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TGI NIORT, 19 août 1993

Nature : Décision
Titre : TGI NIORT, 19 août 1993
Pays : France
Juridiction : Niort (TGI)
Demande : 1108/1992
Date : 19/08/1993
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 23/10/1992
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 391

TGI NIORT, 19 août 1993 : RG n° 1108/1992

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NIORT

JUGEMENT DU 19 AOÛT 1993

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 1108/1992.

LE 19 AOÛT 1993, le Tribunal de Grande Instance de NIORT a, dans 1'affaire opposant :

 

DEMANDERESSES :

1°) L’UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS DES DEUX-SÈVRES (UFC)

dont le siège social est [adresse],

2°) La CONFÉDÉRATION SYNDICALE du CADRE de VIE (CSCV),

dont le siège est [adresse], prise en la personne de leurs Présidents, domiciliés auxdits sièges sociaux, DEMANDERESSES, représentées par la SCP DURON - WIEHN - BESNARD - DABIN, Avocats associés, au Barreau de NIORT,

à :

DÉFENDERESSE :

- la SARL HYPER SALONS « ACX »,

dont le siège social est [adresse], prise en la personne de son Gérant, Madame X., domiciliée en cette qualité audit siège, DEFENDERESSE, représentée par la SCP CHARBONNEAU - CHARBONNEAU - GUILLAUME/ENNOUCHI, Avocats associés, postulant au Barreau de NIORT et plaidant par la SCP DUCOS-ADER / ROBEDAT OLHAGARAY / TOSI, Avocats associés, au Barreau de BORDEAUX,

 

rendu le jugement contradictoire suivant, après que la cause eut été débattue devant Monsieur MERCIER, Juge, statuant à juge Unique, assisté de Mademoiselle MATNET, Greffier divisionnaire, et qu'il en eut été délibéré.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :

Par exploit du 23 octobre 1992, l'Union Fédérale des Consommateurs des Deux-Sèvres (ci-après nommée UFC) et la Confédération syndicale du cadre de vie (ci-après nommée CSCV) agissant dans le cadre de la loi du 5 Janvier 1988, ont assigné devant le Tribunal la SARL HYPER SALONS ACX pour voir :

- dire nulles l'ensemble des conditions générales de vente figurant sur les bons de commande « MASTER SALONS »,

- ordonner que lesdites conditions générales, après suppression de certaines d'entre elles, soient rédigées de manière parfaitement lisibles et ce sous astreinte de 10.000 Francs, par contrat proposé à la clientèle,

- interdire sous une astreinte de 1.000 Francs par clause supprimée, un certain nombre de clauses dont le détail sera examiné au cours de la discussion,

- juger que cette dernière astreinte sera définitive,

- ordonner la diffusion par tous moyens appropriés du jugement, en particulier par affichage et dans les journaux de NIORT (Courrier de l'Ouest et Nouvelle République) aux frais de la défenderesse,

- condamner la SARL HYPER SALONS à payer la somme de 10.000 Francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, avec en sus l'exécution provisoire du jugement.

La société défenderesse ayant communiqué en cours de procédure un nouvel imprimé de bons de commande, l'UFC et la CSCV, tout en maintenant l'ensemble de leur demande, ont cependant limité leurs exigences sur les modifications à apporter au texte, aux deux points suivants :

- que soit prévue la date limite du délai de livraison conformément à la loi du 18 janvier 1992,

- que soient supprimées certaines phrases dans le paragraphe sur la garantie.

[minute page 3] La société défenderesse invoque sa bonne foi en faisant valoir que les bons ont été rédigés par son franchiseur. Elle soutient que la nouvelle rédaction de ses bons est conforme à la loi du 10 janvier 1978 et aux recommandations de la Commission des clauses abusives, tout en faisant observer que les dites recommandations n'ont aucune force contraignante quand elles ne sont pas suivies d'un décret d'application. Elle conclut donc au débouté avec octroi d'une indemnité de 5.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 mai 1993 et les débats ont eu lieu à l'audience publique du 21 Juin 1993.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DU JUGEMENT :

Il est constant et d'ailleurs non contesté par la société défenderesse, que l'UFC et la CSCV ont bien qualité, en tant qu'associations agréées de consommateurs, pour agir, conformément à la loi du 5 Janvier 1988. Dès lors leur action sera déclarée recevable.

 

A) QUANT AU FOND AU PRINCIPAL :

1 - Sur la typographie et la lisibilité de l'ensemble des conditions générales :

L'examen du nouveau bon de commande permet de constater que les conditions générales sont imprimées sur un papier bleu clair, avec des caractères en bleu-violet nettement plus foncé. Ces caractères ont une hauteur de 1 mm. Les titres sont en caractères beaucoup plus importants et se détachent correctement. L'ensemble du texte est normalement aéré.

Sa lecture se fait sans difficulté. On peut noter par comparaison que l'ancien texte était beaucoup moins lisible.

Il s'ensuit que l'UFC et la CSCV sont mal fondées à solliciter une nouvelle impression de ce nouveau bon de commande.

 

2 - Sur le délai de livraison :

Il résulte de l'article 3 de la loi du 18 janvier 1992 que dans tout contrat ayant pour objet la vente d'un bien meuble à un consommateur, le professionnel doit, lorsque la livraison n'est pas immédiate, et si le prix excède un certain seuil (3.000 Francs en vertu du [minute page 4] décret du 13 octobre 1992) indiquer la date limite à laquelle il s'engage à livrer.

Force est de constater que le nouveau bon de commande ne comporte aucun engagement de la SARL sur la date de livraison.

Étant rappelé que l'article 3 de la loi du 5 janvier 1988 permet aux associations de demander à la juridiction civile non seulement de faire supprimer une clause illicite, mais aussi de faire cesser les agissements illicites, il convient donc d'ordonner à la société défenderesse, (comme il sera dit au dispositif) de mettre les conditions générales de ses bons de commande en conformité avec la loi du 18 janvier 1992 et le décret du 13 octobre 1992.

 

3 - Sur la clause de garantie :

Dans le paragraphe 9 intitulé « garantie » figure l'extrait suivant :

« Nous ne pouvons garantir rigoureusement les coloris de nos collections. Il arrive que dans une seule et même peau, nous constations des différences d'aspect (grain et couleur). Toutes ces marques et ces différences ne peuvent en aucun cas être considérées comme des défauts, mais bien comme la marque authentique du cuir. Elles soulignent à la fois sa beauté et sa solidité dans le temps, lui gardant ainsi toutes ses propriétés mécaniques. Ces particularités du cuir ne pourraient en aucun cas être le prétexte à un refus de livraison, ni au versement d'une quelconque indemnité. »

Les demanderesses font valoir que les phrases soulignées constituent des clauses illicites. Bien que cela n'ait pas été expressément dit, une telle illicéité ne peut être fondée que sur l'article 2 du décret du 24 Mars 1978 qui interdit toute clause ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou de réduire le droit à réparation du consommateur, en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations.

Il est certain que la couleur d'un cuir ne peut être garantie avec la même précision qu'une peinture à l'huile ou qu'une tapisserie. Pour autant, prévoir qu'en aucun cas ces différences d'aspect ne pourront constituer un défaut susceptible de recours est excessif et il y a là une source d'ambiguïté, dont le client pourrait être la victime. En tous cas, vouloir écarter en toute hypothèse la responsabilité du vendeur est contraire au décret de 1978 même si la clause est tempérée par la garantie légale.

[minute page 5] Pour mettre cette clause en conformité avec la loi, il est cependant suffisant de supprimer seulement les 2 membres de phrase suivants : « ne peuvent en aucun cas être considérées comme des défauts » et « ces particularités du cuir ne pourraient en aucun cas être le prétexte à un refus de livraison ni au versement d'une quelconque indemnité ».

 

B) SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :

Les demanderesses sollicitent une astreinte définitive. Cette demande sera écartée. L'article 34 § 3 de la loi du 9 juillet 1991 prévoit en effet qu'une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu'après le prononcé d'une astreinte provisoire.

Quant à la publicité du présent jugement, elle ne s'impose pas en la cause, dans la mesure où la société défenderesse :

- s'est contentée, même si c'est à tort, de suivre les instructions de son franchiseur,

- a, sur l'assignation très notablement, amélioré la qualité de ses bons de commande, ne laissant en discussion que deux seuls problèmes, dont l'un d'ailleurs n'est apparu qu'après la publication du décret du 13 octobre 1992.

En revanche, il est opportun d'ordonner l'exécution provisoire du jugement en ce qui concerne l'application de la loi du 18 janvier 1992, pour laquelle aucune discussion sérieuse ne s'est instaurée.

Enfin, pour l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, il est suffisant de constater que les nouveaux imprimés n'ont été communiqués qu'après l'application au fond, ce qui permet de constater que la plupart des reproches figurant dans l'acte introductif d'instance, étaient fondés. Il y a là des éléments d'équité pour allouer aux deux demanderesses une indemnité de 4.000 Francs.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant à Juge Unique, publiquement, par jugement contradictoire, en matière civile et en premier ressort :

[minute page 6] Déclare recevable l'action de l'UFC et de la CSCV.

Dit que les conditions générales de vente figurant en annexe du présent jugement et imprimées sur papier bleu clair, permettent une lecture normale et suffisante.

Ordonne à la SARL HYPER SALONS de se conformer dans les 2 mois de la signification du jugement et passé ce délai, sous une astreinte de 3.000 Francs par contrat irrégulier, aux dispositions suivantes :

1) Indiquer en cas de livraison non immédiate d'un bien supérieur à 3.000 Francs, la date limite à laquelle elle s'engage à livrer la chose.

2) Dans le paragraphe 9 intitulé « garantie », supprimer les membres de phrase suivants :

«  ne peuvent en aucun cas être considérées comme des défauts ».

« ces particularités du cuir ne pourraient en aucun cas être le prétexte à un refus de livraison ni au versement d'une quelconque indemnité ».

Rappelle que l'astreinte ci-dessus prononcée est provisoire.

Dit ne pas y avoir lieu à ordonner une mesure de publicité.

Ordonne l'exécution provisoire du jugement pour la clause concernant la date de la livraison.

Condamne la SARL HYPER SALONS ACX à payer à l'UFC et à la CSCV une indemnité de QUATRE MILLE FRANCS (4.000 Francs) en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La condamne en tous les dépens.

Et a été signé, le présent jugement, par Monsieur le Juge et le Greffier.