TI SAINT-BRIEUC, 21 septembre 1992
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 126
TI SAINT-BRIEUC, 21 septembre 1992 ; jugement n° 346/92
(sur appel CA Rennes (1re ch. A), 3 janvier 1995 : RG n° 852/92 ; arrêt n° 10)
Extraits : 1/ « Mais ATTENDU que l'exception de l'autorité de chose jugée ne saurait être accueillie en l'absence de la triple condition d'identité de cause, d'objet et des parties ; ATTENDU qu'en l'espèce s'il est exact que le Tribunal d'Instance de SAINT-BRIEUC a, à deux reprises, déclaré illégale la clause sus-visée en s'appuyant sur les mêmes causes que celles développées dans la présente instance, il apparaît que l'UFC n'a jamais été l'une des parties à l'un ou l'autre de ces procès ; ATTENDU que dès lors la condition d'identité des parties n'étant pas vérifiée, l'exception devra être rejetée ».
2/ « ATTENDU qu'aux termes du contrat de bail type utilisé par l'Agence Immobilière de Bretagne « si le locataire résilie le présent bail dans les conditions légales avant la fin de cette durée contractuelle, ou si le bail est résilié judiciairement par anticipation, le locataire qui demandera la résiliation anticipée ou contre lequel interviendra un jugement de résiliation devra rembourser au propriétaire, au prorata temporis de la durée non courue, la part de frais et honoraires versés par celui-ci lors de la réalisation de la présente location » ; ATTENDU qu'une telle clause qui subordonne la résiliation anticipée du contrat au versement d'une somme sous la forme du remboursement au bailleur d'une partie de ses frais et notamment honoraires versés à l'intermédiaire, a pour effet manifeste de limiter le droit du locataire, reconnu par l'article 12 de la loi d'ordre public du 6 juillet 1989, de mettre fin sous certaines conditions aux relations contractuelles ; ATTENDU que de même cette clause contrevient au principe édicté par l'article 5 de la même loi, lequel dispose que la rémunération des personnes qui prêtent leur concours à l'établissement d'un acte de location d'un bien appartenant à autrui, est partagée par moitié entre le bailleur et le locataire ».
3/ « ATTENDU que l'UFC produit aux débats une lettre de l'Office Départemental HLM des Côtes d'Armor précisant qu'au 21 mai 1992 il avait été enregistré mille sept cents demandes d'attribution de logements non encore satisfaites ; ATTENDU que l'Office ajoute que le délai moyen d'attente se situe entre trois et vingt quatre mois selon le secteur géographique ; ATTENDU que ces éléments permettent de mettre en évidence un parc immobilier locatif très insuffisant au regard du nombre des demandes ; Que cet état de fait contraint les candidats au logement à accepter des contrats de location sans pouvoir discuter valablement des conditions qu'ils devront respecter ;
ATTENDU que force est de reconnaître que malgré les différentes lois protectrices promulguées en faveur des locataires, le consommateur, que représente l'UFC, a été victime de l'agissement illégal reproché à l'Agence Immobilière de Bretagne ; ATTENDU que dès lors il conviendra de faire droit à la demande de dommages et intérêts présentée par la demanderesse et de condamner l'Agence Immobilière de Bretagne à lui verser 5.000,00 francs à titre de dommages et intérêts ;
ATTENDU en outre que la nécessité d'informer le consommateur sur le risque que de telles pratiques lui font courir justifie que soit ordonnée la publication dans un délai d'un mois à compter de ce jour, du dispositif du présent jugement dans le Journal OUEST FRANCE sous la rubrique du mercredi « Immobilier » et ce sous astreinte de 1.000,00 francs par semaine de retard pendant trois semaines ».
TRIBUNAL D’INSTANCE DE SAINT-BRIEUC
JUGEMENT DU 21 SEPTEMBRE 1992
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Jugement n° 346/92. JUGEMENT CONTRADICTOIRE EN PREMIER RESSORT.
DEMANDEUR :
Monsieur X.
domicilié [adresse], Comparant en personne
DÉFENDEUR :
L'Agence Immobilière de Bretagne
prise en la personne de Monsieur Y., [adresse], Représentée par Maître CHAULEUR, Membre de la SCP CHAULEUR-GEANTY, Avocats au Barreau de SAINT-BRIEUC
INTERVENANT VOLONTAIRE :
L'Union Fédérale des Consommateurs
association à but non lucratif, dont le siège est [adresse], Représentée par Madame L'HOTELIER, dûment habilitée
PRÉSIDENT : Monsieur Thierry DRACK, Juge chargé du service du Tribunal d'Instance de SAINT BRIEUC.
GREFFIER : Madame Chantal RICARD, Agent Administratif, faisant fonction de Greffier.
DÉBATS : A l'audience publique du 6 juillet 1992.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :
Par déclaration au greffe en date du 7 avril 1992 Monsieur X. a fait convoquer l`Agence de Bretagne, prise en la personne de Monsieur Y., en remboursement d'une somme de 910,00 francs indûment retenue sur le montant de la caution et paiement d'une indemnité de 250,00 francs au titre des frais irrépétibles.
Monsieur X. expose qu'il a loué le 28 mars 1991 un appartement à Madame Z., représentée par l'Agence Immobilière de Bretagne, et ajoute qu'au mois de juillet 1991, bien qu'il ait notifié son congé de trois mois par lettre recommandée avec accusé de réception, Monsieur Y. a retenu 910,00 francs sur la caution dans le décompte prévisionnel en application d'une clause contractuelle aux termes de laquelle le preneur s'engageait à rembourser au bailleur une partie des frais et honoraires, s'il résiliait le bail avant l'expiration d'un délai de trois ans.
Il estime que cette clause est contraire aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989 dans ses articles 5 et 12.
Par courrier du 21 avril 1992 l'Union Fédérale des Consommateurs est intervenue volontairement à l'instance en vertu de l'article 5 de la loi du 8 janvier 1988.
Elle demande que la clause litigieuse soit déclarée nulle et supprimée des contrats en cours sous astreinte de 100,00 francs par jour de retard.
Par ailleurs elle considère qu'eu égard à la faiblesse du parc locatif qui contraint le public à accepter de signer de véritables contrats d'adhésion sur le contenu desquels il n'a de fait aucun droit de regard, elle est fondée à réclamer la réparation du préjudice qui résulte de telles clauses pour les consommateurs par l'allocation d'une somme de 5.000,00 francs à titre de dommages et intérêts outre celle de 2.000,00 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
[minute page 3] Enfin, à l'audience, elle sollicite la publication de la présente décision dans un journal.
Monsieur Y. soutient que se conformant à une jurisprudence antérieure du Tribunal d'Instance, il a, le 6 mai 1992, adressé à Monsieur X. un décompte des sommes dues réintégrant à son profit la somme de 910,00 francs précédemment retenue. Il estime dès lors que son refus de se désister de son instance n'est pas justifié.
En ce qui concerne l'action de l'Union Fédérale des Consommateurs il prétend qu'elle est irrecevable dans la mesure où le Tribunal a, dans deux jugements, déjà déclaré que la clause dénoncée était illégale.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES MOTIFS :
I - SUR LA RECEVABILITÉ DE L'INTERVENTION DE L'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS :
ATTENDU que Monsieur Y. conclut à l'irrecevabilité de l'intervention de l'UFC en raison de l'autorité de la chose jugée ; Qu'il fait état en effet de deux jugements rendus les 30 mars 1992 et 27 avril 1992 par le Tribunal d'Instance de SAINT-BRIEUC à l'occasion de litiges relatifs à la même clause de remboursement des frais et honoraires exposés par le bailleur ;
Mais ATTENDU que l'exception de l'autorité de chose jugée ne saurait être accueillie en l'absence de la triple condition d'identité de cause, d'objet et des parties ;
ATTENDU qu'en l'espèce s'il est exact que le Tribunal d'Instance de SAINT-BRIEUC a, à deux reprises, déclaré illégale la clause sus-visée en s'appuyant sur les mêmes causes que celles développées dans la présente instance, il apparaît que l'UFC n'a jamais été l'une des parties à l'un ou l'autre de ces procès ;
[minute page 4] ATTENDU que dès lors la condition d'identité des parties n'étant pas vérifiée, l'exception devra être rejetée ;
ATTENDU qu'il s'ensuit que l'intervention de l'UFC sera déclarée recevable ;
II - SUR LA LÉGALITÉ DE LA CLAUSE :
ATTENDU qu'aux termes du contrat de bail type utilisé par l'Agence Immobilière de Bretagne « si le locataire résilie le présent bail dans les conditions légales avant la fin de cette durée contractuelle, ou si le bail est résilié judiciairement par anticipation, le locataire qui demandera la résiliation anticipée ou contre lequel interviendra un jugement de résiliation devra rembourser au propriétaire, au prorata temporis de la durée non courue, la part de frais et honoraires versés par celui-ci lors de la réalisation de la présente location » ;
ATTENDU qu'une telle clause qui subordonne la résiliation anticipée du contrat au versement d'une somme sous la forme du remboursement au bailleur d'une partie de ses frais et notamment honoraires versés à l'intermédiaire, a pour effet manifeste de limiter le droit du locataire, reconnu par l'article 12 de la loi d'ordre public du 6 juillet 1989, de mettre fin sous certaines conditions aux relations contractuelles ;
ATTENDU que de même cette clause contrevient au principe édicté par l'article 5 de la même loi, lequel dispose que la rémunération des personnes qui prêtent leur concours à l'établissement d'un acte de location d'un bien appartenant à autrui, est partagée par moitié entre le bailleur et le locataire ;
[minute page 5] ATTENDU que dans ces conditions la clause dénoncée devra être déclarée illicite ;
III - SUR LA DEMANDE DE MONSIEUR X. :
ATTENDU qu'il convient de donner acte au défendeur de ce qu'il a le 6 mai 1992 fait droit à la réclamation de Monsieur X. ;
Mais ATTENDU que le refus de se désister de son action exprimé par ce dernier se justifie aisément dans la mesure où le courrier du 6 mai 1992, s'il le satisfait effectivement, précise néanmoins qu'il avait « accepté et signé la clause litigieuse » ; Qu'une telle réserve démontre bien la nécessité d'une nouvelle décision de justice sur la validité de cette clause ;
ATTENDU également et surtout que ce décompte définitif n'a été établi que postérieurement à la convocation devant le Tribunal d'Instance adressée à Monsieur Y. le 14 avril 1992 ;
ATTENDU que dans ces conditions c'est à juste titre que le demandeur réclame une indemnisation au titre des frais irrépétibles ;
Qu'il conviendra de lui allouer la somme de 250,00 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
IV - SUR LES DEMANDES DE L'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS :
1° - Les Dommages et Intérêts et la Publication de la décision dans un journal :
ATTENDU que l'UFC produit aux débats une lettre de l'Office Départemental HLM des Côtes d'Armor précisant qu'au 21 mai [minute page 6] 1992 il avait été enregistré mille sept cents demandes d'attribution de logements non encore satisfaites ;
ATTENDU que l'Office ajoute que le délai moyen d'attente se situe entre trois et vingt quatre mois selon le secteur géographique ;
ATTENDU que ces éléments permettent de mettre en évidence un parc immobilier locatif très insuffisant au regard du nombre des demandes ;
Que cet état de fait contraint les candidats au logement à accepter des contrats de location sans pouvoir discuter valablement des conditions qu'ils devront respecter ;
ATTENDU que force est de reconnaître que malgré les différentes lois protectrices promulguées en faveur des locataires, le consommateur, que représente l'UFC, a été victime de l'agissement illégal reproché à l'Agence Immobilière de Bretagne ;
ATTENDU que dès lors il conviendra de faire droit à la demande de dommages et intérêts présentée par la demanderesse et de condamner l'Agence Immobilière de Bretagne à lui verser 5 000,00 francs à titre de dommages et intérêts ;
ATTENDU en outre que la nécessité d'informer le consommateur sur le risque que de telles pratiques lui font courir justifie que soit ordonnée la publication dans un délai d'un mois à compter de ce jour, du dispositif du présent jugement dans le Journal OUEST FRANCE sous la rubrique du mercredi « Immobilier » et ce sous astreinte de 1.000,00 francs par semaine de retard pendant trois semaines ;
2° - Sur les autres demandes :
ATTENDU que la publication du dispositif est de nature à satisfaire amplement l'intérêt du consommateur ; Qu'il y aura lieu de débouter l'UFC de ses demandes subséquentes ;
[minute page 7]
V - SUR L'ARTICLE 700 DU NOUVEAU CODE DE PROCÉDURE CIVILE :
ATTENDU cependant qu'il paraît inéquitable de laisser à la charge de l'UFC les sommes qu'elle a exposées à l'occasion de la présente instance et non comprises dans les dépens ;
Qu'il lui sera alloué 1.200,00 francs au titre des frais irrépétibles ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal, statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort :
DÉCLARE recevable l'intervention de l'Union Fédérale des Consommateurs ;
DÉCLARE illicite la clause suivante insérée dans les contrats de location de l'Agence Immobilière de Bretagne [adresse] :
« FRAIS : La présente location a été faite sur la base d'une durée de trois ans, indiquée par le locataire comme étant une durée effective de sa location. Cette période de trois ans est considérée comme une condition essentielle de la formation de l'accord entre les parties, sans laquelle le contrat n'aurait pas été conclu et sans laquelle le propriétaire bailleur n'aurait contracté. Cependant si le locataire résilie le présent bail dans les conditions légales avant la fin de cette durée contractuelle, ou si le bail est résilié judiciairement par anticipation, le locataire qui demandera la résiliation anticipée ou contre lequel interviendra un jugement de résiliation devra rembourser au propriétaire, au prorata temporis de la durée non courue, la part de frais et honoraires versés par celui-ci lors de la réalisation de la présente location » ;
[minute page 8] CONDAMNE l'Agence Immobilière de Bretagne prise en la personne de Monsieur Y. à payer à l'Union Fédérale des Consommateurs CINQ MILLE FRANCS (5.000,00 Francs) à titre de dommages et intérêts et MILLE DEUX CENTS FRANCS (1.200,00 Francs) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
LUI DONNE ACTE de ce qu'elle a reversé la somme de NEUF CENT DIX FRANCS (910,00 Francs) indûment retenue à Monsieur X. ;
LA CONDAMNE à lui payer la somme de DEUX CENT CINQUANTE FRANCS (250,00 Francs) au titre des frais irrépétibles ;
ORDONNE la publication du dispositif du présent jugement dans le Journal OUEST FRANCE du mercredi en page « Immobilier » dans un délai d'un mois à compter de la présente décision sous astreinte de MILLE FRANCS (1.000,00 Francs) par jour de retard pendant TROIS SEMAINES ;
DÉBOUTE l'Union Fédérale des Consommateurs pour le surplus de ses prétentions ;
CONDAMNE l'Agence Immobilière de Bretagne aux dépens.
Ainsi jugé et publiquement prononcé le vingt et un septembre mil neuf cent quatre vingt douze, la minute est signée du Juge d'Instance et du Greffier.
Le Greffier Le Juge d’Instance
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