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CA NANCY (1re ch. civ.), 1er avril 2003

Nature : Décision
Titre : CA NANCY (1re ch. civ.), 1er avril 2003
Pays : France
Juridiction : Nancy (CA), 1re ch. civ.
Demande : 99/01301
Décision : 874/03
Date : 1/04/2003
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Juris Data
Date de la demande : 16/05/1999
Décision antérieure : TGI EPINAL, 2 avril 1999, CASS. CIV. 1re, 1er février 2005, CA COLMAR (2e ch. A), 15 février 2007
Numéro de la décision : 874
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CERCLAB - DOCUMENT N° 1563

CA NANCY (1re ch. civ.), 1er avril 2003 : RG n° 99/01301 ; arrêt n° 874/03

(sur pourvoi : Cass. civ. 1re, 1er février 2005 : pourvoi n° 03-18795 ; arrêt n° 267 (cassation))

Publication : Juris-Data n° 231438

 

Extrait : « D'abord, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, cette clause qui restreint de façon significative les obligations de l'assureur, même si elle est précédée du mot « attention », se fond dans le texte du paragraphe, les caractères d'impression ne se distinguant pas du reste du texte par leur taille, alors que pour stipuler un délai d'attente pour la garantie invalidité permanente et absolue, la CNP a choisi des caractères d'imprimerie en majuscule d'une dimension double de ceux du reste du texte, imprimé en minuscules ,

Ensuite, force est de constater qu'aucune explication n'est donnée sur la notion de période d'assurance, si bien que l'adhérent peut se méprendre sur le point de départ du délai d'attente, qui dans l'esprit du consommateur, pouvait remonter à la date de demande d'adhésion au contrat de groupe ,

Il s'avère que la CNP n'a pas loyalement informé le candidat à l'adhésion, alors même que par sa recommandation n° 91-01 du 10 novembre 1989, la commission des clauses abusives avait préconisé que de telles clauses soient clairement signalées à l'attention du consommateur ;

Ensuite, si l'institution de tels reports dans le temps de la prise d'effet de certaines garanties peut être légitime pour permettre à l'assureur de se prémunir contre les conséquences de déclarations d'adhérents fausses ou incomplètes, il doit par ailleurs être tenu compte du fait que l'assureur peut faire sanctionner de tels comportements sur le fondement des articles L. 113-8 et L. 113-9 du Code des Assurances ; Dès lors il doit exister dans la détermination du délai d'attente une proportionnalité entre le but recherché et les conséquences subies par l'adhérent ;

Or en l'espèce, ce délai a été fixé à un an ;

Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, cette durée est excessive même en considération de la période de remboursement de prêt, qui est de 15 ans ;

La CNP en a tellement conscience que dans un courrier du 22 juillet 1996, adressé au prêteur, elle a fait état d'une « circulaire explicative du contrat » dont il résulte qu'elle se réserve la faculté de garantir les conséquences de certaines maladies survenues pendant le délai d'attente, lorsque ces affections sont « graves », ce dont il résulte que le bénéfice de la garantie relève d'une décision purement potestative de l'assureur ;

Par conséquent, il s'avère que la clause litigieuse a pour effet de créer, au détriment de l'adhérent consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, si bien qu'il y a lieu de la réputer non écrite par application de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation »

 

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

COUR D’APPEL DE NANCY

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 1er AVRIL 2003

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 99/01301. Arrêt n° 874/03. Décision attaquée : TGI Épinal 2 avril 1999 : RG n° 97/01855.

 

APPELANT :

Monsieur X.

né le […], demeurant [adresse], représenté par la SCP Alain CHARDON, avoué associé à la Cour, dont la nouvelle dénomination est désormais la SCP CHARDON-NAVREZ, avoués associés à la Cour ; assisté de Maître WELZER, substitué par Maître PICOCHE, avocats au barreau d'ÉPINAL ;

 

INTIMÉES :

- COMPAGNIE NATIONALE DE PREVOYANCE ASSURANCES

ayant son siège [adresse] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux pour ce, domiciliés audit siège, représentée par la SCP BONET - LEINSTER - WISNIEWSKI, avoués à la Cour ; assistée de Maître VOGEL, avocat au barreau d'ÉPINAL ;

- SA CRÉDIT IMMOBILIER DES VOSGES

 ayant son siège [adresse], agissant poursuites et diligences de son Président Directeur Général et de tous représentants légaux pour ce domiciliés audit siège, représentée par la SCP BONET - LEINSTER - WISNIEWSKI, avoués à la Cour ; assistée de Maître LAFFON, avocat au barreau de NANCY ;

 

COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats : Monsieur Guy DORY, Président de Chambre, Monsieur Gérard SCHAMBER, Conseiller, Madame Pascale TOMASINI, Conseiller,

Greffier : Madame Agnès STUTZMANN,

Lors du délibéré : Monsieur Guy DORY, Président de Chambre, Monsieur Gérard SCHAMBER, Conseiller, Madame Pascale TOMASINI, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 04 mars 2003 ; L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 01 avril 2003 ; A l'audience du 01 avril 2003, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] FAITS ET PROCÉDURE :

Sollicitée par Monsieur et Madame X. en vue de l'attribution d'un prêt immobilier, la SA Crédit Immobilier des Vosges a proposé à Monsieur X. d'adhérer à une assurances de groupe souscrite auprès de la SA CNP Assurances et garantissant les risques décès et invalidité.

La notice remise à Monsieur X. lors de son adhésion du 11 février 1993 énonce que l'incapacité totale de travail survenant au cours de la première année d'assurances (délai d'attente), n'est couverte que si elle résulte d'un accident, c'est à dire de l'action soudaine et imprévisible d'un événement extérieur et non intentionnel.

Et il y est encore mentionné que seules les périodes d'incapacité totale de travail dont le point de départ se situe au delà de ce délai sont susceptibles d'être prises en charge.

Atteint d'une névrite optique, Monsieur X. a été mis en arrêt de travail le 13 février 1994.

Et le 1er août 1996, la Sécurité Sociale l'a reconnu en état d'invalidité de 2ème catégorie.

Contestant le refus de garantie opposé par la SA CNP Assurances, Monsieur X., par actes des 3 et 4 septembre 1997 l'a fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance de NANCY, afin d'obtenir sa condamnation, en présence de la SA Crédit Immobilier des Vosges, au remboursement du prêt, et à lui payer les sommes suivantes

- 50.000 francs en réparation de son préjudice moral,

- 6.000 francs en remboursement de ses frais non compris dans les dépens.

Par jugement du 2 avril 1999, le Tribunal, aux motifs essentiels que d'une part la clause instituant le délai d'attente figure en caractères apparents sur le bulletin individuel d'adhésion, que cette clause, eu égard à la durée du prêt n'est pas à l'origine d'un déséquilibre significatif des prestations, et d'autre part, que l'incapacité de travail a pris naissance avant l'expiration du délai d'attente, a débouté Monsieur X. de ses demandes.

Monsieur X. a interjeté appel le 16 mai 2002.

 

[minute page 3] PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Dans ces dernières conclusions, notifiées et déposées le 14 février 2001, Monsieur X. demande que par voie d'infirmation du jugement entrepris la SA CNP Assurances soit condamnée à prendre en charge le remboursement du prêt immobilier et à lui payer les sommes suivantes

- 50.000 francs au titre du préjudice moral,

- 10.000 francs en remboursement de ses frais non compris dans les dépens.

Il fait valoir que la clause instituant le délai d'attente est abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation dès lors qu'elle aboutit à créer un déséquilibre des prestations en faveur de l'assureur, qui s'est réservé par écrit la possibilité de déroger a cette limite de garantie en fonction de la gravité de l'état de santé de l'adhérent. Il ajoute que la SA CNP Assurances a méconnu la recommandation 90-01 de la commission des clauses abusives en s'abstenant d'attirer suffisamment l'attention du consommateur sur l'existence d'un délai d'attente.

Subsidiairement, il soutient d'une part que le point de départ du délai d'attente est le 11 février 1993, date de signature du bulletin individuel et d'autre part, qu'à tout le moins la reconnaissance de son état d'invalidité se situe en période de garantie.

Par ses écritures dernières, notifiées et déposées le 14 mai 2002, la SA CNP Assurances conclut à la confirmation du jugement et demande à être indemnisée par Monsieur X. à hauteur de 7.000 francs de ses frais non compris dans les dépens.

Elle rétorque que le point de départ des garanties a été contractuellement fixé à la date de signature de l'offre de prêt pour en déduire que l'incapacité de travail survenue le 14 février 1994 en raison d'une maladie qui est aussi à l'origine du classement ultérieur en invalidité, ne relève pas des garanties en raison de la stipulation en termes très apparents du délai d'attente qui n'a aucun caractère abusif, ni discriminatoire.

Par ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 10 août 2000, la SA Crédit Immobilier des Vosges déclare s'en remettre à prudence de justice sur le bien fondé de l'appel. Elle rappelle avoir renégocié le prêt avec les époux X. afin d'alléger la charge des remboursements.

[minute page 4] L'instruction a été déclarée close le 16 mai 2002.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Le bulletin individuel de demande d'admission, portant la signature de Monsieur X., qui a répondu au questionnaire de santé joint, est daté du 11 février 1993 ;

Cet acte reproduit la notice résumant les conditions essentielles du contrat et énonce en son article 6 que les garanties prennent effet le jour de la signature de l'offre de prêt par l'emprunteur, soit en l'espèce le 27 mars 1993 ;

L'article 2 de la notice, relatif à la définition des garanties, énonce sous le paragraphe « incapacité totale de travail », qui est le risque dont Monsieur X. demande a être garanti par la CNP, que « l'incapacité totale de travail survenant au cours de la première année d'assurance (délai d'attente), n'est couverte que si elle résulte d'un accident. Seules les périodes d'incapacité totale de travail dont le point de départ se situe au delà de ce délai sont susceptibles d'être prises en charge » ;

D'abord, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, cette clause qui restreint de façon significative les obligations de l'assureur, même si elle est précédée du mot « attention », se fond dans le texte du paragraphe, les caractères d'impression ne se distinguant pas du reste du texte par leur taille, alors que pour stipuler un délai d'attente pour la garantie invalidité permanente et absolue, la CNP a choisi des caractères d'imprimerie en majuscule d'une dimension double de ceux du reste du texte, imprimé en minuscules ,

Ensuite, force est de constater qu'aucune explication n'est donnée sur la notion de période d'assurance, si bien que l'adhérent peut se méprendre sur le point de départ du délai d'attente, qui dans l'esprit du consommateur, pouvait remonter à la date de demande d'adhésion au contrat de groupe ,

Il s'avère que la CNP n'a pas loyalement informé le candidat à l'adhésion, alors même que par sa recommandation n° 91-01 du 10 novembre 1989, la commission des clauses abusives avait préconisé que de telles clauses soient clairement signalées à l'attention du consommateur ;

[minute page 5] Ensuite, si l'institution de tels reports dans le temps de la prise d'effet de certaines garanties peut être légitime pour permettre à l'assureur de se prémunir contre les conséquences de déclarations d'adhérents fausses ou incomplètes, il doit par ailleurs être tenu compte du fait que l'assureur peut faire sanctionner de tels comportements sur le fondement des articles L. 113-8 et L. 113-9 du Code des Assurances ; Dès lors il doit exister dans la détermination du délai d'attente une proportionnalité entre le but recherché et les conséquences subies par l'adhérent ;

Or en l'espèce, ce délai a été fixé à un an ;

Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, cette durée est excessive même en considération de la période de remboursement de prêt, qui est de 15 ans ;

La CNP en a tellement conscience que dans un courrier du 22 juillet 1996, adressé au prêteur, elle a fait état d'une « circulaire explicative du contrat » dont il résulte qu'elle se réserve la faculté de garantir les conséquences de certaines maladies survenues pendant le délai d'attente, lorsque ces affections sont « graves », ce dont il résulte que le bénéfice de la garantie relève d'une décision purement potestative de l'assureur ;

Par conséquent, il s'avère que la clause litigieuse a pour effet de créer, au détriment de l'adhérent consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, si bien qu'il y a lieu de la réputer non écrite par application de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation ;

Il y a donc lieu de constater que les conditions de garantie du risque incapacité totale de travail sont réunies dès lors que Monsieur X., en raison d'une maladie survenue en cours d'assurance, se trouve dans l'incapacité d'exercer une quelconque activité rémunérée et perçoit, de ce fait, des prestations de l'assurance invalidité après avoir été classé en 2ème catégorie au sens de l'article L. 341-4 du Code de la Sécurité Sociale ;

Par infirmation du jugement, la CNP sera donc condamnée au paiement des échéances dues par Monsieur X., conformément à l'article 7 de la notice, dont il résulte que la prise en charge s'effectue à compter du 91ème jour d'arrêt de travail ;

[minute page 6] Les troubles et les tracas subis par Monsieur X. du fait de la stipulation d'une clause déclarée abusive seront réparés par l'octroi d'une somme de 1.500 € qui indemnise l'entier préjudice ;

Et tenu aux dépens, la CNP sera condamnée à indemniser Monsieur X. à hauteur de 1.500 € de ses frais irrépétibles de procédure, tant de première instance que d'appel ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare recevable l'appel interjeté contre le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'ÉPINAL le 2 avril 1999            ;

Infirme le jugement déféré ; et statuant à nouveau :

Condamne la SA Compagnie Nationale de Prévoyance à payer les échéances dues par Monsieur X. au titre du prêt immobilier du 27 mars 1993, à compter du 91ème jour suivant l'arrêt de travail du 13 février 1994 ;

La condamne à payer à Monsieur X. une somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1.500 €) de dommages et intérêts et une somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1.500 €) au titre des frais non compris dans les dépens ;

Déclare l'arrêt commun à la SA Crédit immobilier des Vosges ;

Condamne la SA Compagnie Nationale de Prévoyance aux dépens de première instance et d'appel et accorde aux avoués des autres parties un droit de recouvrement direct dans les conditions prévues par l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

L'arrêt a été prononcé à l'audience publique du un Avril deux mille trois par Monsieur DORY, Président de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY, conformément à l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile, assisté de Madame STUTZMANN, greffier.