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CA TOULOUSE (2e ch. 1re sect.), 22 mars 2007

Nature : Décision
Titre : CA TOULOUSE (2e ch. 1re sect.), 22 mars 2007
Pays : France
Juridiction : Toulouse (CA), 2e ch. sect. 1
Demande : 05/04387
Date : 22/03/2007
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Juris Data
Date de la demande : 3/08/2005
Décision antérieure : TGI TOULOUSE (4e ch. Cab 1), 17 juin 2005
Numéro de la décision : 139
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 815

CA TOULOUSE (2e ch. 1re sect.), 22 mars 2007 : RG n° 05/04387 ; arrêt n° 139

Publication : Juris-Data n° 332025

 

Extrait : « Attendu que si l'article 70 du décret du 31 décembre 1966 donne au passager, le droit de demander la résolution du contrat et des dommages et intérêts s'il y a lieu pour « toute modification importante dans les horaires, l'itinéraire ou les escales prévues » « à défaut pour te transporteur d'avoir fait diligence », il convient d'apprécier le caractère licite ou abusif de la clause limitative de responsabilité insérée dans les conditions générales, en ce qu'une telle clause exclut la responsabilité encourue par la SNCM au titre du retard dans l'exécution du contrat de transport pour cause de grève, y compris la grève de personnes au service de la compagnie ; Qu'en l'espèce, alors que le transport a eu lieu le lendemain 3 décembre 2002, Mme X. ne peut invoquer qu'un retard et n'a d'ailleurs pas sollicité la résolution du contrat de transport ;

Que la clause critiquée, eu égard à la nature du préjudice invoqué - simple retard - ne créé pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties dans la mesure où d'une part elle n'autorise pas l'armateur à modifier unilatéralement et sans raison valable les caractéristiques de la prestation, objet du contrat, et où d'autre part, elle vise comme cause générale d'exclusion de responsabilité, un fait, la grève, admis habituellement comme cause d'exclusion par le droit maritime (article 27 de la loi du 18 juin 1966, convention de Bruxelles), la grève ayant donné lieu au retard litigieux pouvant de surcroît être tenue pour un cas de force majeure dès lors qu'elle n'a pas donné lieu à préavis, ce qui était possible dans le cas d'une traversée internationale ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

DEUXIÈME CHAMBRE SECTION 1

ARRÊT DU 22 MARS 2007

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 05/04387. Arrêt n° 139. Décision déférée du 17 juin 2005 - Tribunal de Grande Instance de Toulouse - 03/3074.

 

APPELANT(E/S) :

Société NATIONALE MARITIME CORSE MÉDITERRANÉE (SNCM)

[adresse], représentée par la SCP NIDECKER PRIEU-PHILIPPOT JEUSSET, avoués à la Cour, assistée de Maître RIVOLLET, avocat du barreau de MARSEILLE

 

INTIMÉ(E/S) :

Madame X.

[adresse], représentée par la SCP SOREL-DESSART-SOREL, avoués à la Cour, assistée de la SCP AZAM-SIREYJOL, avocats au barreau de TOULOUSE

 

COMPOSITION DE LA COUR : Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 2 novembre 2006 en audience publique, devant la Cour composée de : J.-P. SELMES, Président, D. VERDE DE LISLE, conseiller, C. BELIERES, conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : R. GARCIA

ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par J.-P. SELMES, président et par A. THOMAS, greffier de chambre.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] Mme X. a acquis à Toulouse, auprès de la SOTRAMAT, un billet de passage afin d'embarquer, avec son véhicule, le 2 décembre 2002 à 16 heures sur le navire « Méditerranée » de la société NATIONALE MARITIME CORSE MÉDITERRANÉE (SNCM) pour effectuer la traversée Marseille-Alger. En raison d'une grève d'une fraction du personnel de la SNCM, cette traversée n'a pu avoir lieu et Mme X. a embarqué le lendemain à destination d'Alger sur le navire d'un autre armement ; n'estimant pas satisfactoire le paiement par la SNCM d'une somme de 40 €, Mme X. a assigné cette compagnie devant le tribunal d'instance de Toulouse, qui, par jugement du 17 juin 2005 a considéré que la grève constituait une faute commerciale des préposés, que les clauses d'exonération de responsabilité qui figuraient sur l'étui du titre de transport étaient des clauses abusives, et a condamné la SNCM à payer à Mme X. les sommes de 187,50 € en remboursement de la moitié du prix du transport, de 1.000 € en réparation du préjudice moral et de 1.500 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,.

Suivant déclaration du 3 août 2005, la SNCM a relevé appel de ce jugement dont elle sollicite l'infirmation par conclusions déposées en dernier lieu le 12 octobre 2006 en demandant à la cour de débouter la demanderesse de toutes ses réclamations en application des dispositions de la loi du 18 juin 1966, du décret du 31 décembre 1966 et de l'article 11 des conditions générales et subsidiairement, de dire qu'il ne peut être dû qu'une indemnité égale à la moitié du prix du passage.

Par conclusions du 21 septembre 2006, Mme X. sollicite la confirmation du jugement entrepris, tout en demandant 8.000 € de dommages et intérêts dans les motifs de ses conclusions, et la condamnation de l'appelante au paiement de 1.500 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Ne contestant pas l'application de la loi du 18 juin 1966 et du décret du 31 décembre 1966, tout en visant les articles 1134 et 1147 du code civil, elle approuve le premier juge d'avoir considéré que la grève constituait la faute commerciale des préposés de la SNCM et que la clause d'exonération de responsabilité constituait une clause abusive, la notion de force majeure devant être exclue.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 octobre 2006.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR QUOI :

Attendu que sont applicables en l'espèce, la loi du 18 juin 1966 et le décret du 31 décembre 1966 relatifs au transport maritime ;

Que l'article 36 de cette loi édicte : « Le transporteur est tenu de mettre et de conserver le navire en état de navigabilité, convenablement armé, équipé et approvisionné pour le voyage considéré et de faire toutes diligences pour assurer la sécurité des passagers », tandis que l'article 39 précise « le transporteur est responsable des dommages dus au retard qui tient à l'inobservation de l'article 36 ou à la faute commerciale de ses préposés » ;

[minute page 3] Que l'article 34 de la même loi dispose que « par le contrat de passage, l'armateur s'oblige à transporter par mer, sur un trajet défini, un voyageur qui s'oblige à acquitter le prix du passage. Ces obligations sont constatées dans le billet de passage » ;

Que le décret du 31 décembre 1966 prévoit en son article 69 : « si le départ du navire n'a pas lieu pour une cause non imputable au transporteur, le contrat est résolu sans indemnité de part ni d'autre. Le transporteur doit une indemnité égale à la moitié du prix du passage, s'il ne peut pas établir que l'événement ne lui est pas imputable », l'article 71 ajoutant « L'interruption prolongée du voyage pour une cause dont le transporteur n'établit pas qu'elle ne lui est pas imputable, entraîne la résiliation du contrat, sans préjudice des dommages et intérêts s'il y a lieu, à moins que le transporteur ne pourvoie au transport du passager à destination sur un navire de même qualité » et l'article 61 précisant « sauf les articles 66 à 71 ci-dessus, les dispositions du présent titre sont impératives » ;

Qu'enfin, les conditions générales du contrat de passage, imprimées sur l'étui du billet de passage - que reçoit nécessairement le passager et dont il peut prendre connaissance avant l'embarquement - précisent en leur article 11 :

« Le Capitaine et la Compagnie ne répondent pas notamment du retard dans l'exécution du contrat de transport, ni de son inexécution, ni de toutes les conséquences pouvant résulter d'avaries, de chômage, de guerre civile ou étrangère, de grève totale ou partielle, de coalition de patrons, d'ouvriers, d'officiers, de matelots, d'employés quelconques, qu'ils soient ou non au service de la Compagnie, soit du désarmement ou de l'arrêt partiel ou total des navires de la Compagnie provenant de lock-out généraux ou partiels quels qu'en soient les promoteurs. Ils déclinent par suite toute responsabilités pour des conséquences de saisie régularité ou interruption ou suppression de services et les frais et risques de séjour seront à la charge des passagers » ;

Attendu qu'il est établi que le retard, puis l'inexécution du transport du 2 décembre 2002 a pour origine la grève de certains préposés de la SNCM ;

Que l'exercice du droit de grève, même sans préavis, ne saurait être considéré comme une « faute commerciale des préposés » qui ne concerne que les modalités pratiques du déroulement du transport ;

Attendu que si l'article 70 du décret du 31 décembre 1966 donne au passager, le droit de demander la résolution du contrat et des dommages et intérêts s'il y a lieu pour « toute modification importante dans les horaires, l'itinéraire ou les escales prévues » « à défaut pour te transporteur d'avoir fait diligence », il convient d'apprécier le caractère licite ou abusif de la clause limitative de responsabilité insérée dans les conditions générales, en ce qu'une telle clause exclut la responsabilité encourue par la SNCM au titre du retard dans l'exécution du contrat de transport pour cause de grève, y compris la grève de personnes au service de la compagnie ;

[minute page 4] Qu'en l'espèce, alors que le transport a eu lieu le lendemain 3 décembre 2002, Mme X. ne peut invoquer qu'un retard et n'a d'ailleurs pas sollicité la résolution du contrat de transport ;

Que la clause critiquée, eu égard à la nature du préjudice invoqué - simple retard - ne créé pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties dans la mesure où d'une part elle n'autorise pas l'armateur à modifier unilatéralement et sans raison valable les caractéristiques de la prestation, objet du contrat, et où d'autre part, elle vise comme cause générale d'exclusion de responsabilité, un fait, la grève, admis habituellement comme cause d'exclusion par le droit maritime (article 27 de la loi du 18 juin 1966, convention de Bruxelles), la grève ayant donné lieu au retard litigieux pouvant de surcroît être tenue pour un cas de force majeure dès lors qu'elle n'a pas donné lieu à préavis, ce qui était possible dans le cas d'une traversée internationale ;

Que la clause d'exclusion de responsabilité doit donc être déclarée applicable en l'absence d'allégation d'une faute lourde ou d'un comportement dolosif imputables à la SNCM ;

Que dès lors, il convient de réformer le jugement entrepris et de débouter Mme X. de toutes ses prétentions et de la condamner à restituer les sommes qu'elle a pu percevoir au titre de l'exécution provisoire ;

Que la partie qui succombe doit supporter les dépens ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Réformant le jugement entrepris,

Rejette les demandes de Mme X.,

Condamne Mme X. à restituer les sommes perçues en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré,

Condamne Mme X. aux dépens, avec pour ceux d'appel, distraction au profit de la SCP NIDECKER-PRIEU PHILIPPOT-JEUSSET, avoués.

Le Greffier                   Le Président

 

Est cité par :