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CE (3e ch. 8e sect.), 30 décembre 2015

Nature : Décision
Titre : CE (3e ch. 8e sect.), 30 décembre 2015
Pays : France
Demande : 387666
Date : 30/12/2015
Numéro ECLI : ECLI:FR:CESSR:2015:387666.20151230
Nature de la décision : Décision administrative
Mode de publication : Legifrance
Date de la demande : 4/02/2015
Décision antérieure : CA MONTPELLIER (ch. com.), 17 janvier 2023
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5460

CE (3e ch. 8e sect.), 30 décembre 2015 : req. n° 387666

Publication : Jurica ; Tables Rec. CE

 

Extraits : 1/ « 2. Considérant, en premier lieu, qu’il incombe au juge administratif, dès lors qu’il est lui-même compétent pour en connaître, de répondre à la question préjudicielle posée par le juge judiciaire, sans que puisse être discutée devant lui la question de l’applicabilité de l’article L. 132-1 du code de la consommation au litige ».

2/ « 3. Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article L. 132-1 du code de la consommation : « […]. » ; que le caractère abusif d’une clause au sens de ces dispositions s’apprécie non seulement au regard de cette clause elle-même mais aussi compte tenu de l’ensemble des stipulations du contrat et, lorsque celui-ci a pour objet l’exécution d’un service public, des caractéristiques particulières de ce service ».

3/ « 4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’aux termes du second paragraphe de l’article 23-3 du règlement des abonnements du service de l’eau : « L’abonné n’est jamais fondé à solliciter une réduction de consommation en raison de fuites dans ses installations intérieures car il a toujours la possibilité de contrôler lui-même la consommation indiquée par son compteur. » ; que si ces dispositions présentent un caractère abusif en ce qu’elles ont pour effet d’exonérer de toute responsabilité le service des eaux dans le cas où une fuite dans les installations intérieures de l’abonné résulterait d’une faute commise par ce service, elles n’ont en revanche ni pour objet ni pour effet d’exclure la possibilité, pour un abonné, de rechercher la responsabilité d’un tiers pour obtenir réparation des dommages qu’il a subis du fait d’une facturation excessive dont il estimerait qu’elle lui est imputable ; […] ; 5. […] ; que, pour les motifs énoncés ci-dessus, les dispositions du second paragraphe de l’article 23-3 du règlement des abonnements du service de l’eau constituent une clause abusive et doivent être déclarées illégales en tant seulement qu’elles exonèrent de toute responsabilité le service des eaux dans le cas où une fuite dans les installations intérieures de l’abonné résulterait d’une faute commise par ce service ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

CONSEIL D’ÉTAT

TROISIÈME CHAMBRE HUITIÈME SECTION

ARRÊT DU 30 DÉCEMBRE 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Requête n° 387666. Mme Angélique Delorme, rapporteur. Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public. SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER, TEXIDOR, avocat(s)

 

REQUÉRANTE :

Société des eaux de Marseille

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu la procédure suivante :

La société Compagnie Méditerranéenne des Cafés (CMC) Malongo a demandé au tribunal de commerce de Marseille de condamner la société des eaux de Marseille au remboursement d’une facture semestrielle.

Par un jugement n° 2008F02130/2008F02334 du 21 avril 2010, le tribunal de commerce de Marseille a sursis à statuer sur le recours de la société CMC Malongo et a invité les parties à saisir la juridiction administrative de l’appréciation de la légalité de l’article 23-3 du règlement du service de l’eau opposé par la société des eaux de Marseille à son abonnée la société CMC Malongo au regard de l’article L. 132-1 du code de la consommation.

La société CMC Malongo, agissant en exécution de ce jugement, a demandé au tribunal administratif de Marseille d’apprécier la légalité de l’article 23-3 du règlement des abonnements du service de l’eau de la convention de délégation de service public conclue entre la commune de Marseille et la société des eaux de Marseille et de déclarer que cet article est entaché d’illégalité.

Par un jugement n° 1103577 du 16 décembre 2014, le tribunal administratif de Marseille a déclaré que cet article est entaché d’illégalité.

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 février et 30 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société des eaux de Marseille demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société CMC Malongo devant le tribunal administratif de Marseille ;

3°) de mettre à la charge de la société CMC Malongo la somme de 4.000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu : - le code de la consommation ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Angélique Delorme, auditeur,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, avocat de la société des eaux de Marseille ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

1. Considérant que par un jugement du 21 avril 2010, rendu dans l’instance opposant la société CMC Malongo à la société des eaux de Marseille, le tribunal de commerce de Marseille a renvoyé les parties à saisir le tribunal administratif de Marseille de la question de savoir si le second paragraphe de l’article 23-3 du règlement des abonnements des services de l’eau contient des clauses abusives au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation et a sursis à statuer jusqu’à la décision du tribunal administratif ; que la société des eaux de Marseille fait appel du jugement du 16 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Marseille a déclaré ces dispositions illégales ;

2. Considérant, en premier lieu, qu’il incombe au juge administratif, dès lors qu’il est lui-même compétent pour en connaître, de répondre à la question préjudicielle posée par le juge judiciaire, sans que puisse être discutée devant lui la question de l’applicabilité de l’article L. 132-1 du code de la consommation au litige ;

3. Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article L. 132-1 du code de la consommation : « Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. (...) Les clauses abusives sont réputées non écrites. » ; que le caractère abusif d’une clause au sens de ces dispositions s’apprécie non seulement au regard de cette clause elle-même mais aussi compte tenu de l’ensemble des stipulations du contrat et, lorsque celui-ci a pour objet l’exécution d’un service public, des caractéristiques particulières de ce service ;

4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’aux termes du second paragraphe de l’article 23-3 du règlement des abonnements du service de l’eau : « L’abonné n’est jamais fondé à solliciter une réduction de consommation en raison de fuites dans ses installations intérieures car il a toujours la possibilité de contrôler lui-même la consommation indiquée par son compteur. » ; que si ces dispositions présentent un caractère abusif en ce qu’elles ont pour effet d’exonérer de toute responsabilité le service des eaux dans le cas où une fuite dans les installations intérieures de l’abonné résulterait d’une faute commise par ce service, elles n’ont en revanche ni pour objet ni pour effet d’exclure la possibilité, pour un abonné, de rechercher la responsabilité d’un tiers pour obtenir réparation des dommages qu’il a subis du fait d’une facturation excessive dont il estimerait qu’elle lui est imputable ; qu’ainsi c’est à tort que le tribunal administratif de Marseille s’est fondé, pour juger que ces dispositions constituent une clause abusive au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation, sur le motif tiré de ce qu’elles peuvent conduire à faire supporter par un usager les conséquences d’un dommage qui ne lui serait pas imputable, sans réserver le cas des dommages résultant des agissements des tiers ;

5. Considérant qu’il y a lieu pour le Conseil d’Etat, saisi de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner l’ensemble des moyens soulevés en première instance et en appel par la société CMC Malongo ; que, pour les motifs énoncés ci-dessus, les dispositions du second paragraphe de l’article 23-3 du règlement des abonnements du service de l’eau constituent une clause abusive et doivent être déclarées illégales en tant seulement qu’elles exonèrent de toute responsabilité le service des eaux dans le cas où une fuite dans les installations intérieures de l’abonné résulterait d’une faute commise par ce service ;

6. Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DÉCIDE :

Article 1er : Il est déclaré que les dispositions du second paragraphe de l’article 23-3 du règlement des abonnements du service de l’eau de la convention de délégation de service public conclue entre la commune de Marseille et la société des eaux de Marseille soulevée par la société CMC Malongo devant le tribunal de commerce de Marseille sont illégales en tant qu’elles exonèrent de toute responsabilité le service des eaux dans le cas où une fuite dans les installations intérieures de l’abonné résulterait d’une faute commise par ce service.

Article 2 : Le jugement du 21 avril 2010 du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu’il a de contraire à la présente décision.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société des eaux de Marseille, à la compagnie méditerranéenne des Cafés Malongo et à la compagnie d’assurances Generali assurances IARD.

 

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