CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

TGI VIENNE, 22 juin 2000

Nature : Décision
Titre : TGI VIENNE, 22 juin 2000
Pays : France
Juridiction : Vienne (TGI)
Demande : 375/99
Date : 20/06/2000
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 5/03/1999
Imprimer ce document

 

CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 414

TGI VIENNE, 22 juin 2000 : RG n° 375/99

Publication : site CCAB

 

Extraits : 1/ « Que l'action ainsi engagée a un but préventif et n'est recevable que si le modèle de convention dont les clauses sont incriminées est encore proposé au jour où le juge statue sur la demande ; qu'il appartient toutefois au professionnel, en cas de modification du contrat critiqué, de justifier que ce dernier n'est plus proposé aux consommateurs et a été remplacé par une nouvelle convention comportant des modifications réelles des clauses litigieuses ; […] ; Attendu que l'existence de ce nouveau règlement rend sans objet les demandes de l'UFC 38 tendant à la suppression des clauses abusives que pouvait contenir l'ancien règlement antérieur, l'article L. 421-6 du Code de la Consommation ne prévoyant ni la reconnaissance a posteriori du caractère abusif de certaines clauses, ni la possibilité pour les associations de consommateur de solliciter, en tant que partie principale, la suppression de clauses figurant dans des contrats en cours ».

2/ « Attendu que l'article 5 du règlement litigieux dispose que « passé un délai de deux ans (date du contrat) aucun règlement ne pourra être exigé » ; Attendu que la recommandation n° 99-01 émise par la commission des clauses abusives, recommande l'élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet de permettre au professionnel, passé un certain délai et sans information préalable du déposant, soit de conserver le produit de la vente, soit de lui substituer la remise de bons d'achat (recommandation 99-01 ; III - 50) ; Attendu qu'en l'espèce, la clause critiquée crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties, le professionnel n'ayant aucune obligation d'informer le consommateur de la réalisation de la vente ».

3/ « Attendu que l'article 7 du règlement litigieux dispose notamment, qu'en l'absence de vente après un certain délai et si le consommateur ne reprend pas les invendus, le prix de vente peut devenir « libre » c'est à dire fixé à la convenance du dépositaire ; Attendu qu'une telle clause, ne crée pas de déséquilibre significatif au détriment du consommateur dans-la mesure où ce dernier est informé du délai à l'issu duquel le prix de vente sera libre, peut reprendre les invendus sans supporter aucun frais et peut trouver un intérêt à cette baisse du prix lorsqu'il souhaite se débarrasser d'un objet difficile à vendre ».

4/ « …d'interrompre un contrat sur simple appel téléphonique ou simple courrier, le déposant disposant alors de 72 heures pour enlever ses objets mis à la vente ; Qu'une telle clause est prohibée par l'article R. 132-2 du Code de la Consommation, comme ayant pour objet de réserver au professionnel le droit de modifier unilatéralement les caractéristiques du service à rendre ; Qu'elle crée un déséquilibre significatif entre les parties en permettant une résiliation discrétionnaire, sans indemnité, et dans un délai extrêmement court ».

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE VIENNE

JUGEMENT DU 22 JUIN 2000

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° RÉPERTOIRE 375/99.

 

DEMANDEUR(S) :

L'ASSOCIATION UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS DE L'ISERE QUE CHOISIR (UFC 38)

dont le siège social est [adresse], prise en la personne de sa Présidente en exercice Mme A.

Représentée par Maître GRABARCZYK Avocat postulant du barreau de VIENNE, et par la SCP BRASSEUR CHAPUIS Avocat plaidant du barreau de GRENOBLE.

 

DÉFENDEUR (S) :

Monsieur X.

commerçant sous l'enseigne « L'ENTREPOT » demeurant [adresse]. Représenté par la SCP VACAVANT THOIZET Avocats associés au barreau de VIENNE, y demeurant rue de l'Archevêché.

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré : Président : Mr. GOURSAUD - Juges : Mme CANONICA, Mr. DALEGRE, Juges

Greffier : Mlle JANKOV

DÉBATS à l'audience publique du 4 mai 2000

Puis l'affaire a été mise en délibéré, pour le jugement être rendu à l'audience publique de ce jour.

RÉDACTEUR : D.D.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] Faits et Procédure :

Mr. X. exerce à titre personnel, sous l'enseigne « L'ENTREPOT », une activité de dépôt-vente à LA COTE ST ANDRE (Isère).

Par lettre datée du 21 juillet 1997, l'Association Union Fédérale des Consommateurs de l'Isère « QUE CHOISIR » (UFC 38) a demandé à Mr. X. de lui faire parvenir un exemplaire de son modèle type de contrat de dépôt-vente.

Par lettre datée du 5 août 1997, Mr. X. a transmis à l’UFC 38 une copie du règlement du dépôt-vente soumis aux particuliers lors de l'établissement d'un contrat.

Par lettre datée du 30 septembre 1997, l'UFC 38 a indiqué à Mr. X. qu'elle considérait que certaines clauses dudit règlement lui paraissaient abusives ou insuffisamment claires (articles 1, 3, 7 et 8).

Par lettre datée du 21 avril 1998, Mr. X. a adressé au conseil de l'UFC 38 une copie du règlement modifié.

Par acte d'huissier en date du 5 mars 1999, l'UFC 38 a fait assigner Mr. X. devant le Tribunal de céans.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er mars 2000.

 

Prétentions et moyens des parties :

Vu l'assignation délivrée par l'UFC 38 le 5 mars 1999 ;

Vu les conclusions déposées par Mr. X. le 3 mai 1999 ;

Vu les conclusions récapitulatives déposées par l'UFC 38 le 22 juillet 1999 ;

Vu les conclusions en réponse et récapitulatives déposées par Mr. X. le 7 octobre 1999 ;

[minute page 3] Vu les conclusions récapitulatives déposées par l'UFC 38 le 16 novembre 1999 ;

Vu les conclusions en réponse et récapitulatives II déposées par Mr. X. le 31 janvier 2000.

En l'état de ses dernières écritures, l'UFC 38 demande au Tribunal :

- de déclarer abusifs les articles 1, 3, 7 et 8 du contrat initial (proposé en 1997) ;

- de déclarer abusives les clauses de l'article 5, sur l'absence de règlement du consommateur après 2 ans, de l'article 7, sur le prix de vente libre, et de l'article 8, sur la possibilité d'interruption unilatérale du contrat par le professionnel ;

- d'ordonner en conséquence leur suppression dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte définitive de 1.000 Francs par jour de retard à l'expiration du délai imparti ;

- de condamner Mr. X. à lui payer la somme de 60.000 Francs à titre de dommages intérêts ;

- d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

- d'ordonner la publication du jugement dans les journaux LE DAUPHINE LIBERE, LES PETITES AFFICHES et LE 38, à la charge du défendeur et à concurrence de 10.000 Francs par insertion ;

- de condamner le défendeur à lui payer la somme de 10.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

En l'état de ses dernières conclusions, Mr. X. soulève l'irrecevabilité des prétentions de l'UFC 38 et demande, à titre reconventionnel, sa condamnation à lui payer les sommes de 10.000 Francs à titre de dommages intérêts et de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Il expose notamment, à l'appui de sa position, qu'il a modifié à deux reprises, le 18 juin 1998 puis le 13 novembre 1999, le règlement intérieur de son établissement ;

que l'action prévue par l'article L. 421-6 du Code de la Consommation a un but exclusivement préventif et n'est recevable que si le modèle de convention dont les clauses sont critiquées est encore proposé au jour ou le juge statue sur les demandes ; qu'en l'espèce, le nouveau règlement établi ne comporte plus les clauses critiquées et rend sans objet l'action de l'UFC 38.

[minute page 4] L'UFC 38 réplique que l'article L. 421-6 n'interdit pas la critique d'un contrat dans sa rédaction antérieure à l'assignation, dans la mesure où des contrats de ce type sont encore en cours au jour du jugement ; qu'en tout état de cause, ses demandes de dommages intérêts et de publication restent fondées, compte tenu de l'existence de préjudices antérieurs à la modification du contrat ;

qu'enfin le règlement modifié comporte également des clauses critiquables.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

1) Sur la recevabilité :

Attendu qu'aux termes de l'article L. 421-6 du Code de la Consommation, les associations mentionnées à l'article L. 421-1 peuvent demander à la juridiction civile d'ordonner, le cas échéant sous astreinte, la suppression de clauses abusives dans les modèles de convention habituellement proposés par les professionnels aux consommateurs ;

Que l'action ainsi engagée a un but préventif et n'est recevable que si le modèle de convention dont les clauses sont incriminées est encore proposé au jour où le juge statue sur la demande ;

qu'il appartient toutefois au professionnel, en cas de modification du contrat critiqué, de justifier que ce dernier n'est plus proposé aux consommateurs et a été remplacé par une nouvelle convention comportant des modifications réelles des clauses litigieuses ;

Attendu qu'en l'espèce, Mr. X. justifie par la production de plusieurs attestations de consommateurs, qu'il a élaboré en avril 1998, un nouveau règlement intérieur comportant des modifications substantielles des articles 1, 3, 7 et 8 ;

qu'il n'est pas contesté, aux termes des dernières conclusions de l'UFC 38, que ce nouveau contrat s'est substitué à celui proposé aux consommateurs lors de sa première intervention en 1997 ;

Attendu que l'existence de ce nouveau règlement rend sans objet les demandes de l'UFC 38 tendant à la suppression des clauses abusives que pouvait contenir l'ancien règlement antérieur, l'article L. 421-6 du Code de la Consommation ne prévoyant ni la reconnaissance a posteriori du caractère abusif de certaines clauses, ni la possibilité pour les associations de consommateur de solliciter, en tant que partie principale, la suppression de clauses figurant dans des contrats en cours ;

Attendu en conséquence que les demandes de l'UFC 38 relatives à l'ancien règlement intérieur (antérieur à juin 1998) seront déclarées irrecevables ;

Attendu en revanche que si Mr. X. produit aux débats une troisième mouture du règlement intérieur qui aurait été élaborée le 13 novembre 1999, il n'établit ni l'utilisation effective de ce document contractuel, ni sa substitution au règlement antérieur (2ème version) ; [minute page 5] que dès lors l'UFC 38 conserve un intérêt à obtenir la suppression des clauses litigieuses du règlement intérieur élaboré en avril 1998 ;

que ses demandes à ce titre doivent être déclarées recevables ;

 

2) Sur le fond :

Attendu qu'aux termes de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat ;

Attendu que l'article 5 du règlement litigieux dispose que « passé un délai de deux ans (date du contrat) aucun règlement ne pourra être exigé » ;

Attendu que la recommandation n° 99-01 émise par la commission des clauses abusives, recommande l'élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet de permettre au professionnel, passé un certain délai et sans information préalable du déposant, soit de conserver le produit de la vente, soit de lui substituer la remise de bons d'achat (recommandation 99-01 ; III - 50) ;

[minute page 6] Attendu qu'en l'espèce, la clause critiquée crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties, le professionnel n'ayant aucune obligation d'informer le consommateur de la réalisation de la vente ;

Que sa suppression sera ordonnée sous astreinte, dans les conditions fixées au dispositif de la présente décision ;

Attendu que l'article 7 du règlement litigieux dispose notamment, qu'en l'absence de vente après un certain délai et si le consommateur ne reprend pas les invendus, le prix de vente peut devenir « libre » c'est à dire fixé à la convenance du dépositaire ;

Attendu qu'une telle clause, ne crée pas de déséquilibre significatif au détriment du consommateur dans-la mesure où ce dernier est informé du délai à l'issu duquel le prix de vente sera libre, peut reprendre les invendus sans supporter aucun frais et peut trouver un intérêt à cette baisse du prix lorsqu'il souhaite se débarrasser d'un objet difficile à vendre ;

qu'il n'y a donc pas lieu d'ordonner sa suppression ;

Attendu que l'article 8 du règlement litigieux dispose notamment que l'entrepôt se réserve le droit d'interrompre un contrat sur simple appel téléphonique ou simple courrier, le déposant disposant alors de 72 heures pour enlever ses objets mis à la vente ;

Qu'une telle clause est prohibée par l'article R. 132-2 du Code de la Consommation, comme ayant pour objet de réserver au professionnel le droit de modifier unilatéralement les caractéristiques du service à rendre ;

Qu'elle crée un déséquilibre significatif entre les parties en permettant une résiliation discrétionnaire, sans indemnité, et dans un délai extrêmement court ;

Que sa suppression sera donc ordonnée sous astreinte dans les conditions fixées au dispositif de la présente décision ;

[minute page 7]

Sur les dommages intérêts et la demande de publication du jugement :

Attendu que si la présence de clauses abusives dans un contrat proposé aux consommateurs cause un préjudice direct à l'intérêt collectif desdits consommateurs, ce préjudice est en l'espèce extrêmement limité du fait des rectifications déjà opérées par Mr. X. et du champ d'application restreint des clauses supprimées ;

Attendu en conséquence qu'il convient de condamner Mr. X. à payer à l'Association UFC 38 la somme de 5.000 Francs à titre de dommages intérêts ;

Attendu que la publication du jugement constituerait une sanction disproportionnée aux faits reprochés ; qu'il n'y a pas lieu de l'ordonner ;

 

Sur l'article 700 du NCPC et l'exécution provisoire :

Attendu qu'il est équitable de condamner Mr. X. à payer à l'UFC 38 la somme de 3.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du NCPC ;

Attendu enfin que l'exécution provisoire est compatible avec la nature de l'affaire ; qu'elle sera ordonnée ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LE TRIBUNAL, statuant publiquement, contradictoirement, et en premier ressort ;

Déclare irrecevables les demandes de l'association UFC « QUE CHOISIR » (UFC 38) relatives au règlement intérieur en vigueur jusqu'au début de l'année 1998 ;

[minute page 8] Déclare recevables les demandes de l'association UFC « QUE CHOISIR » (UFC 38) relatives au règlement intérieur élaboré en avril 1998 ;

Ordonne la suppression du règlement intérieur actuellement proposé par Mr. X., exploitant sous l'enseigne « L'ENTREPOT » à LA COTE SAINT ANDRE, des clauses ou parties de clauses abusives suivantes :

- partie de l'article 5 ainsi rédigée : « ATTENTION : passé un délai de deux ans (date du contrat), aucun règlement ne pourra être exigé »

- partie de l'article 8 ainsi rédigée : « l'entrepôt se réserve le droit d'interrompre le contrat sur simple appel téléphonique ou simple courrier, le déposant dispose alors de 72 heures pour enlever ses objets mis à la vente » ;

Dit que Mr. X. devra procéder à ces suppressions dans le règlement actuellement proposé aux consommateurs dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement, et ce sous astreinte de 100 Francs par jour de retard ;

Condamne Mr. X. à payer à l'association UFC « QUE CHOISIR » (UFC 38) la somme de 5.000 Francs à titre de dommages intérêts ;

Déboute l'association UFC « QUE CHOISIR » (UFC 38) du surplus de ses demandes ;

Déboute Mr. X. de sa demande reconventionnelle en dommages intérêts ;

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement ;

Condamne Mr. X. à payer à l'association UFC « QUE CHOISIR » (UFC 38) la somme de 3.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du NCPC ;

Condamne Mr. X. aux dépens et autorise l'avocat de l'association à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.

Et le présent jugement a été signé par le Président et le greffier.

 

 

 

 

Est cité par :