TGI EVRY (1re ch. A), 17 mars 2003
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 364
TGI ÉVRY (1re ch. A), 17 mars 2003 : RG n° 01/07042 ; jugement n° 104
(sur appel CA Paris (19e ch. B), 9 septembre 2004 : RG n° 2003/12068)
Extrait : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Pour être jugées abusives et non écrites, les clauses d'un contrat doivent avoir pour effet de créer au détriment d'un non professionnel un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. L'article 4.1 des conditions générales du marché de travaux conclu le 30 janvier 2000 qui prévoit que, « sauf stipulation écrite particulière expressément acceptée par notre société, les délais des commandes et marchés ne sont mentionnés qu'à titre indicatif » ne peut créer un tel déséquilibre dès lors que la faculté était bien réservée au contractant de subordonner la conclusion du marché à la condition d'une échéance ferme susceptible d'être insérée en exprimant au moment de la formation du contrat les impératifs particuliers qui s'attachaient pour lui au respect des délais.
De même, l'article 4.4 qui prévoit que, « en cas de pénalités de retard expressément acceptées par notre société ou d'indemnisation quelconque liée directement ou indirectement à un retard, celles-ci seront dans tous les cas de plein droit plafonnées à un maximum de 5 % hors taxes du montant des travaux » n'exclut pas toute indemnisation, même non contractuelle, la limitant seulement à un plafond dont le contractant pouvait apprécier la mesure. Le défendeur procédait lui-même à cette analyse du contrat en écrivant le 19 juillet 2000 « tout retard de la part de la Société BARBOT CM vous engage à réduire le montant HT des travaux de 5 % ».
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D’ÉVRY
PREMIÈRE CHAMBRE A
JUGEMENT DU 17 MARS 2003
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 01/070042. Jugement n° 104.
ENTRE :
Société BARBOT CM
Société Anonyme au capital de 1.200.000 Euros, immatriculée au RC de TOURS sous le N° XX, dont le siège social est [adresse] ; représentée par Maître Philippe MONCALIS, avocat au barreau de L'ESSONNE postulant, Maître Véronique JULLIEN, avocat au barreau des HAUTS DE SEINE plaidant, DEMANDERESSE
ET :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], de nationalité Française, Agriculteur, demeurant [adresse] ; représenté par la SCP ELLUL-GRIMAL-ELLUL, avocats au barreau de L'ESSONNE postulant, Maître BENICHOU OUGOUAG, avocat au barreau de PARIS plaidant, DÉFENDEUR
[minute page 2]
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Françoise MARTINI, Vice Président, Siégeant à Juge Rapporteur avec l'accord des avocats ;
Magistrats ayant délibéré : Président : Françoise MARTINI, Vice-Président ; Assesseur : Sophie MACE, Juge ; Assesseur : Fabienne SCHALLER, Juge,
Greffier lors des débats : Nathalie GALVEZ, Greffier.
DÉBATS : Vu l'ordonnance de clôture en date du 18 novembre 2002 ayant fixé l'audience de plaidoiries au 20 janvier 2003 date à laquelle l'affaire a été plaidée et mise en délibéré au 17 mars 2003
JUGEMENT : Prononcé en audience publique, Contradictoire, et en premier ressort.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
La Procédure et les moyens des Parties :
Le 7 août 2001, la Société BARBOT CM a assigné X., entendant faire prononcer sa condamnation à lui payer la somme de 139.666,30 francs soit 21.291,99 euros représentant le solde d'un marché de travaux du 31 janvier 2000 relatif à la construction d'un hangar métallique agricole et de travaux supplémentaires par avenant du 19 avril 2000 correspondant à un montant total de 584.509,12 francs TTC, réceptionnés sans réserves le 10 octobre 2000. Elle demande en outre le paiement des intérêts au taux des obligations cautionnées majoré de 2,5 points conformément à la norme NF P 03 001, soit 17% à compter d'une mise en demeure du 17 mai 2001, des sommes de 3.048,98 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 3.048,98 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et l'exécution provisoire.
[minute page 3] Pour s'opposer à ces prétentions, X. invoque le retard intervenu dans l'exécution des travaux, n'ayant commencé que le 11 septembre 2000 alors que le montage devait débuter la semaine 19 de l'année 2000, lui causant ainsi un préjudice d'un montant équivalent à la somme réclamée consécutif à l'impossibilité d'honorer des contrats de vente de paille à l'abri. Il souligne que la paille stockée dehors perd de sa valeur et qu'il était impératif pour lui que son hangar, entièrement détruit au cours de la tempête de décembre 1999, soit reconstruit avant la moisson. Il entend faire juger abusives sur le fondement des articles 1135 du Code civil et L. 132-1 du Code de la consommation les clauses des conditions générales de vente prévoyant que les délais ne sont mentionnés qu'à titre indicatif, que les pénalités de retard doivent être expressément acceptées et que l'indemnisation est plafonnée à 5 % du montant des travaux. Il demande de déclarer satisfactoire par compensation avec l'indemnisation de son préjudice le règlement d'un montant de 347.213, l2 francs opéré par lui le 15 décembre 2000 au titre du solde des travaux. Il conclut en conséquence au débouté et sollicite le versement de la somme de 10.000 francs soit 1.524,49 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Les motifs de la décision :
Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Pour être jugées abusives et non écrites, les clauses d'un contrat doivent avoir pour effet de créer au détriment d'un non professionnel un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. L'article 4.1 des conditions générales du marché de travaux conclu le 30 janvier 2000 qui prévoit que, « sauf stipulation écrite particulière expressément acceptée par notre société, les délais des commandes et marchés ne sont mentionnés qu'à titre indicatif » ne peut créer un tel déséquilibre dès lors que la faculté était bien réservée au contractant de subordonner la conclusion du marché à la condition d'une échéance ferme susceptible d'être insérée en exprimant au moment de la formation du contrat les impératifs particuliers qui s'attachaient pour lui au respect des délais. De même, l'article 4.4 qui prévoit que, « en cas de pénalités de retard expressément acceptées par notre société ou d'indemnisation quelconque liée directement ou indirectement à un retard, celles-ci seront dans tous les cas de plein droit plafonnées à un maximum de 5 % hors taxes du montant des travaux » n'exclut pas toute indemnisation, même non contractuelle, la limitant seulement à un plafond dont le contractant pouvait apprécier la mesure. Le défendeur procédait lui-même à cette analyse du contrat en écrivant le 19 juillet 2000 « tout retard de la part de la Société BARBOT CM vous engage à réduire le montant HT des travaux de 5 % ».
En l'absence de pénalités de retard prévues au contrat, il appartient en tout état de cause à X. de faire la preuve du montant de son préjudice. Selon ses explications fournies dans une lettre du 15 décembre 2000, le préjudice invoqué de 132.000 francs hors taxe soit [minute page 4] 139.260 francs TTC correspond à la différence entre le prix des contrats passés et le prix de la paille achetée pour honorer ses contrats, soit 120 francs hors taxe appliqué à la contenance de 1.100 tonnes du hangar. Il produit deux contrats de vente en date du 1er juillet 2000, l'un avec Monsieur A. portant sur 500 tonnes de paille normale au prix de 300 francs la tonne sous hangar et de 500 tonnes de paille broyée au prix de 350 francs la tonne sur lequel le défendeur indique avoir pu honorer 800 tonnes, l'autre avec Monsieur B. portant sur 600 tonnes sous abri au prix de 295 francs la tonne sur lequel le défendeur indique avoir pu honorer 500 tonnes, ainsi qu'une attestation de la Société C. Transports faisant état d'un contrat oral pour la fourniture de 800 tonnes de paille sous hangar au printemps 2001 qu'elle n'a pas pu avoir. Il en ressort que le défendeur a pu honorer un volume de 1.300 tonnes, supérieur en fait à la contenance du hangar. Mais aucun élément ne permet de vérifier l'achat auquel il déclare avoir dû procéder pour honorer ces contrats et qui se trouve générateur d'un surcoût constitutif de son dommage. Le préjudice invoqué ne peut en conséquence être reconnu.
La Société BARBOT CM est dès lors fondée à exiger le paiement intégral du marché. Les intérêts sont dus conformément aux dispositions de la norme NF-P-03.001 relative aux marchés privés visée dans l'article 11 des conditions générales du contrat au taux des obligations cautionnées majorées de 2,5 points depuis la mise en demeure en date du 17 mai 2001.
Le préjudice qui justifierait l'allocation complémentaire des dommages et intérêts sollicités par la Société BARBOT CM n'est pas caractérisé.
L'exécution provisoire est nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire.
L'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,
Condamne X. à payer à la Société BARBOT CM la somme de 21.291,99 Euros (VINGT ET UN MILLE DEUX CENT QUATRE VINGT ONZE EUROS ET QUATRE VINGT DIX NEUF CENTIMES) avec intérêts au taux des obligations cautionnées augmenté de 2,5 points à compter du 17 mai 2001,
[minute page 5] Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement,
Condamne X. aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Philippe MONCALIS conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Prononcé à l'audience du DIX SEPT MARS DEUX MIL TROIS, par Françoise MARTINI, Vice-Président, assistée de Nathalie GALVEZ, Greffier, lesquelles ont signé la minute du présent Jugement.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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