CA PARIS (pôle 2, ch. 5), 20 septembre 2011
CERCLAB - DOCUMENT N° 3331
CA PARIS (pôle 2, ch. 5), 20 septembre 2011 : RG n° 09/28061
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Considérant que les dispositions de la police relatives au règlement des sinistres prévoient qu’« en cas de désaccord entre le médecin de l'assuré et le médecin des assureurs sur l'invalidité absolue et définitive, les parties intéressées choisiront un troisième médecin pour les départager... L'avis du troisième médecin sera obligatoire pour l'assuré et les assureurs... (et que) tant que cette expertise médicale n'aura pas été faite, les parties s'interdisent d'avoir recours à la voie judiciaire pour le règlement des indemnités » ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de la recommandation 90-01 de la Commission des clauses abusives que celle-ci a en 1990, avant la signature du contrat litigieux en 1997, invité les professionnels de l'assurance à supprimer dans les contrats accessoires, notamment d'un prêt immobilier, les clauses ayant pour objet (B § 11, 12 et 13) :
« 11 - de prévoir une procédure « d'expertise médicale » par le médecin-conseil de l'assureur ou tout praticien désigné par ce dernier sans informer le consommateur de sa faculté de se faire assister du médecin de son choix ou d'opposer les conclusions de son propre médecin traitant.
12 - de prévoir l'intervention d'un « expert » sans indiquer les liens existant éventuellement entre la personne ainsi désignée et l'assureur.
13 - de présenter comme un préalable nécessaire à tout recours en justice du consommateur une quelconque procédure amiable »;
Considérant, d'autre part, que le compromis d'arbitrage signé dans le cadre d'une clause compromissoire insérée à la police d'assurance, entre l'assureur et l'assuré avant la naissance d'un litige, constitue une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et un non-professionnel ou un consommateur et est susceptible de présenter un caractère abusif ;
Considérant en conséquence qu'il convient de dire que la clause litigieuse n'est pas conforme à ces recommandations et de la réputer non écrite ».
2/ « Considérant que la cour ayant déclaré non écrite la clause relative au recours obligatoire à un médecin arbitre dont l'avis s'impose aux parties, il y a lieu de faire droit à la demande d'expertise dans les conditions fixées par le présent dispositif, la Cour étant insuffisamment informée sur l'état de santé de Madame X. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 2 CHAMBRE 5
ARRÊT DU 20 SEPTEMBRE 2011
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Numéro d'inscription au répertoire général : R.G. n° 09/28061 (5 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 novembre 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - R.G. n° 08/03035
APPELANTE :
Madame X.
représentée par Maître CORDEAU, avoué près la Cour, assistée de Rose-Marie FRANGULIAN LE PRIOL, avocate au barreau de Paris, toque : B602.
INTIMÉE :
SA AXA FRANCE VIE
Prise en la personne de son représentant légal, représentée par la SCP BOMMART-FORSTER - FROMANTIN, avoué près la Cour, assistée de Maître Marie-Laurence MARIÉ, avocate au barreau de Paris, toque : U004.
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 juin 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Christian BYK, conseiller. Rapport a été fait par M. Christian BYK, conseiller, en application de l'article 785 du code de procédure civile.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Dominique REYGNER, président, M. Christian BYK, conseiller, Mme Sophie BADIE, conseiller.
GREFFIER, lors des débats : Dominique BONHOMME-AUCLERE
ARRÊT : - contradictoire - rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Dominique REYGNER, président et par Mademoiselle Fatia HENNI, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mme X. a adhéré à un contrat d'assurance de groupe auprès de la société AXA FRANCE VIE à l'occasion de la souscription de prêts. Elle a, par la suite, bénéficié d'un congé de longue durée puis a été déclarée inapte à l'exercice de ses fonctions et placée à la retraite par voie d'invalidité non imputable au service le 24 avril 2007.
La société AXA a payé les échéances des prêts jusqu'au 24 avril 2007 et informé Mme X. qu'au-delà, elle cessait tout remboursement dans la mesure où le contrat d'assurance prévoyait comme motif de cessation la mise à la retraite.
Reprochant à la société AXA FRANCE VIE d'avoir cessé de la garantir, Mme X. l'a assignée par acte du 7 décembre 2007 devant le Tribunal de grande instance de PARIS aux fins de voir déclarer inopposables les cas d'exclusion de garantie et d'obtenir sa condamnation à « recombler » les sommes non versées depuis la cessation des versements et à rétablir les indemnités jusqu'à l'âge légal de la retraite.
Par jugement du 19 novembre 2009, le Tribunal de grande instance de PARIS a débouté Mme X. de ses demandes, l'a condamnée aux dépens et dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par déclaration du 11 décembre 2009, Mme X. a fait appel de cette décision et, dans des dernières conclusions du 19 mai 2011, elle sollicite l'infirmation du jugement, la condamnation de la société AXA à lui reverser la totalité du crédit restant du, à titre subsidiaire, qu'une expertise soit ordonnée et que la société AXA soit condamnée à lui verser les échéances arriérées jusqu'à la prochaine évaluation qui déterminera la date de consolidation et la prise en charge définitive au titre des garanties dues. Il est, par ailleurs, réclamé la condamnation de la société AXA à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par dernières conclusions du 1er juin 2011, la société AXA FRANCE VIE sollicite la confirmation du jugement et la condamnation de Mme X. à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
CE SUR QUOI, LA COUR :
Sur la garantie :
Considérant qu'au soutien de son appel, Mme X. fait valoir que la société AXA a fait preuve de mauvaise foi, que les clauses du contrat peuvent être qualifiées d'abusives en l'absence d'une compréhension claire des conditions de mise en œuvre de la garantie ;
Qu'elle ajoute qu'en raison de la réalité de son incapacité de travail, puis de son invalidité absolue et définitive avec l'assistance de la tierce personne, la société AXA doit, soit prendre en charge la totalité du crédit restant dû, soit les échéances de crédit à 100 % jusqu'à l'âge légal de sa retraite ;
Considérant que la société AXA répond que la clause relative à la détermination du taux d'invalidité est claire et n'a rien d'abusive, que le taux d'invalidité fonctionnelle de Mme X. est fixé à 50 % et celui de l'incapacité professionnelle à 100 %, que le taux d'incapacité de Mme X. n'entre donc pas dans le champ des garanties puisqu'un taux supérieur ou égal à 66 % est requis, qu'il ne peut ainsi y avoir prise en charge de l'invalidité de Mme X. ;
Considérant que les dispositions de la police relatives au règlement des sinistres prévoient qu’« en cas de désaccord entre le médecin de l'assuré et le médecin des assureurs sur l'invalidité absolue et définitive, les parties intéressées choisiront un troisième médecin pour les départager... L'avis du troisième médecin sera obligatoire pour l'assuré et les assureurs... (et que) tant que cette expertise médicale n'aura pas été faite, les parties s'interdisent d'avoir recours à la voie judiciaire pour le règlement des indemnités » ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de la recommandation 90-01 de la Commission des clauses abusives que celle-ci a en 1990, avant la signature du contrat litigieux en 1997, invité les professionnels de l'assurance à supprimer dans les contrats accessoires, notamment d'un prêt immobilier, les clauses ayant pour objet (B § 11, 12 et 13) :
« 11 - de prévoir une procédure « d'expertise médicale » par le médecin-conseil de l'assureur ou tout praticien désigné par ce dernier sans informer le consommateur de sa faculté de se faire assister du médecin de son choix ou d'opposer les conclusions de son propre médecin traitant.
12 - de prévoir l'intervention d'un « expert » sans indiquer les liens existant éventuellement entre la personne ainsi désignée et l'assureur.
13 - de présenter comme un préalable nécessaire à tout recours en justice du consommateur une quelconque procédure amiable »;
Considérant, d'autre part, que le compromis d'arbitrage signé dans le cadre d'une clause compromissoire insérée à la police d'assurance, entre l'assureur et l'assuré avant la naissance d'un litige, constitue une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et un non-professionnel ou un consommateur et est susceptible de présenter un caractère abusif ;
Considérant en conséquence qu'il convient de dire que la clause litigieuse n'est pas conforme à ces recommandations et de la réputer non écrite ;
Sur la demande d'expertise :
Considérant que la cour ayant déclaré non écrite la clause relative au recours obligatoire à un médecin arbitre dont l'avis s'impose aux parties, il y a lieu de faire droit à la demande d'expertise dans les conditions fixées par le présent dispositif, la Cour étant insuffisamment informée sur l'état de santé de Madame X.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile :
Considérant qu'il n'y pas lieu en l'état de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe,
Infirme le jugement déféré,
Déclare non écrite la clause relative au recours obligatoire à un médecin arbitre, dont l'avis s'impose aux parties,
Commet le Dr A., Hôpital, [...], Tél : XX - Fax : X - Port. X
lequel pourra s'adjoindre s'il l'estime utile, tout praticien de son choix dans une spécialité médicale distincte de la sienne,
Enjoint à la victime de fournir immédiatement à l'expert toutes pièces médicales nécessaires à l'accomplissement de sa mission (notamment : certificat médical initial, certificat de consolidation, autres certificats, radiographies, comptes-rendus d'opérations et d'examens...)
Dit qu'à défaut l'expert pourra déposer son rapport en l'état,
Donne à l'expert la mission suivante, compte tenu des motifs de la présente décision :
1 - le cas échéant, se faire communiquer le dossier médical complet de la victime, avec l'accord de celle-ci ou de ses ayants droits,
En tant que de besoin, se faire communiquer par tout tiers détenteur les pièces médicales nécessaires à l'expertise, avec l'accord susvisé,
2 - déterminer l'état de la victime avant le sinistre (anomalies, maladies, séquelles d'accidents antérieurs),
3 - relater les constatations médicales faites après le sinistre, ainsi que l'ensemble des interventions et soins y compris la rééducation,
4 - noter les doléances de la victime,
5 - examiner la victime et décrire les constatations ainsi faites (y compris taille poids),
6- dire si le taux d'invalidité dont Mme X. était atteint à la date du sinistre est supérieur ou égal à 66 % ;
7 - prendre en considération les observations des parties ou de leurs conseils, dans les conditions de l'article 276 du code de procédure civile
Dit que Mme X. devra consigner au Régisseur d'avances et de recettes de la Cour d'Appel de PARIS - [...] - avant le 30 octobre 2011, la somme de 800 euros à valoir sur les honoraires,
Dit que faute d'une telle consignation dans ledit délai, la mission de l'expert deviendra caduque,
Dit que l'expert :
- sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du nouveau code de procédure civile,
- adressera par lettre recommandée avec avis de réception un pré-rapport aux parties, lesquels disposeront d'un délai de cinq semaines à compter du jour de la réception de ce pré-rapport, pour faire valoir auprès de l'expert, sous formes de dires, leurs questions et observations,
- répondra de manière précise et circonstanciée à ces dires qui devront être annexés au rapport définitif qui sera établi à l'issue de ce délai de cinq semaines et dans lequel devra figurer impérativement :
* le nom des personnes convoquées aux opérations d'expertise en précisant pour chacune d'elle la date d'envoi de la convocation la concernant et la forme de cette convocation,
* le nom des personnes présentes à chacune des réunions d'expertise,
* la date de chacune des réunions tenues,
* la liste exhaustive de toutes les pièces par lui consultées,
* les déclarations des tiers éventuellement entendus par lui, en mentionnant leur identité complète, leur qualité et leur lien éventuel avec les parties,
* le cas échéant, l'identité du technicien dont il s'est adjoint le concours, ainsi que les constatations et avis de celui-ci (lesquels devront également figurer dans le pré-rapport),
* les dates d'envoi à chacun des avoués du pré-rapport puis du rapport définitif,
Dit que l’expert déposera son rapport définitif au secrétariat de la Mise en Etat et en enverra un exemplaire à l'avoué de chacune des parties avant le 15 février 2012, délai de rigueur, sauf prorogation expresse accordée par le magistrat chargé du contrôle des expertises,
Dit que l'affaire sera appelée à l'audience de procédure du lundi 12 mars 2012 à 13 heures, pour vérification des diligences,
Dit n'y avoir lieu en l'état à faire application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Réserve les dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5740 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Changement des règles applicables
- 5811 - Code de la consommation - Clauses abusives - Application dans le temps - Clauses abusives - Principes : loi en vigueur à la conclusion du contrat
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- 5997 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Recommandations de la Commission des clauses abusives - Vérification de la pertinence de la recommandation
- 5998 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Recommandations de la Commission des clauses abusives - Influence effective
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