TA AMIENS (1re ch.), 13 octobre 2008
CERCLAB - DOCUMENT N° 1643
TA AMIENS (1re ch.), 13 octobre 2008 : Req. n° 08/02015
Publication : Juris-Data n° 2008-006666
Extraits : 1/ « Considérant, en second lieu, qu'en vertu des principes généraux relatifs à la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction, il n'appartient pas à la juridiction administrative, lorsqu'elle est saisie d'une question préjudicielle en appréciation de validité d'un acte administratif, de trancher d'autres questions que celle qui lui a été renvoyée par l'autorité judiciaire ; qu'il suit de là que, lorsque la juridiction de l'ordre judiciaire a énoncé dans son jugement le ou les moyens invoqués devant elle qui lui paraissent justifier ce renvoi, la juridiction administrative doit limiter son examen à ce ou ces moyens et ne peut connaître d'aucun autre, fût-il d'ordre public, que les parties viendraient à présenter devant elle à l'encontre de cet acte ; que te tribunal de grande instance de Saint-Quentin a retenu dans le motif de son jugement que les dispositions en cause étaient susceptibles de contrevenir à l'article L. 132-1 du code de la consommation et a ainsi précisément défini et limité l'étendue de la question qu'il entendait soumettre ; que, par suite, il n'appartient au juge administratif de se prononcer que sur ce moyen à l'exclusion de celui à la légalité desdites clauses au regard du régime de responsabilité inhérente au fonctionnement des ouvrages publics, invoqué également par la société « GAN ASSURANCES » dans sa requête ».
2/ « que le caractère abusif d'une clause s'apprécie non seulement au regard de cette clause elle-même mais aussi compte tenu de l'ensemble des stipulations du contrat et, lorsque celui-ci a pour objet l'exécution d'un service public, des caractéristiques particulières de ce service ; Considérant, enfin, qu'un branchement particulier avant compteur, même pour sa portion établie à l'intérieur d'un immeuble privé et nonobstant l'existence de clauses lui attribuant en l'espèce la propriété à l'usager, présente le caractère d'un ouvrage public ; que les clauses précitées ont pour effet d'exclure d'une manière générale et absolue toute responsabilité du service des eaux pour les conséquences dommageables d'accidents survenus sur cet ouvrage au-delà du domaine public, ainsi, et sans contrepartie, que toute charge et obligation inhérente à l'entretien de celui-ci ; qu'elles peuvent conduire à faire supporter par un usager les conséquences de dommages qui ne lui seraient pas imputables ; qu'elles s'insèrent, pour un service assuré en monopole, dans un contrat d'adhésion ; qu'elles ne sont pas justifiées par les caractéristiques particulières de ce service public ; qu'elles présentent ainsi le caractère d'une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, d'ordre public ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les clauses précitées du paragraphe b) de l'article 30 du règlement du service des eaux de la communauté d'agglomération de Saint-Quentin sont illégales ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL ADMINISTRATIF D’AMIENS
PREMIÈRE CHAMBRE
JUGEMENT DU 13 OCTOBRE 2008
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Requête n° 08/02015. Audience du 25 septembre 2008. Lecture du 13 octobre 2008.
Rapporteur : M. BINAND
Commissaire du gouvernement : M. TRUY
Demandeur :
Société d'assurances « GAN Assurances »
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu la requête, enregistrée le 21 juillet 2008, présentée pour « GAN ASSURANCES », société d'assurances dont le siège se situe [adresse] par Maître C. DONNETTE, avocat, en exécution du jugement rendu le 20 mars 2008 par le tribunal de grande instance de Saint-Quentin ; la société « GAN ASSURANCES » demande au Tribunal d'apprécier la légalité de certaines clauses de l'article 30 en son paragraphe b) du règlement du service des eaux de la communauté d'agglomération de Saint-Quentin ;
Vu le jugement rendu le 20 mars 2008 par le tribunal de grande instance de Saint-Quentin ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 septembre 2008 :
- le rapport de M. BINAND,
- les observations de Maître CHARVIN, avocat au barreau des Hauts de Seine, représentant les requérants, et de Maître DONNETTE, avocat au barreau de Saint Quentin, représentant la société GAN assurances,
- et les conclusions de M. TRUY, commissaire du gouvernement ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Considérant, en premier lieu, que par un jugement rendu le 20 mars 2008, le tribunal de grande instance de Saint-Quentin, saisi par la société immobilière Saint-Jacques et la société d'assurances « AXA Assurances IARD », d'une demande de réparation des conséquences dommageables d'un dégât des eaux causé à leurs propriétés immobilières par la rupture du branchement particulier desservant l'immeuble voisin appartenant à M. X., aux intérêts desquels la société « GAN ASSURANCES » est subrogée, a renvoyé les parties à saisir le tribunal de céans de la question de la légalité de certaines des clauses de l'article 30, en son paragraphe b), du règlement du service des eaux de la communauté d'agglomération de Saint-Quentin adopté le 30 octobre 1980 dans sa rédaction modifiée en dernier lieu le 31 mars 1999, et a sursis à statuer jusqu'à la décision du tribunal administratif ;
Considérant, en second lieu, qu'en vertu des principes généraux relatifs à la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction, il n'appartient pas à la juridiction administrative, lorsqu'elle est saisie d'une question préjudicielle en appréciation de validité d'un acte administratif, de trancher d'autres questions que celle qui lui a été renvoyée par l'autorité judiciaire ; qu'il suit de là que, lorsque la juridiction de l'ordre judiciaire a énoncé dans son jugement le ou les moyens invoqués devant elle qui lui paraissent justifier ce renvoi, la juridiction administrative doit limiter son examen à ce ou ces moyens et ne peut connaître d'aucun autre, fût-il d'ordre public, que les parties viendraient à présenter devant elle à l'encontre de cet acte ; que te tribunal de grande instance de Saint-Quentin a retenu dans le motif de son jugement que les dispositions en cause étaient susceptibles de contrevenir à l'article L. 132-1 du code de la consommation et a ainsi précisément défini et limité l'étendue de la question qu'il entendait soumettre ; que, par suite, il n'appartient au juge administratif de se prononcer que sur ce moyen à l'exclusion de celui à la légalité desdites clauses au regard du régime de responsabilité inhérente au fonctionnement des ouvrages publics, invoqué également par la société « GAN ASSURANCES » dans sa requête ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 30, en son paragraphe b), de l'acte administratif dans leur rédaction en litige : « du robinet jusqu'à la concession au compteur (sauf en cas de pose de borne de comptage)/ L 'abonné est seul et entièrement responsable de tous les accidents pouvant se produire sur la partie du branchement lacée à l'intérieur de sa propriété (entre le robinet de concession et le compteur) ainsi que de tous les dommages et dégradations qui en résulteraient tant pour son immeuble que pour les immeubles voisins./ L'entretien des canalisations et appareils établis dans cette partie du branchement est à la charge exclusive de l'abonné./ Pour les branchements déjà existants si cet entretien nécessitait le remplacement de la canalisation et par suite un nouveau raccordement sur le robinet de concession, ce raccordement serait effectué par le service des Eaux, aux frais de l'abonné, et facturé selon le prix de revient des travaux. » ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 132-1 du code de la consommation : « Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. (...) Les clauses abusives sont réputées non écrites. » ; que le caractère abusif d'une clause s'apprécie non seulement au regard de cette clause elle-même mais aussi compte tenu de l'ensemble des stipulations du contrat et, lorsque celui-ci a pour objet l'exécution d'un service public, des caractéristiques particulières de ce service ;
[minute page 3] Considérant, enfin, qu'un branchement particulier avant compteur, même pour sa portion établie à l'intérieur d'un immeuble privé et nonobstant l'existence de clauses lui attribuant en l'espèce la propriété à l'usager, présente le caractère d'un ouvrage public ; que les clauses précitées ont pour effet d'exclure d'une manière générale et absolue toute responsabilité du service des eaux pour les conséquences dommageables d'accidents survenus sur cet ouvrage au-delà du domaine public, ainsi, et sans contrepartie, que toute charge et obligation inhérente à l'entretien de celui-ci ; qu'elles peuvent conduire à faire supporter par un usager les conséquences de dommages qui ne lui seraient pas imputables ; qu'elles s'insèrent, pour un service assuré en monopole, dans un contrat d'adhésion ; qu'elles ne sont pas justifiées par les caractéristiques particulières de ce service public ; qu'elles présentent ainsi le caractère d'une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, d'ordre public ;
Considérant qu'il résulte de ce qui [précède] que les clauses précitées du paragraphe b) de l'article 30 du règlement du service des eaux de la communauté d'agglomération de Saint-Quentin sont illégales ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCIDE :
Article 1er : Les dispositions des trois premiers alinéas du paragraphe b) de l'article 30 du règlement du service des eaux de la communauté d'agglomération de Saint-Quentin soumises à l'appréciation du tribunal sont illégales.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à « GAN ASSURANCES », à M. X., à la société immobilière « Saint-Jacques » à la communauté d'agglomération de Saint-Quentin et à la société « AXA Assurances TARD ».
Copie sera transmise, pour information, au greffe du tribunal de Grande instance de Saint-Quentin.
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2008, à laquelle siégeaient : M. RIVAUX, président, M. BINAND, premier conseiller, M. BOUTOU, premier conseiller,
Lu en audience publique le 13 octobre 2008.
Le rapporteur, Le président, Le greffier,
C. BINAND B. RIVAUX S. CHATELLAIN
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