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CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-8), 8 juin 2022

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-8), 8 juin 2022
Pays : France
Juridiction : Aix-en-Provence (CA), ch. 1 - 8
Demande : 20/11095
Décision : 2022/287
Date : 8/06/2022
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 16/11/2020
Numéro de la décision : 287
Référence bibliographique : 9758 (1171 C. civ., surveillance), 5953 (domaine, télésurveillance), 5959 (domaine, usage mixte), 5748 (sanction, nullité du contrat), 6980 (télésurveillance avec location), 6135 (décès du consommateur), 6114 (clause exonératoire de responsabilité), 9765 (1171 C. civ., durée du contrat)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9650

CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-8), 8 juin 2022 : RG n° 20/11095 ; arrêt n° 2022/287 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Retenant que les dispositions sur la protection des consommateurs peuvent s'étendre à l'installation de systèmes d'alarme, même dans des locaux professionnels, puisque l'acheteur du produit ou locataire longue durée est, dans ce cas, dans le même degré d'ignorance que le consommateur, c'est à bon droit que le premier juge a fait application du code de la consommation dans l'espèce. En effet, la location du matériel de télésurveillance, outre qu'elle est sans rapport avec l'activité de tatoueur de l'intimée, a, en partie, été installée à son domicile. »

2/ « Il résulte de l'article 1171 du code civil que dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrites. L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation. Il résulte de l'article L. 212-1 du code de la consommation que dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties apparaît lorsqu'il n'existe aucune réciprocité dans les obligations du consommateur envers le professionnel, en particulier lorsque les clauses sont exclusivement rédigées au détriment du consommateur.

Il résulte de la lecture des clauses alléguées d'abusives, qu'elles :

- dégagent de toute responsabilité le professionnel articles 2, 3, 5, 6, 7, 8, 9, 14, 16

- imposent au consommateur, pour toute rupture anticipée de sa part, le paiement d'une indemnité équivalente au solde de la période contractuelle en cours et une pénalité contractuelle non réciproque article 4, 10, 11,

- mettent à la charge du consommateur l'ensemble des frais articles 7 et 17,

- imposent la poursuite du contrat en cas de décès du locataire article 12.

De sorte qu'elles créent un déséquilibre significatif entre bailleur et locataire, ce qui justifie qu'elles aient été déclarées abusives et non écrites par le premier juge, et que ce dernier ait déclarés nuls les contrats objet du litige, vidés de toute substance du fait du caractère abusif de la majorité des clauses qui les composent (14 articles sur 19).

Ainsi, le premier juge est confirmé en ce qu'il a débouté la SAS GRENKE LOCATION de l'ensemble de ses demandes. »

 

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 1-8

ARRÊT DU 8 JUIN 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/11095. Arrêt n° 2022/287. N° Portalis DBVB-V-B7E-BGQPV. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de proximité d'ANTIBES en date du 17 Septembre 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 11-19-0833.

 

APPELANTE :

SAS GRENKE LOCATION

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège sis [adresse], représentée par Maître Daniel LAMBERT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant Maître Christine BOUDET, avocat au barreau de COLMAR

 

INTIMÉE :

Madame X.

née le [date] à [ville], demeurant [adresse], représentée par Maître Nathalie RAYE, avocat au barreau de GRASSE

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Philippe COULANGE, Président, Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère, Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller.

Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 8 juin 2022.

ARRÊT : Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 8 juin 2022, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par acte sous seing privé en date du 6 juin 2017, Mme X., qui tenait un salon de tatouage à [ville J.], a conclu avec la SAS GRENKE LOCATION un contrat n° 083-32632 de location longue durée sur 12 trimestres portant sur une centrale d'alarme et six périphériques, moyennant un loyer trimestriel de 144 € HT.

Puis, par acte sous seing privé en date du 7 juin 2017, Mme X. a conclu avec la SAS GRENKE LOCATION un contrat n° 083-32637 de location longue durée sur 21 trimestres portant sur un enregistreur numérique et deux caméras, moyennant un loyer trimestriel de 237 € HT.

A partir d'avril 2018, Mme X. a demandé à sa banque de bloquer les prélèvements bancaires au profit de la société GRENKE LOCATION.

Par courriers recommandés séparés en date du 18 juillet 2018, la société GRENKE LOCATION a informé Mme X. qu'elle avait procédé à la résiliation anticipée des contrats n° 083-32832 et n°088-32637, et qu'en conséquence, elle réclamait le paiement de la somme de 1.396,82 € pour le premier contrat (n° 083-32632), et de la somme de 4 408,10 € pour le second contrat (n°088-32637), soit au total la somme de 5 802,92 €.

Par acte d'huissier de justice en date du 18 novembre 2019 signifié à domicile, la SAS GRENKE LOCATION a assigné Mme X. devant le Tribunal d'Instance d'ANTIBES, qui par jugement rendu le 17 septembre 2020 a :

- DÉCLARE abusives et non écrites les clauses stipulées aux articles 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 14, 16, et 17 des contrats n° 083-32632 et n° 083-32637 ;

- PRONONCE la nullité des contrats n° 083-32632 et n° 083-32637 ;

- DÉBOUTE la SAS GRENKE LOCATION de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions REJETE toute autre demande plus ample ou contraire ;

- CONDAMNE la SAS GRENKE LOCATION à payer à la Mme X. la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- CONDAMNE la SAS GRENKE LOCATION au paiement des entiers dépens de l'instance tels qu'énoncés à l'article 695 du Code de Procédure Civile.

[*]

Par déclaration au greffe en date du 16 novembre 2020, la SAS GRENKE LOCATION a interjeté appel de cette décision.

Elle sollicite :

- DÉCLARER l'appel bien fondé,

- INFIRMER la décision entreprise,

Statuant à nouveau,

- CONDAMNER Mme X. à payer à la SAS GRENKE LOCATION la somme de 5.802,92 € en principal au titre des contrats de location n° 083-32632 et 083-32637 augmentée des intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2018,

- DÉBOUTER Mme X. de l'ensemble de ses fins, moyens et conclusions,

- La CONDAMNER aux entiers frais et dépens, ainsi qu'au paiement d'une somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

A l'appui de son recours, elle fait valoir :

- que les dispositions du code de la consommation relatives aux clauses abusives ne sont pas applicables en l'espèce,

- qu'en effet on est en présence de deux contrats de longue durée conclus à des fins professionnelles, l'intimée ayant agi dans la cadre de son activité professionnelle puisque l'installation objet des contrats avait pour vocation de protéger son local professionnel, quoi qu'une partie du matériel sans que cela soit prouvé ait été utilisé par son père,

- qu'en outre toute clause rédigée de façon claire et compréhensible et qui définit l'objet principal du contrat ne peut être déclarée abusive,

- qu'en l'espèce les contrats sont stipulés à l'avantage du locataire, le propriétaire subissant l'investissement sans détenir le choix du produit acheté ni du fournisseur,

- qu'il n'existe pas de déséquilibre entre le bailleur et le locataire,

- que l'indemnité de résiliation égale à tous les loyers à échoir jusqu'au terme initial du contrat n'est pas excessive.

[*]

Mme X. conclut :

A TITRE PRINCIPAL :

- CONFIRMER le jugement déféré en toutes ses dispositions et en ce qu'il a :

- DECLARÉ abusives et non écrites les clauses stipulées aux articles 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 14, 16 et 17 des contrats n° 083-32632 et n° 083-32637

De fait,

- DIT ET JUGÉ que les contrats n° 083-32632 et n° 083-32637 sont dénués de tout contenu susceptible de recevoir bonne application

- PRONONCÉ la nullité des contrats n° 083-32632 et n° 083-32637

- DEBOUTÉ la SAS GRENKE LOCATION de ses demandes, fins et conclusions

A TITRE SUBSIDIAIRE :

- DÉCLARER abusives les clauses des articles 10 et 11 des contrats n° 083-32632 et n° 083-32637

- DÉBOUTER la SAS GRENKE LOCATION de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE,

Si la Cour devait considérer qu'aucune clause des contrats n° 083-32632 et n° 083-32637 n'était abusive, il conviendrait de :

- REDUIRE dans de plus justes proportions la somme mise à la charge de Mme X., à titre principal

- DÉBOUTER la SAS GRENKE LOCATION de sa demande de condamnation assortie de l'intérêt au taux légal à compter du 18 juillet 2018

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

- CONDAMNER la SAS GRENKE LOCATION à payer à Mme X. la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du CPC en sus de la condamnation de 1ère instance, outre les entiers dépens de l'instance

Elle soutient :

- que les contrats ne prévoient pas l'adresse d'installation du matériel qui est trop important pour ne concerner que le local professionnel et concerne également son domicile,

- que suite à son déménagement elle n'a pu obtenir le déménagement du matériel,

- que les loyers payés ne sont pas ceux convenus,

- que la location de matériel de télésurveillance est sans rapport avec son activité professionnelle de sorte qu'elle doit être considérée comme un consommateur et que les dispositions du code de la consommation lui sont applicables, d'autant que du matériel a été installé chez elle,

- que plusieurs clauses des contrats sont abusives comme créant un déséquilibre entre les droits et obligations mises à la charge du locataire et celles mises à la charge du bailleur,

- qu'alors que le locataire encourt de lourdes obligations financières, le bailleur est exempt de toute réelle responsabilité, sa seule obligation étant d'acquérir du matériel auprès d'une société tierce pour le louer au locataire,

- qu'ainsi, alors même qu'elle ne pouvait user du bien objet du contrat et qu'elle n'avait reçu aucune information en suite des diverses sommes prélevées, elle s'est retrouvée avec deux résiliations unilatérales avec demande de paiement de tous les loyers à échoir outre intérêts au taux légal majoré,

-que les clauses abusives entraînent la nullité du contrat qu'elles vident de toute substance.

L'ordonnance de clôture a été rendue à l'audience

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l'application du code de la consommation :

Retenant que les dispositions sur la protection des consommateurs peuvent s'étendre à l'installation de systèmes d'alarme, même dans des locaux professionnels, puisque l'acheteur du produit ou locataire longue durée est, dans ce cas, dans le même degré d'ignorance que le consommateur, c'est à bon droit que le premier juge a fait application du code de la consommation dans l'espèce.

En effet, la location du matériel de télésurveillance, outre qu'elle est sans rapport avec l'activité de tatoueur de l'intimée, a, en partie, été installée à son domicile.

 

Sur les clauses abusives :

Il résulte de l'article 1171 du code civil que dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrites. L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation.

Il résulte de l'article L. 212-1 du code de la consommation que dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat.

Un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties apparaît lorsqu'il n'existe aucune réciprocité dans les obligations du consommateur envers le professionnel, en particulier lorsque les clauses sont exclusivement rédigées au détriment du consommateur.

Il résulte de la lecture des clauses alléguées d'abusives, qu'elles :

- dégagent de toute responsabilité le professionnel articles 2, 3, 5, 6, 7, 8, 9, 14, 16

- imposent au consommateur, pour toute rupture anticipée de sa part, le paiement d'une indemnité équivalente au solde de la période contractuelle en cours et une pénalité contractuelle non réciproque article 4, 10, 11,

- mettent à la charge du consommateur l'ensemble des frais articles 7 et 17,

- imposent la poursuite du contrat en cas de décès du locataire article 12.

De sorte qu'elles créent un déséquilibre significatif entre bailleur et locataire, ce qui justifie qu'elles aient été déclarées abusives et non écrites par le premier juge, et que ce dernier ait déclarés nuls les contrats objet du litige, vidés de toute substance du fait du caractère abusif de la majorité des clauses qui les composent (14 articles sur 19).

Ainsi, le premier juge est confirmé en ce qu'il a débouté la SAS GRENKE LOCATION de l'ensemble de ses demandes.

 

Sur les autres demandes :

La SAS GRENKE LOCATION est condamnée à 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre aux dépens d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 17 septembre 2020 par le Tribunal Judiciaire d'ANTIBES

Y ajoutant

CONDAMNE la SAS GRENKE LOCATION à régler à Mme X. la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure Civile,

CONDAMNE la SAS GRENKE LOCATION aux entiers dépens de l'appel.

LA GREFFIERE                                        LE PRÉSIDENT

 

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