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CA NANCY (2e ch. civ.), 31 mai 2012

Nature : Décision
Titre : CA NANCY (2e ch. civ.), 31 mai 2012
Pays : France
Juridiction : Nancy (CA), 2e ch. civ.
Demande : 09/00702
Date : 31/05/2012
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 5/03/2009
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3891

CA NANCY (2e ch. civ.), 31 mai 2012 : RG n° 09/00702

Publication : Jurica

 

Extrait : « En l'espèce, le contrat de prêt comporte une clause intitulée « assurance décès-incapacité de travail-chômage », dont la partie « chômage » est rédigée comme suit : « Report en fin de prêt des mensualités venant à échéance pendant la période de chômage à compter de la quatrième échéance mensuelle suivant la date de départ des prestations ASSEDIC, mais dans la limite de dix-huit mois par période de chômage pour un assuré, licencié, percevant des allocations ASSEDIC ou assimilées, ou qui, par extension, a droit aux allocations de formation au titre du chômage [...].

L'avantage offert par cette garantie est réel : en cas de chômage consécutif à un licenciement, une fois passée la période de franchise des trois premiers mois, l'obligation de remboursement de l'emprunteur est entièrement suspendue pendant une durée de 18 mois, période renouvelable une fois si l'emprunteur fait l'objet d'un nouveau licenciement après la reprise d'un emploi. Cette période de suspension et le report du paiement des échéances suspendues n'entraîne aucun surcoût pour l'emprunteur, puisque les échéances reportées qu'il aura à payer seront d'un montant égal à celui des dernières échéances du plan d'amortissement, sans majoration de frais ou d'intérêts particuliers. Le manque à gagner subi par le prêteur pendant cette période de suspension des paiements est pris en charge par l'assureur qui lui verse des intérêts sur le montant du capital restant dû à la date de la suspension.

Le mécanisme d'assurance ainsi mis en place est exposé clairement dans la clause ci-dessus rappelée. En outre, cette clause fait partie d'un acte passé en la forme authentique : elle a donc été lue et explicitée par le notaire rédacteur de l'acte et les emprunteurs ont eu la possibilité d'interroger ce professionnel si des doutes ou incompréhensions subsistaient.

En contrepartie de cet avantage réel, l'emprunteur paie une prime. Suivant les calculs produits par le prêteur et l'assureur (calculs non remis en cause techniquement par les emprunteurs) sur la ventilation de la prime entre les différents risques couverts, la part de la prime affectée à la garantie « chômage » est modeste (2,73 euros par mois et par personne assurée) et ne consacre nul déséquilibre entre les parties.

Les époux X. se prévalent de la recommandation n° 90-01 de la commission des clauses abusives, mais ils ne montrent pas en quoi les stipulations de la clause en litige seraient contraires aux recommandations de cette commission (qui n'ont au surplus aucune force contraignante).

Les époux X. soutiennent également qu'ils auraient pu obtenir le même avantage, sans assurance et sans paiement des primes y afférentes, en utilisant les procédures prévues par les articles 1244-1 du code civil et L. 313-12 du code de la consommation. Mais, d'une part, l'article L. 313-12 du code de la consommation, qui prévoit expressément, en cas de licenciement de l'emprunteur, la possibilité pour le juge saisi de reporter les échéances du prêt sans que cette opération ne génère d'intérêts supplémentaires, n'a été créé que par une loi de 1993 et n'existait donc pas lorsque le contrat de prêt dont s'agit a été signé, en 1987. D'autre part, les voies judiciaires ouvertes aux débiteurs en difficulté nécessitent la saisine d'une juridiction et l'assistance ou la représentation à des audiences, ce qui est toujours plus lourd que d'envoyer une simple déclaration de sinistre à son assureur. Enfin, aussi bien pour l'article 1244-1 du code civil que pour l'article 313-12 du code de la consommation, le juge saisi dispose d'un pouvoir souverain pour apprécier si des délais de grâce peuvent être accordés ou non au débiteur, ce qui laisse subsister un aléa tant sur le principe même des délais accordés que sur leur durée ou leurs modalités, alors que la clause d'assurance litigieuse confère à l'emprunteur un droit au report dès lors que les conditions stipulées sont remplies.

Par conséquent, il n'est nullement démontré que la clause précitée aurait pour objet ou pour effet de créer, au détriment des emprunteurs, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Cette clause n'est donc pas abusive ; les époux X. seront déboutés de leur demande tendant à la voir déclarer non écrite et, a fortiori, de leur demande tendant à être dispensés du paiement des échéances reportées. »

 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE NANCY

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 31 MAI 2012

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 09/00702. Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal de Grande Instance de BRIEY, R.G. n° 07/00428, en date du 15 janvier 2009.

 

APPELANTS :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], demeurant [adresse], représenté par la SOCIÉTÉ CIVILE PROFESSIONNELLE M.-L. ET F., avocats au barreau de NANCY précédemment constitués en qualité d'avoués, plaidant par Maître Jean-Marie T. de la SOCIÉTÉ CIVILE PROFESSIONNELLE M./T., avocats au barreau de BRIEY

Madame Y. épouse X.

née le [date] à [ville], demeurant [adresse], représentée par la SOCIÉTÉ CIVILE PROFESSIONNELLE M.-L. ET F., avocats au barreau de NANCY précédemment constitués en qualité d'avoués, plaidant par Maître Jean-Marie T. de la SOCIÉTÉ CIVILE PROFESSIONNELLE M./T., avocats au barreau de BRIEY

 

INTIMÉES :

SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de l'UCB,

prise en la personne de ses représentants légaux pour ce domiciliés au siège social, sise [adresse], représentée par la SOCIÉTÉ CIVILE PROFESSIONNELLE L. W. M., avocats au barreau de NANCY précédemment constitués en qualité d'avoués, plaidant par Maître Sandrine A. de la SOCIÉTÉ CIVILE PROFESSIONNELLE A.-FRANCOIS A., avocats au barreau de NANCY

Société GROUPAMA GAN VIE venant aux droits et obligations de la société GAN EUROCOURTAGE VIE,

entreprise régie par le code des assurances, société anonyme prise en la personne de ses représentants légaux pour ce domiciliés au siège social, immatriculée au RCS de Paris sous le n° 340 XX, sise [adresse], représentée par la SOCIÉTÉ CIVILE PROFESSIONNELLE V. Barbara, avocats au barreau de NANCY constitué aux lieu et place de Maître G. avoués précédemment constitués

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 5 avril 2012, en audience publique devant la Cour composée de : Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre, Monsieur Christian MAGNIN, Conseiller, Monsieur Francis MARTIN, Conseiller, qui a fait le rapport, qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Caroline HUSSON ;

A l'issue des débats, le Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 31 mai 2012, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

ARRÊT : Contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 31 mai 2012, par Madame Caroline HUSSON, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; signé par Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre et par Madame Caroline HUSSON, greffier ;

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Suivant l'acte passé en la forme authentique le 1er septembre 1987, l'Union de Crédit pour le Bâtiment (UCB) a accordé aux époux X. un prêt immobilier conventionné d'un montant de 500.000 francs en capital (soit 76.224,51 euros), remboursable en 240 mensualités.

Le contrat de prêt comportait une « assurance décès-incapacité de travail-chômage » : il s'agissait d'une assurance de groupe contractée par l'UCB auprès de la compagnie GAN ASSURANCES et à laquelle les emprunteurs ont adhéré.

Madame X. ayant connu une période de chômage, le couple a eu des difficultés financières et un plan de règlement de son surendettement a été établi en 1999.

Par acte d'huissier du 17 avril 2007, les époux X. ont fait assigner l'UCB devant le tribunal de grande instance de Briey, afin :

- de voir déclarer abusive, et donc non-écrite, la clause du contrat de crédit prévoyant, en cas de chômage, le report des échéances en fin de prêt et limitant la garantie souscrite à 18 mois,

- par voie de conséquence, de se voir déclarer non-redevables des échéances du 10 décembre 1994 au 10 mai 1996, soit un montant de 15.369,77 euros.

Par conclusions ultérieures, ils ont demandé à être exonérés des intérêts dus sur les échéances reportées.

Par acte d'huissier du 20 mars 2008, les époux X. ont appelé en déclaration de jugement commun la compagnie GAN ASSURANCES.

Tant l'UCB que la compagnie d'assurances ont conclu au rejet de la demande en soutenant que la clause critiquée était parfaitement valable.

L'UCB a demandé reconventionnellement au tribunal de constater la déchéance du terme et de condamner les époux X. à des dommages et intérêts pour procédure abusive.

 

Par jugement rendu le 15 janvier 2009, le tribunal de grande instance de Briey a débouté les époux X. de toutes leurs demandes. Il a également débouté la société de crédit de ses demandes reconventionnelles et il a condamné solidairement les époux X. à payer à chacune des sociétés défenderesses la somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Le tribunal a motivé sa décision en relevant que la clause d'assurance en cas de chômage de l'emprunteur prévoyait sans ambiguïté le report des échéances de remboursement pendant une période maximum de 18 mois et que cette clause ne créait aucun déséquilibre significatif entre les parties au contrat. Il a ajouté que les pièces du dossier ne permettaient ni de prononcer l'exigibilité immédiate du prêt, ni dispenser les débiteurs du paiement des intérêts sur les échéances reportées.

 

Les époux X. ont régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 5 mars 2009. Ils demandent à la Cour d'infirmer le jugement déféré, de déclarer non écrite la clause de leur contrat de crédit reportant les échéances en cas de chômage, de dire qu'ils ne sont pas redevables des échéances du 10 décembre 1994 au 10 mai 1996 représentant un montant de 15.369,77 euros. Subsidiairement, ils demandent à la Cour de prendre acte de ce qu'ils ont respecté le versement régulier des échéances prévues par le plan de surendettement, d'ordonner au prêteur de produire un décompte du solde du prêt et à défaut de le débouter de toutes ses demandes ; de déclarer irrecevable la demande nouvelle du prêteur et de le condamner à leur payer les sommes de 5.371,90 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral et financier subi et de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Ils exposent :

- que l'assurance prévue par le contrat de prêt en cas de chômage de l'emprunteur se limite à un report en fin de crédit de 18 mensualités,

- que le coût de cette garantie, bien qu'il n'apparaisse pas clairement, n'est pas négligeable comparé à son intérêt qui est limité puisque n'importe quel débiteur au chômage peut obtenir judiciairement un tel report sur le fondement des articles 1244-1 du code civil ou L. 313-12 du code de la consommation,

- que l'assurance ne vient compenser, en définitive, que les intérêts dus sur les 18 échéances reportées,

- qu'il s'agit plutôt d'une « garantie de report » que d'une « assurance chômage »,

- qu'une telle clause crée un déséquilibre significatif entre les parties au contrat,

- que le prêteur s'est borné à solliciter, en première instance, l'exigibilité immédiate du prêt, de sorte qu'il ne peut réclamer en appel le paiement des sommes dues après la déchéance du terme.

 

La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de l'UCB, conclut à la réformation partielle de la décision du premier juge : elle demande à la Cour de prononcer la déchéance du terme et de condamner solidairement les époux X. à lui payer le solde du prêt, soit 47.531,71 euros outre les intérêts, ainsi qu'une somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure et appel abusifs et une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Elle fait valoir :

- que la clause du contrat de prêt portant sur la garantie en cas de chômage, sous forme de report d'échéances, est très claire, d'autant que cette clause a été explicitée par le notaire le jour de la signature de l'acte puisqu'il s'agit d'un acte en la forme authentique,

- que ce mécanisme de report d'échéances a été rappelé tout au long de leurs relations contractuelles,

- que la prime d'assurance réglée vient compenser les intérêts sur les échéances reportées en cas de sinistre, étant précisé que la part de la prime affectée à cette garantie n'est que de 2,73 euros par mois et par assuré,

- que cette clause ne crée aucun déséquilibre entre les parties et qu'elle a au contraire permis aux époux X. de bénéficier d'un report sur des échéances représentant un montant total de 100.819,08 francs,

- que les époux X. n'ont pas respecté les termes du plan de surendettement, puisque leur compte est resté constamment débiteur depuis janvier 2004, ce qui justifie sa caducité et l'exigibilité anticipée du solde du prêt,

- qu'un décompte actualisé de la dette est produit à cette fin.

 

La société GROUPAMA GAN VIE, venant aux droits de la société GAN EUROCOURTAGE VIE, conclut à la confirmation du jugement, au rejet des demandes des époux X. et à leur condamnation à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Elle soutient :

- que Madame X. ayant été licenciée en 1994, dix-huit mensualités échues à compter du 10 décembre 1994 ont été reportées en fin de prêt en application de la garantie perte d'emploi stipulée au contrat,

- que pendant les dix-huit mois de suspension des paiements, elle a versé au prêteur pour le compte de l'assurée des intérêts au taux forfaitaire de 0,75 % par mois sur le capital restant dû,

- que la clause qui définit la garantie perte d'emploi est dépourvue de toute ambiguïté sur son contenu,

- qu'il n'y a aucun abus dans cette clause, d'autant que légalement l'abus ne peut porter ni sur la définition de l'objet principal du contrat, ni sur l'adéquation du prix au service offert,

- que la prime encaissée, soit 2,73 euros par mois, est en corrélation avec le risque garanti, sans qu'aucun déséquilibre entre droits et obligations des parties puisse être allégué.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Vu les dernières écritures déposées le 25 janvier 2011 par la société GROUPAMA GAN VIE et le 29 novembre 2011 par la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE et par les époux X.,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 14 février 2012.

 

Sur la validité de la garantie perte d'emploi :

L'article L. 132-1 du code de la consommation dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion. L'appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat, ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

En l'espèce, le contrat de prêt comporte une clause intitulée « assurance décès-incapacité de travail-chômage », dont la partie « chômage » est rédigée comme suit :

« Report en fin de prêt des mensualités venant à échéance pendant la période de chômage à compter de la quatrième échéance mensuelle suivant la date de départ des prestations ASSEDIC, mais dans la limite de dix-huit mois par période de chômage pour un assuré, licencié, percevant des allocations ASSEDIC ou assimilées, ou qui, par extension, a droit aux allocations de formation au titre du chômage (...). Ce report sera acquitté mensuellement par l'emprunteur :

- en fin de crédit, sur la base de la dernière échéance contractuelle ; pendant cette période de paiement, l'emprunteur aura en outre à payer les primes d'assurance 'décès et incapacité de travail',

- ou, lors du remboursement total par anticipation, volontaire ou forcé du crédit, en totalité au moment de ce remboursement.

Les périodes successives de chômage ouvrant droit au bénéfice de la garantie ne peuvent, par assuré, dépasser au total 36 mois. »

L'avantage offert par cette garantie est réel : en cas de chômage consécutif à un licenciement, une fois passée la période de franchise des trois premiers mois, l'obligation de remboursement de l'emprunteur est entièrement suspendue pendant une durée de 18 mois, période renouvelable une fois si l'emprunteur fait l'objet d'un nouveau licenciement après la reprise d'un emploi. Cette période de suspension et le report du paiement des échéances suspendues n'entraîne aucun surcoût pour l'emprunteur, puisque les échéances reportées qu'il aura à payer seront d'un montant égal à celui des dernières échéances du plan d'amortissement, sans majoration de frais ou d'intérêts particuliers. Le manque à gagner subi par le prêteur pendant cette période de suspension des paiements est pris en charge par l'assureur qui lui verse des intérêts sur le montant du capital restant dû à la date de la suspension.

Le mécanisme d'assurance ainsi mis en place est exposé clairement dans la clause ci-dessus rappelée. En outre, cette clause fait partie d'un acte passé en la forme authentique : elle a donc été lue et explicitée par le notaire rédacteur de l'acte et les emprunteurs ont eu la possibilité d'interroger ce professionnel si des doutes ou incompréhensions subsistaient.

En contrepartie de cet avantage réel, l'emprunteur paie une prime. Suivant les calculs produits par le prêteur et l'assureur (calculs non remis en cause techniquement par les emprunteurs) sur la ventilation de la prime entre les différents risques couverts, la part de la prime affectée à la garantie « chômage » est modeste (2,73 euros par mois et par personne assurée) et ne consacre nul déséquilibre entre les parties.

Les époux X. se prévalent de la recommandation n° 90-01 de la commission des clauses abusives, mais ils ne montrent pas en quoi les stipulations de la clause en litige seraient contraires aux recommandations de cette commission (qui n'ont au surplus aucune force contraignante).

Les époux X. soutiennent également qu'ils auraient pu obtenir le même avantage, sans assurance et sans paiement des primes y afférentes, en utilisant les procédures prévues par les articles 1244-1 du code civil et L. 313-12 du code de la consommation. Mais, d'une part, l'article L. 313-12 du code de la consommation, qui prévoit expressément, en cas de licenciement de l'emprunteur, la possibilité pour le juge saisi de reporter les échéances du prêt sans que cette opération ne génère d'intérêts supplémentaires, n'a été créé que par une loi de 1993 et n'existait donc pas lorsque le contrat de prêt dont s'agit a été signé, en 1987. D'autre part, les voies judiciaires ouvertes aux débiteurs en difficulté nécessitent la saisine d'une juridiction et l'assistance ou la représentation à des audiences, ce qui est toujours plus lourd que d'envoyer une simple déclaration de sinistre à son assureur. Enfin, aussi bien pour l'article 1244-1 du code civil que pour l'article 313-12 du code de la consommation, le juge saisi dispose d'un pouvoir souverain pour apprécier si des délais de grâce peuvent être accordés ou non au débiteur, ce qui laisse subsister un aléa tant sur le principe même des délais accordés que sur leur durée ou leurs modalités, alors que la clause d'assurance litigieuse confère à l'emprunteur un droit au report dès lors que les conditions stipulées sont remplies.

Par conséquent, il n'est nullement démontré que la clause précitée aurait pour objet ou pour effet de créer, au détriment des emprunteurs, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Cette clause n'est donc pas abusive ; les époux X. seront déboutés de leur demande tendant à la voir déclarer non écrite et, a fortiori, de leur demande tendant à être dispensés du paiement des échéances reportées.

Le jugement déféré sera confirmé sur tous ces points.

 

Sur la déchéance du terme et la demande en paiement :

Par jugement rendu le 22 mars 1999, le tribunal d'instance de Briey a fixé la créance de l'UCB, à la date du 5 octobre 1999, aux sommes suivantes :

- principal : 499.855 francs,

- intérêts : 141.576,34 francs,

- frais : 7.842,62 francs,

TOTAL : 649.273,96 francs, soit 98.981,18 euros.

Le tribunal a organisé l'apurement du surendettement des époux X. en leur imposant de rembourser cette dette de crédit immobilier en 168 mensualités de 4.597,43 francs (soit 700,87 euros), les échéances dont le paiement a été suspendu pendant la période de chômage étant reportées en fin de prêt avec un taux d'intérêts de 0 %.

La SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE produit aux débats l'historique des écritures passées au compte des époux X. Il en ressort que les remboursements ont été émaillés d'incidents multiples. Ainsi, suivant cet historique, les mensualités échues d'août à décembre 2010 n'ont pas été payées. Le prêteur est donc fondé à se prévaloir de la déchéance du terme intervenue le 1er mars 2011. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

L'article 566 du code de procédure civile dispose que les parties peuvent, en cause d'appel, ajouter à leurs demandes de première instance toutes celles qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément. La SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE est donc recevable à demander aux époux X., devant la Cour, le paiement du solde restant dû sur ce crédit immobilier, car ce chef de demande est le complément de leur demande formée en première instance qui tendait à voir constater la déchéance du terme.

Suivant le décompte produit par le créancier, les époux X. étaient redevables au 1er mars 2011 :

- d'une somme de 45.288,33 euros au titre du capital restant dû,

- d'une somme de 1.132,67 euros au titre des intérêts échus au taux de 4,5 % du 11 août 2010 au 1er mars 2011,

soit un total de 46.421 euros.

Les époux X. contestent ce décompte, mais ils n'apportent pas la preuve des paiements qu'ils auraient faits en exécution du plan à la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE et que cette dernière aurait omis de prendre en compte. En outre, aucun paiement postérieur au 1er mars 2011 n'est allégué par l'une ou l'autre des parties.

En revanche, la banque met au débit des emprunteurs les sommes de 447,10 euros au titre d'une expertise et de 663,61 euros au titre de frais de procédures sans en justifier. Ces chefs de demande ne seront donc pas retenus.

Par conséquent, les époux X. seront solidairement condamnés à payer à la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 46.421 euros en principal, avec intérêts au taux de 4,5% à compter du 2 mars 2011 sur un montant de 45.288,33 euros.

 

Sur les dommages et intérêts :

Les époux X. prétendent avoir subi un préjudice moral et financier. Ils ne précisent toutefois pas les faits qui auraient pu causer un tel préjudice. Il apparaît au contraire qu'ils ne sont pas à jour dans leurs paiements à l'égard de leur prêteur. Ils seront donc déboutés de cette demande de dommages et intérêts.

La SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE sollicite également des dommages et intérêts, mais en alléguant le caractère abusif de la procédure engagée par les époux X. ainsi que de leur appel. Néanmoins, si les époux X. échouent en leurs prétentions, il n'apparaît pas qu'ils aient agi par pure mauvaise foi ou dans l'intention de nuire à leur prêteur. Ils se sont simplement trompés sur l'étendue de leurs droits. Dès lors, la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE sera également déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

 

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Les époux X., qui sont les parties perdantes, supporteront les dépens et seront déboutés de leur demande de remboursement de leurs frais de justice irrépétibles.

En revanche, l'équité n'exige pas qu'ils soient condamnés, sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, à payer des sommes supplémentaires à celles qui ont été mises à leur charge sur ce fondement par le premier juge au profit de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE et de la société GROUPAMA GAN VIE.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,

DÉCLARE l'appel recevable,

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il n'a pas constaté la déchéance du terme et, statuant à nouveau,

DIT que la déchéance du terme du prêt immobilier dont bénéficient les époux X. est intervenue le 1er mars 2011,

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,

Y ajoutant,

CONDAMNE solidairement les époux X. à payer à la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de quarante six mille quatre cent vingt et un euros (46.421 euros) en principal, avec intérêts au taux de 4,5 % à compter du 2 mars 2011 sur un montant de quarante cinq mille deux cent quatre vingt huit euros et trente trois centimes (45.288,33 euros),

DÉBOUTE la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE et les époux X. de leurs demandes de dommages et intérêts,

DÉBOUTE la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE et la société GROUPAMA GAN VIE de leurs demandes de compléments d'indemnités sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

DÉBOUTE les époux X. de leur demande sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNE solidairement les époux X. aux dépens et autorise la SCP L. W. et M. et la SCP Barbara V., Avocats, à faire application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame HUSSON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,                    LE PRÉSIDENT,

Minute en dix pages.

 

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