CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 14 novembre 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 7124
CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 14 novembre 2017 : RG n° 15/01649
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « L'article A I du contrat litigieux vise « le candidat, sans expérience du métier d'Agent Immobilier, mais souhaitant le devenir dans le cadre du réseau Century 21 France ». Il ressort des termes même de la convention que Monsieur X. n'est pas un professionnel. Dès lors, il peut bénéficier de l'application des dispositions protectrices du code de la consommation.
En l'espèce, la clause prévue à l'article B-VI du contrat, permet à Century 21 de conserver l'intégralité des sommes versées par Monsieur X. dans l'hypothèse où il renoncerait à exécuter le contrat de formation, ce qui est le cas de l'espèce, ou en cas de non réalisation de l'une des conditions suspensives, alors que la première de celle-ci, tenant à l'agrément des locaux, dépend de la seule volonté de Century 21.
De surcroît, cette clause autorise le professionnel à conserver les sommes versées par Monsieur X. lorsque celui-ci renonce à conclure le contrat, sans prévoir réciproquement le droit pour le non-professionnel de percevoir une indemnité dans les conditions de l'article R. 132-2 susvisé ;
Enfin, cette clause impose au non-professionnel qui n'exécute pas ses obligations une indemnité d'un montant manifestement disproportionné alors que la somme de 26.000,00 euros TTC correspond non seulement à l'intégralité du coût de la formation d'un montant de 9.500,00 euros HT, mais également à l'intégralité de l'acompte de 12.500,00 euros HT versé au titre du droit d'entrée prévu dans le contrat de franchise.
Pour l'ensemble de ces raisons, il convient de déclarer abusive et non écrite la clause prévue à l'article B-VI du contrat. »
2/ « En revanche, faisant application des dispositions de l'article 1134 du code civil selon lesquelles les conventions doivent être exécutées de bonne foi, il convient de condamner Monsieur X., qui a reçu une formation durant dix jours, à payer à Century 21 la somme HT de 1.900,00 euros, les parties admettant que cette somme constitue le montant de la formation effectivement dispensée. »
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 14 NOVEMBRE 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/01649. Appel d'une décision (R.G. n° 14/04598), rendue par le Tribunal de Grande Instance de VALENCE, en date du 27 janvier 2015, suivant déclaration d'appel du 16 avril 2015.
APPELANT :
Monsieur X.
né [date] à [ville], de nationalité Française, Représenté par Maître Valérie B., avocat au barreau de VALENCE, postulant, plaidant par Maître Hélène B., avocat au barreau de TOULON
INTIMÉE :
LA SAS CENTURY 21 FRANCE
immatriculée au RCS de EVRY sous le numéro B XXX, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Alexis G. de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, plaidant par Me Laurent G. de la SELARL G. & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ : Madame Hélène COMBES, Président de chambre, Madame Dominique JACOB, Conseiller, Madame Joëlle BLATRY, Conseiller,
Assistées lors des débats de Madame Delphine CHARROIN, Greffier.
DÉBATS : A l'audience publique du 17 octobre 2017 Madame BLATRY, Conseiller chargé du rapport, assistée de Madame Delphine CHARROIN, Greffier, a entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile. Elle en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES :
Suivant document du 25 novembre 2013 intitulé « protocole d'accord », Monsieur X. a adhéré, moyennant le prix de 26.312,00 euros TTC, à un programme de formation théorique et pratique proposé par la société Century 21 France afin de permettre la prise d'effet éventuelle du contrat de franchise Century 21 signé le même jour.
Selon exploit d'huissier du 2 décembre 2014, la société Century 21 France (Century 21) a fait citer Monsieur X., devant le tribunal de grande instance de Valence, en condamnation à lui payer diverses sommes.
Par jugement réputé contradictoire du 27 janvier 2015, cette juridiction a :
- condamné Monsieur X. à payer à Century 21 la somme de 26.312,00 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2014,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné Monsieur X. à payer à Century 21 une indemnité de procédure de 900,00 euros, ainsi qu'aux dépens.
Suivant déclaration en date du 16 avril 2015, Monsieur X. a relevé appel de cette décision.
Au dernier état de ses écritures en date du 11 septembre 2017, Monsieur X. demande de :
1) à titre principal, réformer la décision déférée au titre du non-respect du principe du contradictoire et des droits de la défense en ne lui permettant pas de constituer avocat dans un délai raisonnable,
2) à titre subsidiaire :
- déclarer non écrite la clause prévoyant le paiement de la somme de 26.312,00 euros alors qu'il n'a pas reçu l'intégralité du programme de formation,
- débouter Century 21 de ses prétentions,
3) à titre très subsidiaire, dire qu'il ne sera tenu que du paiement de la somme de 1.900,00 euros HT au titre de la formation effectivement reçue,
4) en tout état de cause, condamner Century 21 à lui payer une indemnité de procédure de 1.000,00 euros.
Il fait valoir que :
- le jugement déféré a été rendu en un temps record, l'assignation ayant été délivrée le 2 décembre 2014, l'audience étant du 21 janvier 2015 et la décision étant du 27 janvier suivant, ce qui ne lui a pas permis de constituer avocat,
- il n'a suivi que 10 jours de formation,
- Century 21 lui a imposé une clause léonine aux termes de laquelle elle peut conserver l'intégralité des sommes versées, même en cas de renonciation du candidat à son installation,
- cette clause est totalement déséquilibrée et il ne peut être considéré comme un professionnel,
- il est fondé à se prévaloir des dispositions du code de la consommation et, notamment des articles L. 212-1 et L. 212-2,
- à défaut, il sera fait application des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce qui qualifie le déséquilibre significatif dans les relations commerciales,
- Century 21, alors qu'il était en position de faiblesse, lui a imposé un contrat dans lequel il n'avait aucune marge de négociation.
Par conclusions récapitulatives du 3 octobre 2017, Century 21 sollicite de :
1) à titre principal : condamner Monsieur X. à lui payer la somme de 26.312,00 euros, outre des dommages-intérêts de 5.000,00 euros pour résistance abusive,
2) à titre subsidiaire, condamner Monsieur X. à lui payer la somme de 1.900,00 euros HT
3) en tout état de cause, condamner Monsieur X. à lui payer une indemnité de procédure de 3.000,00 euros.
Elle expose que :
- le principe du contradictoire a été respecté,
- elle a rempli ses obligations contractuelles en délivrant la formation et en réservant à Monsieur X. une priorité d'implantation dans le Var,
- Monsieur X. est un professionnel auquel les dispositions du code de la consommation ne peuvent pas s'appliquer,
- les dispositions du code de commerce au titre des pratiques restrictives de concurrence prévoient uniquement l'engagement de la responsabilité de son auteur et, non sa nullité,
- il n'y a pas d'abus contractuel de démontré,
- la clause prévue à l'article B-VI du contrat est une clause de dédit, d'interprétation stricte, qui ne peut être révisée.
La clôture de la procédure est intervenue le 12 septembre 2017.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
1/ Sur les demandes de Monsieur X. :
Sur le respect du principe du contradictoire et des droits de la défense
Le tribunal, ayant respecté les dispositions des articles 755 et 760 du code de procédure civile, le jugement n'encourt aucun grief au regard du principe du contradictoire.
Sur l'existence de clauses abusives
Suivant contrat du 25 novembre 2013 et « en paiement du programme de formation et en contrepartie de la priorité d'implantation sur le secteur géographique défini au § 1 », Monsieur X. a versé à Century 21 un chèque d'un montant TTC de 26.312,00 euros correspondant à :
- 9.500,00 euros HT au titre du programme de formation sur quatre mois,
- 12.500,00 euros HT au titre de l'acompte sur le droit d'entrée prévu par le contrat de franchise signé le même jour.
Le chèque, lors de son encaissement par Century 21, est revenu non provisionné.
L'article B-VI dispose que : « nonobstant la réalisation des conditions prévues au paragraphe B- IV (agrément du candidat), le candidat pourra renoncer au bénéfice du contrat de franchise jusqu'à la fin de la dernière semaine de formation, en faisant connaître sa décision par l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception.
Dans ce cas, comme dans celui de la non-réalisation de l'une des conditions suspensives, Century 21 conservera l'intégralité des sommes versées par le candidat, soit 22.000,00 euros HT ».
Aux termes de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat... Les clauses abusives sont réputées non écrites.
Par application de l'article R. 132-1 du même code, sont de manière irréfragable présumées abusives, les clauses ayant pour objet ou pour effet de :
- restreindre l'obligation pour le professionnel de respecter les engagements pris,
- accorder au seul professionnel, le droit de déterminer si la chose livrée ou les services fournis sont conformes ou non aux stipulations du contrat,
- lui conférer le droit exclusif d'interpréter une quelconque clause du contrat,
- contraindre le non-professionnel ou le consommateur à exécuter ses obligations,
- supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le non-professionnel ou le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations.
L'article R. 132-2 de ce code dispose que sont présumées abusives, sauf au professionnel d'apporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet de :
- prévoir un engagement ferme du non-professionnel ou du consommateur alors que l'exécution des prestations du professionnel est assujettie à une condition dont la réalisation dépend de sa seule volonté,
- autoriser le professionnel à conserver des sommes versées par le consommateur lorsque celui-ci renonce à conclure ou à exécuter le contrat, sans prévoir réciproquement le droit pour le non-professionnel ou le consommateur de percevoir une indemnité d'un montant équivalent ou égale au double en cas de versement ou d'arrhes au sens de l'article L. 114-1 si c'est le professionnel qui renonce,
- imposer au non-professionnel ou au consommateur qui n'exécute pas ses obligations une indemnité d'un montant manifestement disproportionné.
L'article A I du contrat litigieux vise « le candidat, sans expérience du métier d'Agent Immobilier, mais souhaitant le devenir dans le cadre du réseau Century 21 France ».
Il ressort des termes même de la convention que Monsieur X. n'est pas un professionnel.
Dès lors, il peut bénéficier de l'application des dispositions protectrices du code de la consommation.
En l'espèce, la clause prévue à l'article B-VI du contrat, permet à Century 21 de conserver l'intégralité des sommes versées par Monsieur X. dans l'hypothèse où il renoncerait à exécuter le contrat de formation, ce qui est le cas de l'espèce, ou en cas de non réalisation de l'une des conditions suspensives, alors que la première de celle-ci, tenant à l'agrément des locaux, dépend de la seule volonté de Century 21.
De surcroît, cette clause autorise le professionnel à conserver les sommes versées par Monsieur X. lorsque celui-ci renonce à conclure le contrat, sans prévoir réciproquement le droit pour le non-professionnel de percevoir une indemnité dans les conditions de l'article R. 132-2 susvisé ;
Enfin, cette clause impose au non-professionnel qui n'exécute pas ses obligations une indemnité d'un montant manifestement disproportionné alors que la somme de 26.000,00 euros TTC correspond non seulement à l'intégralité du coût de la formation d'un montant de 9.500,00 euros HT, mais également à l'intégralité de l'acompte de 12.500,00 euros HT versé au titre du droit d'entrée prévu dans le contrat de franchise.
Pour l'ensemble de ces raisons, il convient de déclarer abusive et non écrite la clause prévue à l'article B-VI du contrat.
En revanche, faisant application des dispositions de l'article 1134 du code civil selon lesquelles les conventions doivent être exécutées de bonne foi, il convient de condamner Monsieur X., qui a reçu une formation durant dix jours, à payer à Century 21 la somme HT de 1.900,00 euros, les parties admettant que cette somme constitue le montant de la formation effectivement dispensée.
Le jugement déféré sera, donc, infirmé.
2/ Sur la demande de Century 21 en dommages-intérêts :
La société Century 21, succombant, ne démontre aucunement une résistance abusive de Monsieur X. à paiement et doit être déboutée de ce chef de demande.
3/ Sur les mesures accessoires :
La cour estime ne pas devoir faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur X., succombant au final, sera condamné aux dépens de la procédure d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Confirme le jugement déféré uniquement sur les dépens,
- L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau :
- Dit la clause B-VI du contrat du 25 novembre 2013 abusive et non écrite,
- Condamne Monsieur X. à payer à la société Century 21 France la somme de 1.900,00 euros HT,
- Déboute la société Century 21 France de sa demande en dommages-intérêts pour résistance abusive,
- Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne Monsieur X. aux dépens de la procédure d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Madame COMBES, Président, et par Madame CHARROIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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