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CA AGEN (1re ch. civ.), 4 décembre 2006

Nature : Décision
Titre : CA AGEN (1re ch. civ.), 4 décembre 2006
Pays : France
Juridiction : Agen (CA), 1re ch. civ.
Demande : 05/01767
Décision : 1166/06
Date : 4/12/2006
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Legifrance
Décision antérieure : T. COM. CAHORS, 12 septembre 2005
Numéro de la décision : 1166
Décision antérieure :
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1258

CA AGEN (1re ch. civ.), 4 décembre 2006 : RG n° 05/01767 ; arrêt n° 1166/06

Publication : Legifrance ; Lamyline

 

Extraits : 1/ « Il n’est pas utile de recourir à la vérification d’écriture sollicitée car : - soit le contrat a été signé par M. X. et dans ces conditions, il est régulier au plan formel de l’expression du consentement, - soit il a été signé, ainsi qu’il le prétend, par son épouse ; même s’il est vrai que l’art. L. 121-27 dispose que dans le cadre d’un démarchage à domicile, « le consommateur n’est engagé que par sa signature », ce texte ne fait pas obstacle à l’application en pareille matière de la théorie du mandat apparent ; alors qu’il est bien indiqué dans le contrat de location qu’il s’agit d’une entreprise individuelle appartenant exclusivement à M. X., son épouse appose non seulement son paraphe sur ce document mais aussi le tampon commercial de l’affaire ; ce comportement était de nature à faire croire au cocontractant à l’existence d’un mandat apparent ; de plus le bien objet du contrat a été postérieurement mis à la disposition du locataire qui ne conteste pas la signature apposée sur le procès-verbal de réception et d’installation du matériel, lequel porte lui aussi le timbre humide commercial de l’entreprise ; le paiement des loyers devant se faire par prélèvements, lui seul a pu être en mesure de donner l’autorisation d’y procéder automatiquement, qui plus est sur son compte bancaire professionnel ; enfin, ces prélèvements ont été effectués à huit reprises, soit durant huit mois ; tout cela démontre, au-delà du mandat apparent de son épouse, qu’il avait accepté ou ratifié le contrat dont il a admis les modalités en s’y soumettant ; Dans une hypothèse comme dans l’autre, la régularité formelle du contrat sur le terrain de l’expression du consentement ne peut être contestée utilement ».

2/ « L’art. L. 121-22 du Code de la Consommation fait échapper du champ d’application de la Loi sur le démarchage et la vente à domicile, les locations ou les prestations de service, lorsqu’elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d’une activité artisanale ; La prise à bail du distributeur de boissons litigieux a été réalisée par M. X. pour les besoins de son activité professionnelle de taxi-ambulancier dans le but d’améliorer les conditions de travail de ses salariés - deux d’entre eux attestent en ce sens pour dire n’avoir plus pu s’en servir à compter du mois de juin 2004 faute de livraison de dosettes - et l’accueil de la clientèle, et ainsi offrir à cette dernière une prestation supplémentaire ordinairement proposée ailleurs, mais permettant le développement ou la promotion de son activité ; du reste, la lecture du contrat de service conclu le même jour que le contrat de location de la machine prévoit la livraison de doses sur la base de 4.800 boissons chaudes par an, ce qui est particulièrement démonstratif de l’objectif poursuivi par le locataire ; Compte tenu de ce qui précède et nonobstant la clause du contrat aux termes de laquelle « le locataire reconnaît que le matériel loué a bien un rapport direct avec son activité », clause dénuée d’effets juridiques alors que la législation applicable est d’ordre public et qu’il ne peut y être dérogé, il convient de rejeter les demandes de l’appelant et de confirmer la décision attaquée ; En effet, l’opération en cause échappe aux dispositions protectrices des articles L. 121-22 à L. 121-28 du Code de la Consommation, le critère du domaine de spécialité ou de compétence du professionnel au regard de la nature du bien loué ou de la prestation promise étant indifférent ».

 

COUR D’APPEL D’AGEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 4 DÉCEMBRE 2006

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 05/01767. Arrêt n° 1166/06. Prononcé à l’audience publique du quatre décembre deux mille six, par Jean-Louis BRIGNOL, Président de Chambre, assisté d’Isabelle LECLERCQ, Greffier. LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère Chambre dans l’affaire,

 

ENTRE :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], de nationalité française, demeurant [adresse], représenté par la SCP GUY NARRAN, avoués, assisté de Maître FAUGERE de la SCP FAUGERE - BELOU - LAVIGNE, avocats, APPELANT d’un jugement du Tribunal de Commerce de CAHORS en date du 12 septembre 2005, D’une part,

 

ET :

SA KBC LEASE FRANCE

dont le siège social est [adresse], agissant poursuites et diligences de ses mandataires sociaux en exercice, représentée par la SCP HENRI TANDONNET, avoués, assistée de Maître MOREAU, avocat (LYON), INTIMÉE, D’autre part,

 

a rendu l’arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 6 novembre 2006, devant Jean-Louis BRIGNOL, Président de Chambre, François CERTNER Conseiller (lequel a fait un rapport oral préalable) et Benoît MORNET, Conseiller, assistés de Isabelle LECLERCQ, Greffier, et qu’il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l’arrêt serait rendu.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Dans des conditions de régularité de forme et de délai non discutées, M. X. a interjeté appel du Jugement rendu par le Tribunal de Commerce de CAHORS le 12 septembre 2005 l’ayant condamné avec exécution provisoire à :

* payer à la SA KBC LEASE FRANCE la somme principale de 8.102,72 € avec les intérêts de « droit » à compter du 5 juillet 2005 ainsi que la somme de 800 € par application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

* lui restituer le matériel objet de la location, soit un dispenseur de dosettes et un percolateur dosette « SWEET COFFEE » dans le délai de quinze jours de la signification de la décision,

* supporter les entiers dépens ;

Les faits de la cause ont été relatés par le premier Juge en des énonciations auxquelles la Cour se réfère expressément ;

 

Vu les écritures déposées par l’appelant le 5 juillet 2006 aux termes desquelles il conclut à l’infirmation de la décision entreprise, et demande à la Cour, au principal de prononcer la nullité du contrat de bail conclu le 15 janvier 2004, subsidiairement de vérifier la signature figurant sur ledit contrat dont il prétend qu’elle n’est pas la sienne et en toute hypothèse de rejeter les prétentions de la SA KBC LEASE FRANCE, et de la condamner d’une part à reprendre son matériel à ses frais sous astreinte de 100 € par jour de retard à l’expiration du délai d’un moins suivant la signification de l’Arrêt à intervenir, et d’autre part à lui payer la somme de 1.200 € par application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

A l’appui de ses demandes, il fait valoir l’argumentation suivante :

1) le contrat en cause, qui porte sur la location d’un distributeur de boissons chaudes, n’a aucun lien direct avec les activités d’ambulancier et de taxi qu’il exerce de sorte que cette location se trouve soumise aux dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-28 du Code de la Consommation, auxquelles il ne peut être dérogé, ni même renoncé, demeurant leur caractère d’ordre public ; s’agissant de démarchage à domicile, le contrat, en vertu des articles précités, doit comporter diverses mentions dont toutes font défaut comme par exemple le lieu de conclusion de la convention, le prix global, le taux nominal de l’intérêt et le taux effectif global, ce qu’il ne fait pas si bien qu’il est nul,

2) le paraphe figurant sur ce contrat n’est pas le sien et il appartient à la Cour de procéder à une vérification d’écriture, plus précisément de la signature qui y est portée ; l’intimée ne peut avoir cru que son épouse était habilitée à l’engager alors qu’elle n’avait pas le statut de conjoint collaborateur, qu’elle ne figurait pas au registre des métiers et qu’il s’agissait d’une entreprise individuelle en nom propre,

3) la somme réclamée au titre des loyers à échoir constitue une clause pénale manifestement excessive qu’il convient de réduire en vertu des règles de l’art. 1152 du Code Civil d’autant que, dès le mois de septembre 2004, il n’a plus été livré en dosettes de café, ce qui a empêché une utilisation normale de la machine ;

 

Vu les écritures déposées par la SA KBC LEASE FRANCE le 30 août 2006 par lesquelles elle conclut à la confirmation du Jugement querellé, sauf à porter à 3.000 € le montant de sa réclamation au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et à assortir la restitution du matériel objet de la location d’une astreinte de 155 € par jour de retard, à compter de la date qu’elle fixera pour cette restitution conformément aux dispositions de l’art. 33 de la Loi du 9 juillet 1991, à défaut de remise spontanée dans les deux mois suivant le prononcé de l’Arrêt à intervenir ;

Pour ce faire, elle développe l’argumentation suivante :

1) les dispositions du Code de la Consommation ne peuvent s’appliquer au contrat en cause qui comporte une clause selon laquelle « le locataire reconnaît que le matériel loué a bien un rapport direct avec son activité »,

2) les clauses du contrat, lequel n’est pas soumis aux règles du Code précité, doivent s’appliquer en vertu des dispositions des articles 1132 et 1147 du Code Civil,

3) même à supposer qu’il n’est pas le signataire du contrat qui aurait été paraphé par son épouse, d’une part cette dernière est son mandataire apparent, ce qu’elle pouvait légitimement croire compte tenu des circonstances et qui la dispensait de vérifier les limites exactes de ses pouvoirs, d’autre part il a signé le procès-verbal de réception du matériel et y a apposé son tampon commercial, il a donné son autorisation de prélèvements automatiques sur son compte professionnel qui a été débité à huit reprises et a reçu les approvisionnements pendant huit mois, contrairement à ce qu’il soutient mais qu’il ne démontre pas, moyennant quoi il ne peut de bonne foi prétendre être resté dans l’ignorance de la convention de location et de la teneur de ses clauses ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la régularité formelle du contrat de location litigieux au regard de l’expression du consentement et la vérification d’écriture :

Il n’est pas utile de recourir à la vérification d’écriture sollicitée car :

- soit le contrat a été signé par M. X. et dans ces conditions, il est régulier au plan formel de l’expression du consentement,

- soit il a été signé, ainsi qu’il le prétend, par son épouse ; même s’il est vrai que l’art. L. 121-27 dispose que dans le cadre d’un démarchage à domicile, « le consommateur n’est engagé que par sa signature », ce texte ne fait pas obstacle à l’application en pareille matière de la théorie du mandat apparent ; alors qu’il est bien indiqué dans le contrat de location qu’il s’agit d’une entreprise individuelle appartenant exclusivement à M. X., son épouse appose non seulement son paraphe sur ce document mais aussi le tampon commercial de l’affaire ; ce comportement était de nature à faire croire au cocontractant à l’existence d’un mandat apparent ; de plus le bien objet du contrat a été postérieurement mis à la disposition du locataire qui ne conteste pas la signature apposée sur le procès-verbal de réception et d’installation du matériel, lequel porte lui aussi le timbre humide commercial de l’entreprise ; le paiement des loyers devant se faire par prélèvements, lui seul a pu être en mesure de donner l’autorisation d’y procéder automatiquement, qui plus est sur son compte bancaire professionnel ; enfin, ces prélèvements ont été effectués à huit reprises, soit durant huit mois ; tout cela démontre, au-delà du mandat apparent de son épouse, qu’il avait accepté ou ratifié le contrat dont il a admis les modalités en s’y soumettant ;

Dans une hypothèse comme dans l’autre, la régularité formelle du contrat sur le terrain de l’expression du consentement ne peut être contestée utilement ;

 

Sur l’application des dispositions du Code de la Consommation sur le démarchage et la vente à domicile :

L’art. L. 121-22 du Code de la Consommation fait échapper du champ d’application de la Loi sur le démarchage et la vente à domicile, les locations ou les prestations de service, lorsqu’elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d’une activité artisanale ;

La prise à bail du distributeur de boissons litigieux a été réalisée par M. X. pour les besoins de son activité professionnelle de taxi-ambulancier dans le but d’améliorer les conditions de travail de ses salariés - deux d’entre eux attestent en ce sens pour dire n’avoir plus pu s’en servir à compter du mois de juin 2004 faute de livraison de dosettes - et l’accueil de la clientèle, et ainsi offrir à cette dernière une prestation supplémentaire ordinairement proposée ailleurs, mais permettant le développement ou la promotion de son activité ; du reste, la lecture du contrat de service conclu le même jour que le contrat de location de la machine prévoit la livraison de doses sur la base de 4.800 boissons chaudes par an, ce qui est particulièrement démonstratif de l’objectif poursuivi par le locataire ;

Compte tenu de ce qui précède et nonobstant la clause du contrat aux termes de laquelle « le locataire reconnaît que le matériel loué a bien un rapport direct avec son activité », clause dénuée d’effets juridiques alors que la législation applicable est d’ordre public et qu’il ne peut y être dérogé, il convient de rejeter les demandes de l’appelant et de confirmer la décision attaquée ;

En effet, l’opération en cause échappe aux dispositions protectrices des articles L. 121-22 à L. 121-28 du Code de la Consommation, le critère du domaine de spécialité ou de compétence du professionnel au regard de la nature du bien loué ou de la prestation promise étant indifférent ;

 

Sur le montant de la créance de l’intimée :

L’appelant, qui se plaint de ne plus avoir été livré en dosettes à partir du mois de septembre 2004, n’a jamais émis la moindre protestation ou la moindre réserve écrite ; ses dires sont cependant corroborés par ses salariés, bien que ceux-ci situent la cessation des livraisons au mois de juin 2004 ;

Il est de fait que l’intimée ne produit pas le moindre bordereau de livraison de dosettes et autres consommables promis pendant cette période alors que les prélèvements automatiques étaient toujours en cours et que le locataire était à jour des mensualités ; on sait pourtant, par la communication par l’appelant d’un bordereau de livraison daté du 1er mars 2004, que le réapprovisionnement faisant l’objet d’un bon de livraison signé des deux parties ;

L’impossibilité dans laquelle se trouve l’intimée de produire de tels bons permet d’accorder foi aux allégations de l’appelant quant à une défaillance dans le service des consommables ;

L’intimée ne saurait par ailleurs se plaindre de n’avoir pu reprendre sa machine, du moins à compter du prononcé du jugement querellé, lequel était assorti de l’exécution provisoire ;

En considération de ces différents éléments, il convient de faire application des dispositions de l’art. 1152 du Code Civil, attendu que la clause pénale stipulée - de 10 % à laquelle s’ajoute l’indemnité de résiliation constituée par le montant des loyers à échoir - est manifestement excessive au regard du préjudice effectivement subi ;

Il y a lieu de réformer la décision déférée en arrêtant la créance dont la SA KBC LEASE FRANCE est titulaire à l’encontre de M. X. à la somme de 4.051,36 € ; cette somme doit être assortie des intérêts au taux légal à compter de ce jour ;

L’appelant doit être condamné à restituer le matériel loué à ses frais, ainsi qu’il est stipulé à l’art. 7 a) du contrat, dans les 15 jours de la signification du présent arrêt, à défaut de quoi une astreinte provisoire de 20 € par jour de retard commencera à courir pendant un délai d’un an, la Cour se réservant de la liquider le cas échéant ;

L’équité et la situation économique ne commandent pas de faire application au profit de l’une ou l’autre des parties des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Les dépens de première instance et d’appel doivent être équitablement supportés par les parties qui succombent également ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi,

Réforme la décision déférée,

Déboute M. X. de ses prétentions, sauf en ce qu’il demande la mise en œuvre des dispositions de l’art. 1152 du Code Civil,

Condamne M. X. à payer à la SA KBC LEASE FRANCE la somme de 4.051,36 €, assortie des intérêts au taux légal à compter de ce jour,

Condamne M. X. à restituer à ses frais à la SA KBC LEASE FRANCE le matériel loué dans les 15 jours de la signification du présent Arrêt,

Dit qu’à défaut, une astreinte provisoire de 20 € par jour de retard commencera à courir pendant un délai d’un an, la Cour se réservant de la liquider le cas échéant,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Condamne chaque partie à supporter la moitié des dépens de première instance et d’appel,

Autorise les Avoués de la cause à recouvrer directement ceux des dépens dont ils auraient fait l’avance sans avoir reçu provision.

Le présent arrêt a été signé par Jean-Louis BRIGNOL, Président de Chambre et par Isabelle LECLERCQ, Greffier présente lors du prononcé.

LE GREFFIER,           LE PRÉSIDENT,

 

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