CA RIOM (3e ch.), 1er avril 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5132
CA RIOM (3e ch. civ. et com.), 1er avril 2015 : RG n° 13/02853
Publication : Jurica
Extrait : « La clause litigieuse figurant au contrat type des sociétés ADHAP et APAD dans sa clause 3 prévoyant « le temps de trajet des assistantes sociales est inclus dans le temps de prestation » est critiquée par la DDPP du Puy-de-Dôme comme abusive et trompeuse, ce que contestent les sociétés APAD et ADHAP.
Si cette clause présente un caractère explicite, il ne peut être contesté que l'adoption de ce mode de calcul du prix de la prestation crée une réelle incertitude quant à la durée de la prestation effectivement passée et établi un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, le prix facturé au client dépendant du temps du trajet effectué et est donc calculé de façon variable en fonction de celui-ci, ce que le bénéficiaire de la prestation ne peut maîtriser et ne pouvait connaître lors de la conclusion du contrat ; ainsi cette clause qui modifie le coût de chaque prestation en fonction de la durée effective du temps de trajet ne bénéficie qu'au prestataire et crée, au surplus, une disparité entre les clients en fonction des distances, et, pour chaque client une variation du prix et de la durée même de la prestation ce dont il ne pouvait avoir connaissance lors de la conclusion du contrat et qui revêt un caractère manifestement trompeur.
Les sociétés ADHAP et APAD proposent de modifier la clause sous cette forme : « le temps de trajet des intervenants (e) est inclus dans le temps facturé pour la première heure de prestation sans pouvoir excéder 15 minutes par intervention. Le temps de prestation effective de cette première heure sera ainsi au moins égal à 45 minutes ».
La Cour ne peut que remarquer que cette forfaitisation maintient le temps de trajet dans le coût total de la prestation et, en conséquence, les motifs exposés précédemment sont identiques : le client est toujours sujet à l'aléa du trajet dont il convient de rappeler qu'il doit être facturé de façon distincte. »
COUR D'APPEL DE RIOM
TROISIÈME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 1er AVRIL 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 13/02853.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré : M. Stéphane TAMALET, Président de chambre, M. François RIFFAUD, Président, Mme Chantal JAVION, Conseillère, lors des débats et du prononcé : Mme Carine CESCHIN, Greffière
Sur APPEL d'une décision rendue le 17 septembre 2013 par le Tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand (R.G. n° 12/03004).
ENTRE :
APPELANTS :
SARL APAD
RCS de Clermont-Ferrand n° XXX
ADHAP SERVICES [...]
SARL ADHAP PERFORMANCES
RCS de Clermont-Ferrand n° YYY
ayant pour représentants : Maître Hubert BENSOUSSAN, avocat au barreau de PARIS - Maître Sébastien RAHON, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
ET :
INTIMÉ :
M. X. Directeur Départemental de la Protection des Populations du PUY DE DOME (DDPP)
Représenté par M. Y., inspecteur principal de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de la Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi (DIRECCTE) Auvergne - Article R. 141-5 du code de la consommation : dispense de ministère d'avocat
DÉBATS : Après avoir entendu en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, à l'audience publique du 4 février 2015, sans opposition de leur part, les avocats des parties, M. Tamalet et Mme Javion, magistrats chargés du rapport, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré et à l'audience publique de ce jour, indiquée par les magistrats rapporteurs, l'arrêt dont la teneur suit a été prononcé publiquement conformément aux dispositions de l'article 452 du code de procédure civile :
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La société APAD, créée en 1997, sous le nom commercial ADHAP Services, exploite un centre d'aide personnalisée dans l'assistance à domicile aux personnes fragilisées et est agréée par la Direction Régionale des Entreprises de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'emploi d'Auvergne.
La société ADHAP Performances exploite le réseau ADHAP Services (130 centres certifiés) et franchise des exploitants indépendants ; dans le cadre de l'assistance du franchisé, la société ADHAP propose des contrats types, des supports commerciaux et des outils d'assistance.
Le contrat type présente une clause 3 ainsi libellée :
« Le prestataire s'engage à proposer un service continu lui permettant de réaliser ses prestations tous les jours de l'année, jours fériés compris.
Les jours et horaires des interventions dont jouira le bénéficiaire seront fixés dans les clauses particulières, ci-après annexées.
La proposition de l'heure d'arrivée des assistantes du PRESTATAIRE ne tient pas compte des impondérables liés notamment aux contraintes de circulation ou aux difficultés imprévisibles rencontrées chez les clients. Aussi, la précision de l'horaire prévu dans les clauses particulières est-elle purement indicative et le BÉNÉFICIAIRE s'engage à accepter une tolérance de plus ou moins une 1/2 heure. Le temps de trajet des assistantes sociales est inclus dans le temps de la prestation ».
La DDPP a assigné les sociétés ADHAP Performances et APAD pour voir déclarer cette clause abusive.
Par jugement contradictoire en date du 17 septembre 2013 le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand a :
- dit que la clause figurant à l'article 3 des conditions générales des contrats types de la Sarl APAD et de la SAS ADHAP Performances selon laquelle « le temps de trajet des assistantes est inclus dans le temps de prestation » est abusive et réputée non écrite
- ordonné la suppression de cette clause et de cette pratique sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai de 4 mois après la signification du présent jugement
- condamné in solidum les sociétés APAD et ADHAP Performances à payer à la DDPP la somme de 750 euros en application de l'article 700CPP
- ordonné l'exécution provisoire.
Le jugement a fondé sa décision sur : « la clause querellée, par son imprécision quant aux modalités pratiques de sa mise en œuvre, laisse la porte ouverte à des pratiques très défavorables aux clients, lesquels en effet ne savent pas de quelle durée réelle de prestation ils vont effectivement bénéficier, durée soumise par cette clause à des déductions pour temps de trajet qu'ils ne peuvent ni maîtriser ni contrôler, alors qu'ils n'ont pas été avisés d'une forfaitisation selon laquelle une heure payée donne droit à 50 minutes de prestation ».
La Sarl APAD et la Sarl ADHAP Performances ont interjeté appel de cette décision le 31 octobre 2013.
Dans leurs dernières conclusions en date du 7 janvier 2015, les sociétés APAD et ADHAP Performances sollicitent :
- l'infirmation du jugement,
- le déboutement de M. le Directeur de la DDPP du Puy-de-Dôme.
À titre subsidiaire :
- la validation de la modification proposée : « le temps de trajet des intervenants est facturé au client sans pouvoir excéder 15 minutes pour chaque intervention »,
- leur donner acte qu'elles s'engagent à l'intégrer dans les conditions générales qui seront proposées à leurs clients dans un délai de 6 mois à compter de l'arrêt à intervenir délai indispensable pour se réorganiser au sein du réseau de franchise ADHAP,
- la condamnation de M. le Directeur de la DDPP du Puy-de-Dôme à payer à chacune la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 CPC.
Les sociétés ADHAP Performances et APAD affirment que la facturation convenue entre les parties incorporant le temps de trajet des intervenants dans le temps global de la prestation ne revêt pas un caractère abusif car le bénéficiaire a connaissance du temps de trajet lors de la conclusion du contrat et il n'existe ni de déséquilibre significatif du prix facturé des prestations de service, ni d'un quelconque caractère trompeur de la pratique commerciale sur le prix ou son mode de calcul les dispositions de l'article L. 121-I-2° C. consom. n'étant caractérisées.
Le Directeur de la DDPP du Puy-de-Dôme demande la confirmation de la décision rendue et subsidiairement de reconnaître le caractère abusif de la clause telle que modifiée par les sociétés défenderesses, ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir et se voir allouer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 CPC.
Le Directeur de la DDPP du Puy-de-Dôme estime fondée la décision entreprise en ce que la clause type ainsi libellée « le temps de trajet des intervenants (e) est inclus dans le temps de prestation » est :
- abusive en ce qu'elle créée un déséquilibre significatif au détriment du non professionnel, ce qui est établi par le fait que les feuilles de présence ne mentionnent pas les heures réelles de départ et d'arrivée mais une durée de la prestation incluant le temps de trajet le client ne peut contrôler le temps réel passé par l'intervenant et n'a pu disposer lors de la conclusion du contrat du temps qui va être consacré au transport, temps qui peut varier d'un client à l'autre ;
- de nature trompeuse car elle est le support d'une pratique consistant à facturer du temps non réellement effectué au titre d'une prestation d'assistance à la personne puis de reporter ce temps en heures pleines rendant impossible le décompte du temps passé au détriment du consommateur.
Quant à la nouvelle clause proposée, la DDPP du Puy-de-Dôme constate qu'elle maintient la pratique de l'inclusion du temps de trajet de l'intervenant pouvant aller jusqu'à 15 minutes alors que, s'il représente un coût, il ne peut être facturé comme un temps effectif de prestation d'aide à domicile ; la prise en charge du temps de déplacement relevant du choix de gestion du prestataire qui peut être fixé contractuellement sous réserve que le prix évolue en fonction de l'arrêté interministériel annuel fixant le taux limite de prestations rendues par ces organismes.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 janvier 2015.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
La clause litigieuse figurant au contrat type des sociétés ADHAP et APAD dans sa clause 3 prévoyant « le temps de trajet des assistantes sociales est inclus dans le temps de prestation » est critiquée par la DDPP du Puy-de-Dôme comme abusive et trompeuse, ce que contestent les sociétés APAD et ADHAP.
Si cette clause présente un caractère explicite, il ne peut être contesté que l'adoption de ce mode de calcul du prix de la prestation crée une réelle incertitude quant à la durée de la prestation effectivement passée et établi un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, le prix facturé au client dépendant du temps du trajet effectué et est donc calculé de façon variable en fonction de celui-ci, ce que le bénéficiaire de la prestation ne peut maîtriser et ne pouvait connaître lors de la conclusion du contrat ; ainsi cette clause qui modifie le coût de chaque prestation en fonction de la durée effective du temps de trajet ne bénéficie qu'au prestataire et crée, au surplus, une disparité entre les clients en fonction des distances, et, pour chaque client une variation du prix et de la durée même de la prestation ce dont il ne pouvait avoir connaissance lors de la conclusion du contrat et qui revêt un caractère manifestement trompeur.
Les sociétés ADHAP et APAD proposent de modifier la clause sous cette forme : « le temps de trajet des intervenants (e) est inclus dans le temps facturé pour la première heure de prestation sans pouvoir excéder 15 minutes par intervention. Le temps de prestation effective de cette première heure sera ainsi au moins égal à 45 minutes ».
La Cour ne peut que remarquer que cette forfaitisation maintient le temps de trajet dans le coût total de la prestation et, en conséquence, les motifs exposés précédemment sont identiques : le client est toujours sujet à l'aléa du trajet dont il convient de rappeler qu'il doit être facturé de façon distincte.
En conséquence, la Cour confirme le jugement querellé en toutes ses dispositions et principalement en ce qu'il a ordonné la suppression de la clause figurant à l'article 3 des conditions générales des contrats types de la SAS ADHAP Performance et Sarl APAD et ordonné sa suppression sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai de 4 mois après sa signification.
La Cour constate que l'administration, en l'absence de recours à un avocat, exerçant dans le cadre de ses fonctions et n'apportant pas la preuve de frais engagés, n'estime pas devoir lui allouer quelconque somme au titre de l'article 700 CPC.
Les sociétés ADHAP Performances et APAD succombant en la cause seront condamnées in solidum aux dépens de l'instance.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Clermont Ferrand du 17 septembre 2013 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Déboute la Direction Départementale de la Protection des Populations du Puy-de-Dôme de sa demande au titre de l'article 700 CPC ;
Condamne la Sarl APAD et la SAS ADHAP Performances, in solidum, aux entiers dépens.
Le greffier, Le président,
C. Ceschin S. Tamalet
- 5721 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Obligation - Loi du 17 mars 2014
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