TI AVIGNON, 6 mai 2003
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 33
TI AVIGNON, 6 mai 2003 : RG n° 01/000004 ; jugement n° 880
(sur appel CA Nîmes (2e ch. A), 21 avril 2005 : RG n° 03/02179 ; arrêt n° 222)
Extrait : « Le fait que les époux X. aient signé le contrat dans lequel apparaît clairement le tarif du transfert, et donc qu'ils en aient eu connaissance, ne dispense pas d'examiner cette clause afin de déterminer si elle présente un caractère abusif.
Le caractère abusif de la clause peut être établi au regard des tarifs pratiqués par d'autres établissements bancaires, pour une prestation équivalente. Or il apparaît des documents produits par M. X. que parmi quatre établissements bancaires, celui qui pratique les tarifs les plus élevés aurait facturé le transfert du PEA de Mme X., comportant 8 lignes, 127 €, et celui de M. X. comportant 11 lignes 154 €, contre respectivement 3.311,26 € et 3.133,14 €, facturés par la Banque SAN PAOLO. Compte tenu de l'écart conséquent existant entre ces tarifications, il n'est pas possible de retenir le moyen de la Banque SAN PAOLO, selon lequel leur tarification plus élevée serait compensée par des tarifs plus bas sur certaines prestations. De plus, la comparaison a bien été faite entre des prestations équivalentes, portant sur des PEA, et non sur des comptes titres classiques, la Banque SAN PAOLO ne peut donc valablement justifier ses tarifs par la complexité de la gestion d'un PEA. Par conséquent, la clause du contrat conclu entre M. et Mme X. et la Banque SAN PAOLO prévoyant une indemnité égale à 3 % des actifs transférés crée un déséquilibre significatif entre les parties, et doit donc être réputée non écrite.
Quant aux frais liés au transfert, M. et Mme X. ne peuvent se prévaloir du tarif prévu dans la brochure « Principales conditions aux particuliers » d'un montant de 118,60 Francs la ligne, dans la mesure où il s'agit du tarif applicable au transfert d'un compte titre classique, et non d'un PEA. Sur la base du tarif le plus élevé appliqué par le Crédit Lyonnais, M. et Mme X. auraient dû respectivement régler pour le transfert de leur PEA, 154 € et 127 €, soit 281 € au total. La Banque SAN PAOLO ayant prélevé la somme de 6.444,40 € aux époux X., elle sera condamnée à leur payer la somme de 6.163,40 €. »
TRIBUNAL D’INSTANCE D’AVIGNON
JUGEMENT DU 6 MAI 2003
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11-03-000004. Jugement n° 880.
DEMANDEUR :
- Monsieur X.
[adresse], comparant en personne
- Madame Y. épouse X.
[adresse], non comparant
DÉFENDEUR :
SOCIÉTÉ ANONYME BANQUE SAN PAOLO
[adresse], représenté(e) par SCP CABAYE, avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DU TRIBUNAL : PRÉSIDENT : Christophe ROLLAND, en présence de Laure CHABAUD auditrice de justice
GREFFIER : Marie-Thérèse PRUNIERES
DÉBATS : 11 mars 2003
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :
M. X. explique qu'il avait effectué, ainsi que son épouse, un placement financier auprès de la Banque SAN PAOLO, sous la forme de deux Plans d'Épargne en Actions (PEA), en date du 8 octobre 1992.
Suite à un transfert de l'agence de la Banque SAN PAOLO, M. X. a été contraint de demander le transfert de ses comptes auprès d'une autre banque.
M. X. constatait alors qu'à l'occasion de ce transfert, il leur avait été retenu une indemnité de 3 % hors taxe sur la totalité de leurs actifs placés en PEA, soit la somme de 3.311,26 € pour Mme X., et 3.133,14 € pour M. X., soit au total 6.444 € pour les deux PEA.
Par acte d'huissier en date du 31 décembre 2002, M. et Mme X. ont fait citer la Banque SAN PAOLO devant le tribunal d'instance d'Avignon, afin de voir déclarer la clause VI du contrat du 8 octobre 1992 abusive et de voir condamner la Banque SAN PAOLO à rembourser le trop perçu, ainsi qu'à payer une somme de 758 € au titre des dommages et intérêts, et les dépens de l'instance.
A l'audience, M. X. sollicite le remboursement de la somme de 6.444 € par la Banque SAN PAOLO.
Au soutien de leur demande, les époux X. font valoir que si cette indemnité de transfert de 3 % est effectivement prévue à l'article VI du contrat de PEA, la Banque SAN PAOLO indiquait dans un autre document dénommé « Principales Conditions aux Particuliers », que le transfert vers un autre établissement des titres en dépôt était facturé 18,08 € par ligne. Les demandeurs relatent qu'ils n'ont prêté attention qu'à cette facturation, le PEA étant pour eux un compte titres classique.
Les époux X. considèrent cette clause abusive en comparaison de la tarification appliquée par d'autres établissements bancaires pour les transferts de comptes, qui varie entre 126 et 226 €.
En défense, la Banque SAN PAOLO conclut au débouté de l'ensemble des demandes des époux X., et sollicite reconventionnellement leur condamnation à lui payer une indemnité de 1.000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance.
La Banque SAN PAOLO fait valoir que la clause de transfert de 3 % a été acceptée par M. et Mme X. au terme d'un contrat lisible et signé par eux, et que le fait que d'autres établissements bancaires prévoient des coûts moindres n'est pas susceptible en soi de qualifier la clause d'abusive.
Elle ajoute que la situation du coût du PEA doit être examinée dans sa globalité et qu'il n'est pas possible de comparer les coûts de transfert d'un PEA à celui d'un compte de titres classique, dans la mesure où les opérations et donc les obligations de l'établissement bancaire sont différentes.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] EXPOSÉ DES MOTIFS :
1/ Sur la validité de la clause de transfert :
Aux termes de l'article 1135 du Code Civil, les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature.
En outre, l'article L. 132-1 du Code de la Consommation dispose que dans les contrats conclus entre professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
En l'espèce, le contrat conclu entre M. et Mme X. et la Banque SAN PAOLO rentre effectivement dans la catégorie des contrats conclus entre un professionnel et des consommateurs.
Le fait que les époux X. aient signé le contrat dans lequel apparaît clairement le tarif du transfert, et donc qu'ils en aient eu connaissance, ne dispense pas d'examiner cette clause afin de déterminer si elle présente un caractère abusif.
Le caractère abusif de la clause peut être établi au regard des tarifs pratiqués par d'autres établissements bancaires, pour une prestation équivalente.
Or il apparaît des documents produits par M. X. que parmi quatre établissements bancaires, celui qui pratique les tarifs les plus élevés aurait facturé le transfert du PEA de Mme X., comportant 8 lignes, 127 €, et celui de M. X. comportant 11 lignes 154 €, contre respectivement 3.311,26 € et 3.133,14 €, facturés par la Banque SAN PAOLO.
Compte tenu de l'écart conséquent existant entre ces tarifications, il n'est pas possible de retenir le moyen de la Banque SAN PAOLO, selon lequel leur tarification plus élevée serait compensée par des tarifs plus bas sur certaines prestations.
De plus, la comparaison a bien été faite entre des prestations équivalentes, portant sur des PEA, et non sur des comptes titres classiques, la Banque SAN PAOLO ne peut donc valablement justifier ses tarifs par la complexité de la gestion d'un PEA.
Par conséquent, la clause du contrat conclu entre M. et Mme X. et la Banque SAN PAOLO prévoyant une indemnité égale à 3 % des actifs transférés crée un déséquilibre significatif entre les parties, et doit donc être réputée non écrite.
Quant aux frais liés au transfert, M. et Mme X. ne peuvent se prévaloir du tarif prévu dans la brochure « Principales conditions aux particuliers » d'un montant de 118,60 Francs la ligne, dans la mesure où il s'agit du tarif applicable au transfert d'un compte titre classique, et non d'un PEA.
Sur la base du tarif le plus élevé appliqué par le Crédit Lyonnais, M. et Mme X. auraient dû respectivement régler pour le transfert de leur PEA, 154 € et 127 €, soit 281 € au total.
La Banque SAN PAOLO ayant prélevé la somme de 6.444,40 € aux époux X., elle sera condamnée à leur payer la somme de 6.163,40 €.
[minute page 4]
II/ Sur la demande en dommages et intérêts :
Le préjudice subi par les époux X. n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'y a pas lieu de faire droit à leur demande.
Les époux X. seront donc déboutés de leur demande en dommages et intérêts d'un montant de 758 €.
III/ Sur les autres demandes :
En application de l'article 696 du NCPC, la Banque SAN PAOLO succombant à l'instance sera condamnée aux dépens.
Aucun élément tiré de l'équité ou de la situation économique des parties ne justifie en la cause l'application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
Déclare abusive la clause VI des contrats « Tendance PEA » conclu par la Banque SAN PAOLO avec respectivement M. et Mme X., en date du 8 octobre 1992,
Dit que cette clause est réputée non écrite,
Condamne la Banque SAN PAOLO à verser à M. et Mme X. la somme totale de 6.163,40 €,
Déboute M. et Mme X. de leur demande en dommages et intérêts,
Déboute la Banque SAN PAOLO de l'ensemble de ses demandes,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code procédure civile,
Condamne la Banque SAN PAOLO à payer les dépens de l'instance.
Ainsi jugé et prononcé le 6 mai 2003, à Avignon
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Rédacteur : Laure CHABAUD
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