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CA RENNES (2e ch.), 3 juillet 2020

Nature : Décision
Titre : CA RENNES (2e ch.), 3 juillet 2020
Pays : France
Juridiction : Rennes (CA), 2e ch.
Demande : 17/00979
Décision : 20/368
Date : 3/07/2020
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 10/02/2017
Numéro de la décision : 368
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8497

CA RENNES (2e ch.), 3 juillet 2020 : RG n° 17/00979 ; arrêt n° 368

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Cependant, s'il est de principe que le TEG doit être calculé sur la base de l'année civile, il demeure qu'il appartient à l'emprunteur d'établir que les intérêts n'ont effectivement pas été calculés sur cette base et, par surcroît, que ce mode calcul a pu concrètement affecter l'exactitude du TEG mentionné dans l'offre et jouer en leur défaveur.

Or, Mme X. ne produit à ce sujet aucune offre de preuve et se borne à invoquer la clause précédemment évoquée qui, ainsi que la cour l'a souligné, ne concerne que les prêts à taux variable, et non ceux à taux fixe comme l'était le prêt n° 811.

Au surplus, pour le calcul du TEG d'un prêt à périodicité mensuelle et dont les échéances de remboursement sont constantes, la détermination du taux de période en lui appliquant le rapport d'un mois de 30 jours sur une année de 360 jours, produit un résultat mathématique strictement équivalent à l'application du rapport d'un mois normalisé de 30,41666 jours sur une année civile de 365 jours prescrit par l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause.

D'autre part, si, même en présence d'un prêt à périodicité mensuelle, la réalisation d'un tel calcul sur la base d'une année de 360 jours peut, lorsqu'il existe des intérêts intercalaires produits par les portions du crédit débloquées par tranches successives ou par le capital libéré à une date autre que la date d'échéance prévue par le tableau d'amortissement, être de nature à affecter le coût du crédit, Mme X. n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que ce calcul ait généré, à son détriment, un surcoût d'un montant supérieur à la décimale prévue par l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause. Sa demande d'annulation de la stipulation d'intérêts du prêt n° 811 sera donc rejetée. »

2/ « Les deux offres comportent à cet égard une clause de déchéance du terme aux termes de laquelle l'emprunteur devra, dans les huit jours de la réception d'une lettre recommandée, rembourser le montant du prêt si bon semble au prêteur, sans qu'il soit besoin de remplir aucune formalité judiciaire, notamment en cas de non-paiement total ou partiel d'une échéance ou si le dit emprunteur fait l'objet de poursuites révélatrices d'un état d'insolvabilité ou d'incidents de paiement comme en cas de procédures collectives.

Il résulte de l'article L. 643-1 du code de commerce que le jugement qui prononce la liquidation judiciaire sans poursuite d'activité rend exigibles les créances non échues, de sorte que la clause de déchéance du terme en cas de liquidation judiciaire de l'emprunteur ne fait que reprendre ces dispositions d'ordre public.

En revanche, lorsque le prêt est consenti à deux coemprunteurs, interpréter, ainsi que le fait le Crédit agricole, une telle clause comme l'autorisant, en cas de liquidation judiciaire de l'un d'entre eux, à se prévaloir de la déchéance du terme à l'égard de l'autre coemprunteur même si celui-ci continue à honorer les échéances du prêt la rendrait abusive au sens de l'article L. 132-1 devenu L. 212-1 du code de la consommation, ce que la cour doit relever d'office en application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du même code.

En effet, elle crée un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au détriment de ce coemprunteur, dès lors que, sans faute de sa part, elle fait supporter par celui-ci le risque d'insolvabilité d'un coobligé solidaire auquel la banque avait pourtant fait le choix de consentir un concours.

Il est par ailleurs exact que, si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque qu'en l'espèce les offres ne comportent pas, être déclarée acquise au prêteur sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE RENNES

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 3 JUILLET 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 17/00979. Arrêt n° 368. N° Portalis DBVL-V-B7B-NWFR.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre, rédacteur, Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller, Madame Marie-Odile GELOT-BARBIER, Conseillère.

GREFFIER : Madame Marlène ANGER.

ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 3 Juillet 2020 par mise à disposition au greffe.

 

APPELANTE :

Madame X. née Y.

née le [date] à [ville], [adresse], Représentée par Maître Alain C.-B. de la SELARL ALEMA AVOCATS, avocat au barreau de QUIMPER

 

INTIMÉE :

CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT MUTUEL DU MORBIHAN

[...], [...], Représentée par Maître Laetitia D. de la SCP D./P., avocat au barreau de QUIMPER

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon offre préalable de crédit immobilier émise le 22 août 2006, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Morbihan (le Crédit agricole) a, en vue de financer l'acquisition d'une résidence principale, consenti aux époux X. un prêt n° 811 de 59.900 euros au taux de 4,05 % l'an, remboursable en 300 mensualités de 367,45 euros, assurance emprunteur comprise.

D'autre part, selon une seconde offre émise le même jour, le Crédit agricole leur a, aux mêmes fins, consenti un prêt n° 813 de 55.120 euros à taux révisable fixé initialement à 3,80 % et capé à 4,80 %, remboursable en 300 mensualités de 323,49 euros, assurance emprunteur comprise.

Par jugement du 24 janvier 2014, le tribunal de commerce de Quimper a ouvert à l'égard de M. X. une procédure de redressement judiciaire, convertie le 17 octobre suivant en liquidation judiciaire.

Le Crédit agricole a déclaré ses créances le 25 mars 2014 et, par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 novembre 2014, s'est prévalu de la déchéance du terme à l'égard de Mme X.

Puis, par acte du 4 novembre 2015, le prêteur a fait assigner l'emprunteuse en paiement devant le tribunal de grande instance de Quimper.

Mme X. a invoqué la nullité de la stipulation d'intérêts pour inexactitude du taux effectif global (TEG), l'inopposabilité de la déchéance du terme, le caractère excessif des pénalités et majorations du taux d'intérêts, le manquement de la banque à son devoir de mise en garde et a sollicité un délai de grâce.

Après avoir admis un manquement de la banque à son devoir de mise en garde réparé par une limitation des demandes à 94,22 % de leur montant, supprimé les pénalités et majorations du taux d'intérêts et rejeté les autres contestations, les premiers juges ont, par jugement du 24 janvier 2017 :

- condamné Mme X. au paiement des sommes suivantes :

* 49.551,06 euros au titre du prêt n° 811,

* les intérêts à 4,05 % sur cette somme à compter du 27 mai 2015,

* les intérêts échus à cette date, soit 3.033,59 euros,

* les primes d'assurance à raison de 41,90 euros par mois,

* 40.651,38 euros au titre du prêt n° 813,

* les intérêts à 1,2 % sur cette somme à compter du 27 mai 2015,

* les intérêts échus à cette date, soit 669,10 euros,

* les primes d'assurance à raison de 38,56 euros par mois,

- dit que les intérêts échus se capitaliseront par année entière en application de l'article 1154 du code civil,

- accordé à Mme X. une suspension de deux ans, commençant à courir à compter du jour de la décision, du paiement de ces sommes, et dit que, pendant cette période, aucune majoration légale ou contractuelle ne sera due sur le capital et les intérêts qui ne seront, de plus, pas capitalisés non plus pendant cette période, et que les paiements éventuels s'imputeront en priorité sur le capital,

- précisé qu'il était de l'intérêt de la débitrice de régler tous les mois les primes d'assurance (à hauteur de 94,22 %) pour les deux prêts considérés, le non-paiement de celle-ci entraînant pour elle la perte de la garantie,

- condamné Mme X. aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- rejeté toutes autres demandes.

Reprenant l'ensemble de ses moyens et prétentions de première instance, Mme X. a relevé appel de cette décision le 10 février 2017, pour demander à la cour de :

- annuler les clauses d'intérêt conventionnel des deux prêts,

- en conséquence, dire que le Crédit agricole ne peut obtenir que les intérêts au taux légal,

- condamner celui-ci à restituer le trop-perçu intérêts,

- dire que le Crédit agricole devra, dans le mois qui suivra la date à laquelle le « jugement » sera devenu définitif, produire un relevé de ces sommes, et que passé ce délai elle y sera contrainte par une astreinte de 100 euros par jour de retard,

- débouter le Crédit agricole de sa demande de paiement du capital restant dû en raison d'une absence de déchéance du terme,

- le débouter de sa demande de paiement d'intérêts de retard,

- le débouter de sa demande de capitalisation des intérêts,

- accorder à Mme X. des délais de paiement de 24 mois pour régler le solde restant dû au Crédit agricole, sans production d'intérêts,

- dire que le Crédit agricole a engagé sa responsabilité en ne la mettant pas en garde sur les risques inhérents à la souscription des prêts litigieux,

- condamner le Crédit agricole au paiement de la somme de 70.703,41 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal,

- ordonner la compensation des créances réciproques des parties et dire que la différence sera versée par le Crédit agricole à Mme X.,

en tout état de cause, condamner le Crédit agricole au paiement d'une indemnité de 3.000 euros - en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

[*]

Ayant formé appel incident, le Crédit agricole demande quant à lui à la cour de :

- réformer le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré non prescrite la demande de déchéance du droit du prêteur aux intérêts, supprimé la majoration du taux des intérêts de retard et de l'indemnité de recouvrement, et accordé des délais de paiement à Mme X.,

- condamner Mme X. au paiement des sommes suivantes :

* 56.641,27 euros au titre du prêt n° 811, outre 41,90 euros par mois à compter de la déchéance du terme au titre des cotisations d'assurance,

* 44.363,60 euros au titre du prêt n° 813, outre 38,56 euros par mois à compter de la déchéance du terme au titre des cotisations d'assurance,

* outre les intérêts au taux contractuel de retard depuis cette date,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- subsidiairement, réduire en de notables proportions les demandes de Mme X.,

- confirmer pour le surplus le jugement entrepris,

- condamner Mme X. au paiement d'une indemnité de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, y compris les éventuels frais d'inscriptions hypothécaires,

- ordonner l'exécution provisoire.

[*]

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour Mme X. le 22 juin 2017 et le Crédit agricole le 5 mai 2017, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 12 mars 2020.

En application de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale durant l'état d'urgence sanitaire, et en l'absence d'opposition des parties, il a été statué sans débat.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DES MOTIFS :

Sur le TEG :

Le Crédit agricole oppose à la demande en annulation de la stipulation d'intérêts des prêts formée par Mme X. la fin de non-recevoir tirée de la prescription.

À cet égard, l'action en annulation de la stipulation d'intérêts se prescrit, conformément à l'article 1304 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause, par un délai de cinq ans commençant à courir à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître le vice affectant le TEG ou la clause d'intérêts.

En l'occurrence, Mme X. invoque, au soutien de son action, le défaut de proportionnalité du TEG au taux de période, ainsi que le calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours, et non d'une année civile.

Or, l'offre émise le 22 août 2006 au titre du prêt n° 811 mentionne explicitement une périodicité mensuelle, un taux de période de 0,404 % et un TEG de 4,856 %, tandis que l'offre émise au titre du prêt n° 813 mentionne explicitement une périodicité mensuelle, un taux de période de 0,369 % et un TEG de 4,432 %.

Il pouvait donc être vérifié, à la seule lecture des offres, si le TEG annuel était, ou non, proportionnel au taux de période mensuel, de sorte que Mme X. était en mesure d'agir dès la date de conclusion des contrats de prêt n° 811 et 813 formalisée par l'acceptation des offres.

De même, il était indiqué dans les conditions générales du prêt n ° 813 que, lorsque le taux était, comme en l'espèce, révisable, « conformément aux usages des marchés interbancaires, ce taux est fixé sur la base d'un année de 360 jours ».

Il s'en évince que Mme X. pouvait se convaincre, à la seule lecture de l'offre, que les intérêts de ce prêt à taux variable n° 813 pouvaient ne pas avoir été calculés sur la base d'une année civile et qu'elle était donc en mesure d'agir dès la date de conclusion du contrat formalisée par l'acceptation de l'offre.

Dès lors, l'action en annulation de la stipulation d'intérêts fondée sur ces vices de défaut de proportionnalité du TEG au taux de période et, pour le prêt n° 813, de calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours, était prescrite au moment de l'assignation introductive d'instance du 4 novembre 2015, de sorte que les demandes, ainsi fondées, sont irrecevables, le jugement attaqué étant réformé en ce sens.

En revanche, l'offre émise au titre du prêt n° 811 ne comporte pas de clause expresse indiquant que les intérêts à taux fixe ne seraient pas calculés sur la base d'une année civile.

Il s'en déduit que Mme X. n'a pu découvrir qu'il en serait, selon elle, ainsi qu'au moment où elle a consulté un avocat, après avoir été assignée en paiement par la banque.

Son action en annulation de la stipulation d'intérêts, ainsi fondée, est donc recevable.

Cependant, s'il est de principe que le TEG doit être calculé sur la base de l'année civile, il demeure qu'il appartient à l'emprunteur d'établir que les intérêts n'ont effectivement pas été calculés sur cette base et, par surcroît, que ce mode calcul a pu concrètement affecter l'exactitude du TEG mentionné dans l'offre et jouer en leur défaveur.

Or, Mme X. ne produit à ce sujet aucune offre de preuve et se borne à invoquer la clause précédemment évoquée qui, ainsi que la cour l'a souligné, ne concerne que les prêts à taux variable, et non ceux à taux fixe comme l'était le prêt n° 811.

Au surplus, pour le calcul du TEG d'un prêt à périodicité mensuelle et dont les échéances de remboursement sont constantes, la détermination du taux de période en lui appliquant le rapport d'un mois de 30 jours sur une année de 360 jours, produit un résultat mathématique strictement équivalent à l'application du rapport d'un mois normalisé de 30,41666 jours sur une année civile de 365 jours prescrit par l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause.

D'autre part, si, même en présence d'un prêt à périodicité mensuelle, la réalisation d'un tel calcul sur la base d'une année de 360 jours peut, lorsqu'il existe des intérêts intercalaires produits par les portions du crédit débloquées par tranches successives ou par le capital libéré à une date autre que la date d'échéance prévue par le tableau d'amortissement, être de nature à affecter le coût du crédit, Mme X. n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que ce calcul ait généré, à son détriment, un surcoût d'un montant supérieur à la décimale prévue par l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause.

Sa demande d'annulation de la stipulation d'intérêts du prêt n° 811 sera donc rejetée.

 

Sur l'opposabilité de la déchéance du terme :

Pour prétendre que la déchéance du terme n'a pu avoir d'effet à son égard, Mme X. fait valoir, d'une part, que les effets de la liquidation judiciaire de son conjoint ne lui sont pas opposables, et, d'autre part, que le Crédit agricole ne l'a pas préalablement mis en demeure de régulariser l'arriéré avant d'exiger d'elle le paiement de la totalité des sommes dues au titre des prêts.

Les deux offres comportent à cet égard une clause de déchéance du terme aux termes de laquelle l'emprunteur devra, dans les huit jours de la réception d'une lettre recommandée, rembourser le montant du prêt si bon semble au prêteur, sans qu'il soit besoin de remplir aucune formalité judiciaire, notamment en cas de non-paiement total ou partiel d'une échéance ou si le dit emprunteur fait l'objet de poursuites révélatrices d'un état d'insolvabilité ou d'incidents de paiement comme en cas de procédures collectives.

Il résulte de l'article L. 643-1 du code de commerce que le jugement qui prononce la liquidation judiciaire sans poursuite d'activité rend exigibles les créances non échues, de sorte que la clause de déchéance du terme en cas de liquidation judiciaire de l'emprunteur ne fait que reprendre ces dispositions d'ordre public.

En revanche, lorsque le prêt est consenti à deux coemprunteurs, interpréter, ainsi que le fait le Crédit agricole, une telle clause comme l'autorisant, en cas de liquidation judiciaire de l'un d'entre eux, à se prévaloir de la déchéance du terme à l'égard de l'autre coemprunteur même si celui-ci continue à honorer les échéances du prêt la rendrait abusive au sens de l'article L. 132-1 devenu L. 212-1 du code de la consommation, ce que la cour doit relever d'office en application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du même code.

En effet, elle crée un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au détriment de ce coemprunteur, dès lors que, sans faute de sa part, elle fait supporter par celui-ci le risque d'insolvabilité d'un coobligé solidaire auquel la banque avait pourtant fait le choix de consentir un concours.

Il est par ailleurs exact que, si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque qu'en l'espèce les offres ne comportent pas, être déclarée acquise au prêteur sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

Toutefois, il ressort de la déclaration de créance et des décomptes produits en annexe aux offres de prêt que les mensualités de remboursement des prêts n° 811 et 813 ont définitivement cessé d'être honorées à compter du 5 décembre 2013.

Or, si la liquidation judiciaire de M. X. n'a été prononcée que par jugement du 17 octobre 2014 et la déchéance du terme invoquée par le Crédit agricole par courrier recommandée du 3 novembre 2014, la banque avait préalablement, par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 janvier 2014, mis Mme X. en demeure de régulariser l'arriéré des prêts sous huit jours à réception du courrier.

Ainsi, contrairement à ce que Mme X. prétend, la formalité de la mise en demeure préalable a bien été respectée, et la déchéance du terme lui est bien opposable.

 

Sur la créance de la banque :

Il ressort de l'offre du prêt n° 811, du décompte détaillé de créance produit en annexe à cette offre et du décompte sommaire produit séparément qu'il restait dû au Crédit agricole au jour de l'arrêté de compte du 26 mai 2015 :

- 5.859,18 euros au titre des échéances échues impayées hors assurance emprunteur,

- 46.618,88 euros au titre du capital restant dû,

- 3.673,46 euros au titre de l'indemnité de défaillance égale à 7 % des sommes dues en principal,

- 460,90 euros (41,90 x 11) au titre des cotisations d'assurance impayées à la date de la déchéance du terme du 3 novembre 2014,

soit, au total, 56 612,42 euros, avec intérêts au taux de 4,05 % sur le principal de 52.478,06 (5 859,18 + 46 618,88) à compter du 27 mai 2015.

Il ressort par ailleurs de l'offre du prêt n° 813, du décompte détaillé de créance produit en annexe à cette offre et du décompte sommaire produit séparément qu'il restait dû au Crédit agricole au jour de l'arrêté de compte du 26 mai 2015 :

- 4.928,64 euros au titre des échéances échues impayées hors assurance emprunteur,

- 36.367,20 euros au titre du capital restant dû,

- 2.890,70 euros au titre de l'indemnité de défaillance égale à 7 % des sommes dues en principal,

- 424,16 euros (38,56 x 11) au titre des cotisations d'assurance impayées à la date de la déchéance du terme du 3 novembre 2014,

soit, au total, 44.610,70 euros, avec intérêts au taux de 1,20 % sur le principal de 41.295,84 euros (4 928,64 + 36 367,20) à compter du 27 mai 2015.

Les cotisations d'assurances ne sont dues qu'en contrepartie des garanties souscrites auprès de l'assureur.

Dès lors que la déchéance du terme entraîne de plein droit la cessation de ces garanties, le Crédit agricole est donc mal fondé à en réclamer le paiement postérieurement au 3 novembre 2014.

D'autre part, le prêteur ne peut, conformément aux dispositions des articles L. 312-22 et L. 312-23 devenus L. 313-50 et L. 313-49 du code de la consommation, obtenir de l'emprunteur défaillant le paiement d'intérêts de retard à un taux majoré que lorsqu'il ne se prévaut pas de la déchéance du terme.

En revanche, il peut, contrairement à ce que l'appelante prétend, obtenir le paiement des intérêts de retard au taux du prêt.

Il peut en outre, en cas de déchéance du terme, obtenir, en application des articles L. 312-22 et R. 312-3 devenus L. 313-51 et R. 313-28 du code de la consommation, une indemnité de défaillance égale à 7 % des sommes dues au titre du capital restant dû ainsi que des intérêts échus et non versés.

Telle que liquidée par la cour conformément à ces textes, cette indemnité n'apparaît pas manifestement excessive et n'a pas à être modérée, et moins encore supprimée.

Enfin, la demande de capitalisation des intérêts méconnaît les dispositions des article L. 312-23 devenu L. 313-49 du code de la consommation et, partant, sera rejetée.

Mme X. sera donc, après réformation du jugement attaqué, condamnée au paiement des sommes de 56.612,42 euros avec intérêts au taux de 4,05 % sur le principal de 52.478,06 euros à compter du 27 mai 2015 au titre du prêt n° 811, et de 44.610,70 euros avec intérêts au taux de 1,20 % sur le principal de 41.295,84 euros à compter du 27 mai 2015 au titre du prêt n° 813, le surplus des demandes étant rejeté.

 

Sur la responsabilité de la banque :

La banque dispensatrice de crédit est tenue, à l'égard d'un emprunteur non averti, d'un devoir de mise en garde portant sur les risques nés de l'endettement.

En l'occurrence, le Crédit agricole suggère que Mme X., qui déclarait exercer l'activité professionnelle d'hôtesse de caisse dans la demande de prêts, pourrait être considérée comme une emprunteuse avertie, mais il n'apporte pas la moindre preuve, qui pourtant lui incombe, de cette allégation.

En revanche, il fait valoir à juste titre que, contrairement à ce qu'ont pu estimer les premiers juges, son concours était adapté aux capacités de remboursement des emprunteurs.

Il ressort en effet de la demande de prêts que les époux X. déclaraient alors bénéficier d'un revenu mensuel total de 2.483 euros et assumer la charge de deux enfants.

Quand bien même leurs revenus n'auraient, au moment de l'octroi des prêts d'août 2006, toujours été, comme cela ressort de leur avis d'impôt sur les revenus de 2005, que de 1.940 euros par mois (et non de 1 853 euros comme l'appelante le prétend erronément dans ses conclusions) outre les allocations familiales et l'APL, il demeure qu'au regard de ce que l'opération financée d'acquisition d'une résidence principale leur permettait de faire l'économie d'un loyer et de se constituer un patrimoine immobilier, les prêts, générant une charge mensuelle totale de 690,94 euros (367,45 + 323,49) assurance emprunteur incluse, restaient adaptés à leurs capacités de remboursement.

Mme X. fait valoir que, selon cette demande de prêts et la déclaration de créance de la banque, le concours destiné au financement de leur résidence principale incluait un troisième prêt à taux zéro de 16 125 euros, générant des échéances de remboursement supplémentaires de 335,94 euros.

Cependant, il ressort de ce document que ce prêt d'août 2006 ne devait être remboursé qu'en 48 mensualités à compter de 2024, après un différé de 216 mois.

La charge de remboursement de ce prêt à taux zéro était donc nulle au moment des incidents de paiement ayant entraîné la déchéance du terme, et l'aurait au surplus toujours été au moment où la cour statue, de sorte qu'elle ne peut être regardée comme constituant un préjudice certain en lien causal avec la défaillance de l'emprunteuse.

Il convient par conséquent de réformer le jugement attaqué et de rejeter la demande reconventionnelle de l'appelante en paiement de dommages-intérêts et en compensation.

 

Sur le délai de grâce :

Contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges, la cour considère qu'il n'y a pas matière à accorder un délai de grâce à Mme X., laquelle a déjà bénéficié des larges délais de la procédure.

 

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge du Crédit agricole l'intégralité des frais exposés par lui à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il lui sera alloué une somme de 1.300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme X. sera en outre condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

À cet égard, il sera observé que la demande du Crédit agricole d'inclusion des ‘éventuels frais d'inscriptions hypothécaires » sera rejetée comme hypothétique, rien ne démontrant que des inscriptions d'hypothèque judiciaire aient été autorisées, et les frais d'hypothèque conventionnelle, à supposer même qu'il en existât, n'entrant pas dans le champ des dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Infirme le jugement rendu le 24 janvier 2017 par le tribunal de grande instance de Quimper ;

Statuant à nouveau sur l'entier litige,

Déclare irrecevable l'action en annulation de la stipulation d'intérêts fondée sur le défaut de proportionnalité du TEG des prêts n° 811 et 813 au taux de période ainsi que sur le calcul des intérêts du prêt n° 813 sur la base d'une année de 360 jours ;

Déclare l'action en annulation de la stipulation d'intérêts fondée sur le calcul des intérêts du prêt n° 811 sur une autre base que l'année civile recevable mais non fondée, et en déboute Mme X. ;

Condamne Mme X. à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Morbihan les sommes de :

- 56.612,42 euros au titre du prêt n° 811, avec intérêts au taux de 4,05 % sur le principal de 52.478,06 euros à compter du 27 mai 2015,

- 44.610,70 euros au titre du prêt n° 813, avec intérêts au taux de 1,20 % sur le principal de 41.295,84 euros à compter du 27 mai 2015 ;

Rejette la demande de capitalisation des intérêts ;

Déboute Mme X. de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour manquement de la banque à son devoir de mise en garde et en compensation ;

Rejette la demande de délai de grâce ;

Condamne Mme X. à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Morbihan une somme de 1.300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme X. aux dépens de première instance et d'appel ;

Accorde le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Rejette toutes demandes contraires ou plus amples.

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT

 

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