CA COLMAR (1re ch. civ. A), 11 avril 2006
CERCLAB - DOCUMENT N° 1399
CA COLMAR (1re ch. civ. A), 11 avril 2006 : RG n° 1 A 04/02705
(sur pourvoi Cass. civ. 1re, 5 juin 2008 : pourvoi n° 07-15094)
Publication : Juris-Data n° 301431
Extrait : « Attendu que s'il est indéniable que Mme X., antiquaire, n'avait aucune compétence technique particulière en matière informatique, le matériel loué était destiné, selon ses propres explications, à la création d'un « site web marchand » pour lequel elle a parallèlement souscrit un « contrat de participation commercial » avec la société FOCADINE ; que le contrat litigieux, destiné à développer l'activité commerciale de Mme X., a un rapport direct avec son activité ; qu'il n'est pas régi par les articles L. 121-1 et suivants du code de la consommation ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION A
ARRÊT DU 11 AVRIL 2006
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A 04/02705. Décision déférée à la Cour : 27 février 2004 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE A COMPÉTENCE COMMERCIALE DE STRASBOURG
APPELANTE :
SAS GRENKE LOCATION
[adresse], Représentée par Maître Anne-Marie BOUCON, avocat à la Cour
INTIMÉE :
Madame X. [enseigne]
[adresse], Représentée par Maître Anne CROVISIER, avocat à la Cour, Avocat plaidant Maître VIDON-COMBES, avocat à PARIS
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 6 mars 2006, en audience publique, devant la Cour composée de : M. HOFFBECK, Président de Chambre entendu en son rapport, M. CUENOT, Conseiller, M. ALLARD, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Corinne ARMSPACH-SENGLE.
ARRÊT : - Contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile. - signé par M. Michel HOFFBECK, président et Mme Christiane MUNCH, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Selon contrat en date des 13 et 21 décembre 2000, la société GRENKE LOCATION a donné en location à Mme X., antiquaire, un système informatique fourni par la société FOCADINE, comprenant un micro-ordinateur de marque IBM, une souris et un appareil photo de marque Minolta, moyennant le paiement de 48 loyers mensuels de 1.782,04 Francs.
Par courrier recommandé daté du 15 juin 2001 et présenté le 16 juin 2001, la société GRENKE LOCATION a procédé à la résiliation anticipée du contrat.
Selon assignation en date du 17 septembre 2002, la société GRENKE LOCATION a attrait Mme X. devant le Tribunal de grande instance de Strasbourg pour obtenir le paiement d'une somme principale de 13.425,45 €.
Mme X. s'est opposée à cette demande en arguant de la nullité de la convention au regard du droit de la consommation dès lors qu'elle avait été privée de l'exercice de la faculté de renonciation prévue par l'article L. 121-24 du code de la consommation et en soutenant qu'elle s'était valablement rétractée les 14, 15 et 18 décembre 2000 entre les mains de la société FOCADINE.
Par jugement du 27 février 2004, la juridiction saisie, se déclarant territorialement compétente en application de la clause attributive de juridiction insérée dans le contrat, a :
- constaté et en tant que de besoin prononcé la nullité du contrat,
- débouté la société GRENKE LOCATION de ses demandes.
- débouté Mme X. de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts,
- condamné la société GRENKE LOCATION aux dépens,
- débouté la société GRENKE LOCATION et Mme X. de leurs prétentions au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Les premiers juges ont principalement retenu :
- que le matériel loué n'entrait pas dans la sphère d'activité de la locataire ;
- que Mme X. n'avait pas contracté en qualité de commerçante pour les besoins de son activité professionnelle mais en qualité de consommateur et en dehors de ses compétences professionnelles ;
- que la défenderesse bénéficiait de la protection des dispositions relatives au démarchage à domicile d'une personne physique (articles L. 121-23 et L. 121-24 du code de la consommation) ;
- que le contrat litigieux qui ne mentionnait pas la faculté de renonciation et ne comportait pas de formulaire détachable, était nul.
Par déclaration reçue le 17 mai 2004, la société GRENKE LOCATION a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses conclusions récapitulatives déposées le 8 février 2005, la société GRENKE, LOCATION demande à la Cour de :
Sur appel principal,
- déclarer la société GRENK.I.LOCATION recevable en son appel ;
- infirmer le jugement entrepris ;
- [minute page 3] débouter Mme X. de l'ensemble de ses prétentions ;
- condamner Mme X. à lui payer la somme de 13.425,45 €
- condamner Mme X. à lui payer une indemnité de 2.000 € par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
- condamner Mme X. aux dépens de la procédure de première instance et d'appel ;
Sur appel incident,
- déclarer Mme X. mal fondée en son appel incident ;
- condamner Mme X. aux dépens nés de l'appel incident.
Au soutien de son appel, elle fait valoir en substance :
- que la rétractation formée par Mme X. n'a eu aucun effet à l'égard de la concluante dans la mesure où elle ne n'a pas été adressée au destinataire de l'offre de location mais à la société FOCADINE, qui n'est pas partie au contrat de location ;
- que le contrat de location a été valablement formé par l'acceptation du 21 décembre 2000 ;
- que le contrat de location n'ayant pas été conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile et Mme X. ne pouvant être regardée comme un consommateur, le droit de la consommation n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce.
Selon conclusions récapitulatives remises le 11 octobre 2005, Mme X. rétorque :
- que la location d'un matériel informatique et la création d'un site Internet n'entrent pas dans le cadre de ses compétences professionnelles, bien que ces opérations aient été envisagées pour les besoins de son commerce ;
- que les dispositions impératives des articles L. 121-23 et L. 121-24 du code de la consommation auxquelles les parties ne pouvaient déroger, ont vocation à s'appliquer que le contrat est nul ;
- que le contrat n'a pu se former puisque la concluante a, dès le 14 décembre 2000, c'est à dire antérieurement à l'acceptation de sa demande par la société GRENKE LOCATION a repris son offre de contracter.
En conséquence, elle prie la Cour de :
Sur l'appel principal,
- déclarer la société GRENKE LOCATION irrecevable et mal fondée en son appel ;
- confirmer le jugement entrepris sur le fondement des dispositions du code de la consommation, à tout le moins à titre subsidiaire par substitution de motifs en tant qu'il serait constaté l'absence de formation de tout contrat de location ;
- condamner la société GRENKE LOCATION aux dépens nés de 1'appel ;
Sur l'appel incident,
- déclarer la concluante recevable et fondée en son appel incident ;
- condamner la société GRENKE LOCATION à lui payer la somme de 7.500 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
- condamner la société GRENKE LOCATION au paiement de la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
- condamner la société GRENKE LOCATION aux dépens nés de l'appel incident.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 décembre 2005.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 4] SUR CE, LA COUR,
Vu les pièces et les écrits des parties auxquels il est renvoyé pour l'exposé du détail de leur argumentation,
Attendu que tout en concluant dans le dispositif de ses conclusions à l'irrecevabilité de l'appel, Mme X. n'expose aucun moyen à l'appui de sa demande ; qu'aucun élément du dossier ne démontrant qu'il aurait été tardivement exercé, l'appel qui a été interjeté suivant les formalités légales, sera déclaré recevable ;
Attendu qu'il résulte de l'article L. 121-22-4° du Code de la consommation que les ventes, locations et locations-ventes de biens ou de prestations de service lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession, sont exclues du champ d'application de la législation sur le démarchage à domicile ;
Attendu que s'il est indéniable que Mme X., antiquaire, n'avait aucune compétence technique particulière en matière informatique, le matériel loué était destiné, selon ses propres explications, à la création d'un « site web marchand » pour lequel elle a parallèlement souscrit un « contrat de participation commercial » avec la société FOCADINE ; que le contrat litigieux, destiné à développer l'activité commerciale de Mme X., a un rapport direct avec son activité ; qu'il n'est pas régi par les articles L. 121-1 et suivants du code de la consommation ;
Attendu que Mme X. ne peut se plaindre d'une violation de la faculté légale de renonciation reconnue au client en cas de démarchage à domicile, et les premiers juges n'étaient pas fondés à annuler le contrat pour ce motif ;
Attendu que le 13 décembre 2000, Mme X. a signé un document portant la mention « confirmation de livraison », par lequel elle a attesté avoir « réceptionné le matériel loué », avoir « vérifié le caractère intégral de la livraison et le bon fonctionnement du matériel » et déclaré que le matériel était « en parfait état et en état de fonctionnement » ; que concomitamment, elle a signé le contrat de location ;
Attendu que par télécopie du 14 décembre 2000, Mme X. a fait savoir à la société FOCADINE qu'elle était « dans l'obligation de renoncer à (son) intention de participer à (son) entrée sur la galerie marchande Euro-Shopping » et qu'elle tenait son « adhésion comme nulle et non avenue » ; que cette transmission a été réitérée le 15 décembre 2000 ; que par courrier recommandé du 18 décembre 2000 et reçu le lendemain, Mme X. a confirmé à la société FOCADINE sa « décision de ne pas créer de site internet » ; qu'elle a maintenu ses explications dans un nouveau courrier recommandé distribué le 27 décembre 2000 à la société FOCADINE ;
Attendu que la signature par Mme X. du document contractuel à en-tête [minute page 5] GRENKE LOCATION présenté par le démarcheur de la société FOCADINE s'analysait en une pollicitation ;
Attendu que s'il est acquis qu'une offre de contracter peut en principe être rétractée tant qu'elle n'a pas été acceptée, Mme X. n'a pas pris attache qu'avec la société FOCADINE et n'a pas démenti son offre auprès de sa destinataire, la société GRENKE LOCATION ; que cette dernière a régulièrement pu accepter l'offre qui lui était parvenue ; qu'il y a eu formation du contrat de location dont se prévaut l'appelante ;
Attendu que Mme X. n'ayant effectué aucun règlement, la société GRENKE LOCATION était fondée, en application de l'article 13.2 des conditions générales, à procéder à la résiliation anticipée du contrat (courrier daté du 15 juin 2001) ;
Attendu que la société GRENKE LOCATION est fondée à obtenir le paiement des loyers échus impayés ainsi que celui d'une « indemnité égale à tous les loyers à échoir jusqu'au terme initial du contrat » (article 15.1 des conditions générales) ;
Attendu qu'en l'absence de toute discussion sur le montant de la dette, Mme X. doit être condamnée à régler la somme de 13.425,45 €. ;
Attendu que l'intimée supportera les dépens de première instance et d'appel ; que l'équité exclut qu'il soit fait application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au profit de la société GRENKE LOCATION ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Déclare la société GRENKE LOCATION recevable en son appel ;
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société GRENKE LOCATION de sa demande en paiement ;
Statuant à nouveau, condamne Mme X. à payer à la société GRENKE LOCATION la somme treize mille quatre cent vingt cinq euros quarante cinq centimes (13.425,45 €) ;
Rejette l'appel incident formé par Mme X. ;
Déboute les parties de leurs prétentions présentées en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Condamne Mme X. aux dépens des procédures de première instance et [minute page 6] d’appel.
Le Greffier. Le Président.
- 5883 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères combinés : rapport direct et besoins de l’activité
- 5885 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères combinés : rapport direct et compétence
- 5893 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Conclusion du contrat
- 5898 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Finalité du contrat - Présentation générale
- 5899 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Finalité du contrat - Développement de l’activité
- 5909 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Intensité du lien avec l’activité - Contrat indispensable
- 5944 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Promotion de l’activité : site internet
- 5946 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Informatique