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CA RENNES (1re ch. B), 13 novembre 2003

Nature : Décision
Titre : CA RENNES (1re ch. B), 13 novembre 2003
Pays : France
Juridiction : Rennes (CA), 1re ch. sect. B
Demande : 02/04714
Date : 13/11/2003
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Juris Data
Date de la demande : 18/07/2002
Décision antérieure : TI SAINT-MALO, 25 juin 2002
Numéro de la décision : 844
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 1790

CA RENNES (1re ch. B), 13 novembre 2003 : RG n° 02/04714 ; arrêt n° 844

Publication : Juris-Data n° 232824

 

Extrait  1/ « Les conditions générales du contrat de service souscrit par M. X. sont suffisamment claires et précises, avec notamment une présentation par articles et intitulés, pour avoir été connues et acceptées par lui, quand bien même elles seraient inférieures au corps 8, qui n'est exigé par le Code de la Consommation que pour les contrats de crédit. »

2/ « Ni  l'absence de précision sur la force majeure, car il est renvoyé à l'appréciation des tribunaux français pour sa définition, ni les possibilités de résiliation sans indemnité de la société BOUYGUES TELECOM, car elles ne concernent pas des cas où sa responsabilité est engagée, ne peuvent être considérées comme abusives.

Le maintien des redevances en cas de vol a pour contrepartie la poursuite du contrat, et la nécessité pour le client d'acquérir un nouveau portable ne crée pas un déséquilibre significatif.

De même la remise en service aux frais du client n'est pas non plus un déséquilibre significatif

Quant à la durée initiale d'un an sans liberté de résiliation, la Commission des clauses abusives recommande d'éliminer les clauses ayant pour objet d'imposer « une durée minimale de douze mois au contrat, sans laisser au consommateur le choix d'une durée différente, et sans prévoir la possibilité d'une résiliation anticipée pour motif légitime ». L'une ou l'autre des conditions (possibilité de choix et résiliation pour motif légitime) suffit à valider la période initiale d'un an, le déséquilibre créé par l'existence d'une période sans liberté de résiliation étant soit accepté par le client, soit non significatif. Or si les affirmations de la société BOUYGUES, selon lesquelles ses clients ont la possibilité de souscrire des offres sans durée minimale, ne sont pas corroborées par les éléments du dossier, et s'il existe un déséquilibre entre les possibilités de résiliation des deux contractants, le déséquilibre n'est pas suffisamment significatif, dans la mesure où le client a la possibilité de résilier pour motifs légitimes (non respect de ses engagements par BOUYGUES, maladie du client, déménagement, réseau inaccessible) même pendant la durée initiale. Aucune des clauses invoquées n'est donc abusive. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE RENNES

PREMIÈRE CHAMBRE B

ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2003

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 02/04714. Arrêt n° 844.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Mme Monique BOIVIN, Président, Mme Rosine NIELLE, Conseiller, Monsieur Jean-Malo BOHUON, conseiller.

GREFFIER : Patricia IBARA, lors des débats et lors du prononcé.

DÉBATS: A l'audience publique du 16 septembre 2003

ARRÊT : Contradictoire, prononcé par Mme Monique BOIVIN, Président, à l'audience publique du 13 novembre 2003.

 

APPELANT :

Monsieur X.

[adresse], représenté par la SCP GUILLOU et RENAUDIN, avoués assisté de Maître NGUYEN, avocat (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro […] du […] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [ville])

 

INTIMÉE :

SA BOUYGUES TELECOM ARCS DE SEINE

[adresse], représentée par la SCP CHAUDET et BREBION, avoués assistée de Maître DUPUY, avocat

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] FAITS - PROCÉDURE – MOYENS :

Le 2 mars 2000 M. X. a souscrit un abonnement auprès de la société BOUYGUES TELECOM pour l'utilisation d'un téléphone portable.

Au mois d'avril 2000 il était victime d'un vol avec violence et en réunion dans son appartement, et il n'était plus en mesure d'accéder au réseau téléphonique desservi par la société BOUYGUES TELECOM.

Néanmoins la société BOUYGUES TELECOM continuait à lui adresser des factures et il recevait, à partir du 5 septembre 2000 et par l'intermédiaire d'une société de contentieux : EFFICO, plusieurs demandes de paiement portant sur un solde de 1.028,09 Francs, soit 156,73 euros.

Le 29 mars 2001 M. X. assignait la société BOUYGUES TELECOM pour voir dire et juger que le contrat était résolu, et en condamnation à lui payer la somme de 20.000 Francs en réparation de son préjudice, à effectuer toutes les démarches nécessaires auprès du fichier national des incidents de paiement sous peine d'astreinte de 500 Francs par jour de retard pendant 2 mois, et au paiement de 5.000 Francs conformément aux articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et aux dépens.

Par jugement du 25 juin 2002 le tribunal d'instance de Saint-Malo déboutait M. X. de l'ensemble de ses demandes, et le condamnait à 156,73 euros et aux dépens.

M. X. a fait appel le 18 juillet 2002. Il demande à la Cour d'infirmer le jugement, de rejeter l'ensemble des moyens de la société BOUYGUES TELECOM, de constater la survenance du cas de force majeure, en l'espèce le vol de son téléphone portable, et de résilier en conséquence le contrat souscrit le 2 mars 2000, de dire qu'il ne peut être soumis à aucune obligation du fait de ce vol, à titre subsidiaire de constater l'inexécution contractuelle de la société BOUYGUES TELECOM et de résilier le contrat aux torts exclusifs de celle-ci, par voie de conséquence de la condamner à lui rembourser les sommes indûment prélevées sur son compte avec intérêt au taux légal à compter de leur versement, et de condamner la société BOUYGUES TELECOM à 3.000 euros pour le préjudice subi, 1.500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et de l'article 71 du décret sur l'aide juridictionnelle, et aux entiers dépens.

Il fait valoir que le vol était imprévisible et irrésistible au moment de la signature du contrat, qu'en effet la société BOUYGUES TELECOM ne rapporte pas la preuve qu'elle l'a informé des statistiques sur les vols de portable et de l'efficacité des moyens de protection mis en place, que le contrat de vente et le contrat de service sont liés, qu'on ne voit pas quelles seraient les hypothèses de force majeure si ce n'est justement la perte ou le vol, que la société BOUYGUES TELECOM propose une assurance pour le cas de vol, que la victime du vol est contrainte d'acheter un nouvel appareil et une nouvelle carte pour accéder au réseau, qu'il n'a pu obtenir la carte SIM malgré [minute page 3] plusieurs demandes et alors que la société BOUYGUES TELECOM avait été informée du vol, que néanmoins celle-ci a continué à prélever des sommes, et que la taille de la typographie (inférieure au corps 8) et l'encre utilisée démontrent l'absence de consentement aux conditions générales du contrat.

A titre subsidiaire il fait valoir que la société BOUYGUES TELECOM a commis une faute en vendant des téléphones portables dont elle sait qu'ils seront volés peu après plutôt que de prévoir un système de sécurisation optimale, qu'en l'absence de service les redevances périodiques ne sauraient être dues, et qu'il n'a jamais pu obtenir une nouvelle carte téléphonique SIM.

Il invoque le caractère abusif des clauses de résiliation aux motifs que la société BOUYGUES TELECOM peut résilier à tout moment sans indemnité alors que le consommateur doit respecter un préavis d'au moins 10 jours, que la notion de force majeure n'est pas étayée par des exemples non limitatifs, qu'un service non réalisé peut être facturé, et que la remise en service de l'appareil est à la charge du consommateur.

Enfin il invoque la mauvaise foi de la société BOUYGUES TELECOM.

La société BOUYGUES TELECOM demande à la Cour de confirmer le jugement, et de condamner M. X. à 1.500 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive, 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et aux entiers dépens.

Elle fait valoir que M. X. a accepté les conditions générales de service applicable au contrat, que ce contrat de service est distinct du contrat de vente du téléphone mobile acquis par le consommateur, qui dans l'hypothèse d'un vol a tout loisir de s'en procurer un autre, que les conditions générales du contrat de service ne prévoient pas que le vol est une cause de résiliation, et prévoient au contraire que les redevances périodiques demeurent facturées, que les factures postérieures au vol étaient justifiées car, comprenaient le forfait et les communications hors forfait pour la période antérieure au vol, et qu'en l'absence de paiement elle a procédé à la résiliation du contrat.

Elle réplique à M. X. que le vol du téléphone portable n'est pas un cas de force majeure au sens des conditions générales du contrat, qu'il n'est pas imprévisible eu égard au nombre de vols important et à l'offre d'un contrat d'assurance, ni irrésistible puisque le consommateur a la possibilité d'acquérir un nouvel appareil et la société s'engage à lui adresser une nouvelle carte SIM, que la déclaration de vol permet de suspendre l'utilisation de la carte volée, que c'est bien pour une des causes visées à l'article 13 que la résiliation a pu être prononcée, que les dispositions relatives à la résiliation sont en tous points conformes à la recommandation n°99-02 de la commission des clauses abusives, que si le contrat est conclu avec une période initiale d'un an, il comporte des facultés de résiliation allant au-delà de ce qui est recommandé, et que les clients ont la possibilité de souscrire des offres sans durée minimale, qu'il est justifié que le vol ne figure pas parmi les motifs légitimes de résiliation pendant la période initiale d'un an, qu'en effet le consommateur reçoit une nouvelle carte à sa demande et a la possibilité d'acquérir un nouveau [minute page 4] téléphone, que le maintien de la redevance a comme contrepartie celle de l'abonnement, et qu'à défaut les clients pourraient s'exonérer de toute obligation en effectuant simplement une déclaration de vol.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur les formes du contrat :

Les conditions générales du contrat de service souscrit par M. X. sont suffisamment claires et précises, avec notamment une présentation par articles et intitulés, pour avoir été connues et acceptées par lui, quand bien même elles seraient inférieures au corps 8, qui n'est exigé par le Code de la Consommation que pour les contrats de crédit.

La solution du litige ne peut donc être recherchée indépendamment du contrat conclu le 2 mars 2000 entre M. Thierry X. et la société BOUYGUES TELECOM.

 

Sur le vol et la force majeure :

Selon l'article 14 de ses conditions générales, le contrat de service ne peut être résilié par le client pendant la période initiale d'un an qu'en cas de force majeure ou pour certains motifs légitimes. Le vol ne fait pas partie des motifs légitimes (non respect de ses engagements par BOUYGUES, maladie du client, déménagement). Il n'est pas non plus un cas de force majeure, du moins s'il s'agit uniquement du vol de la carte SIM.

En effet l'article 11 des conditions générales prévoit des règles particulières en cas de vol de la carte SIM. Le client doit informer immédiatement la société BOUYGUES TELECOM par lettre recommandée avec accusé de réception, la ligne est alors mise hors service, une nouvelle carte SIM est envoyée au client dans les 5 jours de sa demande, l'usage de la carte SIM avant la déclaration du vol est de la responsabilité du client, 1e contrat reste en vigueur, et les redevances périodiques restent facturées.

Cependant les contrats de vente du portable et de prestation de service sont liés, et le vol du portable lui-même, bien que concernant d'abord le contrat de vente, a nécessairement une influence sur l'exécution du contrat de service.

Aussi il y a lieu de rechercher si le vol du portable constitue ou non un cas de force majeure vis-à-vis du contrat de service.

En réalité il est de notoriété publique que les vols de portable sont fréquents, de sorte que M. X. ne peut invoquer l'imprévisibilité du vol commis à son préjudice, et ce malgré les circonstances particulièrement choquantes de celui-ci.

[minute page 5] En outre le vol du portable n'empêche pas la poursuite du contrat de service, celui-ci pouvant être poursuivi moyennant l'acquisition d'un nouveau portable. L'influence du vol sur le contrat de service ne peut donc être considérée comme ayant été irrésistible, et par conséquent comme constitutive de force majeure.

 

Sur l'inexécution de ses obligations par  la société BOUYGUES TELECOM :

Il résulte des courriers versés aux débats par M. X., et que la société BOUYGUES TELECOM ne conteste pas avoir reçus, que non seulement M. X. n'a pas demandé de nouvelle carte SIM mais qu'il souhaitait que son abonnement soit suspendu et qu'un nouvel appareil lui soit fourni.

C'est dire que M. X. n'entendait pas procéder selon les modalités contractuelles précitées (maintien des redevances, demande de carte SIM, achat d'un nouveau portable), et qu'en revanche c'est en parfaite conformité avec les dispositions contractuelles que la société BOUYGUES TELECOM n'a pas délivré de nouvelle carte SIM tout en continuant néanmoins à prélever les redevances.

Par ailleurs si le reproche fait à la société BOUYGUES TELECOM de ne pas sécuriser les portables est rationnel, il n'a aucune portée juridique, aucune obligation légale ou contractuelle ne l'obligeant à le faire.

 

Sur les clauses abusives :

Ni  l'absence de précision sur la force majeure, car il est renvoyé à l'appréciation des tribunaux français pour sa définition, ni les possibilités de résiliation sans indemnité de la société BOUYGUES TELECOM, car elles ne concernent pas des cas où sa responsabilité est engagée, ne peuvent être considérées comme abusives.

Le maintien des redevances en cas de vol a pour contrepartie la poursuite du contrat, et la nécessité pour le client d'acquérir un nouveau portable ne crée pas un déséquilibre significatif.

De même la remise en service aux frais du client n'est pas non plus un déséquilibre significatif

Quant à la durée initiale d'un an sans liberté de résiliation, la Commission des clauses abusives recommande d'éliminer les clauses ayant pour objet d'imposer « une durée minimale de douze mois au contrat, sans laisser au consommateur le choix d'une durée différente, et sans prévoir la possibilité d'une résiliation anticipée pour motif légitime ».

L'une ou l'autre des conditions (possibilité de choix et résiliation pour motif légitime) suffit à valider la période initiale d'un an, le déséquilibre créé par [minute page 6] l'existence d'une période sans liberté de résiliation étant soit accepté par le client, soit non significatif

Or si les affirmations de la société BOUYGUES, selon lesquelles ses clients ont la possibilité de souscrire des offres sans durée minimale, ne sont pas corroborées par les éléments du dossier, et s'il existe un déséquilibre entre les possibilités de résiliation des deux contractants, le déséquilibre n'est pas suffisamment significatif, dans la mesure où le client a la possibilité de résilier pour motifs légitimes (non respect de ses engagements par BOUYGUES, maladie du client, déménagement, réseau inaccessible) même pendant la durée initiale.

Aucune des clauses invoquées n'est donc abusive.

 

Sur la créance de la société BOUYGUES TELECOM :

Le montant de la créance de la société BOUYGUES TELECOM est justifié par les factures produites et les articles 11 et 14 du contrat (facturation des communications antérieures au vol et des forfaits postérieurs, à l'exclusion des redevances jusqu'à la fin de la période initiale, car il faut considérer qu'il s'agit d'une résiliation « ordinaire »).

La procédure de résiliation est conforme aux dispositions des articles 13-3 (suspension en cas de non paiement des factures), 14-4 (résiliation à partir du 10e jour suivant), et 6-3 (inscription au fichier des incidents de paiements 8 jours après mise en demeure infructueuse).

Il y a donc lieu de confirmer la condamnation de. M. X. à verser la somme réclamée de 1.028,09 Francs, soit 156,73 euros.

 

Sur les dommages et intérêts et les frais irrépétibles :

Il n'y a pas lieu à dommages et intérêts en l'absence de mauvaise foi et il est équitable de laisser à la charge des parties les frais engagés par elles et non compris dans les dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Déclare l'appel recevable ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Rejette toutes les autres demandes, y compris au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

[minute page 7] Condamne M. X. aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

 

 

 

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