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TJ PARIS (9e ch. 2e sect.), 16 janvier 2024

Nature : Décision
Titre : TJ PARIS (9e ch. 2e sect.), 16 janvier 2024
Pays : France
Juridiction : T.jud. Paris
Demande : 13/12387
Décision : 24/1
Date : 16/01/2024
Nature de la décision : Admission
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 28/06/2013
Numéro de la décision : 1
Référence bibliographique : 9742 (prêt en francs suisses), 6030 (indice, option offerte au consommateur), 5984 (indice, exécution du contrat), 6010 (date d’appréciation), 6016 et 6018 (charge de la preuve, caractère clair et compréhensible), 6017 (objet principal), 5729 (estoppel et instance pénale ; exécution provisoire), 5743 (effet rétroactif), 5748 (effet, disparition du contrat)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10659

TJ PARIS (9e ch. 2e sect.), 16 janvier 2024 : RG n° 13/12387

Publication : Judilibre

 

N.B. Le jugement est globalement similaire à celui du même jour (RG 15/06281 ; jugt n° 5), sauf les deux particularismes ci-dessous »

Extrait : « C'est à tort que la banque soutient que la possibilité de convertir le prêt en euros à taux fixe ou à taux variable tous les trois ou cinq ans ( clause « Options pour un changement de monnaie de compte ») et la possibilité de rembourser le prêt de façon anticipée à tout moment ( clause « Remboursement anticipé »), ont le même effet qu'un plafond, de sorte qu'il n'existe aucun déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties.

En effet, outre le fait que le contrat est en principe exécuté en dehors des levées d’option, ces options ne sont pas nécessairement de nature à effacer les effets de réalisation du risque au moment de leur exercice. En outre, la première de ces options ne peut être exercée que lors de la survenance d'échéances précises, étant ajouté qu'elle met à la charge de l'emprunteur le paiement de frais de conversion et de frais de change. Quant à la seconde option, son exercice dépend des capacités financières de l’emprunteur. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS

NEUVIÈME CHAMBRE DEUXIÈME SECTION

JUGEMENT DU 16 JANVIER 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 13/12387. Jugement n° 1. N° Portalis 352J-W-B65-CATKO. Assignation du : 28 juin 2013.

 

DEMANDEURS :

Monsieur X.

[Adresse 2], [Localité 4]

Madame Y. épouse X.

[Adresse 2], [Localité 4], représentés par Maître Véronique DUFFAY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0052

 

DÉFENDERESSE :

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

prise en la personne de son représentant légal [Adresse 1], [Localité 3], représentée par Maître Philippe METAIS du PARTNERSHIPS BRYAN CAVE LEIGHTON PAISNER (France) LLP, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R030

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Monsieur Gilles MALFRE, 1er Vice-président adjoint, Monsieur Augustin BOUJEKA, Vice-Président, Monsieur Alexandre PARASTATIDIS, Juge, assistés de Alise CONDAMINE, greffier lors des débats et de Clarisse GUILLAUME, greffier lors de la mise à disposition,

DÉBATS : A l’audience du 7 novembre 2023 tenue en audience publique devant M. MALFRE, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2023. Le délibéré a été prorogé au 16 janvier 2024 pour plus ample délibéré.

JUGEMENT : rendu publiquement par mise à disposition, contradictoire, en premier ressort

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Au cours des années 2008 à 2010, la SA BNP Paribas Personal Finance (la BNP PPF) a commercialisé, principalement par l’intermédiaire de mandataires, un contrat de crédit immobilier libellé en devise étrangère, dénommé « Helvet Immo ».

En vue de réaliser une opération d’acquisition d’un bien immobilier à usage locatif, M. X. et Mme Y., épouse X. (les époux X. ) ont accepté le 20 juin 2008 l’offre de crédit immobilier « Helvet Immo» émise le 9 juin 2008 par la BNP PPF, portant sur une somme de 437 135,13 francs suisses (monnaie de compte) et remboursable en euros (monnaie de paiement) sur 25 ans à un taux d’intérêt révisable, fixé initialement à 3,95 % l’an. Ce contrat de crédit a été réitéré par acte authentique du 24 juillet 2008.

Considérant que l’évolution défavorable des taux de change depuis la date de conclusion du prêt avait eu une incidence notable sur le montant à rembourser en principal, les époux X. ont fait assigner, par acte du 28 juin 2013 la BNP PPF devant le tribunal de céans, notamment pour dénoncer le caractère abusif des clauses du prêt.

Le juge de la mise en état a ordonné un sursis à statuer le 16 février 2016, dans l'attente d'une décision définitive à intervenir sur la procédure pénale en cours à l'encontre de la BNP PPF.

A l’issue d’une information judiciaire, la BNP PPF a été renvoyée du chef de pratique commerciale trompeuse devant le tribunal correctionnel de Paris qui, par jugement du 26 février 2020, l'a condamnée de ce chef ainsi qu’à indemniser les parties civiles. La BNP PPF a interjeté appel de ce jugement et l’affaire est pendante devant la cour d’appel de Paris.

Les époux X. se sont constitués parties civiles dans le cadre de cette instance et il leur a été alloué par la décision de première instance la somme de 110 994,95 euros au titre du préjudice matériel, outre celle de 5 000 euros, chacun, au titre du préjudice moral.

Par ordonnance du 10 janvier 2023, le sursis prononcé le 16 février 2016 a été révoqué.

[*]

Par conclusions du 19 juin 2023, les époux X. demandent au tribunal :

De dire non prescrite leur action relative à la nullité de la clause « opérations de change », leur action relative au manquement de la BNP PPF à son obligation d’information et leur action en nullité de la stipulation de l’intérêt conventionnel et de prononcer la déchéance des intérêts du prêt. En conséquence, ils sollicitent que soit annulée l’offre de prêt.

À titre subsidiaire, de prononcer la déchéance du droit aux intérêts, et de juger que les clauses n°1 à 5 ( clause implicite d’indexation) forment un mécanisme implicite d’indexation du prêt sur le franc suisse, que les clauses n°6 à 8 ( clause de variation du taux d’intérêt) sont abusives et que les clauses n°1 à 8 sont réputées non écrites.

En conséquence, d'annuler rétroactivement le prêt, d'ordonner la compensation entre les créances réciproques, de condamner la BNP PPF à leur payer la somme de 44 774,64 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice subi au titre de la perte d’une chance, celle de 20 000 euros, en réparation de leur préjudice moral et d'annuler la stipulation d’intérêt, d'ordonner la substitution au taux conventionnel du taux légal, à compter de la conclusion du prêt, de débouter la BNP PPF du surplus de ses demandes et de la condamner à leur payer la somme de 15 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

[*]

Par conclusions du 7 septembre 2023, la BNP PPF demande au tribunal :

- Sur la demande formée à titre principal au titre d’un manquement à l'obligation d’information, à titre principal, de dire cette demande irrecevable pour défaut d’intérêt à agir et pour cause de prescription, à titre subsidiaire, de débouter les époux X. de leurs demandes de dommages-intérêts et, à titre infiniment subsidiaire, de déduire de la somme accordée les dommages-intérêts versés au titre du préjudice financier en exécution du jugement pénal du 26 février 2020.

- Sur les demandes formées au titre des clauses abusives, à titre principal, de dire les demandes tendant à la constatation du caractère abusif et à la suppression de la clause relative à la variation du taux de change et de la clause relative à la variation du taux d’intérêt irrecevables, à titre subsidiaire, de dire que ces clauses relèvent de l’objet principal et sont rédigées de manière claire et compréhensible, en conséquence, de débouter les époux X. de leurs demandes, à titre plus subsidiaire, de débouter les époux X. de leurs demandes en ce que ces clauses ne créent pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, à titre encore plus subsidiaire, sur le périmètre du réputé non écrit, de dire que seules les stipulations relatives à l’augmentation sans plafond du montant des échéances sont réputées non écrites, les autres stipulations pouvant être maintenues, à défaut de juger que seules les stipulations relatives à la variation du taux de change et à la variation du taux d’intérêt sont réputées non écrites, les autres stipulations pouvant être maintenues et, à titre infiniment subsidiaire, si le tribunal prononçait l’anéantissement rétroactif du contrat de prêt, d'ordonner la restitution par les époux X. de la contre-valeur en euros des montants empruntés en francs suisses, soit la somme de 271 512,50 euros, de la somme de 110 994,95 euros versée par la BNP PPF en exécution du jugement du 26 février 2020, d'ordonner la restitution par la BNP PPF de toutes les sommes perçues au titre du prêt, soit la somme de 262 931,73 euros au 5 septembre 2023, sauf à parfaire, d'ordonner la compensation entre les restitutions réciproques, outre qu'il convient d'ordonner le maintien des inscriptions hypothécaires sur le bien immobilier financé par le prêt.

- Sur la demande de dommages-intérêts au titre du préjudice moral, à titre principal, de débouter les époux X. de leur demande et, à titre subsidiaire, de déduire des sommes accordées à ce titre celles versées en exécution du jugement du 26 février 2020.

- Sur la demande de nullité de la stipulation d’intérêts, à titre principal, de dire cette demande irrecevable pour cause de prescription et, à titre subsidiaire, de débouter les époux X. de leur demande de nullité de la stipulation d’intérêts et de substitution au taux conventionnel du taux légal.

- Sur la demande de déchéance du droit aux intérêts, à titre principal, de dire cette demande irrecevable pour cause de prescription et, à titre subsidiaire, de débouter les époux de cette demande

- En tout état de cause, de débouter les époux X. de leurs demandes, de dire que l’exécution provisoire n’est pas compatible avec la nature de l’affaire et débouter les requérants de leur demande de condamnation au titre des frais irrépétibles.

[*]

L’ordonnance de clôture est intervenue le 12 septembre 2023 et l’affaire a été renvoyée pour plaidoirie à l’audience du 7 novembre 2023.

Par message RPVA du 15 janvier 2024, la BNP PPF a adressé une note en délibéré.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

L’envoi d’aucune note en délibéré n’a été autorisé.

 

Sur la recevabilité de la demande fondée sur le manquement de la BNP PPF à son obligation d’information :

La banque fait valoir en premier lieu que les emprunteurs ont été indemnisés de leur préjudice financier qu’ils estiment avoir subi du fait des pratiques commerciales trompeuses de la banque devant le juge pénal puisqu'il leur a été a alloué à ce titre la somme de 110 994,95 euros. Elle rappelle que cette somme a été calculée afin de neutraliser tout effet de la variation du taux de change et de placer les emprunteurs dans la situation dans laquelle ils auraient été s’ils avaient souscrit un prêt à taux fixe en euros.

Elle en conclut que dans la mesure où un même préjudice ne peut être réparé deux fois, les époux X. sont dépourvus d’intérêt à agir et donc irrecevables en leur demande.

En second lieu, la banque estime que cette demande est irrecevable pour cause de prescription, en application de l’article 2224 du code civil, alors que le point de départ de ce délai quinquennal de prescription est le jour de la découverte des faits permettant d’agir en responsabilité contractuelle contre le prêteur, soit, en l'espèce, à compter de la date de conclusion du prêt, le 20 juin 2008.

Or, elle relève que les emprunteurs n'ont soulevé le prétendu manquement de la banque à son obligation d’information que par des conclusions du 11 décembre 2014.

Ceci étant rappelé.

Les époux X. ne répliquent pas à la première fin de non-recevoir soulevée par la BNP PPF.

En outre, à l'appui de leur demande tendant à condamner la banque à leur payer la somme de 44 772,64 euros (ou 44 774,64 euros dans le dispositif de leurs conclusions), ils précisent que leur préjudice au titre du manquement à l'obligation d’information consiste en une perte de chance de contracter un autre prêt et d’échapper au risque d’avoir à faire face à une augmentation du capital prêté exprimé en euros.

Ils n'établissent donc pas que ce préjudice serait distinct de celui déjà indemnisé par le jugement correctionnel, alors que la somme qui leur a déjà été allouée a pour objectif de supprimer tout effet de la variation du taux de change, étant ajouté que c'est le risque de change, ainsi qu'il sera retenu plus loin, qui a pour conséquence une augmentation du capital dû malgré les remboursements effectués.

Cette demande est par conséquent irrecevable.

 

Sur la recevabilité de la demande fondée sur le droit des clauses abusives, s'agissant de la clause relative à la variation du taux de change et de la clause relative à la variation du taux d’intérêt :

Sur la clause relative à la variation du taux de change, la BNP PPF soutient l’irrecevabilité de cette demande, pour défaut d'intérêt à agir, en ce que l’indemnisation du préjudice financier alloué par le tribunal correctionnel correspond à la restitution aux emprunteurs de l’effet de la variation du taux de change qu'ils ont supporté, sauf à procurer un enrichissement aux époux X.. Elle précise que cette indemnisation a eu pour effet de supprimer le déséquilibre significatif allégué par les demandeurs, du fait des conséquences de la variation du taux de change.

La banque ajoute que cette demande est également irrecevable, pour cause d'estoppel, en ce que les emprunteurs ont soutenu devant le juge pénal, en leur qualité de partie civile, l'application de la clause relative à la variation du taux de change, alors que dans le cadre de la présente instance ils sollicitent que cette même clause soit jugée non écrite.

Sur la clause relative à la variation du taux d’intérêt, la BNP PPF fait valoir que les époux X. se contentent de soutenir que cette clause n'est pas claire et compréhensible, sans alléguer qu'elle crée un déséquilibre significatif, alors qu’en l'espèce cette clause leur a permis de bénéficier d’un taux d’intérêt qui n’a fait que diminuer.

Ceci étant rappelé.

La question de savoir si les clauses susvisées créent ou non un déséquilibre significatif entre les obligations des parties, au détriment des emprunteurs, relève du fond du droit et ne constitue pas une fin de non-recevoir pour défaut d'intérêt à agir.

Dans tous les cas, les restitutions réciproques ordonnées du fait du caractère abusif des clauses du contrat du prêt, anéantissant ce contrat, n'ont pour objet que de remettre les parties dans la situation dans laquelle elles se seraient trouvées si elles n’avaient pas conclu.

Ces restitutions sont donc sans lien avec la réparation d'un préjudice financier ordonnée par le juge correctionnel, dans le cadre de l'instance pénale en cours précédemment rappelée. Il en est d'ailleurs pour preuve que, selon la situation respective des parties, la banque peut se trouver créancière dans le cadre de ces restitutions, ce qui est le cas en l'espèce, comme il sera retenu plus loin.

Par ailleurs, la fin de non-recevoir tirée de l'estoppel n'est applicable qu'au cours d’une même instance, alors que la banque soulève cette fin de non-recevoir au vu de l’attitude procédurale des emprunteurs au cours de l'instance pénale ainsi que dans le cadre de la présente instance.

Les époux X. sont donc recevables en leur demande fondée sur les clauses abusives.

 

Sur la demande tendant à voir déclarer abusives les clauses n°1 à 5 du contrat de prêt :

Les époux X. font valoir que le contrat de prêt comporte une clause d’indexation implicite au sens des articles L. 111-1 et L. 112-2 du code monétaire et financier, résultant de la combinaison des clauses n°1 à 5 du prêt, dès lors que la monnaie de compte et la monnaie de paiement étaient différentes, soulignant que cette clause relève de l'objet principal du contrat.

Ils affirment que cette clause revêt un caractère abusif, au sens des dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code de la consommation, devenus L. 212-1 et suivants, en ce qu’elle n’est ni claire, ni compréhensible.

Ils ajoutent que par l’effet des fluctuations du taux de change, les mensualités du prêt sont susceptibles d’augmenter sans plafond lors des cinq dernières années du prêt, alors que le contrat de prêt ne contient aucune notice sur des hypothèses de variation du taux de change et leur impact sur le remboursement du prêt.

Ils précisent que les variations du taux de change ne sont pas subies réciproquement. Ils font valoir sur ce point que dès lors qu’il s’agit d’un emprunt souscrit en francs suisses, en cas d’une dépréciation de cette monnaie par rapport à l’euro, il peut advenir une diminution de la durée et de la charge de remboursement mais notent que la banque sera remboursée dans tous les cas de la totalité de la somme prêtée, ne s’exposant qu’à recevoir une somme moindre au titre des intérêts, alors qu'eux-même supportent exclusivement le risque de change qui est illimité.

Les emprunteurs estiment dès lors que la clause crée un déséquilibre significatif à leur seul détriment.

En outre, ils relèvent que la note du cabinet Finexsi sur le TEG établie à la demande de la BNP PPF est critiquable et n’est pas probante.

En réponse, la BNP PPF soutient que les clauses relatives au risque de change ne peuvent être soumises au contrôle des clauses abusives dans la mesure où, ayant trait au remboursement du montant mis à disposition de l’emprunteur, elles relèvent de l’objet principal du contrat et sont rédigées de manière claire et compréhensible.

Elle considère que ces clauses satisfont à l’exigence de transparence, dans la mesure où la lecture de l’offre de prêt permet à un consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé de comprendre nécessairement qu’un prêt libellé en francs suisses et remboursable en euros entraîne un risque de change, en sa faveur ou en sa défaveur.

Elle précise que le mécanisme d’ajustement de la variation est clair et compréhensible : c'est la durée initiale d’amortissement du prêt qui est réduite sans limite ou augmentée dans la limite de 5 ans ; la mensualité reste constante et ne peut être augmentée que dans l’hypothèse où la période complémentaire de 5 ans serait insuffisante pour un complet remboursement du prêt.

Elle en conclut que les stipulations du prêt ont mis l’emprunteur en mesure d’évaluer les conséquences économiques potentiellement significatives de la clause de monnaie de compte sur ses obligations financières.

De plus, elle soutient que les clauses critiquées ne créent pas de déséquilibre significatif au détriment du consommateur. Elle fait valoir à cet égard que l'offre de prêt prévoit deux mécanismes qui permettent à l’emprunteur de limiter son exposition au risque de change : il a la possibilité de convertir son prêt en euros à taux fixe ou à taux variable tous les 3 ans ( clause « Options pour un changement de monnaie de compte ») et il peut aussi rembourser son prêt de façon anticipée à tout moment ( clause « Remboursement anticipé »).

Elle ajoute que la note du cabinet d’experts financiers Finexsi démontre que la situation des emprunteurs ayant souscrit un prêt Helvet Immo est comparable à celle dans laquelle ils se seraient trouvés s'ils avaient souscrit, à la même époque, un prêt en euros à taux fixe, exempt de toute variation du taux de change et du taux d’intérêt.

Ceci étant rappelé,

Les époux X. soutiennent que les clauses n°1 à 5 et dont il n’est pas contesté qu’elles constituent, ensemble, une clause implicite d’indexation, sont abusives.

Ces clauses sont ainsi rédigées :

« DESCRIPTION DE VOTRE CREDIT

Le montant du crédit est de 437 135,13 francs suisses

Il correspond au montant du financement en euros de votre projet et des frais de change relatifs à l'opération de change du montant de votre crédit en euros qui seront prélevés lors du déblocage des fonds au notaire

La durée initiale est égale à 25 ans (voir "remboursement de votre crédit")

L'objet est le suivant : Acquisition d'un appartement à usage locatif à [Localité 6], [Adresse 5]

FINANCEMENT DE VOTRE CREDIT

Votre crédit est financé par un emprunt souscrit en francs suisses par le Prêteur sur les marchés monétaires internationaux de devises.

Cet emprunt en francs suisses vous permet de bénéficier du taux d'intérêt défini aux présentes (voir "Charges de votre crédit").

Selon les modalités définies à l'article "Opérations de change", le montant en francs suisses de votre crédit permettra de libérer la somme de 267 500 euros chez le notaire le jour de la signature de l'acte de prêt et de payer les frais de change correspondant à cette opération, soit 4 012,50 euros.

OUVERTURE D'UN COMPTE INTERNE EN EUROS ET D'UN COMPTE INTERNE EN FRANCS SUISSES POUR GERER VOTRE CREDIT

Votre crédit sera géré :

- d'une part, en francs suisses (monnaie de compte) pour connaître à tout moment l'état de remboursement de votre crédit,

- et d'autre part, en euros (monnaie de paiement) pour permettre le paiement de vos échéances de votre crédit.

Dès réception de votre acceptation de l'offre, le Prêteur ouvrira un compte interne en euros et un compte interne en francs suisses à votre nom pour gérer votre crédit. Ces comptes ne constituent pas des comptes de dépôt.

* COMPTE INTERNE EN EUROS

Y seront inscrits en euros :

* au crédit,

- vos règlements mensuels en euros, valeur au jour de la réception des fonds par le Prêteur. Le montant de vos règlements, après paiement des charges annexes ci dessous, sera converti en francs suisses, selon les modalités définies à l'article "Opérations de change", et inscrit au crédit du compte interne en francs suisses.

* au débit,

- les charges annexes :

- les primes d’assurance, valeur au jour de l’arrêté de compte,

- les frais de tenue de compte, au jour de l'arrêté de compte,

- les frais de change, valeur au jour des versements effectués par le Prêteur au titre du versement du crédit et valeur au jour de la réception de vos règlements par le Prêteur.

- en cas d'exercice d'une des options de changement de monnaie de compte selon les modalités définies au paragraphe "Options pour un changement de monnaie de compte :

- le solde débiteur du compte interne en francs suisses converti en euros, et les frais de change, selon les modalités définies au paragraphe "Opérations de change", valeur au jour de son inscription par le Prêteur au débit du compte interne en euros.

- les intérêts, valeur du jour de l'arrêté de compte.

La date d'arrêté de compte est fixée au 10 de chaque mois.

Avant le 15 février de chaque année, vous recevrez une situation de compte vous donnant le solde débiteur de votre compte interne en francs suisses et le montant des intérêts payés en francs suisses et en euros au titre de l'année civile écoulée.

* COMPTE INTERNE EN FRANCS SUISSES

Y seront inscrits en francs suisses :

* au crédit,

- les sommes en francs suisses correspondant au solde de vos règlements mensuels en euros après opération de change en francs suisses selon les modalités décrites au paragraphe "Opérations de change", valeur au jour de la réception de vos règlements en euros par le Prêteur.

* au débit,

- les versements effectués par le Prêteur, via le compte interne en euros, au titre du déblocage du crédit, valeur à la date d'émission des chèques.

- les frais de change liés au déblocage de votre prêt en euros.

- les intérêts, valeur au jour de l'arrêté de compte.

OPERATIONS DE CHANGE

Le prêt, objet de la présente offre, est un prêt de francs suisses. Ne s'agissant pas d'une opération de crédit international, vos versements au titre de ce prêt ne peuvent être effectués qu'en euros pour un remboursement de francs suisses.

En conséquence, il est expressément convenu et accepté que les frais de change occasionnés par les opérations décrites ci-dessous font partie intégrante des règlements en euros et des opérations de changement de monnaie de compte, frais sans lesquels le prêt n'aurait pas été octroyé en francs suisses.

En acceptant la présente offre de crédit, vous acceptez les opérations de change de francs suisses en euros et d'euros en francs suisses nécessaires au fonctionnement et au remboursement de votre crédit tels que précisés au sein de cette offre.

Nous attitrons particulièrement votre attention sur le fait que, si au cours de la vie de votre crédit, vous résidez dans un pays dont la monnaie nationale n'est pas l'euro et que, de ce fait, vous ne disposez pas des euros nécessaires à la réalisation de vos versements dans cette devise, il vous appartient de vous procurer ces euros par tous moyens à votre convenance, sans intervention du Prêteur.

Dans le cas où vous réalisez à cette occasion une ou des opérations de change, les frais et risques y afférents seront entièrement à votre charge.

Le montant de votre prêt, qui comprend les frais de change relatifs à l'opération de change du montant de votre crédit de francs suisses en euros est fixé selon le taux de change de 1 euro contre 1,61 francs suisses. Ce taux est invariable jusqu'au déblocage complet de votre crédit de sorte que le montant du financement en euros est arrêté définitivement. Le tableau d'amortissement joint à la présente offre de prêt a été établi sur la base de ce même taux de change.

Il est précisé que le taux de change applicable à la fixation du financement en euros de la présente opération n'est valable que 40 jours à dater de la réception de la présente offre par vous-même de sorte que toute nouvelle offre rééditée au titre de la présente opération postérieurement à ce délai comportera une nouvelle fixation du taux de change dans les conditions ci-dessus.

Par ailleurs, les opérations de change suivantes seront réalisées par le Prêteur au cours de la vie de votre crédit :

- la conversion en francs suisses du solde de vos règlements mensuels en euros après paiement des charges annexes de votre crédit. Cette opération de change sera effectuée au taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant l’arrêté de compte.

- la conversion en euros du solde débiteur du compte interne en francs suisses en cas d’exercice d’une des deux options définies à l’article “Options pour un changement de monnaie de compte”. Cette opération de change sera effectuée au taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant la date du changement de monnaie de compte.

- la conversion en francs suisses de votre remboursement en euros en cas de remboursement anticipé total ou partiel de votre crédit, à une période où la monnaie de compte de votre crédit est toujours le franc suisse selon les modalités définies au paragraphe“Remboursement anticipé”. Cette opération de change sera effectuée au taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant la date de réception de votre remboursement anticipé.

- en cas de défaillance de l’emprunteur [...] à une période où la monnaie de compte de votre crédit est toujours le franc suisse, cette monnaie de compte pourra à tout moment et unilatéralement être changée par le prêteur et remplacée par l’euro.

Ainsi votre crédit sera transformé d’office en prêt à taux révisable en euros suivant les conditions décrites au paragraphe “Options pour un changement de monnaie de compte”. Cette opération de change sera effectuée au taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant la date du changement de monnaie de compte.

Le taux de change applicable à toutes les opérations de change intervenant au cours de la vie de votre crédit sera le taux de change de référence, publié sur le site Internet de la Banque Centrale Européenne (suit l’adresse du site internet)

Les frais de change appliqués à chaque opération de change sont égaux à 1,50 % toutes taxes éventuelles comprises du montant à convertir.

REMBOURSEMENT DE VOTRE CREDIT

Montant de vos règlements mensuels

>Monnaie de paiement

La monnaie de paiement de votre crédit sera l’euro. Vos règlements mensuels se feront en euros

>Règlements mensuels

- De la date d’ouverture du compte jusqu’au premier versement du crédit, vous n'avez aucun règlement à effectuer.

La commission d'ouverture de 460 euros est payable à l'échéance suivant immédiatement la première utilisation du crédit

- Après le premier versement, vos règlements seront :

pendant les 36 premiers mois de différé partiel de règlement, d'un montant de 934,29 euros (assurance initiale et frais de change inclus)

Ce règlement peut varier en fonction des révisions des primes d'assurance, selon les modalités prévues dans la notice d'assurance jointe à l'offre

pendant les 264 mois suivants, d'un montant initial de 1 591,18 euros (assurance initiale et frais de change inclus)

Vous pourrez, si vous le souhaitez et sur simple demande ne pas attendre le terme des 36 mois suivant le premier versement du crédit pour commencer à effectuer les règlements ci dessus. En utilisant cette possibilité vous rembourserez plus rapidement le solde de votre compte.

Ces montants sont déterminés par application d’un taux de change de 1 euro contre 1,61 francs suisses sur le montant des échéances en francs suisses, en capital et intérêts, auquel sont ajoutées les charges annexes de votre crédit telles que déterminées ci-dessous.

>Amortissement du capital

L’amortissement du capital de votre prêt évoluera en fonction des variations du taux de change appliqué à vos règlements mensuels après paiement des charges annexes selon les modalités définies au paragraphe “Opérations de change”

- s’il résulte de l’opération de change une somme inférieure à l’échéance en francs suisses exigible l’amortissement du capital sera moins rapide et l’éventuelle part de capital non amorti au titre d’une échéance de votre crédit sera inscrite au solde débiteur de votre compte interne en francs suisses.

- s’il résulte de l’opération de change une somme supérieure à l’échéance en francs suisses exigible l’amortissement du capital sera plus rapide et vous rembourserez plus rapidement votre crédit.

En tout état de cause, les opérations de crédit sur le compte en francs suisses seront affectées prioritairement :

- au paiement des intérêts de l'échéance ;

- à l'amortissement du prêt.

> Impact des variations de taux d'intérêt sur le montant de vos règlements en euros.

A chaque 5ème anniversaire de votre premier règlement au titre du présent crédit, le taux d'intérêt de votre crédit sera révisé (voir "Charges de votre crédit"), et vous en serez avisé un mois à l'avance.

Sur la base des sommes restant dues sur le compte en francs suisses, de la durée résiduelle initiale de votre crédit, et du nouveau taux d'intérêt applicable, sera déterminé un nouveau montant d'échéance théorique en francs suisses.

Cette nouvelle échéance théorique sera alors convertie en euros, sur la base du taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant la date de la révision du taux d'intérêt de votre crédit, pour obtenir un nouveau montant de règlement mensuel théorique en euros.

- Si le montant de ce règlement mensuel théorique est inférieur au règlement mensuel en euros précédemment payé, le montant de vos règlements en euros restera néanmoins inchangé, la durée de votre crédit sera raccourcie et vous rembourserez plus rapidement.

- Si le montant de ce règlement mensuel théorique est supérieur au règlement mensuel en euros précédemment payé, le montant de vos règlements en euros restera également inchangé mais la durée de votre crédit sera allongée. Néanmoins si le maintien du montant de vos règlements en euros ne permettait pas de régler la totalité du solde de votre compte sur la durée résiduelle initiale majorée de 5 années, vos règlements en euros seraient alors augmentés.

Dans cette hypothèse, cette augmentation de vos règlements en euros sera établie de manière à permettre de régler le solde de votre compte sur la durée résiduelle initiale du crédit majorée de 5 années.

Toutefois, cette majoration ne pourra être supérieure à l'augmentation annuelle de l'indice INSEE des prix à la consommation (série France entière hors tabac) sur la période des 5 dernières années précédant la révision du taux d'intérêt.

Si au terme de la durée initiale de votre crédit, le solde de votre compte n'était pas apuré, la durée de votre crédit sera allongée dans la limite de 5 ans. Le taux d'intérêt de votre crédit sera alors révisé (voir "Charges de votre crédit") et vos échéances en francs suisses et vos règlements en euros correspondants, déterminés sur la base du taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant la fin de la durée initiale de votre crédit, seront recalculés pour permettre le remboursement en totalité de votre crédit au plus tard à la fin de la période complémentaire de 5 ans (hors report éventuel au titre du report chômage et/ou de l'arriéré résultant de règlements impayés).

Puis, le cas échéant, à chaque date anniversaire de votre crédit et pour la première fois à la fin de la première année de prolongation, toujours pour permettre le remboursement en totalité de votre crédit au plus tard à la fin de la période complémentaire de 5 ans :

- vos échéances en francs suisses seront augmentées en nombre et/ou en montant si vos règlements effectifs en euros de l'année écoulée n'ont pas permis de les régler intégralement compte tenu du taux de change applicable durant cette période,

- vos règlements en euros correspondant aux échéances en francs suisses seront déterminés sur la base du taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant chaque date anniversaire de votre crédit.

Durant cette période complémentaire de 5 ans, le montant de vos règlements ne pourra être inférieur à celui de l'année précédente. Si à la fin de la 5ème année de prolongation, il subsiste un solde débiteur sur votre compte provenant d'un report éventuel au titre du chômage et/ou de l'arriéré résultant de règlements impayés, vous poursuivrez vos règlements jusqu'au paiement complet du solde.

 

En vertu de l’article L. 132-1 du code de la consommation, issu de la transposition de la directive n°93/13/CE du 5 avril 1993, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat. L’appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l’objet principal du contrat, pour autant qu’elles soient rédigées de façon claire et compréhensible.

Il en résulte que lorsqu’une clause définit l’objet principal du contrat, elle échappe au mécanisme des clauses abusives, à condition d’être rédigée de façon claire et compréhensible. Définissent l’objet principal du contrat les clauses qui fixent les prestations essentielles de ce contrat et qui, comme telles, caractérisent celui-ci.

En l’espèce, il est acquis aux débats que les cinq clauses litigieuses définissent l’objet principal du contrat puisqu’elles décrivent l’obligation principale des emprunteurs.

S’agissant de l’appréciation du caractère clair et compréhensible de ces clauses, la CJUE a dit pour droit, par deux arrêts en date du 10 juin 2021, que l’article 4§2 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d’un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l’exigence de transparence des clauses de ce contrat qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l’euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l’emprunteur, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat.

Elle a rappelé, aux termes de ces arrêts, que l’exigence de transparence doit être comprise comme imposant non seulement que la clause concernée soit intelligible pour le consommateur sur les plans formel et grammatical, mais également qu’un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, soit mis en mesure de comprendre le fonctionnement concret de cette clause et d’évaluer ainsi, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques, potentiellement significatives, d’une telle clause sur ses obligations financières, ce qui implique notamment que le contrat doit exposer de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel la clause concernée fait référence, ainsi que, le cas échéant, la relation entre ce mécanisme et celui prescrit par d’autres clauses.

La charge de la preuve du caractère clair et compréhensible des clauses concernées incombe au professionnel.

En l’espèce, est discutée l’intelligibilité des clauses n°1 à 5 du prêt en ce qu’elles ne comporteraient pas d’avertissement suffisant sur les risques engendrés par le mécanisme financier qu’elles contiennent.

La clause « Remboursement de votre crédit » explique que l'amortissement du prêt peut être plus ou moins rapide selon l'évolution du taux de change, tout en indiquant que le crédit peut être allongé d'une période de cinq ans pour permettre le remboursement du solde restant dû. Toutefois, en évoquant uniquement le ralentissement de l'amortissement du capital du prêt, le contrat n'explicite pas le risque d'augmentation de la dette résultant de l'augmentation du capital restant dû. À aucun moment, les clauses n°1 à 5 n'évoquent ce risque d'augmentation de la contre-valeur en euros du capital restant dû et du risque corrélatif d'une augmentation de la dette qui n'est pas limitée.

Le paiement d'échéances fixes en euros et la possibilité d'un allongement de la durée d'amortissement impliquent un risque d'augmentation de la contre-valeur en euros du capital restant dû en francs suisses, alors que ce risque n'est pas présenté dans les clauses litigieuses, seule la durée de l'amortissement du capital étant mentionnée.

Il ne saurait être attendu d'un consommateur raisonnablement attentif et avisé qu'il comprenne le risque d'augmentation du capital restant dû à la lecture des clauses expliquant le fonctionnement du mécanisme de change. L'emprunteur peut d'autant moins être alerté sur ce risque que la banque a joint au contrat de crédit un tableau d'amortissement en précisant seulement « Le tableau d'amortissement joint à la présente offre de prêt a été établi sur la base de ce même taux de change » dans la clause « Opérations de change ».

Or, il n'est pas précisé que ce tableau d'amortissement est purement théorique puisque la part d'intérêts et de capital amorti variera nécessairement à chaque échéance. Ainsi, le risque d'accroissement de l’endettement n'est pas explicité, pas plus que son caractère illimité. L’emprunteur ne pouvait dès lors évaluer le risque d'endettement résultant de la signature de ce contrat de crédit.

Sur l'évolution de la parité euros/francs suisses, il appartenait à la banque, en sa qualité de professionnel, d'envisager et d'informer le consommateur de toutes les évolutions possibles de cette parité, en particulier les risques encourus en cas de dépréciation significative de l’euro.

Sur le risque de change, l’expression « risque de change » n’est jamais utilisée d'une manière générale. Elle n'est évoquée que dans une hypothèse particulière, lorsque le consommateur déménage hors de la zone euro et devra alors lui-même acquérir des euros pour procéder aux paiements mensuels. Cela démontre que la banque pouvait insérer un avertissement explicite sur le risque de change en général, ce qu'elle a délibérément choisi de ne pas faire.

Il ne saurait être retenu que la clause « Remboursement de votre crédit » informe suffisamment de la durée du prêt de cinq ans et de l'augmentation du montant des échéances, alors que lorsque le risque de change inhérent au contrat se réalise, cela a pour conséquence, non seulement une augmentation de la durée du prêt de cinq années maximum mais, si le paiement de la mensualité fixe sur cette période complémentaire ne suffit pas à apurer le prêt, la mensualité est alors déplafonnée.

La banque ne justifie pas d'une information utile du consommateur sur ce point, en particulier en cas de forte dépréciation de l'euro par rapport au franc suisse.

Il en résulte que les effets de l’évolution de la parité entre l’euro et le franc suisse ne sont pas mis en relief ni suffisamment explicités aux termes du contrat et dans les documents annexes communiqués aux emprunteurs, de telle sorte que ces derniers puissent envisager concrètement l’incidence économique potentiellement significative d’une évolution défavorable de la parité des monnaies sur leurs obligations et évaluer, en toute connaissance de cause, le risque auquel ils acceptent de s’exposer, le cas échéant.

Par conséquent, ces clauses ne constituent pas un ensemble clair et compréhensible au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation.

Il convient, dès lors, d’examiner si elles ont pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les obligations des parties au contrat, au détriment de l’emprunteur.

À cet égard, la CJUE a également dit pour droit, dans les deux arrêts précités du 10 juin 2021, que l’article 3§1 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que les clauses d’un contrat de prêt qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l’euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change, sans qu’il soit plafonné, sur l’emprunteur, sont susceptibles de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant dudit contrat au détriment du consommateur, dès lors que le professionnel ne pouvait raisonnablement s’attendre, en respectant l’exigence de transparence à l’égard du consommateur, à ce que ce dernier accepte, à la suite d’une négociation individuelle, un risque disproportionné de change qui résulte de telles clauses.

Elle a rappelé, en ce qui concerne l’appréciation du caractère abusif d’une clause contractuelle, qu’il incombe au juge national de déterminer, en tenant compte des critères énoncés à l’article 3§1, ainsi qu’à l’article 5 de la directive 93/13, si, eu égard aux circonstances propres au cas d’espèce, une telle clause satisfait aux exigences de bonne foi, d’équilibre et de transparence posées par cette directive.

En l’espèce, ainsi que cela a été précédemment retenu, le contrat de prêt expose l’emprunteur à un risque financier du fait de la parité des monnaies de compte et de paiement mais sans que ce risque ne soit plafonné lors de la dernière période éventuelle de remboursement.

Il s’en déduit que la BNP PPF ne pouvait s’attendre, si l’emprunteur avait été normalement informé du fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et mis en mesure d’évaluer les conséquences économiques négatives potentielles, à ce que ce dernier accepte le risque disproportionné qui résulte de ces clauses.

C'est à tort que la banque soutient que la possibilité de convertir le prêt en euros à taux fixe ou à taux variable tous les trois ou cinq ans ( clause « Options pour un changement de monnaie de compte ») et la possibilité de rembourser le prêt de façon anticipée à tout moment ( clause « Remboursement anticipé »), ont le même effet qu'un plafond, de sorte qu'il n'existe aucun déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties.

En effet, outre le fait que le contrat est en principe exécuté en dehors des levées d’option, ces options ne sont pas nécessairement de nature à effacer les effets de réalisation du risque au moment de leur exercice. En outre, la première de ces options ne peut être exercée que lors de la survenance d'échéances précises, étant ajouté qu'elle met à la charge de l'emprunteur le paiement de frais de conversion et de frais de change. Quant à la seconde option, son exercice dépend des capacités financières de l’emprunteur.

La banque fait par ailleurs valoir que les coûts mis à la charge de l’emprunteur par les clauses relatives au risque de change ne traduisent aucun déséquilibre significatif puisque la note du cabinet Finexsi démontre que la situation des emprunteurs en général est comparable à celle dans laquelle ils se seraient trouvés en ayant souscrit à la même époque un prêt en euros à taux fixe.

Cependant, la démonstration du cabinet Finexsi inclut la variation du taux d’intérêt alors qu’est ici en cause le déséquilibre lié au seul taux de change, constituant une variable distincte, résultant de clauses spécifiques seules examinées ici.

Au demeurant, ces éléments allégués par la banque sont extrinsèques aux droits et obligations des parties au contrat qui constituent le champ dans lequel doit être apprécié le déséquilibre significatif.

En effet, le caractère abusif de la clause doit être apprécié à la date de conclusion du contrat, peu important les conditions de son exécution.

Il n'est par conséquent nullement démontré que le déséquilibre en défaveur des emprunteurs, que ces derniers n’ont d'ailleurs pas pu appréhender d'une manière claire, ne serait pas significatif.

Par conséquent, les clauses n°1 à 5 seront déclarées abusives, en ce qu’elles font encourir aux emprunteurs, en méconnaissance de cause, un risque tenant à la parité des monnaies de compte et de paiement.

 

Sur les conséquences de la reconnaissance du caractère abusif des clauses n°1 à 5 :

Les époux X. soutiennent que les clauses n°1 à 5 du contrat de prêt, dont le caractère abusif est établi, sont réputées non écrites au jour de la souscription et en déduisent que le contrat de prêt doit être anéanti rétroactivement, du moment que les clauses ainsi écartées constituent des éléments essentiels de celui-ci.

Ils affirment que ces clauses, qui participent d’un ensemble indivisible, déterminent l’objet principal du contrat, lequel ne peut être juridiquement maintenu sans ces stipulations.

En réponse la BNP PPF soutient que seule la clause de remboursement de cinq années supplémentaires non plafonnée pourrait être reconnue abusive, afin de rétablir l’équilibre entre les droits et obligations des parties.

Elle ajoute que, de même, seules les stipulations relatives à la variation du taux de change et à la variation du taux d’intérêt peuvent être réputées non écrites, le prêt pouvant être maintenu et exécuté depuis sa souscription comme s’il avait été souscrit en euros à taux d’intérêt fixe.

Elle souligne que l’anéantissement rétroactif du prêt reviendrait à placer les époux X. dans la situation d’un prêt en euros à taux zéro et leur conférerait un enrichissement sans cause.

Ceci étant rappelé.

L’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, dispose que « Les clauses abusives sont réputées non écrites. […] Les dispositions du présent article sont d’ordre public ». Elles sont donc privées de tout effet pour l’avenir, mais également de manière rétroactive, dès l’origine du contrat dès lors qu’elles ne lient pas le consommateur.

Ce même texte ajoute que « Le contrat reste applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s’il peut subsister sans ces clauses.».

La constatation du caractère abusif d’une clause, qui est donc réputée non écrite, implique que le consommateur soit replacé dans la situation de droit et de fait dans laquelle il se serait trouvé en son absence. Si le contrat peut subsister sans ladite clause, celle-ci est simplement privée d'effet ab initio. Si, au contraire, le contrat ne peut pas subsister sans cette clause, il doit être anéanti dans son entier.

En l’espèce, les clauses n°1 à 5 reconnues abusives doivent être réputées non-écrites et les époux X. doivent se retrouver dans une situation qui aurait été la leur si les clauses n’avaient jamais existé.

Or, il est acquis aux débats que lesdites clauses constituent l’objet principal du contrat. En outre, leur lecture et analyse révèlent qu’elles forment un tout indivisible. Les modalités de remboursement stipulées au contrat et les opérations de change nécessaires n’étant pas maintenues, alors que le montant du prêt est en francs suisses, l’entièreté du prêt est affectée.

La suppression du mécanisme de déplafonnement n’aurait pour effet que de limiter l’ampleur de la réalisation du risque de change, pour les seuls consommateurs exécutant leur contrat jusqu’à son terme.

Ce cantonnement de la reconnaissance du caractère abusif ne saurait donc être retenu, alors que la réalisation du risque de change ne découle pas uniquement de l’exécution de cette clause. En effet, cette stipulation ne constitue qu’une modalité de paiement du risque de change qui s’est réalisé.

De même et contrairement à ce que soutient la BNP PPF, il ne saurait être retenu que seules les stipulations relatives à la variation du taux de change et à la variation du taux d’intérêt soient jugées non écrites.

En effet, ces clauses participent à l’économie même du contrat de prêt, pour un prêt à intérêts indexé sur le franc suisse, de sorte qu'en l'absence de ces clauses le contrat de prêt ne peut pas subsister. Il n'appartient pas en outre au juge de réécrire les stipulations du contrat de prêt pour lui permettre d'être exécuté sans ces clauses.

La banque n'est par ailleurs pas fondée à affirmer que l'anéantissement rétroactif du prêt conduirait nécessairement à l'enrichissement sans cause des emprunteurs, alors qu'elle peut être créancière du solde dû à la suite des restitutions réciproques, comme c'est le cas en l'espèce, ainsi que cela sera retenu plus loin.

En conséquence, le contrat de crédit sera déclaré anéanti de manière rétroactive.

Il en résulte que les contestations des emprunteurs portant sur le taux d'intérêts sont sans objet.

 

Sur les demandes de restitution :

L’anéantissement rétroactif du contrat de prêt emporte remise en état des parties, qui sont replacées dans la situation dans laquelle elles se seraient trouvées si elles ne l’avaient pas conclu, en opérant une compensation entre les créances de restitution réciproques suivantes :

- la créance de la banque, correspondant au montant du capital emprunté en euros ;

- la créance des emprunteurs, correspondant à l’ensemble des versements effectués en euros.

Les époux X. devront restituer à la banque la contre-valeur en euros du capital libéré en francs suisses par application du taux de change initial rappelé par le contrat, dans la mesure où c’est la somme qu’ils ont effectivement perçues en euros lors du déblocage des fonds.

Au vu des mentions du contrat de prêt, ils ont emprunté la somme de 437 135 francs suisses, soit une contre-valeur en euros d'un montant de 267 500 euros au taux de change prévu lors du déblocage des fonds, somme à laquelle doivent être ajoutés les frais de change lors de ce déblocage, à hauteur de 4 012,50 euros, soit un total de 271 512,50 euros.

Contrairement à ce que soutiennent les demandeurs, ils doivent rembourser ces frais de change puisqu'ils sont inclus dans le montant emprunté.

Du côté des emprunteurs, la créance de restitution devra correspondre à l’ensemble des versements qu’ils ont effectués auprès de la banque, durant l’exécution du contrat de prêt.

Sur ce point, la BNP PPF précise que les époux X. lui ont versé la somme totale de 262 931,73 euros au 5 septembre 2023. Les frais de tenue de compte d’un montant annuel de 31 euros, non justifiés, ne seront pas retenus. Sous cette réserve, cette somme totale n'est pas contestée par les emprunteurs.

Les restitutions réciproques ordonnées étant sans lien avec la réparation d'un préjudice financier et/ou moral, la BNP PPF sera déboutée de sa demande aux fins de voir diminuer la créance des emprunteurs des sommes qu'ils ont perçues dans le cadre de l'instance pénale, en réparation de leurs préjudices.

Après compensation entre ces deux créances réciproques, il en résulte un solde de 8 580,77 euros au 5 septembre 2023 en faveur de la banque, que les époux X. seront condamnés à payer.

 

Sur la demande de dommages-intérêts formée au titre du préjudice moral :

Les époux X. soutiennent qu'ils n’ont eu de cesse de voir leur dette augmenter au fil des années, ce qui leur a occasionné des tracas au quotidien.

Ils ne s'opposent pas à ce que soit déduit du quantum de la somme réclamée, celle qui leur a été attribuée par le jugement correctionnel du 26 février 2020.

Cependant, les requérants ne justifient pas de l’existence d’un préjudice moral distinct de celui indemnisé dans le cadre de leur action civile devant le tribunal correctionnel, à hauteur de la somme de 5 000 euros chacun.

Ils seront donc déboutés de cette demande.

 

Sur le maintien de l'inscription hypothécaire :

Dès lors que les emprunteurs ne sollicitent pas la mainlevée de l'inscription hypothécaire grevant le bien financé par le contrat de prêt, la demande de maintien de cette mesure formée par la BNP PPF ne constitue pas une prétention.

Sur les frais irrépétibles :

Au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, la BNP PPF sera condamnée à payer la somme de 10 000 euros.

 

Sur l’exécution provisoire :

La BNP PPF s’oppose au prononcé de l’exécution provisoire, en soutenant qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. Elle expose que l’anéantissement rétroactif du contrat avec exécution provisoire emporterait des conséquences irréversibles pour elle.

Cependant, aucune considération ne justifie de ne pas prononcer l'exécution provisoire du jugement, sollicitée par les époux X., en particulier au vu de l'ancienneté de l'affaire.

En outre, le risque d’insolvabilité des emprunteurs en cas d’infirmation du jugement n’est nullement établi.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe

DIT M. X. et Mme Y., épouse X., irrecevables en leur demande fondée sur le manquement de la SA BNP Paribas Personal Finance à son obligation d’information ;

DIT M. X. et Mme Y., épouse X., recevables en leur demande fondée sur les clauses abusives ;

DIT que les clauses n°1 à 5 du contrat de prêt du 20 juin 2008, intitulées « Description de votre crédit », « Financement de votre crédit », « Ouverture d’un compte interne en euros et d’un compte interne en francs suisses pour gérer votre crédit », « Opérations de change » et « Remboursement de votre crédit », sont abusives et réputées non écrites ;

PRONONCE l’anéantissement rétroactif de ce contrat ;

CONDAMNE en conséquence M. X. et Mme Y., épouse X., à payer à la SA BNP Paribas Personal Finance la somme de 8 580,77 euros, arrêtée au 5 septembre 2023 ;

DÉBOUTE les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires ;

CONDAMNE la SA BNP Paribas Personal Finance aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SA BNP Paribas Personal Finance à payer à M. X. et Mme Y., épouse X., la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

ORDONNE l'exécution provisoire ;

Fait et jugé à Paris le 16 janvier 2024

Le Greffier    Le Président

 

Est cité par :