CASS. CIV. 1re, 1er février 2005
CERCLAB - DOCUMENT N° 1992
CASS. CIV. 1re, 1er février 2005 : pourvoi n° 03-18795 ; arrêt n° 267
Extrait : « Attendu que pour condamner la CNP à garantie et déclarer la clause litigieuse abusive, l'arrêt attaqué retient qu'il doit exister dans le délai d'attente une proportionnalité entre le but recherché et les conséquences subies par l'adhérent et que la durée d'un an est excessive même en considération de la période de remboursement de prêt de 15 ans ; Qu'en statuant ainsi, sans démontrer en quoi une telle clause avait été imposée par un abus de puissance économique, lequel ne résulte pas de la seule circonstance qu'il s'agissait d'un contrat d'adhésion, et sans s'expliquer sur les avantages recueillis par l'assureur au regard des désavantages subis aux fins de caractériser l'avantage excessif obtenu par l'assureur, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du texte susvisé ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 1er FÉVRIER 2005
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 03-18795. Arrêt n° 267
DEMANDEUR à la cassation : COMPAGNIE NATIONALE DE PREVOYANCE ASSURANCES
DÉFENDEUR à la cassation : Monsieur X.
Président : M. ANCEL
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la Caisse nationale de prévoyance (CNP) du désistement de son pourvoi formé contre le Crédit immobilier des Vosges ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l'article L. 132-1 du Code de la consommation dans sa rédaction antérieure à la loi du 1er février 1995 ;
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que, dans le cadre du prêt immobilier accordé le 27 mars 1993 aux époux X. pour une durée de 15 ans par le Crédit immobilier des Vosges, les emprunteurs ont adhéré à une assurance-groupe décès, invalidité permanente et incapacité totale de travail souscrite par la banque auprès de la Caisse nationale de prévoyance assurances (CNP) ; qu'à la suite d'une maladie survenue le 14 février 1994, M. X., classé en invalidité 2e catégorie, a dû cesser son activité professionnelle et a sollicité la prise en charge du prêt par l'assureur qui a refusé sa garantie en application de la clause selon laquelle un délai d'attente d'un an était prévu entre la prise d'effet du contrat et l'incapacité totale de travail survenant au cours de cette première année ;
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que pour condamner la CNP à garantie et déclarer la clause litigieuse abusive, l'arrêt attaqué retient qu'il doit exister dans le délai d'attente une proportionnalité entre le but recherché et les conséquences subies par l'adhérent et que la durée d'un an est excessive même en considération de la période de remboursement de prêt de 15 ans ;
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Qu'en statuant ainsi, sans démontrer en quoi une telle clause avait été imposée par un abus de puissance économique, lequel ne résulte pas de la seule circonstance qu'il s'agissait d'un contrat d'adhésion, et sans s'expliquer sur les avantages recueillis par l'assureur au regard des désavantages subis aux fins de caractériser l'avantage excessif obtenu par l'assureur, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du texte susvisé ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen ni sur le second moyen : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er avril 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;
Condamne M. X. aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X. et le condamne à payer la somme de 2 000 euros à la CNP ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille cinq.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyens produits par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils pour Caisse nationale de prévoyance (CNP) assurances.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la C.N.P. à payer les échéances dues par Monsieur Yves Rxxxx au titre du prêt immobilier du 27 mars 1993 à compter du 91ème jour suivant l'arrêt de travail du 13 février 1994 ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE le bulletin individuel de demande d'admission, portant la signature de Monsieur Rxxxx, qui a répondu au questionnaire de santé joint, est daté du 11 février 1993 ;
que cet acte reproduit la notice résumant les conditions essentielles du contrat et énonce en son article 6 que les garanties prennent effet le jour de la signature de l'offre de prêt par l'emprunteur, soit en l'espèce le 27 mars 1993 ; que l'article 2 de la notice, relatif à la définition des garanties, énonce sous le paragraphe "incapacité totale de travail", qui est le risque dont Monsieur Rxxxx demande a être garanti par la C.N.P., que "l'incapacité totale de travail survenant au cours de la première année d'assurance (délai d'attente), n'est couverte que si elle résulte d'un accident. Seules les périodes d'incapacité totale de travail dont le point de départ se situe au-delà de ce délai sont susceptible d'être prises en charge" ; que d'abord, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, cette clause qui restreint de façon significative les obligations de l'assureur, même si elle est précédée du mot "attention", se fond dans le texte du paragraphe, les caractères d'impression ne se distinguant pas du reste du texte par leur taille, alors que pour stipuler un délai d'attente pour la garantie invalidité permanente et absolue, la C.N.P. a choisi des caractères d'imprimerie en majuscule d'une dimension double de ceux du reste du texte, imprimé en minuscules ; qu'ensuite, force est de constater qu'aucune explication n'est donnée sur la notion de période d'assurance, si bien que l'adhérent peut se méprendre sur le point de départ du délai d'attente, qui dans l'esprit du consommateur, pouvait remonter à la date de demande d'adhésion au contrat de groupe ; qu'il s'avère que la C.N.P. n'a pas loyalement informé le candidat à l'adhésion, alors même que par sa recommandation nº 91-01 du 10 novembre 1989, la commission des clauses abusives avait préconisé que de telles clauses soient clairement signalées à l'attention du consommateur ; qu'ensuite, si l'institution de tels reports dans le temps de la prise d'effet de certaines garanties peut être légitime pour permettre à l'assureur de se prémunir contre les conséquences de déclarations d'adhérents fausses ou incomplètes, il doit par ailleurs être tenu compte du fait que l'assureur peut faire sanctionner de tels comportements sur le fondement des articles L. 113-8 et L. 113-9 du code des assurances ; que dès lors, il doit exister dans la détermination du délai d'attente une proportionnalité entre le but recherché et les conséquences subies par l'adhérent ; qu'or, en l'espèce, ce délai a été fixé à un an ; que contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, cette durée est excessive même en considération de la période de remboursement de prêt, qui est de 15 ans ; que la C.N.P. en a tellement conscience que dans un courrier du 22 juillet 1996, adressé au prêteur, elle a fait état d'une "circulaire explicative du contrat" dont il résulte qu'elle se réserve la faculté de garantir les conséquences de certaines maladies survenues pendant le délai d'attente, lorsque ces affections sont "graves", ce dont il résulte que le bénéfice de la garantie relève d'une décision purement potestative de l'assureur ; que par conséquent, il s'avère que la clause litigieuse a pour effet de créer, au détriment de l'adhérent consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, si bien qu'il y a lieu de la réputer non écrite par application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation ; qu'il y a donc lieu de constater que les conditions de garantie du risque incapacité totale de travail sont réunies dès lors que Monsieur Rxxxx, en raison d'une maladie survenue en cours d'assurance, se trouve dans l'incapacité d'exercer une quelconque activité rémunérée et perçoit, de ce fait, des prestations de l'assurance invalidité après avoir été classé en 2ème catégorie au sens de l'article L. 341-4 du Code de la Sécurité sociale ; que par infirmation du jugement, la C.N.P. sera donc condamnée au paiement des échéances dues par Monsieur Rxxxx, conformément à l'article 7 de la notice, dont il résulte que la prise en charge s'effectue à compter du 91ème jour d'arrêt de travail ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1º) ALORS QUE l'article L. 132-1 du Code de la Consommation , dans sa rédaction antérieure à la loi du 1er février 1995, seule applicable au contrat litigieux conclu le 11 février 1993 et entré en vigueur le 27 mars 1993, ne permettait de réputer abusives que les clauses d'un contrat imposées par un abus de puissance économique du professionnel lui conférant un avantage excessif ; qu'en s'abstenant dès lors de constater que la clause litigieuse stipulant un délai d'attente de un an aurait été imposée par un abus de puissance économique de la C.N.P., lequel ne saurait résulter du seul fait que le contrat relève de la catégorie des contrats d'adhésion, la Cour d'Appel a violé le texte susvisé ;
2º) ALORS QUE seules les clauses des contrats conclus entre un professionnel et un consommateur qui ont pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif, au détriment du consommateur entre les droits et obligations des parties ou un avantage excessif au profit du professionnel, sont réputées abusives ; que pour réputer non écrite la clause stipulant un délai d'attente de un an pour la garantie I.T.T. lorsque celle-ci ne résulte pas d'un accident, la Cour d'Appel a estimé qu'elle créait au préjudice de l'assuré un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ; qu'en statuant ainsi, par la seule référence au désavantage subi par l'assuré sans le comparer avec les avantages recueillis par l'assureur, la Cour d'Appel n'a pas caractérisé l'avantage excessif recueilli par celui-ci, violant l'article L. 132-1 du Code de la consommation ;
3º) ALORS QUE n'est pas abusive la clause stipulant un délai d'attente de un an pour un des risques assurés et uniquement s'il ne provient pas d'un accident, dans le but d'éviter une fraude à l'assurance, par rapport à un contrat d'une durée de 15 ans pour lequel les primes d'assurances sont particulièrement modérées ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'Appel a méconnu le principe de proportionnalité, violant derechef l'article L. 132-1 du Code de la consommation ;
4º) ALORS QUE dans les contrats d'assurance groupe, les droits et obligations de l'assuré sont définis par la notice qui lui est remise par le souscripteur lors de son adhésion ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la notice d'assurance remise à Monsieur Rxxxx stipulait un délai d'attente de un an pour le risque I.T.T. ne provenant pas d'un accident et déterminait la date de prise d'effet des garanties ; qu'en estimant que la faculté que se réservait la C.N.P. de renoncer unilatéralement à cette stipulation contractuelle d'un délai d'attente était potestative, la Cour d'Appel a violé les articles L. 140-4 du Code des Assurances et 1134 du Code Civil par refus d'application et les articles 1170 et 1174 du Code Civil pour fausse application ;
5º) ALORS EN OUTRE QUE la clause stipulant le délai d'attente était précédé de la mention rédigée en caractère gras de grande taille ATTENTION et rédigée dans des caractères différents du contexte pour attirer l'attention de l'assuré sur cette clause ; qu'en énonçant néanmoins que cette clause se fondait dans le texte du paragraphe, la Cour d'Appel a violé l'article 1134 du Code Civil ;
6º) ALORS QUE la clause de la notice définissait les droits et obligations des parties précisant clairement et sans ambiguïté la date de prise d'effet des garanties fixée à la date de la signature de l'offre de prêt par les emprunteurs assurés ; qu'en estimant que cette clause n'informait pas loyalement l'assuré sur la date de prise d'effet de garantie, la Cour d'Appel a violé les articles 1134 du Code Civil et L. 140-4 du Code des Assurances.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la C.N.P. à payer à Monsieur Yves Rxxxx la somme de 1.500 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE les troubles et les tracas subis par Monsieur Rxxxx du fait de la stipulation d'une clause déclarée abusive seront réparés par l'octroi d'une somme de 1.500 euros qui indemnise l'entier préjudice ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QUE la résistance à une action en justice ne peut, sauf circonstances particulières qu'il appartient alors au juge de spécifier, constituer un abus de droit, lorsque la légitimité de cette résistance a été reconnue par la juridiction de premier degré, malgré l'infirmation dont sa décision a été l'objet en appel ; que saisi de la même action fondée sur les mêmes éléments et les mêmes prétentions des parties, le Tribunal avait consacré la résistance légitime de la C.N.P. à l'action de Monsieur Rxxxx ; qu'en condamnant néanmoins la C.N.P. à payer des dommages-intérêts à Monsieur Rxxxx pour résistance abusive, sans caractériser les circonstances particulières qui auraient révélé en cause d'appel le caractère abusif de cette résistance, la Cour d'Appel a violé l'article 1382 du Code Civil.
- 5803 - Code de la consommation - Clauses abusives - Évolution de la protection (2) - Cass. civ. 1re, 14 mai 1991 - Application directe de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 : illustrations
- 5816 - Code de la consommation - Clauses abusives - Application dans le temps - Clauses abusives - Illustrations : Loi n° 95-96 du 1er février 1995
- 5998 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Recommandations de la Commission des clauses abusives - Influence effective
- 6004 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Rédaction et interprétation - Rédaction claire et compréhensible (L. 212-1, al. 1, C. consom.) - Clause vagues
- 6009 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Principes généraux - Appréciation globale
- 6020 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Réciprocité - Réciprocité des contreparties : obligations principales
- 6031 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Nature du contrat - Economie du contrat
- 6033 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Nature du contrat - Esprit du contrat - Contrat aléatoire
- 6093 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Lisibilité - Présentation générale