CA BORDEAUX (1re ch. civ. sect. B), 30 juin 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 5679
CA BORDEAUX (1re ch. civ. sect. B), 30 juin 2016 : RG n° 13/06819
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Le fait que le prêt soit mentionné comme « accessoire à la vente d'un bien ou d'un service » et qu'il soit précisé que le prêt est destiné à financer l'acquisition d'un véhicule BMW est sans incidence et ne change pas la nature de l'opération qui est un contrat de crédit et non une vente à tempérament.
Ce crédit ne peut être qualité de crédit professionnel du seul fait de la profession d'avocat du débiteur.
Il est soumis au droit de la consommation d'une part car il vise divers articles dudit code notamment sur le droit de rétractation de l'acceptation de l'emprunteur prévu à l'article L. 311-1 et suivant du code de la consommation, et d'autre part l'adresse de Monsieur X. y figurant est son adresse personnelle de [ville J.] et non l'adresse professionnelle de son cabinet d'avocat à [ville L.].
La mention de la qualité d'avocat de Monsieur X. est portée dans le cadre des renseignements le concernant et relatifs à ses revenus, ce qui n'induit pas que le prêt ait été contracté par Monsieur X. en qualité d'avocat.
Même si le remboursement du crédit était réalisé à partir de prélèvements de son compte ouvert à [ville L.], ce qui n'est pas contesté par Monsieur X., il n'est enfin pas établi que ce compte soit spécifiquement professionnel.
Au surplus, comme le soutient Monsieur X., les parties peuvent convenir de soumettre la convention passée entre elles au droit de la consommation, et en l'espèce, les conditions générales du prêt renvoient aux prescriptions des prêts soumis au code de la consommation. »
2/ « Comme le relève Monsieur X., le taux effectif global pratiqué par les établissements de crédit pour les prêts personnels d'un montant supérieur à 1.524 euros au moment où le contrat litigieux était passé, soit le 6 décembre 2007, était de 6,78 % et le seuil de l'usure était de 9,04%, pour ce type de crédit, ce que la société BMW Finance ne conteste pas. Le TEG mentionné dans l'offre préalable de crédit acceptée étant de 10,01 %, le taux d'intérêt pratiqué sera qualité d'usuraire comme dépassant le taux de l'usure constituée au-delà de 9,04 %. »
3/ « L'article L. 313-4 du code de la consommation énonce que : « lorsqu'un prêt conventionnel est usuraire, les perceptions excessives au regard des articles L 313-1 à L 313-3 sont imputés de plein droit sur les intérêts normaux alors échus et subsidiairement sur le capital de la créance ». Il résulte de la lecture de cet article que l'adoption d'un taux de crédit usuraire n'a pas pour effet de rendre nul le prêt, ni même la stipulation. Il convient de ramener le taux pratiqué au taux maximum possible inférieur au taux usuraire. »
4/ « L'affirmation de Monsieur X. selon laquelle la clause telle qu'insérée dans l'acte est une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation au motif qu'elle crée une insécurité juridique de l'emprunteur qui ne sait pas qui de lui-même ou du prêteur est le véritable propriétaire du véhicule car il ignore si le gage a été inscrit en préfecture, ne sera pas retenue car l'inscription du gage implique, selon le contrat, la remise ou la communication de la carte grise par l'acquéreur emprunteur et en l'espèce Monsieur X. a pu déduire de l'absence de réclamation de la carte grise que le gage n'était pas inscrit.
Il n'y a dès lors pas lieu de considérer que la clause prévoyant à la fois un gage et une réserve de propriété au choix du prêteur a pour effet de créer, au détriment du non-professionnel, ou du consommateur qu'est Monsieur X., un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, étant précisé que même s'il est jugé que le contrat ne présente pas de caractère professionnel, il n'en reste pas moins que Monsieur X. exerçait la profession d'avocat et était à même de vérifier en préfecture si un gage avait été inscrit sur son véhicule.
La vente du véhicule a eu lieu par la société BMW Finance en qualité de propriétaire et elle était en droit de vendre le véhicule aux enchères, d'autant que le jugement prescrivait une telle vente. »
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION B
ARRÊT DU 30 JUIN 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 13/06819 (Rédacteur : Madame Catherine COUDY, Conseiller). Nature de la décision : AU FOND. Décision déférée à la cour : jugement rendu le 16 mai 2013 (R.G. n° 11/00425) par le Tribunal de Grande Instance de LIBOURNE suivant déclaration d'appel du 25 novembre 2013.
APPELANT :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], de nationalité Française, demeurant [adresse], Représenté par Maître Marie D. substituant Maître Franck DE S. de la SELARL DE S., avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
LA SA BMW FINANCE
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [adresse], Représentée par Maître Claire M. substituant Maître William M. de la SCP M. B. B.-M., avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 2 mai 2016 en audience publique, devant la cour composée de : Monsieur Michel BARRAILLA, Président, Madame Catherine COUDY, Conseiller, Madame Elisabeth FABRY, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Nathalie BELINGHERI
ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Selon offre acceptée le 6 décembre 2007, Monsieur X. a obtenu de la société BMW Finance un prêt de 35.321 euros pour financer l'acquisition d'un véhicule BMW facturé par la SAS ABM Agen, le prêt portant intérêt au taux de 9,1499 % et étant remboursable en 60 mensualités de 743,08 euros.
Monsieur X. ayant cessé de rembourser ce prêt, la société de crédit a prononcé la déchéance du terme et l'a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Libourne par acte d'huissier du 5 janvier 2011.
Par jugement du 16 mai 2013, le tribunal de grande instance de Libourne devant lequel Monsieur X. soutenait que le taux d'intérêt était usuraire et a demandé des délais de paiement, a :
- condamné Monsieur X. à payer à la SNC BMW Finance la somme de 23.637,90 euros avec intérêts au taux nominal conventionnel de 9,1499 % sur la somme de 21.006,73 euros,
- dit que Monsieur X. réglera cette somme en un versement de 3.715 euros et le reste en 24 mensualités de 1.139 euros,
- ordonné la restitution par Monsieur X. du véhicule et du certificat d'immatriculation sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement,
- dit que le véhicule sera vendu aux enchères publiques et le produit de la vente viendra en déduction du montant de la créance de la société BMW Finance,
- rejeté toutes demandes plus amples ou contraires,
- prononcé l'exécution provisoire du jugement,
- et condamné Monsieur X. à payer à la société BMW Finance la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens.
Le tribunal a considéré que le taux de l'usure était le taux de 19,80 % pour 2007 s'agissant d'un crédit affecté accessoire à une vente, que la créance était justifiée par elle, que la demande de délais de paiement l'était également au vu des propositions faites par Monsieur X., que la clause de réserve de propriété bénéficiant au prêteur subrogé dans les droits du vendeur n'était pas une clause abusive en ce qu'elle était convenue dans l'acte de prêt.
Par déclaration du 25 novembre 2013, Monsieur X. a interjeté appel total de la décision.
Après échange des conclusions, l'ordonnance de clôture a été prise le 18 avril 2016 et a fixé l'affaire à l'audience du 2 mai 2016 à laquelle elle a été retenue et l'arrêt mis en délibéré à ce jour.
Par dernières conclusions déposées le 26 mai 2015, Monsieur X. demande à la cour, au visa des articles L. 313-1 et suivants du code de la consommation, et 1134, 131 et 1244-1 du code civil, de :
- le dire et juger recevable et bien fondé en son appel, y faire droit,
- réformer le jugement en l'ensemble de ses dispositions sauf en ce qu'il lui a octroyé les délais de paiement et en conséquence :
- juger que le taux pratiqué par la Société BMW France est usuraire,
- dire qu'en l'absence de décompte justifiant du montant de sa créance, compte tenu du taux d'usure applicable, la demande de la Société BMW Finance n'est pas fondée, et donc l'en débouter,
- Si par impossible la Cour entrait en voie de condamnation à son encontre, dire et juger que la vente aux enchères du véhicule est intervenue en violation de l'article L. 132-1 du code de la consommation puisqu'au fondement d'une clause abusive,
- ordonner la déduction non pas du prix de vente (7.900 euros) mais de la côte argus du véhicule soit la somme de 11.504 euros, de la somme qui serait due par lui selon production d'un décompte loyal de créance par la Société BMW Finance,
Il demande à titre subsidiaire, si par impossible, la Cour devait considérer que la Société BMW Finance rapporte les éléments suffisants pour justifier de sa créance, de :
- dire et juger que les intérêts conventionnels trop perçus par la Société BMW Finance viendront en compensation de la somme due,
- dire que l'indemnité à hauteur de 8% sera ramenée à de plus juste proportion et à une somme qui ne saurait excéder 1euros,
- le condamner au paiement du principal outre les intérêts légaux, les intérêts conventionnels versés venant en compensation de la somme à devoir,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il lui a octroyé les plus larges délais de paiement,
- dire qu'il réglera la somme correspondant aux 5 échéances impayées, et s'acquittera de sa dette au moyen de 24 mensualités,
- condamner la Société BMW FINANCE à la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Monsieur X. soutient que le taux d'intérêt pratiqué est usuraire au sens de l'article L. 313-3 du code de la consommation et que le tribunal a retenu à tort le taux des ventes à tempérament alors qu'il devait être retenu le taux des crédits classiques, soit 9,04 % comme jugé par la Cour de Cassation, le vendeur et l'organisme de crédit étant différents en l'espèce.
Il conteste l'argumentation soulevée par son adversaire selon laquelle le prêt serait un prêt professionnel en soulignant que tous les actes ont mentionné son adresse personnelle à [ville J.] et non l’adresse de son cabinet d'avocat à Limoges, même si le prélèvement des mensualités était fait sur un compte à la fois professionnel et personnel localisé à Limoges, ce qui était autorisé, et ajoute qu'en toute hypothèse, le prêt renvoie au code de la consommation.
Il considère que les comptes de la société BMW Finance sont des plus obscurs, notamment sur les frais et pénalités, ce qui doit conduire à son débouter
Il estime que, si la cour le considérait comme débiteur et le condamnait, elle devrait déduire non le prix de vente obtenu aux enchères, mais le prix de l'argus car la vente aux enchères faite sur la base du jugement doté de l'exécution provisoire, avait été réalisée en application d'une clause abusive, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, le débiteur étant dans un insécurité juridique tenant à l'impossibilité de savoir qui est propriétaire du bien entre le vendeur et l'organisme de crédit et si le bien est vendu au titre de la réserve de propriété ou du droit de gage.
A l'appui de ses demandes subsidiaires, il fait valoir qu'il convient de déduire le trop-perçu de sa créance, qu'il ne doit être condamné qu'au montant du principal avec intérêts au taux légal, et que la clause pénale doit être réduite.
Enfin, il justifie sa demande de délais de paiement par le fait qu'il a pris sa retraite d'avocat au 28 décembre 2009, a rencontré des difficultés financières avec l'administration fiscale et l'Urssaf et réitère son offre de payer les 5 échéances impayées et le reste en 24 mensualités, ce qu'il avait déjà offert en 2011 sans que la Société BMW Finance ne réponde.
Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 4 juin 2015, la SNC BMW Finance demande à la cour de :
- ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture rendue le 28-04-2015, statuer ce que de droit sur la demande de Monsieur X. tendant à voir le Jugement entrepris confirmé en ce qu'il lui accorde des délais de paiement et le débouter de ses autres demandes,
A titre principal :
- condamner Monsieur X., sur le fondement de l'article 1134 du code civil, à lui payer, au titre du dossier n° 323XX452, la somme en principal actualisée au 17-01-2014 de 15.762,30 euros assortie des intérêts calculés au taux contractuel de 9,1499 % sur la somme de 21.006,73 euros à compter du 03-09-2010, et au taux légal sur le surplus,
A titre subsidiaire et pour le cas où la Cour considérerait que le taux stipulé au contrat est usuraire :
- le condamner, sur le fondement de l'article 1134 du Code Civil, à lui payer, au titre du dossier n° 323XX452, la somme en principal actualisée au 17-01-2014 de 15.168,76 euros assortie des intérêts calculés au taux de 9,04 % sur la somme de 20.976,36 euros à compter du 03-09-2010, et au taux légal sur le surplus,
En tout état de cause :
- constater que la demande de Monsieur X. tendant à voir le Jugement infirmé en ce qu'il lui a ordonné d'avoir à lui restituer le véhicule portant le numéro de série WBAPYYY5618 ainsi que son certificat d'immatriculation sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification du présent jugement est désormais sans objet, et le condamner à lui payer la somme de 1.000 euros, sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, et aux entiers dépens de première instance et d'appel
La SNC BMW France fait valoir que le montant actualisé de sa créance après déduction du prix de vente aux enchères du véhicule est de 15.762,30 euros.
Elle estime que si le prêt accordé à Monsieur X. n'est effectivement pas une vente à tempérament, et le taux de l'usure était pour les prêts personnels classiques en 2007 de 9,04 %, il ne pouvait être retenu un tel taux car le prêt accordé était un prêt professionnel, ce qui ressortait de l'adresse du compte bancaire à Limoges qui était celle de son cabinet d'avocat.
Elle ajoute que si la cour considérait qu'un avocat peut utiliser son véhicule à la fois pour des besoins personnels et ses besoins professionnels, le taux devrait être rectifié et il n'y aurait pas lieu de la débouter de ses demandes car elle a présenté un double décompte, le second calculé à partir d'un taux de 9,04 %, ce décompte était clair et précis et il n'aboutissait qu'à une réduction mineure de la dette à 15.168,76 euros, les intérêts perçus en trop s'élevant à 84,98 euros.
Enfin, si elle indique s'en remettre sur les délais de paiement sollicités, elle conteste l'existence d'une clause abusive permettant la vente du véhicule en relevant que les conditions générales du prêt, dont Monsieur X. a eu nécessairement connaissance, mentionnaient l'existence d'une clause de réserve de propriété au profit du vendeur et précisaient que la publicité du gage impliquait la renonciation du prêteur subrogé dans les droits du vendeur à la clause de réserve de propriété, et que l'absence de demande de la carte grise pour faire inscrire le gage permettait à Monsieur X. de savoir qu'elle n'avait pas inscrit le gage et entendait conserver le bénéfice de la clause de réserve de propriété
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIVATION :
La recevabilité de l'appel formé par Monsieur X. contre le jugement du 16 mai 2013 rendu par le tribunal de grande instance de Libourne n'est pas contestée.
Sur le taux d'intérêt usuraire :
Le contrat signé entre Monsieur X. et la société BMW Finance n'a pas pour objet un achat à tempérament, mais constitue un contrat de crédit, ce qui ressort tant de l'intitulé des « conditions générales et notices d'assurances de l'offre préalable de crédit proposé par BMW Finance », que de son contenu prévoyant un principal et les intérêts au taux nominal et le TEG.
Du reste, le vendeur était la société Automobiles Boe Motors Agen SAS et le prêteur était la société BMW Finance, ce qui correspond à deux personnes distinctes.
Le fait que le prêt soit mentionné comme « accessoire à la vente d'un bien ou d'un service » et qu'il soit précisé que le prêt est destiné à financer l'acquisition d'un véhicule BMW est sans incidence et ne change pas la nature de l'opération qui est un contrat de crédit et non une vente à tempérament.
Ce crédit ne peut être qualité de crédit professionnel du seul fait de la profession d'avocat du débiteur.
Il est soumis au droit de la consommation d'une part car il vise divers articles dudit code notamment sur le droit de rétractation de l'acceptation de l'emprunteur prévu à l'article L. 311-1 et suivant du code de la consommation, et d'autre part l'adresse de Monsieur X. y figurant est son adresse personnelle de [ville J.] et non l'adresse professionnelle de son cabinet d'avocat à [ville L.].
La mention de la qualité d'avocat de Monsieur X. est portée dans le cadre des renseignements le concernant et relatifs à ses revenus, ce qui n'induit pas que le prêt ait été contracté par Monsieur X. en qualité d'avocat.
Même si le remboursement du crédit était réalisé à partir de prélèvements de son compte ouvert à [ville L.], ce qui n'est pas contesté par Monsieur X., il n'est enfin pas établi que ce compte soit spécifiquement professionnel.
Au surplus, comme le soutient Monsieur X., les parties peuvent convenir de soumettre la convention passée entre elles au droit de la consommation, et en l'espèce, les conditions générales du prêt renvoient aux prescriptions des prêts soumis au code de la consommation.
L'article L. 313-3 du code de la consommation dispose que « constitue un prêt usuraire tout prêt conventionnel consenti à un taux effectif global qui excède, au moment où il est consenti, de plus du tiers le taux effectif moyen pratiqué au cours du trimestre précédent par les établissements de crédit pour des opérations de même nature comportant des risques analogues ».
Comme le relève Monsieur X., le taux effectif global pratiqué par les établissements de crédit pour les prêts personnels d'un montant supérieur à 1.524 euros au moment où le contrat litigieux était passé, soit le 6 décembre 2007, était de 6,78 % et le seuil de l'usure était de 9,04%, pour ce type de crédit, ce que la société BMW Finance ne conteste pas.
Le TEG mentionné dans l'offre préalable de crédit acceptée étant de 10,01 %, le taux d'intérêt pratiqué sera qualité d'usuraire comme dépassant le taux de l'usure constituée au-delà de 9,04%.
Sur la somme restant due à la société BMW Finance :
L'article L. 313-4 du code de la consommation énonce que :
« lorsqu'un prêt conventionnel est usuraire, les perceptions excessives au regard des articles L 313-1 à L 313-3 sont imputés de plein droit sur les intérêts normaux alors échus et subsidiairement sur le capital de la créance ».
Il résulte de la lecture de cet article que l'adoption d'un taux de crédit usuraire n'a pas pour effet de rendre nul le prêt, ni même la stipulation.
Il convient de ramener le taux pratiqué au taux maximum possible inférieur au taux usuraire.
La société BMW produit deux tableaux d'amortissement, à sa voir le tableau initial et un tableau rectifié établi à partir du taux de 9,04 %.
Elle réclame la somme de 15.168,76 euros selon décompte suivant :
- mensualités échues impayées 3.706 euros
- capital à échoir 18.040,28 euros
- indemnité légale de 8 % : 1.443,22 euros
- frais : 24,40 euros
- à déduire : - trop payé : 60,16 euros
- trop perçu : 84,98 euros
- prix de vente du véhicule : 7.900 euros
solde 15.168,76 euros.
Elle explique que :
- si le taux pratiqué avait été de 9,04 %, les échéances auraient été de 741,20 euros et non de 743,08 euros et qu'au 3 septembre 2010, date de la déchéance du terme, le montant cumulé des échéances n'aurait pas été de 24.521,64 euros mais de 24.459,60 euros, soit une différence de 60,16 euros en faveur de Monsieur X.,
- elle aurait par ailleurs perçu 84,98 euros de moins au titre des intérêts contractuels,
- le montant du capital restant dû aurait été de 18.040,65 euros et non de 18.070,65 euros, soit une différence de 30,37 euros.
Monsieur X. conteste ce décompte en le considérant comme trop imprécis en ce qu'il ne mentionne pas les sommes versées, ni les dates des mensualités impayées, ni ce qu'il restait devoir, ni enfin à quoi correspond la poste « pénalités » de 297,25 euros prévu sur le décompte initial.
Contrairement aux affirmations de Monsieur X., la société BMW a précisé que 28 échéances ont été payées et que 5 échéances étaient impayées à la date de la déchéance du terme.
Elle a produit l'historique des paiements réalisés en pièce 5 (historique comptable).
Monsieur X. n'apporte aucun élément de nature à contredire le montant des paiements effectués et des mensualités impayées, de même qu'il ne conteste nullement le nouveau tableau d'amortissement produit avec des intérêts contractuels au taux de 9,04 %.
Il sera ajouté que le décompte rectifié ne tient pas compte des pénalités réclamées initialement pour 297,25 euros.
La pièce n° 1 produite par la société BMW Finance permet de savoir que Monsieur X. a payé 28 mensualités de 743,08 euros et reste débiteur avant déchéance du terme de 5 mensualités échues impayées (n° 29 à 33)
Au vu du tableau d'amortissement rectifié, Monsieur X. reste devoir à la banque :
- les échéances 29 à 33 pour 741,20 euros = 3.706 euros
- la capital restant dû après la 33ème échéance : 18.040,28 euros
total : 21.746,28 euros.
Il doit théoriquement être déduit de cette somme le trop payé effectué au titre des 28 mensualités, soit la somme de 52.64 euros (743,08 euros - 741,20 euros = 1,88 euros x 28), ainsi que le montant des intérêts payés en trop car calculés sur un taux usuraire durant les 28 mensualités payées, soit 74,75 euros.
Cependant, la SA BMW Finance a calculé ces mêmes chiffres sur la base de 33 mensualités échues avant déchéance du terme, payées et non payées, soit 84,98 euros au titre des intérêts et 60,16 euros au titre des mensualités.
Dans la mesure où cette appréciation est plus favorable à Monsieur X., elle sera retenue, de sorte qu'il sera déduit la somme de 145,14 euros de la somme due par lui, ce qui ramènera le montant dû au total de 21.601,14 euros.
Le contrat souscrit prévoit une indemnité de résiliation égale à 8 % du capital, soit 1.443,22 euros comme réclamé par le prêteur.
En application de l'article 1152 du code civil, cette indemnité sera réduite à 1 euro car elle apparaît particulièrement excessive au regard du taux d'intérêt pratiqué même corrigé en tenant compte du taux de l'usure, et de l'importance des remboursement réalisés permettant une juste indemnisation du préjudice né de l'absence d'exécution du contrat.
Le prêteur bénéficiait, au terme du contrat souscrit, d'un gage sur le véhicule devant être inscrit sur le registre tenu en préfecture et d'une réserve de propriété.
L'acte de prêt mentionne que, si le véhicule est affecté en gage, dans l'hypothèse de la déchéance du terme, l'emprunteur doit restituer le véhicule au prêteur à première sommation qui lui en est faite et que le véhicule est vendu et son prix vient en déduction de la créance de la banque.
Le contrat de prêt précise par ailleurs que « la publicité du gage par le prêteur implique la renonciation à la clause de réserve de propriété et donc transfert à cette date de la propriété » du véhicule.
L'opposition de Monsieur X. en première instance à la restitution du véhicule est devenue sans objet car suite à la restitution et à la vente aux enchères de ce véhicule autorisée par le jugement déféré dotée de l'exécution provisoire, il a été vendu au prix de 7.900 euros.
L'affirmation de Monsieur X. selon laquelle la clause telle qu'insérée dans l'acte est une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation au motif qu'elle crée une insécurité juridique de l'emprunteur qui ne sait pas qui de lui-même ou du prêteur est le véritable propriétaire du véhicule car il ignore si le gage a été inscrit en préfecture, ne sera pas retenue car l'inscription du gage implique, selon le contrat, la remise ou la communication de la carte grise par l'acquéreur emprunteur et en l'espèce Monsieur X. a pu déduire de l'absence de réclamation de la carte grise que le gage n'était pas inscrit.
Il n'y a dès lors pas lieu de considérer que la clause prévoyant à la fois un gage et une réserve de propriété au choix du prêteur a pour effet de créer, au détriment du non-professionnel, ou du consommateur qu'est Monsieur X., un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, étant précisé que même s'il est jugé que le contrat ne présente pas de caractère professionnel, il n'en reste pas moins que Monsieur X. exerçait la profession d'avocat et était à même de vérifier en préfecture si un gage avait été inscrit sur son véhicule.
La vente du véhicule a eu lieu par la société BMW Finance en qualité de propriétaire et elle était en droit de vendre le véhicule aux enchères, d'autant que le jugement prescrivait une telle vente.
Il n'existe pas de motif de retenir la valeur argus du véhicule de 11.504 euros dans la mesure où la valeur du véhicule dépend de son état et où la vente aux enchères était la mieux à même de parvenir au prix du marché.
Il sera donc déduit la somme de 7.900 euros de la somme de 21.602,14 euros, soit un reliquat de 13.702,14 euros à la charge de l'emprunteur défaillant.
Au total, Monsieur X. sera condamné à payer à la SA BMW Finance la somme de 13.702,14 euros, outre les intérêts au taux de 9,04 % courant sur 21.601,14 euros à compter du 28 septembre 2010, date de présentation de la mise en demeure du 3 septembre 2010 envoyée par lettre recommandée avec avis de réception, jusqu'au 17 janvier 2014, date de la vente aux enchères, puis sur 13.702,14 euros à compter du 17 janvier 2014.
Sur la demande de délais de paiement :
L'article L. 1244-1 du code civil [N.B. la mention « L. » est conforme à la minute] permet au juge d'octroyer un report ou un échelonnement de la dette dans la limite de deux ans, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier.
Les circonstances selon lesquelles Monsieur X. a pris sa retraite d'avocat et a eu d'importantes sommes à payer justifient de lui accorder des délais de paiement.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a accordé le bénéfice de délais de paiement à Monsieur X. mais ne peut être confirmé sur le montant des pactes mensuels à payer eu égard à la diminution de la dette par suite de la vente du véhicule.
Il sera dès lors dit que Monsieur X. s'acquittera de sa dette en 24 mensualités, la première d'un montant de 3.715 euros, les 22 mensualités suivantes d'un montant de 434 euros et la 24ème soldant la dette, étant précisé que les pactes mensuels devront être payées au 15 de chaque mois, pour la première fois au 15 août 2016, et qu'en l'absence de paiement d'une seul pacte mensuel, l'intégralité de la dette deviendra immédiatement exigible sans aucune formalité.
Sur les autres demandes :
La présente procédure a obligé la SNC BMW Finance à exposer des frais irrépétibles qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à sa charge, dans la mesure où elle a consenti un crédit à un taux usuraire.
Elle sera déboutée de toute demande de somme présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Etant débiteur de la SNC BMW Finance, Monsieur X. sera débouté de toute demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel et sera tenu de supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
après en avoir délibéré, conformément à la loi :
- Déclare recevable l'appel formé par Monsieur X. contre le jugement du tribunal de grande instance de Libourne du 16 mai 2013 ;
- Réforme le jugement déféré et, statuant sur l'ensemble des demandes :
- Dit que le taux d'intérêt pratiqué dans le cadre du contrat de crédit signé entre Monsieur X. et la SNC BMW Finance le 6 décembre 2007 est un taux usuraire ;
- Dit en conséquence que les intérêts perçus à un taux supérieur au taux de l'usure viendront en déduction de la dette selon les modalités prévues à l'article L. 313-4 du code de la consommation ;
- Dit que la clause du contrat de crédit prévoyant à titre de garantie en faveur du prêteur l'inscription d'un gage et une clause de réserve de propriété n'est pas une clause abusive au sens de l'article L. 131-1 du code de la consommation et qu'il convient de déduire de la somme due par Monsieur X. le prix de 7.900 euros obtenu par vente aux enchères du véhicule financé par le contrat de prêt en cause ;
- Dit que l'indemnité contractuelle de 8 % sera réduite à 1 euro en application de l'article 1152 du code civil ;
- Condamne en conséquence Monsieur X. à payer à la SNC BMW Finance, en remboursement du contrat de crédit souscrit la somme de 13.702,14 euros avec intérêts au taux contractuel de 9,04 % courant sur 21.601,14 euros à compter du 28 septembre 2010 jusqu'au 17 janvier 2014, puis sur 13 702,14 euros à compter du 17 janvier 2014 ;
- Dit, qu'en application de l'article 1244-1 du code civil, Monsieur X. pourra se libérer de sa dette en 24 pactes mensuels, le premier d'un montant de 3.715 euros, les 22 pactes mensuels suivants d'un montant de 434 euros et le 24ème pacte soldant la dette, étant précisé que les mensualités devront être payées au 15 de chaque mois, pour la première fois au 15 août 2016, et qu'en l'absence de paiement d'une seul pacte, l'intégralité de la dette deviendra immédiatement exigible sans aucune formalité ;
- Déboute les deux parties de leur demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile au titre de frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel ;
- Condamne Monsieur X. à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.
La présente décision a été signée par monsieur Michel Barrailla, président, et par madame Nathalie Belingheri, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5829 - Code de la consommation - Clauses abusives - Nature de la protection - Législation d’ordre public - Conséquences : reconnaissance du caractère professionnel du contrat
- 5832 - Code de la consommation - Domaine d’application - Application conventionnelle - Illustrations voisines : crédit
- 5893 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Conclusion du contrat
- 5906 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Exécution du contrat - Modalités de paiement ou de comptabilisation du prix
- 5947 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Reprographie : présentation globale
- 5948 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Reprographie : présentation par type d’activité
- 5959 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats mixtes - Usage mixte professionnel et privé
- 6054 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Garanties d’exécution en faveur du professionnel
- 6619 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Régime général - Obligations de l’emprunteur - Taux d’intérêt et frais
- 6629 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit affecté