TI BELFORT, 20 mars 2009
CERCLAB - DOCUMENT N° 3721
TI BELFORT, 20 mars 2009 : RG n° 11-08-000610 ; jugt n° 217
Publication : Jurica
Extrait : « En matière de crédit à la consommation, en application de l'article L. 311-10 du Code de la consommation, toute modification du montant du crédit précédemment accordé doit être conclue dans les termes d'une nouvelle offre préalable (en ce sens notamment Civ. 1ère 26 octobre 2004 : pourvoi n° 02-20564 ; Civ. 1ère 24 janvier 2006 : pourvoi n° 04-14748). La loi du 28 janvier 2005, inapplicable en l'espèce, n'a fait que reprendre une obligation qui existait déjà, et rappelée par, notamment, la Cour de cassation. […]
Le contrat stipule, en son article II-5 : « ... En cas de désaccord de l'emprunteur sur une écriture, il devra le faire connaître au prêteur par lettre recommandée dans les 3 mois qui suivent la date d'émission du relevé. Passé ce délai, toutes les écritures sont réputées approuvées par l’emprunteur ». Cette dernière stipulation peut s'interpréter comme permettant au prêteur d'augmenter le découvert maximum autorisé, appelé « découvert utile », sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit. […]
Une telle clause apparaît, dès lors, non seulement comme une atteinte à la protection accordée à l'emprunteur, non-professionnel ou consommateur, mais également comme une atteinte aux règles de la concurrence. Cette clause est dès lors une clause abusive (dans le même sens, avis n° 06 0006 P de la Cour de cassation du 10 juillet 2007, publié au BICC du 1er novembre 2006).
Par ailleurs, la clause en cause, qui postule l'approbation des écritures et opérations à l'expiration du délai prévu, est de nature à susciter ou entretenir la conviction du titulaire du compte qu'il se trouve privé de la possibilité de les contester, alors même qu'il n'aurait pu en connaître l'inexactitude qu'au-delà du délai, et, partant, a pour objet et pour effet d'entraver l'exercice par le consommateur de son droit d'agir en justice, de telle sorte que la clause en cause est abusive au regard de l'annexe de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, disposition 1.q (sur le caractère [abusif] de telle clause, dans le même sens, notamment : Cass. civ. 1ère 8 janvier 2009 : pourvoi n° 06-17630).
Il y a lieu de dire que cette clause est réputée non écrite, et, en conséquence, de déclarer l'action de la demanderesse forclose, et, dès lors, irrecevable. »
TRIBUNAL D’INSTANCE DE BELFORT
JUGEMENT DU 20 MARS 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. 11-08-000610. Jugement n° 217 (?). Nature de l'affaire : 53B.
DEMANDEUR :
SA CAISSE D'ÉPARGNE FINANCEMENT
[adresse] Représentée par SCP BELIN-SCHARTNER-DAREY, avocats du barreau de BELFORT
DÉFENDEUR :
Mademoiselle X.
[adresse], Comparante en personne à l'audience du 13 novembre 2008
COMPOSITION DU TRIBUNAL : Edgard PALLIERES, Juge, Marie-Christine BURGEY, faisant fonctions de Greffier
DÉBATS : Audience publique du 5 février 2009
JUGEMENT : Prononcé le 20 mars 2009, par mise à disposition au greffe par Edgard PALLIERES, Juge, assisté de Marie-Christine BURGEY, faisant fonctions de Greffier
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte d'huissier du 19 septembre 2008, repris oralement à l'audience du 4 décembre 2008, la Société CAISSE D'ÉPARGNE FINANCEMENT SA a fait assigner Mlle X. et sollicite la condamnation, avec exécution provisoire, de cette dernière à lui payer les sommes de :
- 10.784,46 euros, au titre d'un crédit utilisable par fractions, avec intérêts au taux de 13,88 % l'an à compter du 9 mai 2008,
- 785 euros, au titre de l'indemnité de 8 %, avec intérêts au taux légal à compter de la même date,
- 350 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.
Par jugement avant dire droit du 31 décembre 2008, le tribunal de céans a invité les parties à s'expliquer :
- sur le caractère abusif de la clause ci-dessous permettant au prêteur d'augmenter le découvert autorisé, appelé « découvert utile», sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit : article II-5 : « … En cas de désaccord de l'emprunteur sur une écriture, il devra le faire connaître au prêteur par lettre recommandée dans les 3 mois qui suivent la date d'émission du relevé. Passé ce délai, toutes les écritures sont réputées approuvées par 1’emprunteur »,
- sur la validité de cette clause imposées à un consommateur, et sur les conséquences au regard de la forclusion.
Vu les écritures de la société CAISSE D'ÉPARGNE FINANCEMENT SA datées du 26 janvier 2009, reprises oralement à l'audience du 5 février 2009, auxquelles il est renvoyé, par application de l'article 455 du Code de procédure civile,
Vu la comparution de Mlle X., à l'audience du 13 novembre 2008, et l'absence d'observation en réplique,
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Vu l'article 125 du Code de procédure civile, Vu l'article L. 141-4 du Code de la consommation,
[minute page 3] Selon l'article L. 311-37 du Code de la consommation, en matière de crédit mobilier à la consommation, les actions en paiements engagées devant le tribunal d'instance doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.
Selon l'article L. 132-1 du Code de la consommation, en suite à la directive européenne n° 93/13 du Conseil du 5 avril 1993 relative aux clauses abusives, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat…
Les clauses abusives sont réputées non écrites...
Il est, notamment, produit :
- l'original d'une offre préalable de crédit utilisable par fractions, signée par Mlle X. le 16 avril 2003, de la société CAISSE D'ÉPARGNE FINANCEMENT SA prévoyant un découvert « utile » de 9.000 euros portant intérêts au taux nominal variable en fonction, notamment, de l'encours,
- un historique de compte couvrant les opérations du 24 avril 2003 au 26 mars 2008 faisant apparaître que le découvert de 9.000 euros a été dépassé à compter du 18 avril 2005 et que ce dépassement a duré plus de 2 ans, le découvert n'étant redevenu inférieur ou égal à 9.000 euros qu'à la date du 25 octobre 2007 pour redevenir supérieur à ce montant à compter du 10 novembre 2008.
Le contrat stipule que :
- le découvert maximum autorisé serait de 10.000 euros, mais que toutefois, l'emprunteur choisit dans cette limite une somme qui constitue le découvert utile,
- en son article II-3, que l'augmentation du découvert utile ne peut résulter du seul usage des moyens d'utilisation du compte et doit faire l'objet d'une demande expresse de l'emprunteur.
Le découvert utile constitue le véritable découvert maximum autorisé, dès lors que l'emprunteur n'a, dès la signature du contrat, aucune assurance de bénéficier d'un découvert supérieur à la somme de 9.000 euros, le dépassement de cette somme devant faire l'objet d'une demande expresse et étant soumis à des conditions (cf. articles II-1 in fine et article II-8) qui ne sont pas uniquement une condition de temps (périodicité) telle que prévus par l'article L. 311-9 du Code de la consommation et par le modèle type, alors, applicable.
En matière de crédit à la consommation, en application de l'article L. 311-10 du Code de la consommation, toute modification du montant du crédit précédemment accordé doit être conclue dans les termes d'une nouvelle offre préalable (en ce sens notamment Civ. 1ère 26 octobre 2004 : pourvoi n° 02-20564 ; Civ. 1ère 24 janvier 2006 : pourvoi n° 04-14748).
La loi du 28 janvier 2005, inapplicable en l'espèce, n'a fait que reprendre une obligation qui existait déjà, et rappelée par, notamment, la Cour de cassation.
[minute page 4] Le dépassement du découvert maximum convenu manifeste la défaillance de l'emprunteur et constitue le point de départ du délai de forclusion (dans le même sens, notamment Cass. civ. 1ère 7 décembre 2004 : Bull. civ. 2004, I, n° 304 ; ibid 18 janvier 2005 : pourvoi n° 02-13733 ; ibid 30 mars 2005 : pourvoi n° 02-13765 ; ibid 12 avril 2005 : pourvoi n° 04-10595).
L'existence d'une convention tacite de découvert est incompatible avec la conclusion préalable d'une convention expresse de découvert d'un montant déterminé sur un même compte (dans le même sens, notamment, Cass. civ. 1ère 7 décembre 2004 précité).
En l'absence d'un avenant augmentant dans des conditions régulières le montant du découvert initialement autorisé, le dépassement de ce découvert, dès lors qu'il n'a pas été ultérieurement restauré, manifeste la défaillance de l'emprunteur et constitue le point de départ du délai biennal de forclusion (dans le même sens, notamment, Cass. civ. 1ère 22 novembre 2007 : pourvoi n° 05-17848 ; Cass. civ. 1ère 19 septembre 2007 : pourvoi n° 06-16607 ; Cass. civ. 12 juillet 2007 : pourvoi n° 05-16712).
Le contrat stipule, en son article II-5 : « ... En cas de désaccord de l'emprunteur sur une écriture, il devra le faire connaître au prêteur par lettre recommandée dans les 3 mois qui suivent la date d'émission du relevé. Passé ce délai, toutes les écritures sont réputées approuvées par l’emprunteur ».
Cette dernière stipulation peut s'interpréter comme permettant au prêteur d'augmenter le découvert maximum autorisé, appelé « découvert utile », sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit.
La clause s'interprétant comme prévoyant l'augmentation, à l'initiative du prêteur, de la réserve autorisée, sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit a pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat en ce que l'emprunteur ne dispose pas, à l'occasion de l'augmentation du découvert autorisé de la faculté d'ordre public de rétracter son acceptation, que ce soit parce que le nouveau crédit excède ses capacités contributives ou parce que la concurrence offre de meilleures conditions.
Une telle clause apparaît, dès lors, non seulement comme une atteinte à la protection accordée à l'emprunteur, non-professionnel ou consommateur, mais également comme une atteinte aux règles de la concurrence.
Cette clause est dès lors une clause abusive (dans le même sens, avis n° 06 0006 P de la Cour de cassation du 10 juillet 2007, publié au BICC du 1er novembre 2006).
[minute page 5] Par ailleurs, la clause en cause, qui postule l'approbation des écritures et opérations à l'expiration du délai prévu, est de nature à susciter ou entretenir la conviction du titulaire du compte qu'il se trouve privé de la possibilité de les contester, alors même qu'il n'aurait pu en connaître l'inexactitude qu'au-delà du délai, et, partant, a pour objet et pour effet d'entraver l'exercice par le consommateur de son droit d'agir en justice, de telle sorte que la clause en cause est abusive au regard de l'annexe de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, disposition 1.q (sur le caractère [abusif] de telle clause, dans le même sens, notamment : Cass. civ. 1ère 8 janvier 2009 : pourvoi n° 06-17630).
Il y a lieu de dire que cette clause est réputée non écrite, et, en conséquence, de déclarer l'action de la demanderesse forclose, et, dès lors, irrecevable, en application de l'article L. 311-37 du Code de la consommation, alors qu'il importe peu que le découvert soit redevenu inférieur ou égal à la somme de 9.000 euros, à compter du 25 octobre 2007, le délai de 2 ans pour agir, sous peine de forclusion de l'action en paiement, ne pouvant renaître, et l'emprunteur ne pouvant pas renoncer au bénéfice de la forclusion, d'ordre public (dans le même sens, sur la renonciation Cass. civ. 1ère 17 novembre 1993 : Bull. civ. I, n° 333 p. 230).
En application de l'article 696 du Code de procédure civile, la société CAISSE D'ÉPARGNE FINANCEMENT SA sera condamnée aux dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le tribunal statuant par jugement contradictoire et en premier ressort mis à disposition au greffe,
DÉCLARE abusive la clause ci-après rédigée dans l'offre préalable, de crédit utilisable par fractions de la société CAISSE D'ÉPARGNE FINANCEMENT SA, acceptée le 16 avril 2003 par Mlle X. :
« En cas de désaccord de l'emprunteur sur une écriture, il devra le faire connaître au prêteur par lettre recommandée dans les 3 mois qui suivent la date d'émission du relevé. Passé ce délai, toutes les écritures sont réputées approuvées par l'emprunteur » ;
En conséquence,
DÉCLARE l'action de la société CAISSE D'ÉPARGNE FINANCEMENT SA contre Mlle X. en paiement au titre du crédit en cause irrecevable comme forclose ;
CONDAMNE la société CAISSE D'ÉPARGNE FINANCEMENT SA aux dépens.
Le présent jugement, préalablement signé par M PALLIERES et le greffier, a été mis à disposition au greffe le 20 mars 2009.
LE GREFFIER LE JUGE
- 5745 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Effet rétroactif - Point de départ d’une forclusion - Illustrations
- 5995 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Annexe à la Directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 et à l’ancien art. L. 132-1 C. consom.
- 6143 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Preuve - Clauses sur la portée des preuves
- 6145 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Clauses sur l’accès au juge - Présentation générale
- 6608 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Convention de compte - 6 - Fonctionnement du compte - Preuve des opérations (relevés de compte)
- 6631 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 2 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Obligation de faire une offre
- 6633 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 4 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Clauses abusives
- 6635 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 6 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Notion d’augmentation du crédit
- 6636 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 7 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Conformité aux modèles-type