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CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 10 févr. 2003

Nature : Décision
Titre : CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 10 févr. 2003
Pays : France
Juridiction : Grenoble (CA), 1re ch. civ.
Demande : 99/04378
Date : 10/02/2003
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Site Com. cl. abusives (CCA)
Date de la demande : 14/10/1999
Décision antérieure : CASS. CIV. 1re, 1er février 2005, TGI GRENOBLE (4e ch. civ.), 6 septembre 1999
Numéro de la décision : 99
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3121

CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 10 févr. 2003 : RG n° 99/04378 ; arrêt n° 99

(sur pourvoi Cass. civ. 1re, 1er février 2005 : pourvoi n° 03-13779)

Publication : Site CCAB

 

Extraits : 1/ « Il est constant que quatre clauses sur les sept qui sont critiquées ne figurent plus dans les contrats qui sont actuellement proposés aux déposants de sorte que pour les clauses 2-2, 7, 8 et 3-4 du contrat initial le Tribunal a décidé à bon droit que l'action de l'U- était sans objet. L'appelante reconnaît que la décision des premiers juges se fonde sur un arrêt de la Cour de cassation en date du 13 mars 1996 mais déclare néanmoins maintenir sa demande de dommages et intérêts. Toutefois, il résulte des courriers échangés qu'à la suite de l'intervention de L'UFC 38 à partir de 1997 une nouvelle version du contrat a été proposée au mois d'avril 1998 avec une nouvelle modification au mois de décembre 1998. La Cour estime en conséquence, eu égard à ces circonstances, que le risque qui a pu être porté à la collectivité des consommateurs a été limité dans le temps de sorte que l'existence d'un préjudice collectif n'est pas démontrée. »

2/ « Son intitulé est le suivant « Si le déposant n'est pas venu retirer le ou les articles invendus dans les quinze jours suivant la résiliation du contrat ou l'expiration de la durée maximale d'un an ou six mois visée en 5-2 des présentes conditions, Troc de l’Ile pourra, après simple avis adressé au déposant soit : - les faire livrer à l'adresse du déposant à ses frais, - les détruire sans qu'aucun dédommagement ne puisse être réclamé au Troc de L'Ile par le déposant, - en disposer ou les vendre librement à son profit sachant que le produit complet de cette vente lui sera acquis, sans rétrocession, à titre d'indemnisation pour frais de garde, d'assurance et frais de dossier ». […] Dès lors que la clause incriminée prévoit que préalablement à l'action du dépositaire, le déposant est avisé, aucun déséquilibre ne peut être caractérisé étant observé que la commission des clauses abusives a retenu l'existence d'un déséquilibre significatif en l'absence de toute information préalable du déposant. »

3/ « Il prévoit « En accord avec le déposant, il pourra être convenu à titre de prix de mise en vente initial et pendant les deux premiers mois une fourchette de prix à l'intérieur de laquelle Troc de 1’Ile pourra librement proposer à la vente l'article déposé. Les deux extrêmes de la fourchette apparaîtront alors dans les « conditions particulières » à la colonne « prix de vente unitaire initial »...  L'Association estime que l'abus consiste pour le professionnel à s'autoriser de vendre un objet moyennant un prix non convenu avec le déposant. Aucun déséquilibre ne peut être caractérisé dans cette clause étant donné que la fourchette de prix prévue est librement débattue par les parties, que l'expression « il pourra être convenu » révèle qu'il ne s'agit pas d'une obligation pour le déposant et qu'en réalité l'économie de cet article est favorable au déposant puisqu'elle permet d'adapter le prix à la demande. »

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 10 FÉVRIER 2003

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 99/04378. Arrêt n° 99. Appel d'une décision (N° R.G. 9802647 - 4ème Chambre) rendue par le Tribunal de Grande Instance GRENOBLE en date du 6 septembre 1999, suivant déclaration d'appel du 14 octobre 1999.

 

APPELANTE :

Association UFC 38 QUE CHOISIR DE L'ISÈRE

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège [adresse], Représentée par la SCP HERVÉ JEAN POUGNAND, avoué associé à la Cour, Assistée de Maître BRASSEUR, avocat au barreau de GRENOBLE

 

INTIMÉES :

- SARL TROC DE L’ILE

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège [adresse], Représentée par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour, Assistée de Maître PETIT, avocat au barreau de GRENOBLE

- SA TROC DE L’ILE venant aux droits de la Société CEJIBE SA

prise en la personne de son représentant légal en exercice [adresse], Représentée par Maître Marie-France RAMILLON, avoué à la Cour, Assistée de Maître DESCHAMPS, avocat au barreau de PARIS

[minute page 2]

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Madame Odile FALLETTI-HAENEL, Président, Madame Claude-Françoise KUENY, Conseiller, Monsieur Jean-Pierre VIGNAL, Conseiller, Assistés lors des débats de Melle Sandrine DIEUDONNE, Greffier.

DÉBATS : A l'audience publique du 25 novembre 2002, les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries. Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour, après prorogation du délibéré.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES :

Suivant déclaration en date du 14 octobre 1999, l’UFC de l’Isère a relevé appel d'un jugement en date du 6 septembre 1999 qui a déclaré irrecevables comme devenues sans objet, les demandes qu'elle avait formées à l'encontre de la SARL DRAC, à l'enseigne Troc de l’Ile, pour obtenir la suppression, sous astreinte, de clauses qu'elle qualifiait d'illicites ou d'abusives dans les contrats soumis par cette société à ses clients, 60.000 francs à titre de dommages et intérêts, la publication de la décision et 10.000 francs en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'appelante demande à la Cour :

- de réformer le jugement déféré,

- [minute page 3] de constater le caractère illicite de sept clauses des contrats proposés par l’intimée,

- d'ordonner la suppression dans les contrats concernés des clauses suivantes maintenues :

* article 2-2 et 5-2 (version 96) et 5-4 (version décembre 1998)

* article 5-2 (version 96) et 5-4 (version décembre 1998)

* article 5-3 (version 96) et 6-3 (version décembre 1998),

- de dire que cette suppression interviendra dans le délai de un mois à compter de l'arrêt à peine d'une astreinte définitive d'un montant de 1.000 francs soit 152,44 euros par jour de retard à l'expiration du délai imparti,

- de dire que les clauses supprimées devront faire l'objet d'une information auprès des consommateurs qui disposeraient de contrats en cours reconduits (version 96 ou version avril 1998),

- de condamner l'intimée à lui payer 60.000 francs soit 9.146,94 euros à titre de dommages et intérêts,

- d'ordonner la publication du jugement et de l'arrêt dans les journaux Le Dauphiné Libéré, Les Petites Affiches et Le 38 à concurrence de 10.000 francs soit 1.524,49 euros par insertion à la charge des intimées,

- et de condamner les intimées à lui payer la somme de 20.000 francs ou 3.048,98 euros en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'appelante expose que l'article L. 421-6 du Code de la Consommation lui permet de critiquer « les clauses abusives dans les modèles de convention habituellement proposées par les professionnels aux consommateurs », que le terme habituellement ne signifie pas actuellement, qu'elle a intérêt à agir pour les contrats anciens mais reconduits, qu'en toute hypothèse si l'action en suppression des clauses n'a plus d'objet, la reconnaissance de leur caractère abusif présente un intérêt pour les consommateurs et pour les associations et que sa demande de dommages et intérêts est justifiée.

[minute page 4] Elle souligne que dans un arrêt du 05 octobre 1999 la Cour de Cassation a rappelé qu'une association agréée de défense des consommateurs est en droit de demander devant les juridictions civiles, la réparation, notamment par l'octroi de dommages et intérêts, de tout préjudice direct et indirect à l'intérêt collectif des consommateurs.

Elle critique les articles 2-2 devenu 5-4, 5-2 repris dans 5-4, l'article 7 initial repris dans 7-2, l'article 3-3 initial repris dans 6-3 et l'article 3-4 initial et demande à la Cour de retenir le caractère abusif de ces clauses et d'ordonner la suppression de celles qui ont été maintenues dans les différentes versions du contrat.

La SARL TROC DE L’ILE sollicite la confirmation du jugement déféré et à titre subsidiaire conclut au débouté des demandes.

Dans tous les cas, elle réclame une indemnité de 20.000 francs en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle expose qu'elle exploite à [ville] une activité de dépôt vente sous l'enseigne Troc de l’Ile dans le cadre d'un contrat de franchise passé avec la Société TROC DE L’ILE, anciennement dénommée CEJIBE, que L'UFC 38 n'a plus d'intérêt à agir car le modèle de contrat attaqué n'est plus proposé au consommateur aujourd'hui, que la convention critiquée n'étant plus habituellement proposée au consommateur l'action de L'UFC 38 est devenue sans objet, que dans un arrêt du 13 mars 1996 la Cour de Cassation a confirmé cette solution, que l'action prévue par l'article L. 421-6 du Code de la Consommation a un but purement préventif et qu'en toute hypothèse elle n'a jamais reçu la moindre plainte d'un consommateur, que la décision de la commission des clauses abusives lui est plutôt favorable, que les critiques de l'Association UFC 38 sont infondées et que le préjudice invoqué est purement symbolique.

La SA TROC DE L’ILE conclut également à la confirmation du jugement déféré et à titre subsidiaire conclut au débouté des demandes.

[minute page 5] Elle expose qu'en sa qualité de franchiseur elle est intervenue volontairement aux débats et rappelle qu'une clause peut être jugée abusive s'il est démontré qu'elle a pour objet ou pour effet de créer au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat et que le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat.

Elle souligne que le contentieux créé par L'UFC 38 ne concerne que des consommateurs qui ne déposent que des objets de faible valeur, que compliquer ce type de dépôt vente risque d'aboutir à la privation pour les déposants de vendre ce type d'objets alors qu'une demande forte existe et que l'on constate une réelle attente des consommateurs.

Elle répond de façon précise à chaque critique formulée par l'appelante.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS ET DÉCISION :

Il est constant que quatre clauses sur les sept qui sont critiquées ne figurent plus dans les contrats qui sont actuellement proposés aux déposants de sorte que pour les clauses 2-2, 7, 8 et 3-4 du contrat initial le Tribunal a décidé à bon droit que l'action de l'UFC était sans objet.

L'appelante reconnaît que la décision des premiers juges se fonde sur un arrêt de la Cour de cassation en date du 13 mars 1996 mais déclare néanmoins maintenir sa demande de dommages et intérêts.

Toutefois, il résulte des courriers échangés qu'à la suite de l'intervention de L'UFC 38 à partir de 1997 une nouvelle version du contrat a été proposée au mois d'avril 1998 avec une nouvelle modification au mois de décembre 1998.

La Cour estime en conséquence, eu égard à ces circonstances, que le risque qui a pu être porté à la collectivité des consommateurs a été limité dans le temps de sorte que l'existence d'un préjudice collectif n'est pas démontrée.

[minute page 6]

Sur l'article 5-4 (version décembre 1998) :

Son intitulé est le suivant « Si le déposant n'est pas venu retirer le ou les articles invendus dans les quinze jours suivant la résiliation du contrat ou l'expiration de la durée maximale d'un an ou six mois visée en 5-2 des présentes conditions, Troc de l’Ile pourra, après simple avis adressé au déposant soit :

- les faire livrer à l'adresse du déposant à ses frais,

- les détruire sans qu'aucun dédommagement ne puisse être réclamé au Troc de L'Ile par le déposant,

- en disposer ou les vendre librement à son profit sachant que le produit complet de cette vente lui sera acquis, sans rétrocession, à titre d'indemnisation pour frais de garde, d'assurance et frais de dossier ».

L'appelante soutient que cette clause est abusive car elle organise une appropriation du bien par le professionnel ce qui lui procure un enrichissement sans cause.

Les intimés répliquent qu'ils ne peuvent être contraints de conserver indéfiniment les objets déposés, qu'il existe des contreparties puisque le déposant a la possibilité de retirer les objets deux mois après le dépôt sans verser aucune indemnité au dépositaire, que les déposants sont clairement informés de leur obligation de se manifester et qu'il est nécessaire de sanctionner la négligence des déposants.

Dès lors que la clause incriminée prévoit que préalablement à l'action du dépositaire, le déposant est avisé, aucun déséquilibre ne peut être caractérisé étant observé que la commission des clauses abusives a retenu l'existence d'un déséquilibre significatif en l'absence de toute information préalable du déposant.

 

Sur l'article 7-2 (version décembre 1998) :

Il est ainsi rédigé « Les sommes dues au déposant Troc de l’Ile inférieures à 100 francs nets sont quérables ». [N.B. conforme à la minute, lire sans doute « dues au déposant par Troc de l’Ile]

[minute page 7] Aucune critique ne peut être formulée à l'encontre de cette disposition, les observations faites par l'Association ne figurant pas dans la clause incriminée.

 

Sur l'article 6-3 (version décembre 1998) :

Il prévoit « En accord avec le déposant, il pourra être convenu à titre de prix de mise en vente initial et pendant les deux premiers mois une fourchette de prix à l'intérieur de laquelle Troc de 1’Ile pourra librement proposer à la vente l'article déposé. Les deux extrêmes de la fourchette apparaîtront alors dans les « conditions particulières » à la colonne « prix de vente unitaire initial »...

L'Association estime que l'abus consiste pour le professionnel à s'autoriser de vendre un objet moyennant un prix non convenu avec le déposant.

Aucun déséquilibre ne peut être caractérisé dans cette clause étant donné que la fourchette de prix prévue est librement débattue par les parties, que l'expression « il pourra être convenu » révèle qu'il ne s'agit pas d'une obligation pour le déposant et qu'en réalité l'économie de cet article est favorable au déposant puisqu'elle permet d'adapter le prix à la demande.

Au vu de ces éléments, l'Association doit être déboutée de ses demandes en ce qui concerne les clauses actuellement en vigueur.

Aucune considération d'équité ne justifie qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevable la demande de L'UFC 38 en ce qui concerne les clauses modifiées,

[minute page 8] Le réforme en ce qu'il a déclaré la demande irrecevable en ce qui concerne les clauses maintenues,

Statuant à nouveau,

Déboute l'UFC 38 de l'ensemble de ses demandes en ce qui concerne les clauses maintenues,

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Condamne l'UFC 38 aux dépens d'appel avec application au profit des avoués de la cause qui en ont fait la demande des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Rédigé par Madame KUENY, Conseiller, et prononcé par Madame FALLETTI-HAENEL, Président, qui a signé avec Madame PAGANON, Greffier

 

Est cité par :