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CA BORDEAUX (1re ch. sect. B), 15 avril 2008

Nature : Décision
Titre : CA BORDEAUX (1re ch. sect. B), 15 avril 2008
Pays : France
Juridiction : Bordeaux (CA), 1re ch. sect. B
Demande : 06/00503
Date : 15/04/2008
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Juris Data
Date de la demande : 30/01/2006
Décision antérieure : TI BAZAS, 9 décembre 2005
Décision antérieure :
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1020

CA BORDEAUX (1re ch. sect. B), 15 avril 2008 : RG n° 06/00503

Publication : Juris-Data n° 361360

 

Extraits : 1/ « La SCEA D. entend soutenir que le contrat était soumis aux dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation réglementant le démarchage à domicile, et qu'ainsi sa renonciation opérée le 12 août 2004 était parfaitement régulière, et conforme aux articles L. 121-23 à L. 121-25 dudit code. Aux termes de l'article L. 121-22 du Code de la consommation, […]. En l'espèce, la SCEA D. ne peut sérieusement soutenir qu'elle n'a pas contracté à des fins professionnelles au motif que Mme D. n'avait aucune connaissance en informatique et que la création d'un site n'était pour elle d'aucune utilité, alors que la location n'a pas été souscrite par Mme D. en son nom personnel, mais en qualité de gérante de la SCEA qui exerce par nature une activité professionnelle agricole, spécialisée en l'occurrence dans le domaine viticole, aux besoins de laquelle la création d'un site internet apparaissait dès lors particulièrement adaptée en lui permettant de bénéficier d'un outil technologique de première utilité pour la promotion et la commercialisation des vins de sa production. »

2/ « La SCEA D. soutient par ailleurs que même à supposer que le contrat de création d'un site internet ait eu avec son activité un rapport direct, exclusif de l'application des dispositions réglementant le démarchage à domicile, les parties demeuraient libres de s'y soumettre, ce qui a été le cas en l'espèce où le contrat a reproduit les dispositions du Code de la consommation relatives à cette méthode de vente. S'il est exact que les parties demeuraient libres de convenir de se soumettre aux dispositions du Code de la consommation quand bien même la nature du contrat en aurait exclu l'application, une telle dérogation conventionnelle ne pouvait résulter que d'une manifestation de volonté dépourvue d'équivoque. Or, si un extrait du Code de la consommation est reproduit dans le contrat de location, il y est bien spécifié, en caractère gras, que ses dispositions ne sont pas applicables aux professionnels dans le cadre de leur activité. Ainsi, non seulement la convention n'exprime pas la volonté non équivoque des parties de se soumettre aux dispositions du Code de la consommation, mais encore l'application de ces dernières s'est trouvée expressément exclue de leurs rapports contractuels. ».

 

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE SECTION B

ARRÊT DU 15 AVRIL 2008

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 06/00503. Nature de la décision : AU FOND.

[minute page 2] Rendu par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450-2° alinéa du Nouveau Code de Procédure Civile, Le 15 AVRIL 2008, Par Monsieur Michel BARRAILLA, Conseiller, en présence de Madame Armelle FRITZ, Greffier.

La COUR d'APPEL de BORDEAUX, PREMIERE CHAMBRE SECTION B, a, dans l'affaire opposant :

 

LA SOCIÉTÉ KBC LEASE

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis [adresse], Représentée par la SCP Michel PUYBARAUD, Avoué à la Cour, et assistée de Maître William MAXWELL, Avocat au barreau de BORDEAUX, substituant la SCP LEVY-ROCHE-LEBEL, Avocats Associés au barreau de LYON, Appelante d'un jugement rendu le 9 décembre 2005 par le Tribunal d'Instance de BAZAS suivant déclaration d'appel en date du 30 janvier 2006,

À :

LA SCEA D.

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis [adresse]. Représentée par la SCP Claire-Marie TOUTON-PINEAU et Rémi FIGEROU, Avoués Associés à la Cour, et assistée de Maître Fabien DUCOS-ADER, Avocat au barreau de BORDEAUX, Intimée.

 

Rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue, en audience publique le 13 novembre 2007 devant : Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président, Monsieur Pierre-Louis CRABOL, Conseiller, Monsieur Michel BARRAILLA, Conseiller, Madame Armelle FRITZ. Greffier.

Et qu'il en a été délibéré par les Magistrats du Siège ayant assisté aux débats :

 

EXPOSÉ DU LITIGE            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3] Par acte sous seing privé du 10 août 2004, la SCEA D., représentée par sa gérante Mme D., a pris en location auprès de la SA CORTIX, à l'issue d'un démarchage à domicile, la fourniture, l'installation, l'hébergement et l'administration d'un site Internet ainsi qu'un appareil photo numérique Kodak, pour une durée de 36 mois et moyennant le versement d'échéances mensuelles de 137,54 €.

La propriété des équipements donnés en location a par la suite été cédée par la SA CORTIX à la SA KBC LEASE FRANCE, qui se trouve ainsi transférée dans ses droits dans des conditions dont la régularité n'a pas été contestée par la SCEA D.

La SCEA D. ayant cessé de régler le montant des mensualités, la SA KBC LEASE FRANCE, après lui avoir notifié la résiliation du contrat de location par le jeu de la clause résolutoire de plein droit, l'a faite assigner devant le tribunal d'instance de BAZAS en paiement de sa créance et restitution sous astreinte du matériel loué.

Par jugement du 9 décembre 2005, le tribunal d'instance de BAZAS a :

- constaté que la SCEA D. avait valablement exercé son droit de rétractation,

- déclaré annulé le contrat de location de matériel informatique signé le 10 août 2004,

- dit que la SCEA D. devrait restituer le matériel en sa possession aux frais de la SA KBC LEASE FRANCE,

- débouté la SA KBC LEASE FRANCE du surplus de ses demandes,

- condamné la SA KBC LEASE FRANCE au paiement d'une somme de 400,00 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La SA KBC LEASE FRANCE a relevé appel de ce jugement, dans des conditions de régularité non contestées, par déclaration remise au greffe de la Cour le 30 janvier 2006.

Par conclusions signifiées le 4 mai 2006, elle sollicite la réformation de cette décision et demande à la Cour de :

- condamner la SCEA D. à lui verser les sommes de :

* 5.378,96 € avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 12 janvier 2005,

* [minute page 4] 1.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile,

- condamner la SCEA D. à la restitution du matériel loué aux lieu et place qu'elle fixera, dans les deux mois du prononcé de l'arrêt et sous astreinte de 300,00 € par jour de retard, le délai commençant à courir à compter de la date qui sera fixée pour la restitution,

- condamner la SCEA D. aux dépens.

Par conclusions signifiées le 19 avril 2006, la SCEA D. demande à la Cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- débouter la SA KBC LEASE FRANCE de ses demandes, fins et conclusions,

- subsidiairement,

* au visa des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation, constater que la SCEA D. a régulièrement usé de son droit de rétractation dans les délais,

* au visa de l'article 1116 du Code civil, prononcer l'annulation du contrat de location de matériel avec prestation afférente en raison des manœuvres dolosives perpétrées par le représentant de la SA CORTIX,

- en tout état de cause, condamner la SA KBC LEASE FRANCE au paiement de la somme de 1.500,00 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 30 octobre 2007.

 

MOTIFS (justification de la décision)    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

* Sur le vice du consentement :

La SCEA D. excipe dans son subsidiaire de manœuvres dolosives exercées par le représentant de la SA CORTIX pour lui extorquer son consentement.

Elle soutient que ce dernier lui a fait croire par téléphone que la prestation proposée par sa société serait gratuite et qu'il a abusé de sa méconnaissance de la matière informatique.

[minute page 5] Mais outre qu'ainsi que le fait observer l'appelante, la SA CORTIX de qui le dol est censé émaner n'a jamais été mise en cause, ce qui ne permet pas de le retenir, il y a lieu de constater que la SA KBC LEASE FRANCE est fondée à se prévaloir auprès du débiteur cédé de la créance acquise de la SA CORTIX par la notification du transfert de cession qu'elle lui en a faite dans les formes prévues à l'article 1er du contrat de location, en l'occurrence l'envoi d'un plan de remboursement, tenant lieu de facture de loyers, et de lettres de rappel, sans que la SCEA D. n'élève de contestation sur la validité de son consentement au contrat dont la cession lui était signifiée au moyen de ces procédés.

Il en résulte que le moyen fondé sur l'existence d'un dol doit être écarté.

 

* Sur le non respect par la SA KBC LEASE FRANCE des dispositions du Code de la consommation :

La SCEA D. entend soutenir que le contrat était soumis aux dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation réglementant le démarchage à domicile, et qu'ainsi sa renonciation opérée le 12 août 2004 était parfaitement régulière, et conforme aux articles L. 121-23 à L. 121-25 dudit code.

Aux termes de l'article L. 121-22 du Code de la consommation, « (...) ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-28 (...) 4e Les ventes, locations ou locations-ventes de biens ou les prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession. »

En l'espèce, la SCEA D. ne peut sérieusement soutenir qu'elle n'a pas contracté à des fins professionnelles au motif que Mme D. n'avait aucune connaissance en informatique et que la création d'un site n'était pour elle d'aucune utilité, alors que la location n'a pas été souscrite par Mme D. en son nom personnel, mais en qualité de gérante de la SCEA qui exerce par nature une activité professionnelle agricole, spécialisée en l'occurrence dans le domaine viticole, aux besoins de laquelle la création d'un site internet apparaissait dès lors particulièrement adaptée en lui permettant de bénéficier d'un outil technologique de première utilité pour la promotion et la commercialisation des vins de sa production.

La SCEA D. soutient par ailleurs que même à supposer que le contrat de création d'un site internet ait eu avec son activité un rapport direct, exclusif de l'application des dispositions réglementant le démarchage à domicile, les parties demeuraient libres de s'y soumettre, ce qui a été le cas en l'espèce où le contrat a reproduit les dispositions du Code de la consommation relatives à cette méthode de vente.

[minute page 6] S'il est exact que les parties demeuraient libres de convenir de se soumettre aux dispositions du Code de la consommation quand bien même la nature du contrat en aurait exclu l'application, une telle dérogation conventionnelle ne pouvait résulter que d'une manifestation de volonté dépourvue d'équivoque.

Or, si un extrait du Code de la consommation est reproduit dans le contrat de location, il y est bien spécifié, en caractère gras, que ses dispositions ne sont pas applicables aux professionnels dans le cadre de leur activité.

Ainsi, non seulement la convention n'exprime pas la volonté non équivoque des parties de se soumettre aux dispositions du Code de la consommation, mais encore l'application de ces dernières s'est trouvée expressément exclue de leurs rapports contractuels.

Il convient donc d'infirmer le jugement déféré et d'accueillir la demande en paiement de la SA KBC LEASE FRANCE, fondée par les pièces versées aux débats et sur le montant de laquelle l'intimée n'a élevé aucune contestation.

Conformément aux dispositions contractuelles, la SCEA D. sera tenue par l'effet de la résolution à la restitution du matériel loué.

Cette restitution s'effectuera sous astreinte dans les conditions précisées au dispositif de l'arrêt.

La SCEA D., partie succombante, sera condamnée au paiement d'une somme de 800,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Reçoit la SA KBC LEASE FRANCE,

Infirme le jugement prononcé le 9 décembre 2005 par le tribunal d'instance de BAZAS.

Statuant à nouveau :

Condamne la SCEA D. à payer à la SA KBC LEASE FRANCE la somme de 5.378,96 € avec intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2005, date de la mise en demeure.

Condamne la SCEA D. à restituer le matériel loué à la SA KBC LEASE FRANCE, aux lieu et place fixés par cette société, dans les deux mois de la date fixée pour la restitution après signification de l'arrêt, sous astreinte de 100,00 € par jour de retard,

[minute page 7] Ajoutant au jugement :

Condamne la SCEA D. à payer à la SA KBC LEASE FRANCE la somme de 800,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamne la SCEA D. aux entiers dépens, dont distraction pour ceux d'appel au profit de la S.C.P. Michel PUYBARAUD, Avoué à la Cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Signé par Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président, et par Madame Annelle FRITZ, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.

 

Est cité par :