TGI STRASBOURG (2e ch. com.), 27 février 2004
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 520
TGI STRASBOURG (2e ch. com.), 27 février 2004 : RG n° 02/01505
(sur appel CA Colmar (1re ch. civ. sect. A), 11 avril 2006 : RG n° 1 A 04/02705)
Extraits : 1/ « Madame X. qui exerce la profession d'antiquaire soutient qu'elle n'a pas contracté en qualité de commerçante mais en qualité de consommateur. Madame X. admet être inscrite au Registre du Commerce et a indiqué qu'elle exploite son activité en son nom propre, elle ne peut donc nier qu'elle a la qualité de commerçante, qu'elle est avertie des affaires. La clause attributive de juridiction lui est donc opposable même si elle soutient sur le fond qu'elle n'a pas contracté pour les besoins de son commerce. »
2/ « Il résulte de l'examen des pièces produites en annexe que Madame X. exerce la profession d'antiquaire, qu'elle a dans un premier temps été contactée lors d'une exposition dans un salon et qu'elle a dans un deuxième temps fait l'objet d'un démarchage à domicile de la part de la société FOCADINE. Les documents signés ne portent aucun cachet de l'entreprise exploitée par Madame X. qui s'est contentée de porter de sa main son nom et la mention « antiquaire en nom propre ». La location porte sur du matériel informatique à savoir un micro ordinateur, une souris et un appareil photo numérique qui n'était nullement indispensable à l'exploitation de son commerce. Ce matériel n'entre nullement dans la sphère d'activité de Madame X.
Le bon de commande du matériel, la confirmation de livraison et le contrat de location ont été signés le même jour alors que le technicien de la société FOCADINE installait le matériel informatique au domicile de Madame X. Aucun cachet n'apparaît sur l'ensemble des documents signés par Madame X. qui a dès le lendemain de la livraison sollicité la reprise du matériel. Il convient de constater, quelles que soient les mentions portées en marge du contrat de location indiquant que celui-ci porte sur des biens à usage professionnel et quelque soient les termes de l'avenant du contrat de location rédigé par GRENKE LOCATION indiquant que le contrat porte sur la location de matériel informatique nécessaire à l'utilisation et à l'exploitation d'un site internet marchand qui n'avait d'ailleurs pas été mis en place, que Madame X. n'a pas contracté en qualité de commerçante pour les besoins de son activité professionnelle mais en qualité de consommateur et en dehors de ses compétences professionnelles.
Elle est donc fondée à invoquer les dispositions relatives au démarchage à domicile d'une personne physique et notamment l'application au contrat des dispositions des articles L. 121-23 et L. 121-24 du Code de la Consommation prévoyant à peine de nullité l'obligation de respecter un délai de rétractation et de porter à la connaissance de son cocontractant la faculté de renonciation dont il dispose. »
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG
DEUXIÈME CHAMBRE COMMERCIALE
JUGEMENT DU 27 FÉVRIER 2004
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 02/01505.
DEMANDERESSE ET DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE :
SA GRENKE LOCATION
dont le siège social est [adresse], représentée par Maître KRIEGER, avocat au barreau de STRASBOURG, vestiaire 36
CONTRE
DÉFENDERESSE ET DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE :
Madame X.
demeurant [adresse], représentée par Maître Marc SCHRECKENBERG, avocat au barreau de STRASBOURG, vestiaire 212
[minute page 2] OBJET DE LA DEMANDE :
Demande en paiement relative à un autre contrat
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats : Mme MAILLARD, Vice-Président,
Madame FRICK, Greffier Ad hoc,
Lors du délibéré : Mme MAILLARD, Vice-Président, Messieurs PONTIDA et STUDER, Juges consulaires
Lors du prononcé : Mme MAILLARD,Vice-Président,
Madame KLEIN, greffier,
DÉBATS : à l'audience publique du 26 Janvier 2004
JUGEMENT : - Prononcé par Mme MAILLARD, Vice-Président – Contradictoire - En premier ressort - Signé par Mme MAILLARD, Vice-Président, et par Madame KLEIN, greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] Le 21 novembre 2000 Madame X. qui exerce la profession d'antiquaire a signé avec la société FOCADINE un contrat de participation commerciale portant sur la fourniture de prestations de services électroniques.
Ce contrat devait prendre effet à la date d'installation définitive du site web par le provider auprès du partenaire étant précisé article 7 du contrat, que le partenaire a été rendu attentif à l'indépendance juridique existant entre le présent contrat et le contrat de location de matériel informatique et de prestation de service Focadine Web Développement.
Le 13 décembre 2000 Madame X. a signé avec la société GRENKE LOCATION un contrat de location longue durée portant sur des biens à usage professionnel à savoir un micro ordinateur, une souris et un appareil photo numérique en contrepartie du paiement de 48 loyers mensuels de 1.782,04 francs. Ce contrat précise que le matériel loué a été fourni par la société FOCADINE.
Madame X. a le même jour signé un bon de commande du matériel informatique et une confirmation de livraison dans laquelle elle reconnaît avoir reçu livraison du matériel loué en parfait état de fonctionnement.
Le matériel loué a été installé à son domicile le 13 décembre 2000 par un technicien de la société FOCADINE.
Le 21 décembre 2000 Madame X. a signé un avenant au contrat de location dans lequel elle reconnaît avoir pris connaissance du fait que la SA GRENKE LOCATION a pour seule obligation la mise à disposition du matériel et qu'elle reste étrangère au contrat de prestation de service conclu entre la locataire et le fournisseur portant sur la création et la mise à disposition d'un site internet marchand.
Elle a déclaré avoir pris connaissance du fait que le contrat de location longue durée prend effet à la date de livraison du matériel informatique indépendamment de la date de mise en fonction du site internet marchand et qu'en cas de retard ou de dysfonctionnement de ce site le contrat de location poursuit ses pleins et entiers effets.
[minute page 4] Par télécopie du 14 décembre 2000 suivi d'un courrier recommandé du 18 décembre 2000 Madame X. a informé la société Focadine de sa volonté de ne donner aucune suite à son adhésion au site offert et non encore installé et proposait de lui restituer le matériel loué.
Le 19 décembre 2000 elle a fait opposition aux avis de prélèvement présentés sur son compte bancaire par les sociétés FOCADINE et GRENKE LOCATION.
Par courrier recommandé du 19 décembre 2000 la société FOCADINE a rappelé à Madame X. que le contrat signé portait sur une durée irrévocable de 48 mois et que sa résiliation anticipée entraînait le paiement de toutes les sommes dues au jour de la résiliation.
Par courrier recommandé du 23 décembre 2000 Madame X. a maintenu son intention de ne réserver aucune suite aux engagements pris.
Par courrier du 1er février 2001 le conseil de Madame X. a invoqué la nullité du contrat en application des dispositions de l'article L. 121-23 du Code de la Consommation s'appliquant aux démarchages ayant pour cible des professionnels qui ne contractent pas dans le cadre de leurs compétences.
La société FOCADINE a pour sa part opposé que Madame X. avait signé les contrats en sa qualité de commerçante.
Le 15 juin 2001 la société GRENKE LOCATION a résilié le contrat de location liant les parties en mettant Madame X. en demeure de lui régler la somme de 13.336,42 euros.
Madame X. n'a réservé aucune suite à cette demande en communiquant à la société GRENKE LOCATION le courrier adressé par son conseil à la société FOCADINE le 1er février 2001.
Le matériel a été restitué à la société GRENKE LOCATION le 5 novembre 2002.
Le 17 septembre 2002 la société GRENKE LOCATION a assigné Madame X. devant la Chambre Commerciale du Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG en paiement de la somme de 13.425,45 euros.
[minute page 5]
Dans ses dernières conclusions visées par le greffe le 15 septembre 2003, elle demande au tribunal
- de débouter Madame X. de l'ensemble de ses demandes,
- de condamner Madame X. à lui payer la somme de 13.425,45 euros avec les intérêts au taux légal à compter de la date d'échéance des factures,
- la somme de 760 euros à titre de dommages et intérêts avec les intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
- la somme de 760 euros en application de l'article 700 du NCPC
- les entiers dépens,
et d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.
Elle explique que le contrat signé prévoit la compétence des juridictions Strasbourgeoises, que Madame X. ne saurait se prévaloir des dispositions protectrices du Code de la Consommation relatives au démarchage dans la mesure où elle n'a pas contracté en qualité de consommateur, qu'elle a pleinement exécuté ses obligations et qu'elle ne saurait se voir opposer une résiliation unilatérale.
Dans ses dernières conclusions visées par le greffe le 7 avril 2003, Madame X. demande au tribunal, au vu des dispositions du Code de la Consommation
- de se déclarer incompétent au profit du Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES,
Subsidiairement, sur le fond
- de constater la nullité du contrat.
[minute page 6] Plus subsidiairement,
- de juger opposable à la société GRENKE LOCATION la rétractation régularisée les 14, 15 et 18 décembre 2000,
- de condamner la société GRENKE LOCATION à lui payer la somme de 7.500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
- de condamner la société GRENKE LOCATION à lui payer la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du NCPC et les entiers dépens.
Elle fait valoir qu'elle a été démarchée par la société FOCADINE qui s'est présentée sans support à son domicile le 21 novembre 2000, qu'un nouveau rendez-vous a été pris pour le 13 décembre 2000 avec le matériel, qu'après 6 heures d'entretien la société FOCADINE a obtenu la signature de divers documents dont aucun exemplaire ne lui a été laissé, qu'elle a dès le lendemain fait savoir qu'elle n'entendait pas donner suite au contrat.
Elle soutient que la clause attributive de compétence lui est inopposable, qu'elle n'a pas contracté en qualité de commerçante, que l'offre ne concerne pas le cadre spécifique de son activité, qu'elle bénéficie des dispositions de l'article L. 121-21 alinéa 2 du Code de la Consommation, que la location n'est pas en relation directe avec ses activités commerciales et qu'elle a droit à la même protection qu'un particulier et que l'opération lui a été présentée comme une seule et même opération économique et que la dissociation artificieuse n'est intervenue que plus tard.
L'affaire a été renvoyée devant le Juge Rapporteur qui en a référé au tribunal au cours de son délibéré sans opposition des parties.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu les pièces de la procédure,
Vu les dernières conclusions des parties.
[minute page 7]
Sur la compétence :
La société GRENKE LOCATION se prévaut de la clause de compétence figurant dans le contrat de location prévoyant que tous différends relatifs à la formation, à la validité, à l'interprétation et à l'exécution du contrat seront de la compétence exclusive des tribunaux de STRASBOURG.
En application des dispositions de l'article 48 du NCPC toute clause dérogeant aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle n'est été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à laquelle elle est opposée.
Madame X. qui exerce la profession d'antiquaire soutient qu'elle n'a pas contracté en qualité de commerçante mais en qualité de consommateur.
Madame X. admet être inscrite au Registre du Commerce et a indiqué qu'elle exploite son activité en son nom propre, elle ne peut donc nier qu'elle a la qualité de commerçante, qu'elle est avertie des affaires.
La clause attributive de juridiction lui est donc opposable même si elle soutient sur le fond qu'elle n'a pas contracté pour les besoins de son commerce.
Le tribunal se déclare donc compétent.
Sur le fond :
Il résulte de l'examen des pièces produites en annexe que Madame X. exerce la profession d'antiquaire, qu'elle a dans un premier temps été contactée lors d'une exposition dans un salon et qu'elle a dans un deuxième temps fait l'objet d'un démarchage à domicile de la part de la société FOCADINE.
Les documents signés ne portent aucun cachet de l'entreprise exploitée par Madame X. qui s'est contentée de porter de sa main son nom et la mention "antiquaire en nom propre".
[minute page 8] La location porte sur du matériel informatique à savoir un micro ordinateur, une souris et un appareil photo numérique qui n'était nullement indispensable à l'exploitation de son commerce.
Ce matériel n'entre nullement dans la sphère d'activité de Madame X.
Le bon de commande du matériel, la confirmation de livraison et le contrat de location ont été signés le même jour alors que le technicien de la société FOCADINE installait le matériel informatique au domicile de Madame X.
Aucun cachet n'apparaît sur l'ensemble des documents signés par Madame X. qui a dès le lendemain de la livraison sollicité la reprise du matériel.
Il convient de constater, quelles que soient les mentions portées en marge du contrat de location indiquant que celui-ci porte sur des biens à usage professionnel et quelque soient les termes de l'avenant du contrat de location rédigé par GRENKE LOCATION indiquant que le contrat porte sur la location de matériel informatique nécessaire à l'utilisation et à l'exploitation d'un site internet marchand qui n'avait d'ailleurs pas été mis en place, que Madame X. n'a pas contracté en qualité de commerçante pour les besoins de son activité professionnelle mais en qualité de consommateur et en dehors de ses compétences professionnelles.
Elle est donc fondée à invoquer les dispositions relatives au démarchage à domicile d'une personne physique et notamment l'application au contrat des dispositions des articles L. 121-23 et L. 121-24 du Code de la Consommation prévoyant à peine de nullité l'obligation de respecter un délai de rétractation et de porter à la connaissance de son cocontractant la faculté de renonciation dont il dispose.
En l'espèce le contrat conclu ne mentionnait pas la faculté de renonciation tel que l'exigent les dispositions de l'article L. 121-23 du Code de la Consommation, il ne comportait pas de formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de rétractation et aucun délai de renonciation n'a été accordé, nonobstant les courriers adressés par Madame X. à la société FOCADINE.
[minute page 9] Le tribunal ne peut donc que constater la nullité du contrat et débouter la société GRENKE LOCATION qui a d'ores et déjà récupéré le matériel de sa demande de paiement, de l'indemnité de résiliation et de sa demande en paiement de dommages et intérêts.
Sur la demande reconventionnelle :
L'exercice d'une action en justice constitue un droit et ne donne lieu à des dommages et intérêts qu'en cas de faute ou d'abus.
Dans une situation de fait et de droit a priori complexe la faute de la société GRENKE LOCATION qui disposait d'un contrat signé n'est pas établie. La demande en dommages et intérêts n'est pas fondée.
Sur les dépens et les demandes en application de l'article 700 du NCPC :
La société GRENKE LOCATION qui succombe supportera les dépens et ses frais irrépétibles.
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de Madame X. les entiers frais exposés non compris dans les dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement, contradictoirement en premier ressort,
Se déclare compétent,
CONSTATE et en tant que de besoin prononce la nullité du contrat ;
[minute page 10] DÉBOUTE la société GRENKE LOCATION de ses demandes ;
DÉBOUTE Madame X. de sa demande reconventionnelle ;
CONDAMNE la société GRENKE LOCATION aux entiers dépens ;
DÉBOUTE la société GRENKE LOCATION de sa demande en application de l'article 700 du NCPC ;
DÉBOUTE Madame X. de sa demande en application de l'article 700 du NCPC.
- 5883 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères combinés : rapport direct et besoins de l’activité
- 5885 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères combinés : rapport direct et compétence
- 5893 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Conclusion du contrat
- 5898 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Finalité du contrat - Présentation générale
- 5899 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Finalité du contrat - Développement de l’activité
- 5909 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Intensité du lien avec l’activité - Contrat indispensable
- 5944 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Promotion de l’activité : site internet
- 5946 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Informatique