CA LIMOGES (ch. civ.), 21 janvier 2010

CERCLAB - DOCUMENT N° 2272
CA LIMOGES (ch. civ.), 21 janvier 2010 : RG n° 09/00141
Extrait : « Selon l'article L. 121-22 alinéa 2-4° du Code de la consommation, ne sont pas soumises aux articles L.121-23 à 28 dudit Code « les prestations de services en rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession ». La notion de profession en tant que telle n'est pas définie juridiquement. L'existence d'une réglementation, d'une production ou d'une prestation de service, d'une rémunération sont des éléments constitutifs de cette notion. Celle-ci doit être appréciée en fonction du texte précité et de la législation autonome du droit de la consommation. Ce texte ressort du Code de la consommation. Il est destiné à la protection du consommateur, il a été écarté les contrats en lien direct avec l'exercice d'une activité professionnelle. Il est fait référence à l'exploitant agricole, industriel, commercial ou artisanal ou à celui qui exerce « toute autre profession ». L'expression est donc très large et générale. La législation fiscale, distincte et conçue en fonction d'autres considérations, le régime fiscal de cette activité ne sont pas déterminants et nécessairement à retenir pour statuer sur le présent litige. De même l'absence d'inscription à tel registre ou organisme professionnel n'exclut pas en soi le fait d'exercer une profession.
L'activité de chambres d'hôtes fait l'objet d'une réglementation succincte par les articles L. 324-3 et 4 et D. 324-13 à 15 du Code de tourisme. […] Elle est exercée à titre onéreux et permet donc d'en retirer des revenus.
Compte tenu de ces éléments, elle peut être considérée comme une activité professionnelle au sens de l’article L. 121-22 alinéa 2 - 4° du Code de la consommation. S'il s'agit souvent d'une activité accessoire et/ou temporaire, cet article n'exige pas que la profession soit exercée à titre principal et/ou permanent. En l'occurrence d'ailleurs, Madame X. n'avait pas d'autre activité et elle était à l'époque allocataire de Pôle Emploi Limousin. Et, selon quelques documents produits (extraits de sites Internet), l'activité n'était pas limitée sur l'année à telle ou telle période.
Madame X. expose aussi qu'elle n'avait pas encore commencé son activité mais qu'elle n'en était qu'au stade des démarches préalables. Mais, outre le fait que cela n'est pas non plus déterminant car le contrat était bien conclu en lien avec une activité professionnelle qui se mettait en place, il peut être observé de toute façon, nonobstant une lettre d'un responsable des Gîtes de France, que les chambres d'hôtes de Madame X. apparaissaient dans les nouveautés 2008 au niveau du site des Gîtes de France au 6 mai 2008. Une prestation publicitaire destinée à promouvoir l'activité à caractère professionnel du cocontractant est en rapport direct avec celle-ci.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de considérer que la législation sur le démarchage à domicile ne s'applique pas en l'espèce. La rétractation de Madame X. a donc été inopérante. »
COUR D’APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 21 JANVIER 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 09/00141. Le vingt et un janvier deux mille dix la Chambre civile de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :
ENTRE :
SARL TOURISMORAMA
Dont le siège est [adresse], représentée par Maître Erick JUPILE-BOISVERD, avoué à la Cour, assistée de Maître GARRELON de la SCP GOUT-DIAS, avocats au barreau de TULLE APPELANTE d'un jugement rendu le 5 JANVIER 2009 par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE TULLE.
ET :
Madame X.
[minute Jurica page 2] Profession : Au Chômage, demeurant [adresse], représentée par la SCP COUDAMY, avoués à la Cour, assistée de Maître Dominique VAL, avocat au barreau de TULLE. INTIMÉE.
Selon calendrier de procédure du Conseiller de la Mise en Etat, l'affaire a été fixée à l'audience du 17 décembre 2009 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 21 janvier 2010.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 novembre 2009.
Conformément aux dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile, Monsieur Didier BALUZE, magistrat rapporteur, assisté de Madame Virginie ARNAUDIN, Greffier, a tenu seul l'audience au cours de laquelle Monsieur Didier BALUZE a été entendu en son rapport oral, Maître GARRELON et Maître Dominique VAL ont été entendus en leur plaidoirie et ont donné leur accord à l'adoption de cette procédure.
Après quoi, Monsieur Didier BALUZE, Conseiller, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 21 janvier 2010 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
Au cours de ce délibéré, Monsieur Didier BALUZE, a rendu compte à la Cour, composée de Monsieur Didier BALUZE, Conseiller faisant fonction de Président, de Monsieur Pierre-Louis PUGNET et de Monsieur Gérard SOURY, Conseillers. A l'issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR :
Résumé du Litige :
La SARL Tourismorama exploite un site Internet constituant un annuaire-guide d'activités touristiques (notamment présentation de gîtes et autres hébergements de ce genre).
Un bon de commande a été établi le 6 mai 2008 avec Mme X. pour une page relative à ses chambres d'hôtes.
Madame X. a dénoncé ce contrat le lendemain.
La SARL Tourismorama a engagé une action en paiement.
Par jugement du 5 janvier 2009, le Juge de proximité du Tribunal d'Instance de Tulle, considérant que le contrat relevait de la législation sur le démarchage à domicile, a :
* débouté la SARL Tourismorama de l'ensemble de ses demandes,
* constaté la nullité du contrat conclu entre les parties le 6 mai 2008,
* condamné la SARL Tourismorama à payer à Mme X. 500 € à titre de dommages et [minute Jurica page 3] intérêts pour préjudice moral et 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La SARL Tourismorama a interjeté appel. Ce recours a été déclaré recevable par ordonnance du Conseiller de la mise en état du 15 avril 2009.
La SARL Tourismorama estime notamment que la législation sur le démarchage à domicile ne peut s'appliquer en l'espèce.
Elle demande de réformer le jugement, de condamner Madame X. à lui payer 281,06 € en principal, avec intérêts, 5.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier, 10.000,00 € à titre de dommages-intérêts en réparation de l’atteinte à l'image et à la crédibilité de la SARL Tourismorama.
Madame X. qui revendique l'application de la législation sus-évoquée conclut à la confirmation avec allocation d'une indemnité supplémentaire de 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Il est renvoyé aux dernières conclusions des parties déposées par l'appelante le 10 novembre 2009 et par l'intimée le 5 novembre 2009.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Motifs :
Il est constant que les deux parties ont conclu un contrat le 6 mai 2008 dans le cadre d'un démarchage au domicile de Madame X.
La fiche technique, également signée par les parties ce jour-là, mentionne : 2 chambres d'hôtes et il est inséré au-dessus : et table d'hôtes.
Selon l'article L. 121-22 alinéa 2-4° du Code de la consommation, ne sont pas soumises aux articles L.121-23 à 28 dudit Code « les prestations de services en rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession ».
La notion de profession en tant que telle n'est pas définie juridiquement. L'existence d'une réglementation, d'une production ou d'une prestation de service, d'une rémunération sont des éléments constitutifs de cette notion. Celle-ci doit être appréciée en fonction du texte précité et de la législation autonome du droit de la consommation.
Ce texte ressort du Code de la consommation. Il est destiné à la protection du consommateur, il a été écarté les contrats en lien direct avec l'exercice d'une activité professionnelle. Il est fait référence à l'exploitant agricole, industriel, commercial ou artisanal ou à celui qui exerce « toute autre profession ». L'expression est donc très large et générale.
La législation fiscale, distincte et conçue en fonction d'autres considérations, le régime fiscal de cette activité ne sont pas déterminants et nécessairement à retenir pour statuer sur le présent litige. De même l'absence d'inscription à tel registre ou organisme professionnel n'exclut pas en soi le fait d'exercer une profession.
L'activité de chambres d'hôtes fait l'objet d'une réglementation succincte par les articles L. 324-3 et 4 et D. 324-13 à 15 du Code de tourisme.
Elle est définie comme la mise à disposition de chambres meublées situées chez l'habitant en vue d'accueillir des touristes, à titre onéreux, pour une ou plusieurs nuitées, « assorties de prestations ».
[minute Jurica page 4] Il ne s'agit pas simplement de la location d'un hébergement car celui-ci est couplé avec des prestations, au moins l'accueil par l'habitant personnellement, la fourniture de petits déjeuners et du linge de maison. L'ensemble suppose une préparation de l'hébergement et son entretien, une présence de l'habitant et au moins des menus services. La fiche sus-évoquée fait état aussi de repas. La page d'un site Internet mentionne comme équipement de loisirs sur place : piscine particulière.
Une déclaration en mairie est obligatoire. Ce statut peut permettre dans certaines zones et conditions une exonération de taxe foncière (article 1383-E bis du CGI). La DRCCRF précise que cette activité est soumise à la réglementation de l'hôtellerie en matière de publicité des prix.
Elle est exercée à titre onéreux et permet donc d'en retirer des revenus.
Compte tenu de ces éléments, elle peut être considérée comme une activité professionnelle au sens de l’article L. 121-22 alinéa 2 - 4° du Code de la consommation.
S'il s'agit souvent d'une activité accessoire et/ou temporaire, cet article n'exige pas que la profession soit exercée à titre principal et/ou permanent.
En l'occurrence d'ailleurs, Madame X. n'avait pas d'autre activité et elle était à l'époque allocataire de Pôle Emploi Limousin. Et, selon quelques documents produits (extraits de sites Internet), l'activité n'était pas limitée sur l'année à telle ou telle période.
Madame X. expose aussi qu'elle n'avait pas encore commencé son activité mais qu'elle n'en était qu'au stade des démarches préalables.
Mais, outre le fait que cela n'est pas non plus déterminant car le contrat était bien conclu en lien avec une activité professionnelle qui se mettait en place, il peut être observé de toute façon, nonobstant une lettre d'un responsable des Gîtes de France, que les chambres d'hôtes de Madame X. apparaissaient dans les nouveautés 2008 au niveau du site des Gîtes de France au 6 mai 2008.
Une prestation publicitaire destinée à promouvoir l'activité à caractère professionnel du co-contractant est en rapport direct avec celle-ci.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de considérer que la législation sur le démarchage à domicile ne s'applique pas en l'espèce. La rétractation de Madame X. a donc été inopérante.
Le contrat prévoyait des frais de réalisation et d'abonnement de 167,44 + 113,62 = 281,06 €.
En conséquence, il sera fait droit à la demande en paiement de la somme de 281,06 € avec intérêts.
Cela étant, l'existence d'une attitude fautive de la part de Madame X. postérieurement à la conclusion du contrat et celle d'un préjudice qui en aurait été subi par la SARL Tourismorama ne sont pas établies de telle sorte que la demande de dommages-intérêts de celle-ci sera rejetée.
De même, si une lettre de la SARL Tourismorama contient un passage déplacé, la demande de dommages-intérêts de Madame X. n'apparaît pas fondée, l'existence notamment d'un préjudice professionnel n'étant pas non plus caractérisée.
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de l'appelante l'intégralité de ses frais irrépétibles. Il lui sera alloué une indemnité au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile selon précisions énoncées au dispositif.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute Jurica page 5] DISPOSITIF :
LA COUR,
Statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Infirme le jugement,
Condamne Madame X. à payer à la SARL Tourismorama la somme de 281,06 € avec intérêts au taux légal à compter du 17 juillet 2008 et 300 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Rejette les demandes pour le surplus ou contraires,
Condamne Madame X. aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Virginie ARNAUDIN. Didier BALUZE.
- 5826 - Code de la consommation - Clauses abusives - Nature de la protection - Législation d’ordre public - Principe
- 5851 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de consommateur - Particulier personne physique - Absence de lien avec la profession
- 5868 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Notion d’activité professionnelle - Nature de l’activité
- 5869 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Notion d’activité professionnelle - Caractères de l’activité
- 5885 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères combinés : rapport direct et compétence
- 5901 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Finalité du contrat - Promotion de l’activité
- 5906 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Exécution du contrat - Modalités de paiement ou de comptabilisation du prix
- 5912 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus en vue d’une activité - Démarrage d’une activité principale
- 5944 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Promotion de l’activité : site internet
- 6979 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Droit postérieur à la loi n° 2017-203 du 21 février 2017