crédit et éventuellement de ses fractions périodiquement disponibles. Ce texte d'ordre public est d'interprétation stricte : là où la loi ne distingue pas, il n'y a pas lieu de distinguer. [...] Au surplus, l'article 4 de la loi du 28 janvier 2005 tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur, applicable aux contrats en cours, a modifié l'article L. 311-9 du code de la consommation en ajoutant un alinéa qui précise que « l'offre préalable est obligatoire pour le contrat initial et pour toute augmentation de crédit consenti », ce qui confirme l'analyse précitée.

Il y a lieu aussi de préciser qu'une clause prévoyant l'augmentation du crédit initial sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit conforme aux dispositions applicables en matière de crédit à la consommation crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur, de telle sorte qu'elle est abusive et doit être réputée non écrite. Cette interprétation a été validée par la Cour de Cassation et la commission des clauses abusives. »

 

TRIBUNAL D’INSTANCE D’AVRANCHES

JUGEMENT DU 20 DÉCEMBRE 2006

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RG n° 06-000150.

 

DEMANDEUR :

Société Anonyme FINAREF

[adresse], représentée par Maître DUMONT-FOUCAULT, avocat du barreau de COUTANCES

 

DÉFENDEURS :

Monsieur et Madame X.

[adresse], non comparants

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Juge : MOGILKA Séverine

Greffier : SCHMOOR Marcel

DÉBATS : Après avoir entendu à l'audience publique du 22 novembre 2006 les parties présentes en leurs plaidoiries ou observations,

LE TRIBUNAL : A mis l'affaire en délibéré, Et, à l'audience publique de ce jour, 20 décembre 2006, après en avoir délibéré conformément à la loi, a prononcé le jugement suivant :

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :

Au cours de l'année 2002, la SA FINAREF a présenté une offre préalable d'ouverture de crédit à Monsieur X. et Madame X. née Y., en qualité de co-emprunteur, valable jusqu'au 30 septembre 2002. Cette offre portait sur un découvert permanent avec un montant maximum de crédit autorisé de 10.000 euros et un montant de crédit utilisable à l'ouverture du compte de 3.000 euros au taux effectif global, avec une assurance facultative. Monsieur et Madame X. ont accepté cette offre préalable, le 15 juillet 2002, avec assurance.

Par acte d'huissier en date des 28 et 30 juin 2006, la SA Finaref a assigné Monsieur et Madame X., devant le Tribunal d'Instance d'AVRANCHES, aux fins d'obtenir, avec exécution provisoire, leur condamnation solidaire au paiement de :

- la somme de 8.610,10 euros avec intérêts au taux contractuel à compter du 24 mai 2006 ;

- la somme de 600 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, outre des dépens.

Par jugement avant dire droit en date du 18 octobre 2006, le Tribunal a ordonné la réouverture des débats et invité les parties à présenter leurs observations sur l'application des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation, particulièrement l'article L. 311-37 relatif à la forclusion, et réservé les demandes.

A l'audience, la société FINAREF maintient ses demandes initiales.

Au soutien de ses prétentions, elle invoque l'application des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation.

Elle explique que Monsieur et Madame X. ont cessé de régler les échéances dues, que le premier incident de paiement date du mois de juillet 2005 et que malgré une mise en demeure, ils n'ont pas régularisé leur situation. Elle soutient que son action n'est pas forclose.

En défense, Monsieur et Madame X. n'ont pas comparu à l'audience.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Aux termes de l'article 472 du nouveau code de procédure civile, si le défendeur ne comparait pas, il est néanmoins statué sur le fond ; le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur le fond, les articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation transposent en droit interne les dispositions de la directive n° 87-102 du Conseil du 22 décembre 1986 sur le rapprochement des droits nationaux en matière de crédit à la consommation. Ils ont donc pour finalité d'assurer, d'une part, la protection du consommateur et d'autre part, l'égalité de [minute page 3] traitement des pratiques commerciales et concurrentielles au sein des pays de l'Union Européennes.

Les règles du code de la consommation contiennent donc des impératifs d'ordre public de direction.

Or, dans une telle hypothèse, le juge national est tenu, selon le droit communautaire, de veiller au plein effet des normes communautaires, au besoin en écartant les normes nationales contradictoires, même postérieures, ainsi que l'a jugé la Cour de Justice des Communautés Européennes le 9 mars 1978 (CJCE, Simmenthal), décision ayant valeur normative.

En outre, cette juridiction a confié au juge le soin de veiller au respect des normes communautaires même si le consommateur, par ignorance n'en demande pas l'application, par sa décision du 27 juin 2000 relative à la directive des clauses abusives (CJCE, Oceano Groupo), qui pose un principe d'une telle généralité qu'il doit s'appliquer à la directive relative au crédit à la consommation.

Par ailleurs, en droit interne, l'article 6 du code civil dispose qu'on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public et l'article 1134 du même code précise que seules les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Les dispositions en matière de crédit à la consommation sont d'ordre public, le législateur a donc manifestement une volonté de voir appliquer ces règles en tout état de cause.

Aussi, il convient de considérer que le consommateur ne peut pas renoncer au bénéfice des protections prévues par les articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation [N.B. erreur matérielle dans la minute originale, mentionnant le code civil], que ce soit explicitement ou tacitement par son silence.

Le Tribunal a donc la possibilité, par jugement avant dire droit, de demander aux parties la production de pièces et leurs observations afin de vérifier que les dispositions d'ordre public en matière de crédit à la consommation sont respectées.

 

- Sur la recevabilité de la demande en paiement de la société FINAREF :

Aux termes de l'article L. 311-37 du code de la consommation, les actions en paiement à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

Cet article institue une fin de non-recevoir ayant un caractère d'ordre public.

Or, l'article 125 du nouveau code de procédure civile dispose que les fins de non-recevoir doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public.

[minute page 4] En application de l'article L. 311-37 du code de la consommation, dans le cas d'une ouverture de crédit, d'un montant déterminé et reconstituable, assortie d'une obligation de remboursement à échéances convenues, c'est-à-dire un compte permanent, le dépassement du découvert ou crédit convenu constitue un incident de paiement caractérisant la défaillance de l'emprunteur et donc le point de départ du délai biennal de forclusion.

En l'espèce, le contrat de crédit stipule que « montant de crédit utilisable à l'ouverture de votre compte mistral : 3.000 euros ; montant maximum de crédit autorisé : 10.000 euros ».

Il précise aussi que «à l'issue d'un délai de six mois suivant la date d'ouverture de votre contrat, le montant du crédit utilisable pourra évoluer par fractions successives, à votre demande ou sur proposition du prêteur dans la limite du montant maximum du crédit autorisé et sous réserve que vous ne vous trouviez pas dans l'une des conditions de suspension ou de résiliation (...) ; toute utilisation de votre compte au delà du montant du crédit utilisable sera considérée comme une demande de mise à disposition d'une fraction supplémentaire de votre crédit autorisé ».

Ainsi, la société Finaref distingue le crédit utilisable à l'ouverture et le crédit maximum autorisé.

Cependant, l'article L. 311-10 du code de la consommation, relatif aux mentions obligatoires de l'offre préalable, ne fait état que du montant du crédit et éventuellement de ses fractions périodiquement disponibles. Ce texte d'ordre public est d'interprétation stricte : là où la loi ne distingue pas, il n'y a pas lieu de distinguer.

Aussi, il convient de se référer au montant du découvert dont l'emprunteur peut disposer au jour de la conclusion du contrat et non pas à un montant hypothétique soumis à diverses conditions, étant précisé, que les conditions d'augmentation du découvert tendent à faire échapper l'établissement de crédit au formalisme prévu par les articles L. 311-8 et suivants du code de la consommation qui sont pourtant d'ordre public et qu'il n'y a donc pas lieu de leur conférer une quelconque portée.

Au surplus, l'article 4 de la loi du 28 janvier 2005 tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur, applicable aux contrats en cours, a modifié l'article L. 311-9 du code de la consommation en ajoutant un alinéa qui précise que « l'offre préalable est obligatoire pour le contrat initial et pour toute augmentation de crédit consenti », ce qui confirme l'analyse précitée.

Il y a lieu aussi de préciser qu'une clause prévoyant l'augmentation du crédit initial sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit conforme aux dispositions applicables en matière de crédit à la consommation crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur, de telle sorte qu'elle est abusive et doit être réputée non écrite. Cette interprétation a été validée par la Cour de Cassation et la commission des clauses abusives.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, le montant du crédit accordé par la société Finaref à Monsieur et Madame X. est d'un montant de 3.000 euros.

[minute page 5] A la lecture de l'historique de compte produit par la société, force est de constater que dès le mois de mars 2004, le montant du crédit accordé a été dépassé sans discontinuer pour atteindre 8.506,78 euros en avril 2006 soit plus de deux fois le montant du crédit initialement accordé.

Un tel dépassement constitue un incident de paiement manifestant la défaillance de l'emprunteur qui ne peut être considéré comme régularisé par l'octroi de crédit complémentaire dans des conditions irrégulières au regard de la législation applicable en la matière.

L'assignation ayant été délivrée les 28 et 30 juin 2006, soit plus de deux ans après le dépassement du montant du crédit accordé, l'action en paiement de la société Finaref doit être déclarée irrecevable sur le fondement de l'article L. 311-37 du code de la consommation.

 

- Sur les autres demandes de la société FINAREF :

L'exécution provisoire, prévue par l'article 515 du nouveau code de procédure civile, n'apparaît pas nécessaire.

Par ailleurs, l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au profit de la société Finaref qui doit donc être déboutée de sa demande de ce chef.

Succombant à l'instance, la société Finaref doit être condamnée aux dépens conformément à l'article 696 du nouveau code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal statuant publiquement, par décision réputée contradictoire, en premier ressort,

- DÉCLARE l'action en paiement de la SA FINAREF intentée à l'encontre de Monsieur X. et Madame X. née Y. irrecevable

- DIT n'y avoir lieu d'assortir la présente décision de l'exécution provisoire ;

- [minute page 6] DÉBOUTE la SA FINAREF de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- CONDAMNE la SA FINAREF aux dépens de l'instance.

LE GREFFIER         LE PRÉSIDENT

 

Est cité par :