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CA TOULOUSE (3e ch. 1re sect.), 25 septembre 2007

Nature : Décision
Titre : CA TOULOUSE (3e ch. 1re sect.), 25 septembre 2007
Pays : France
Juridiction : Toulouse (CA), 3e ch. sect. 1
Demande : 06/02410
Date : 25/09/2007
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Legifrance
Date de la demande : 17/05/2006
Décision antérieure : TI MONTAUBAN, 19 avril 2006
Numéro de la décision : 487
Décision antérieure :
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1157

CA TOULOUSE (3e ch. 1re sect.), 25 septembre 2007 : RG n° 06/02410 ; arrêt n° 487

Publication : Legifrance ; Juris-Data n° 345679

 

Extraits : 1/ « En l’espèce, l’ordre de mission produit permet de constater que ces clauses sont rédigées de façon claire, la couleur marron du papier qui comporte des nuances plus ou moins foncées du haut au bas de la feuille n’empêchant pas de lire les caractères imprimés nettement, dont certains sont en gras. La rédaction de ces clauses est claire et est aisément compréhensible. Il s’ensuit que le juge ne peut apprécier le caractère abusif de ces clauses et l’action en nullité fondée sur les dispositions de l’article susvisé doit être déclarée irrecevable. »

2/ « Elle prétend qu’en effet le montant de la rémunération dépendrait d’éléments fixés par M. X. seul, en fonction de l’application de critères qui ne dépendent que de sa propre volonté. Toutefois, le paiement des honoraires est distinct de l’obligation que M. X. s’engage à exécuter et qui, elle, n’est affectée d’aucune condition potestative. Surtout, il convient de relever qu’un accord préalable sur le montant exact de la rémunération n’est pas un élément essentiel du contrat de louage d’ouvrage, contrat applicable en l’espèce. Dès lors cet élément du contrat, même s’il était considéré comme affecté d’une condition potestative, ne saurait en tout état de cause affecter sa validité. Dans ces conditions, les articles allégués ne peuvent recevoir application et la nullité de ces clauses ne pourra non plus être prononcée de ce chef ».

3/ « Les conventions doivent être exécutées de bonne foi. Même si le contrat contient des dispositions en apparence claires et bien rédigées sur le calcul des honoraires, il apparaît néanmoins que ces honoraires sont impossibles à déterminer. Malgré l’obligation de conseil et d’information mise à la charge de M. X., qui a la qualité d’un professionnel, ce dernier n’a fait figurer dans le contrat aucune somme indicative moyenne ou maximum au titre des honoraires qui devront finalement être supportés par le cocontractant. Les éléments qui servent de référence à ce calcul au vu des mentions figurant au contrat ne sont pas suffisamment précis pour permettre de déterminer un prix. En effet, si le nombre d’heures est plafonné à 100, le nombre de kilomètres ne l’est pas. Ne sont pas non plus indiqués le nombre d’enquêteurs, le nombre de véhicules, le taux de la TVA applicable ni la nature des frais susceptibles d’être remboursés. Il en ressort que le prix n’étant nullement déterminé ni même déterminable aucun accord n’a pu intervenir entre les parties sur ce point. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

TROISIÈME CHAMBRE PREMIÈRE SECTION

ARRÊT DU 25 SEPTEMBRE 2007

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 06/02410. Arrêt n° 487. Décision déférée du 19 avril 2006 - Tribunal d’Instance de MONTAUBAN (R.G. n° 05/750).

 

APPELANT(E/S) :

Monsieur X.

[adresse], représenté par la SCP NIDECKER PRIEU-PHILIPPOT JEUSSET, avoués à la Cour, assisté de Maître Catherine A., avocat au barreau de TOULOUSE

 

INTIMÉ(E/S) :

Madame Y. épouse Z.

[adresse], représentée par la SCP B. CHATEAU - O. PASSERA, avoués à la Cour, assistée de Maître Rachel B., avocat au barreau de TOULOUSE

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 juin 2007 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. MOULIS, conseiller chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de : C. DREUILHE, président ; F. HELIP, conseiller ; M. MOULIS, conseiller.

Greffier, lors des débats : C. COQUEBLIN

ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par C. DREUILHE, président, et par C. COQUEBLIN, greffier de chambre.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 28 juin 2005, Madame Y. épouse Z. a signé un ordre de mission aux termes duquel elle demandait au cabinet X. d’effectuer une enquête ayant pour but de « déterminer si son mari est infidèle, puis, si c’est le cas, de prouver par tous moyens qu’il a une maîtresse ».

Le même jour, elle payait par chèque la somme de 1.500 € à titre de provision.

A l’issue de ses investigations, le 31 août 2005 M. X. adressait à Mme Y. épouse Z. la facture correspondant à ses honoraires. Cette facture s’élevait à la somme de 7.065,63 €, déduction faite de la provision déjà versée.

Devant l’attitude de cette dernière qui refusait de payer, M. X. la mettait en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception de régler avant le 15 septembre 2005 la somme due ; cette lettre était présentée le 2 septembre 2005 mais non réclamée par la destinataire.

Cette mise en demeure restait sans effet.

Suivant exploit d’huissier en date du 2 décembre 2005, M. X. a fait citer M. Y. épouse Z. devant le tribunal d’instance de Montauban pour obtenir paiement de la somme due.

Suivant jugement en date du 19 avril 2006, le tribunal d’instance de Montauban a :

* prononcé la nullité du contrat ;

* débouté M. X. de l’ensemble de ses demandes ;

* condamné M. X. à payer à Mme Y. épouse Z. la somme de 800 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

M. X. a relevé appel de cette décision le 17 mai 2006 dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 juin 2007.

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Aux termes de ses conclusions du 15 septembre 2006, M. X. sollicite la réformation du jugement entrepris.

Il demande à la cour de constater que les clauses relatives à l’objet du contrat et au prix sont claires et compréhensibles, qu’elles ne présentent aucun caractère abusif et par conséquent demande la condamnation de Mme Y. épouse Z. à lui payer les sommes de :

- 7.065,63 € représentant le solde de la facture avec les intérêts au taux légal à compter du 31 aout 2005 ;

- 1.500 € à titre de dommages et intérêts en raison de la mauvaise foi de la débitrice et de sa résistance abusive ;

- 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Il fait valoir qu’il a mené à bien sa mission et que les mises en demeure de payer qu’il lui a adressées sont restées sans effet.

Il indique que l’ordre de mission était clair et que Mme Y. épouse Z. disposait de tous les éléments nécessaires pour déterminer le coût des investigations. Il estime que dès lors son obligation d’information a été parfaitement remplie.

Il ajoute que la présentation des obligations du détective et le prix de ses diligences étaient également clairs et que c’est donc à tort que le tribunal a fait application des dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation.

Il fait valoir d’une part que l’article L. 132-1 du code de la consommation interdit au juge d’apprécier le caractère abusif des clauses relatives à l’objet du contrat et relatives à l’adéquation du prix par rapport au service fourni et d’autre part que l’ordre de mission signé par Mme Y. épouse Z. est tout à fait précis et permettait de déterminer le prix de l’enquête.

Dans ses conclusions en réponse du 29 mars 2007, Mme Y. épouse Z. indique tout d’abord que les dispositions de l’article L. 111-1 du code de la consommation n’ont pas été respectées et que dès lors M. X. a manqué à son obligation d’information.

Elle estime qu’il a aussi manqué à son obligation de conseil.

Elle allègue que les clauses relatives au prix et à l’objet du contrat ne sont pas rédigées de manière claire et compréhensible, que le client n’est pas en mesure de connaître le prix qui lui sera facturé TTC et que certaines dépenses sont laissées à la convenance du détective, de même que la détermination du prix total de l’enquête.

Elle fait valoir que c’est au prestataire d’établir le montant de sa créance et de fournir les éléments permettant de fixer ce montant.

En conséquence, elle demande à la cour de prononcer la nullité des clauses qui sont soit abusives soit potestatives.

Subsidiairement, elle demande de faire application des dispositions de l’article 1134 du code civil qui prévoit que les conventions doivent être exécutées de bonne foi.

Elle réclame dans ces conditions :

- de confirmer la décision déférée ;

- de condamner M. X. à lui payer 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Subsidiairement, elle demande :

- de réduire le montant de la facture et de la ramener à 1.500 €.

- de condamner M. X. à lui payer 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Très subsidiairement, elle réclame les plus larges délais de paiement.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur les demandes en nullité des clauses contractuelles :

* L’article L. 132-1 du code de la consommation dispose que « dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits ou obligations des parties au contrat... L’appréciation du caractère abusif des clauses ... ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible ».

En l’espèce, l’ordre de mission produit permet de constater que ces clauses sont rédigées de façon claire, la couleur marron du papier qui comporte des nuances plus ou moins foncées du haut au bas de la feuille n’empêchant pas de lire les caractères imprimés nettement, dont certains sont en gras.

La rédaction de ces clauses est claire et est aisément compréhensible.

Il s’ensuit que le juge ne peut apprécier le caractère abusif de ces clauses et l’action en nullité fondée sur les dispositions de l’article susvisé doit être déclarée irrecevable.

 

Sur la condition potestative :

Vu les articles 1170 et 1174 du code civil ;

La condition potestative est celle qui fait dépendre l’exécution de la convention d’un événement qu’il est au pouvoir de l’une ou l’autre des parties contractantes de faire arriver ou d’empêcher.

En l’espèce, la condition potestative alléguée par Mme Y. épouse Z. ne concerne pas l’exécution de la convention mais la fixation des honoraires.

Elle prétend qu’en effet le montant de la rémunération dépendrait d’éléments fixés par M. X. seul, en fonction de l’application de critères qui ne dépendent que de sa propre volonté.

Toutefois, le paiement des honoraires est distinct de l’obligation que M. X. s’engage à exécuter et qui, elle, n’est affectée d’aucune condition potestative.

Surtout, il convient de relever qu’un accord préalable sur le montant exact de la rémunération n’est pas un élément essentiel du contrat de louage d’ouvrage, contrat applicable en l’espèce. Dès lors cet élément du contrat, même s’il était considéré comme affecté d’une condition potestative, ne saurait en tout état de cause affecter sa validité.

Dans ces conditions, les articles allégués ne peuvent recevoir application et la nullité de ces clauses ne pourra non plus être prononcée de ce chef.

 

Sur l’application de la convention :

Vu l’article 1134 du code civil ;

Les conventions doivent être exécutées de bonne foi.

Même si le contrat contient des dispositions en apparence claires et bien rédigées sur le calcul des honoraires, il apparaît néanmoins que ces honoraires sont impossibles à déterminer.

Malgré l’obligation de conseil et d’information mise à la charge de M. X., qui a la qualité d’un professionnel, ce dernier n’a fait figurer dans le contrat aucune somme indicative moyenne ou maximum au titre des honoraires qui devront finalement être supportés par le cocontractant.

Les éléments qui servent de référence à ce calcul au vu des mentions figurant au contrat ne sont pas suffisamment précis pour permettre de déterminer un prix.

En effet, si le nombre d’heures est plafonné à 100, le nombre de kilomètres ne l’est pas. Ne sont pas non plus indiqués le nombre d’enquêteurs, le nombre de véhicules, le taux de la TVA applicable ni la nature des frais susceptibles d’être remboursés.

Il en ressort que le prix n’étant nullement déterminé ni même déterminable aucun accord n’a pu intervenir entre les parties sur ce point.

Le montant de la facture s’élève à 8.565,63 €.

M. X. indique que ce prix correspond notamment à 89,30 heures, à 1.514 kilomètres et à un remboursement de frais de 155,80 €. La TVA applicable sur l’ensemble des sommes demandées est de 19,6 %.

Compte tenu, au vu des dispositions contractuelles, de l’impossibilité de dire si les parties étaient d’accord sur le montant des honoraires, et eu égard à la contestation soulevée par Mme Y. épouse Z., le juge, s’agissant d’un contrat de louage d’ouvrage, est compétent pour apprécier la rémunération en fonction des éléments de la cause et pour la fixer.

Il conviendra pour cela de se référer aux éléments objectifs versés aux débats.

Le dépôt et le contenu du rapport sont insuffisants pour établir que M. X. a effectivement travaillé 89,30 heures et effectué 1.514 km.

Par ailleurs, les frais dont il est demandé remboursement ne sont pas détaillés ni justifiés.

En outre, de nombreux commentaires figurant dans ce rapport apparaissent inutiles et sans aucun intérêt.

Toutefois, il ne saurait être fait abstraction de ce que l’enquête a été menée à son terme et qu’elle a abouti à démontrer l’infidélité du mari de Mme Y. épouse Z.

Dès lors la demande de paiement d’honoraires est justifiée mais la somme demandée sera réduite et ramenée à 5.000 €.

Compte tenu de la provision de 1.500 € déjà versée, Mme Y. épouse Z. n’est plus débitrice que de la différence, soit 3.500 €.

Conformément à la demande de M. X., cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 septembre 2005.

Les pièces versées par Mme Y. épouse Z. pour justifier de ses difficultés financières sont anciennes et non probantes. Cette dernière sera en conséquence déboutée de sa demande de délais.

Malgré les résultats positifs de l’enquête, Mme Y. épouse Z. a refusé de payer une somme supérieure à la provision déjà versée sans reprendre contact avec M. X. et sans tenter de trouver un arrangement.

Son comportement révèle une résistance abusive de sa part qui justifie l’allocation à M. X. d’une somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts.

Il est équitable d’allouer à M. X. une somme de 1.200 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Mme Y. épouse Z., qui succombe, sera déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du nouveau code de procédure civile et supportera les dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Infirme la décision déférée ;

Dit que le contrat est un contrat de louage d’ouvrage ;

Rejette les demandes en nullité des clauses contractuelles présentées par Mme Y. épouse Z. ;

Vu le défaut d’accord certain des parties sur le montant des honoraires

Fixe le montant des honoraires à la somme de 5.000 € ;

Vu la provision déjà versée

Condamne Mme Y. épouse Z. à payer à M. X. la somme de 3.500 € avec intérêts au taux légal à compter du 31 août 2005 ;

Condamne Mme Y. épouse Z. à payer à M. X. :

- la somme de 1.200 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile

- la somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Déboute les parties de l’ensemble de leurs autres prétentions ;

Condamne Mme Y. épouse Z. aux dépens qui seront recouvrés par la SCP NIDECKER PRIEU PHILIPPOT, avoués, conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIER            LE PRÉSIDENT

 

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