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CEPC (AVIS), 16 septembre 2013

Nature : Recomm/Rép Minist/Avis
Titre : CEPC (AVIS), 16 septembre 2013
Pays : France
Organisme : Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC)
Date : 16/09/2013
Num ref : 13-10
Mode de publication : Site Com. exam. prat. com. (CEPC)
Date Valid : 16/09/2013
Nature : Avis
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CERCLAB – DOCUMENT N° 6586

CEPC (AVIS), 16 septembre 2013 : avis n° 13-10

Publication : Site CEPC

 

Extrait : « En dépit de la combinaison d’une clause de désignation d’une loi étrangère et d’une clause donnant compétence à une juridiction étrangère, le droit français des pratiques restrictives et, plus précisément l’article L. 442-6 du code de commerce, reste applicable, à tout le moins, lorsque l’action sur son fondement est intentée par le ministre de l’Economie faisant usage des prérogatives prévues à l’article L. 442-6-III du code de commerce.

L’examen de différents contrats conclus entre les hôteliers et des entreprises exploitant les principaux sites de réservation hôtelière fait apparaître que :

- les clauses dites de parité , prévoyant un alignement automatique de différentes conditions consenties à des concurrents, sont contraires à l’article L. 442-6-II- d du code de commerce et sont expressément frappées de nullité par cette disposition

- Plusieurs stipulations contractuelles, qu’il s’agisse de limiter à différents titres la liberté de l’hôtelier dans la prospection de la clientèle, de le soumettre à des conditions de règlement nettement défavorables, d’alléger très nettement la responsabilité des centrales de réservation, de conférer à ces dernières un pouvoir laissant l’exécution ou la continuation du contrat à leur entière discrétion, sont dépourvues de réciprocité et de contrepartie. Figurant dans des contrats-types proposés uniformément à l’ensemble des hôteliers et qui ne semblent pas ménager de place pour la négociation, ces stipulations créent, à tout le moins par leur accumulation, un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. En raison de leur contrariété à l’article L. 442-6-I-2° du code de commerce, elles encourent la nullité sur le fondement du droit commun.

- Par ailleurs, la possibilité contractuellement aménagées au profit du seul OTA de modifier le contrat, sous peine de pouvoir résilier celui-ci, est susceptible, selon l’utilisation faite de cette prérogative, de contrevenir à la disposition énoncée à l’article L. 442-6-I-4° du code de commerce.

- Les stipulations relatives au délai de préavis et à diverses possibilités de résiliation à effet immédiat n’écartent pas le jeu de l’article L. 442-6-I-5° du code de commerce sanctionnant la rupture brutale des relations commerciales établies. ».

 

COMMISSION D’EXAMEN DES PRATIQUES COMMERCIALES

Avis n° 13-10 du 16 septembre 2013 les relations commerciales des hôteliers avec les entreprises exploitant les principaux sites de réservation hôtelière

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE L’AVIS – TEXTES CONCERNÉS         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Avis n° 13-10 sur les relations commerciales des hôteliers avec les entreprises exploitant les principaux sites de réservation hôtelière

La Commission d’examen des pratiques commerciales,

Vu la lettre enregistrée le 12 juin 2012 sous le numéro 12-08, par laquelle plusieurs organisations représentatives des professionnels de l’hôtellerie demandent l’avis de la CEPC sur la conformité au droit de la concurrence de différents contrats conclus entre les hôteliers et des entreprises exploitant les principaux sites de réservation hôtelière.

Vu les articles L. 440-1 et D. 440-1 à D440-13 du code de commerce ;

Le rapporteur entendu lors de sa séance plénière du 16 septembre 2013 ;

 

EXPOSÉ DE LA DEMANDE                                                                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La Commission d’examen des pratiques commerciales a été saisie par plusieurs organisations représentatives des professionnels de l’hôtellerie afin de recueillir son avis sur la conformité au droit de la concurrence de différents contrats conclus entre les hôteliers et des entreprises exploitant les principaux sites de réservation hôtelière (ci-après également désignées sous l’appellation de centrales de réservation en ligne ou sous l’acronyme OTA).

Compte tenu de l’insertion assez systématique dans ces contrats de clauses d’élection de loi étrangère et de clauses attributives de compétence au profit de juridictions étrangères, il importe de vérifier dans quelle mesure le droit français de la concurrence demeure applicable à ces différents contrats (1), avant d’examiner la conformité de ces contrats ou de certaines de leurs stipulations exclusivement au regard du droit des pratiques restrictives de concurrence (2), l’Autorité de la concurrence ayant été parallèlement saisie sur le fondement du droit des pratiques anticoncurrentielles.

 

AVIS ET RÉPONSE DE LA CEPC                                                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

1) Application du droit des pratiques restrictives de concurrence aux contrats conclus entre les exploitants de sites de réservation en ligne et les hôteliers

Les clauses de choix de loi sont licites en principe à partir du moment où elles concernent un véritable contrat international, c’est-à-dire un contrat comportant un élément d’extranéité. Se pose cependant la question de savoir quelle est la portée d’un tel choix de loi et, plus précisément, dans quelle mesure celui-ci permet d’évincer l’application du droit des pratiques restrictives assorti de sanctions civiles, notamment lorsque ce choix se combine, comme c’est le cas dans les contrats concernés, avec une clause attributive de juridiction.

S’agissant de la détermination de la juridiction compétente pour connaître d’un litige dans un contexte international, il convient de se référer au Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (dit règlement Bruxelles I).

Celui-ci est notamment applicable lorsque le défendeur est domicilié dans l’un des Etats membres de l’Union européenne ou encore lorsque, comme en l’espèce, la juridiction désignée par une clause attributive de compétence est située dans l’un des Etats membres.

Si ce texte a fait l’objet d’une refonte, par un règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 (JOUE du 20 décembre 2012), ce dernier n’entrera, pour l’essentiel, en application qu’à compter du 10 janvier 2015. Aussi est-ce au regard des principes édictés par l’actuel règlement Bruxelles I que les questions relatives à la désignation de la juridiction compétente et aux clauses attributives de juridiction stipulées dans les contrats examinés par la Commission d’examen des pratiques commerciales doivent être résolues.

Deux cas de figure doivent être envisagés selon que l’action est exercée par une partie au contrat (1.1) ou par le ministre de l’Economie (1.2).

 

1.1 Application du droit français de la concurrence dans un contentieux initié par un contractant

S’agissant de la détermination de la juridiction compétente, l’article 23 § 1 du règlement Bruxelles I prévoit, à titre de prorogation de compétence, que « si les parties, dont l'une au moins a son domicile sur le territoire d'un État membre, sont convenues d'un tribunal ou de tribunaux d'un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet État membre sont compétents. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties ».

Le principe de validité posé par ce texte a lieu de s’appliquer dans le cas de contrats conclus entre deux entreprises, dont l’une au moins a son domicile dans l’Union européenne, comportant une convention attributive de juridiction revêtant la forme écrite, et pour lesquelles aucune des exclusions prévues à l’article 23 § 5 n’a vocation à jouer. En conséquence, la clause attributive de compétence désignant une juridiction située dans un autre Etat-membre de l’Union européenne doit être considérée comme pleinement efficace en ce qui concerne les litiges susceptibles de naître entre les parties aux contrats concernés, peu important à cet égard le droit applicable au fond du litige (rappr. Civ. 1re, 22 octobre 2008, Monster Cable : « la clause attributive de juridiction contenue dans le contrat visait tout litige né du contrat, et devait en conséquence être mise en oeuvre, des dispositions constitutives de lois de police fussent-elles applicables au fond du litige »).

S’agissant de la loi applicable, il existe, en l’état du droit positif, une incertitude sur le point de savoir si la sanction civile prévue en cas de violation du droit français de la concurrence relève de la matière contractuelle ou extra-contractuelle. Aussi convient-il d’envisager les deux hypothèses.

* Dans la première hypothèse où l’action susceptible d’être intentée par le cocontractant est de nature contractuelle, le règlement « Rome I » n° 593/2008 du 17 juin 2008 du Parlement européen et du Conseil sur la loi applicable aux obligations contractuelles admet, en son article 3, la liberté de choix des parties qui peuvent ainsi soumettre le contrat à la loi de leur choix, ainsi que cela a été fait dans les différents contrats examinés qui tous désignent une loi étrangère.

Il n’en est pas moins possible que le droit français de la concurrence s’impose, à titre de loi de police lorsque la situation en cause entre dans son champ d’application.

S’il est pleinement admis que les dispositions françaises appréhendant les pratiques anticoncurrentielles s’imposent à titre de lois de police en présence de pratiques affectant le marché français, le droit français des pratiques restrictives de concurrence suscite davantage de débat. Cependant, il est permis de considérer, à l’instar de certaines juridictions (v. Lyon 9 septembre 2004, RG n° 2004/00108 à propos de la rupture brutale d’une relation commerciale établie ; v. aussi T. com. Paris, 7 juin 2012, n° 10/10240, à propos des dispositions de l’article L. 442-6 du code de commerce), que ces dispositions relèvent de la catégorie des lois de police à partir du moment où elles visent à assurer un meilleur équilibre des relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs et par là-même, une meilleure égalité des conditions de concurrence sur le marché et où, en outre, une « action autonome de protection du fonctionnement du marché et de la concurrence » a été reconnue pour leur mise en oeuvre au ministre de l’économie par l’article L. 442-6 III du Code de commerce (en ce sens, Cass. com. 8 juillet 2008, n° 07-16761). Par ailleurs, et toujours au regard de l’objectif d’assurer une meilleure égalité des conditions de concurrence sur le marché français, ces dispositions sont applicables, à partir d’un rattachement territorial, dès lors que les produits ou services contractuels sont destinés au marché français ou ont vocation à être distribués en France.

Cependant, si l’article 9 du règlement Rome I réserve bien l’application des lois de police, il effectue pour cela une distinction très importante selon qu’il s’agit ou non des lois de police du for. Tandis qu’il prévoit en son § 2 que « les dispositions du (…) règlement ne pourront porter atteinte à l’application des lois de police du juge saisi », il se contente d’indiquer au § 3 qu’ » il pourra également être donné effet aux lois de police du pays dans lequel les obligations découlant du contrat doivent être ou ont été exécutées dans la mesure où lesdites lois de police rendent l’exécution du contrat illégale ». Dans cette dernière hypothèse, la juridiction étrangère saisie a, non pas l’obligation, mais seulement la possibilité de faire application des lois de police et ceci à la condition qu’elles soient celles du lieu d’exécution du contrat. Même si le règlement Rome I précise que « pour décider si effet doit être donné à ces lois de police, il est tenu compte de leur nature et de leur objet, ainsi que des conséquences de leur application ou de leur nonapplication », la désignation d’une juridiction étrangère permet de désactiver largement l’impérativité des lois de police françaises au stade de leur application (en ce sens notamment D. Bureau et H. Muir Watt, « L’impérativité désactivée ?, A propos de Cass. civ. 1re, 2 octobre 2008 », Rev. Crit. DIP 2009, p. 1).

* Dans la seconde hypothèse où l’action introduite par le contractant relève, au contraire, de la matière extra-contractuelle, l’applicabilité du droit français de la concurrence dépend du règlement « Rome II » n° 864/2007 du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations extra-contractuelles.

S’agissant du droit des pratiques restrictives de concurrence, la détermination de la loi applicable dépend du point de savoir si ces dispositions relèvent de l’article 6 § 1 ou de l’article 6 § 2 du règlement Rome II.

Au regard des travaux préparatoires du règlement comme de la finalité du droit des pratiques restrictives de concurrence, il est permis de penser que les actions engagées au titre de ces dispositions relèvent, conformément à l’article 6 § 1, de la loi du « pays où les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés ou susceptibles de l’être ». Dans la mesure où les prestations d’hébergement sont exécutées en France, cet Etat est bien le lieu où les intérêts des consommateurs sont affectés ou susceptibles de l’être, de sorte que le droit français des pratiques restrictives est applicable.

Lorsque la loi applicable est désignée par la règle de conflit spéciale prévue par l’article 6 § 1, le § 4 du même texte précise qu’il ne peut y être dérogé par un accord des parties choisissant la loi applicable selon les modalités prévues à l’article 14 du règlement Rome II. En pareil cas, les stipulations contractuelles relatives au choix de loi sont donc purement et simplement neutralisées.

En revanche, il convient de tenir compte des dispositions de l’article 17, texte applicable lorsque la règle de conflit désigne la loi du lieu du dommage et qu’existe une dissociation entre le lieu du fait générateur et le lieu du dommage. En pareil cas, il est prévu que « pour évaluer le comportement de la personne dont la responsabilité est invoquée, il est tenu compte, en tant qu’élément de fait et pour autant que de besoin des règles de sécurité et de comportement en vigueur au lieu et au jour de la survenance du fait qui a entrainé la responsabilité ». Cette disposition pourrait conduire le juge saisi, appelé à mettre en oeuvre le droit français de la concurrence, à prendre en compte, comme un fait, les règles de comportement plus permissives qui s’imposent à l’auteur du dommage là où il a agi, ce qui peut correspondre à son lieu d’établissement.

Cependant, en l’absence de solution nettement établie en droit positif, il convient également d’évoquer l’hypothèse, plus improbable, où il serait considéré que le droit des pratiques restrictives concerne des actes « affect(ant) exclusivement les intérêts d’un concurrent déterminé ». En ce cas, la loi applicable relèverait, conformément au renvoi effectué par l’article 6 § 2, de la règle de conflit générale énoncée par l’article 4§1. Il résulte de cette dernière disposition une compétence de principe au profit de la loi du lieu où le dommage survient. A cette fin, il importe de localiser le dommage directement subi et non pas ses conséquences financières, cette localisation dépendant de sa nature.

L’application de la loi du lieu du dommage peut toutefois être écartée par exception si le fait dommageable présente un lien manifestement plus étroit avec un autre Etat, lien qui « pourrait se fonder, notamment, sur une relation préexistante entre les parties, telle qu’un contrat, présentant un lien étroit avec le fait dommageable en question ».

En présence d’actes de concurrence déloyale affectant exclusivement les intérêts d’un concurrent déterminé, l’article 14 § 1 b) prévoit que « les parties peuvent choisir la loi applicable à l'obligation non contractuelle lorsqu'elles exercent toutes une activité commerciale, par un accord librement négocié avant la survenance du fait générateur du dommage ». Si un tel choix a été fait en l’occurrence, il demeure cependant possible de s’interroger sur le caractère librement négocié de cet accord.

Si l’article 14 § 2 réserve le cas dans lequel « tous les éléments de la situation étaient, au moment de la survenance du fait générateur du dommage, localisés dans un pays autre que celui dont la loi a été choisie » et prévoit alors que « le choix d'une loi par les parties ne peut porter atteinte à l'application des dispositions auxquelles la loi de cet autre pays ne permet pas de déroger par accord », cette réserve ne devrait pas avoir vocation à jouer dans le cas de contrats conclus entre un établissement hôtelier français et une centrale de réservation établie à l’étranger.

Ainsi s’il était considéré que le droit français des pratiques restrictives de concurrence s’attache exclusivement aux intérêts d’un concurrent déterminé, ses dispositions seraient évincées au profit de la loi étrangère choisie par les parties au contrat, à la condition toutefois que ce choix résulte d’ « un accord librement négocié », ainsi que l’exige l’article 14 § 1 b.

Si l’article 16 du règlement Rome II ménage l’application de dispositions impératives dérogatoires, c’est seulement au profit de la loi du for, de sorte que cette règle est sans application pour le droit français en présence d’une clause attributive de compétence désignant une juridiction étrangère.

 

1.2 Application du droit français de la concurrence dans un contentieux initié par le ministre de l’Economie

Dans l’hypothèse où l’action intentée à l’encontre de l’un des contractants serait introduite par le ministre de l’Economie, ce dernier ne serait évidemment pas lié par la clause attributive de juridiction stipulée dans le contrat auquel il est tiers.

Aussi la détermination de la juridiction compétente doit-elle être effectuée à partir des dispositions générales et des compétences spéciales prévues par le règlement Bruxelles I.

Le principe édicté par l’article 2 est celui de la compétence des juridictions de l’Etat membre dans lequel le défendeur est domicilié, précision étant faite à l’article 60 que le domicile des sociétés et personnes morales est situé au lieu de leur siège statutaire (entendu pour le Royaume-Uni et l'Irlande, comme le registered office ou, à défaut le lieu d'acquisition de la personnalité morale ou, à défaut le lieu selon la loi duquel la formation a été effectuée), de leur administration centrale, ou de leur principal établissement, à la condition que ce dernier soit impliqué dans la situation litigieuse.

L’article 5 § 3 du règlement prévoit, au titre des compétences spéciales, un for additionnel en matière délictuelle ou quasi délictuelle au profit du « tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire ». La jurisprudence retient une acception large du lieu de production du fait dommageable, lequel s’entend aussi bien du lieu de réalisation de l’acte générateur que du lieu de survenance d’une partie au moins du préjudice.

A partir du moment où la pratique litigieuse porte atteinte au fonctionnement du marché français, le dommage peut être localisé en France et permettre la saisine d’une juridiction française. Le raisonnement, récemment tenu par la Cour de cassation dans le cas de pratiques anticoncurrentielles (v. V. Pironon, note Cass. civ. 1re, 1er février 2012, Revue critique de DIP 2013, p. 464-2) vaut aussi dans le cas du droit des pratiques restrictives de concurrence, à tout le moins lorsque l’action est introduite par le ministre de l’économie en charge de la protection du fonctionnement du marché et de la concurrence.

La clause de choix de loi prévue au contrat ne sera pas davantage applicable à un contentieux initié par le ministre tiers au contrat litigieux à l’encontre de l’un des contractants. L’action introduite par le ministre de l’Economie à l’encontre d’une partie au contrat relève de la matière extra-contractuelle au sens des règlements européens, de sorte qu’il convient de préciser la loi applicable en pareil cas en se référant au Règlement Rome II.

S’agissant du droit des pratiques restrictives de concurrence, il convient très probablement d’appliquer, conformément à l’article 6 § 1, la loi française, « pays où les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés ou susceptibles de l’être ».

Dans l’hypothèse nettement plus improbable où ces dispositions concerneraient des actes « affect(ant) exclusivement les intérêts d’un concurrent déterminé », la loi applicable à la responsabilité engagée par leur auteur serait, conformément à l’article 4 § 1, celle du lieu de survenance du dommage directement.

Quand bien même la règle de conflit aboutirait à désigner une loi étrangère, à partir du moment où l’action du ministre de l’Economie serait portée devant une juridiction française, le règlement Rome II préserve l’application des lois de police du for, c’est-àdire françaises en l’occurrence. Son article 16 dispose en effet que « les dispositions du présent règlement ne portent pas atteinte à l'application des dispositions de la loi du for qui régissent impérativement la situation, quelle que soit la loi applicable à l'obligation non contractuelle ». Dès lors, sur le fondement de ce texte, la juridiction française saisie par le ministre de l’Economie pourrait assurer le respect du droit français des pratiques restrictives de concurrence en tant que lois de police applicables à la situation litigieuse.

* * *

Il apparaît que la combinaison d’une clause de désignation d’une loi étrangère et d’une clause donnant compétence à une juridiction étrangère peut permettre, le cas échéant et sous certaines conditions, d’évincer l’application du droit des pratiques restrictives de concurrence dans le cas où ces dispositions sont invoquées par un contractant.

En revanche, les stipulations contractuelles relatives au choix de loi et à la désignation de juridiction sont privées d’efficacité dans le cas où l’action est intentée par le ministre de l’Economie, ainsi que l’article L. 442-6-III du code de commerce lui en reconnaît la possibilité pour l’ensemble des règles du droit des pratiques restrictives énoncées dans cet article. Son action pourra être exercée devant une juridiction française et le droit français de la concurrence sera applicable, soit en tant que loi désignée par la règle de conflit, soit en tant que loi de police.

 

2) Sur la conformité des stipulations au regard du droit des pratiques restrictives de concurrence

Plusieurs stipulations insérées dans des contrats conclus entre les centrales de réservation en ligne et les hôteliers apparaissent contraires à des règles énoncées à l’article L. 442-6 du code de commerce. Les clauses dites de parité contreviennent à l’interdiction édictée par l’article L. 442-6- II d (2.1). Les stipulations instituant un délai de préavis ainsi que diverses possibilités de résiliation à effet immédiat peuvent être privées d’effet au regard des règles relatives à la rupture brutale des relations commerciales établies (2.2). Les possibilités de modifier le contrat, contractuellement aménagées au profit du seul OTA, sont susceptibles de contrevenir à la disposition énoncée à l’article L. 442-6-I-4° (2.3), mais aussi, comme un certain nombre d’autres stipulations contractuelles, à la règle appréhendant les déséquilibres significatifs (2.4).

 

2.1 Des clauses de parité stipulées en violation de l’article L. 442-6-II d) du Code de commerce

Les contrats comportent différentes stipulations en vertu desquelles l’hébergeur s’engage :

- à assurer à l’exploitant du site de réservation des tarifs égaux ou plus avantageux ainsi que des conditions égales ou plus avantageuses aux tarifs et conditions disponibles auprès de l’hébergeur (directement ou via son site Internet ou ses centres d’appel), mais aussi auprès de tout concurrent de la centrale de réservation (parité des tarifs et des conditions)

- à ce que les chambres disponibles à la réservation sur le site concerné soient au moins aussi favorables que celles fournies à tout concurrent, cet engagement incluant parfois l’hébergeur lui-même (parité des disponibilités).

Or la loi LME, parallèlement à l’abrogation de l’interdiction per se des pratiques discriminatoires, a complété l’article L. 442-6-II par une disposition en vertu de laquelle « sont nuls les clauses ou contrats prévoyant pour un producteur, un commerçant, un industriel ou une personne immatriculée au registre des métiers, la possibilité (…) de bénéficier automatiquement des conditions plus favorables consenties aux entreprises concurrentes par le cocontractant ».

Les conditions visées par cette disposition peuvent être indistinctement tarifaires ou non, de sorte que toutes les clauses de parité, qu’elles portent sur les tarifs, sur les disponibilités ou sur d’autres conditions, sont nulles dès l’instant qu’elles prévoient un alignement automatique sur les conditions plus favorables accordées aux concurrents.

Par ailleurs, l’alignement, prévu par une partie des clauses, sur le cocontractant lui-même ou l’obtention automatique de conditions encore plus favorables, s’ils ne relèvent pas de cette interdiction, doivent en revanche être examinés au regard de la règle relative au déséquilibre significatif (infra 2.4).

 

2.2 L’effet limité des stipulations relatives au délai de préavis et à des possibilités de résiliation à effet immédiat au regard de l’interdiction de la rupture brutale des relations commerciales établies (art. L. 442-6-I-5° C. com.)

Tout d’abord, les contrats contiennent généralement des dispositions contractuelles prévoyant un délai de préavis qui oscille, selon les cas, entre 14 et 30 jours. Il importe de rappeler que le préavis fixé par contrat, s’il constitue un minimum obligatoire pour les contractants, ne saurait faire échec à la règle énoncée par l’article L. 442-6-I-5° du code de commerce (Com. 6 mars 2007, n° 05-18121). Ainsi, dans le cas où la relation commerciale nouée entre l’hébergeur et l’OTA pourrait être considérée comme établie (peu important à cet égard que le contrat en cours soit à durée déterminée ou indéterminée), l’auteur de la rupture devrait respecter un délai de préavis qui, nonobstant le préavis contractuellement convenu, soit d’une durée suffisante au regard de la durée de la relation ainsi que des autres paramètres susceptibles d’influencer le délai nécessaire au redéploiement de l’activité. Dans le cas contraire, il s’exposerait à voir sa responsabilité civile engagée à l’égard du partenaire évincé et, le cas échéant, à être en outre condamné, à la demande du ministre de l’Economie, à une amende civile.

Ensuite, plusieurs contrats comportent des stipulations instituant des possibilités de rupture immédiate du contrat dans différents cas de figure.

Si l’article L. 442-6-I-5° du code de commerce aménage une possibilité de rompre sans préavis en cas de manquement par l’autre partie à ses obligations, la Cour de cassation a précisé qu’il doit s’agir d’un manquement suffisamment grave pour justifier une absence de préavis et que, dans l’hypothèse où la rupture sans préavis intervient en application d’une clause résolutoire, il appartient à la juridiction saisie d’une contestation relative à la brutalité de la rupture d’examiner si le manquement est effectivement d’une gravité telle qu’il justifie la rupture immédiate (notamment Com. 25 septembre 2007, n° 06-15517).

Or, sans reprendre dans le détail les différents cas envisagés dans les clauses résolutoires, certains d’entre eux apparaissent, sans le moindre doute, trop généraux, lorsque, par exemple, ils visent la « violation matérielle de tout terme du contrat » ou « n’importe quel motif », ou bien encore « tout comportement susceptible de porter préjudice aux activités ou à la réputation de l’entreprise » et « tout comportement non coopératif ». D’autres cas visés par les clauses résolutoires ne correspondent pas à un comportement d’une gravité suffisante (par exemple, le défaut de règlement le jour même de l’échéance) ou apparaissent même comme sanctionnant de façon indue l’exercice d’un droit, tel celui d’agir en justice (« contentieux juridique en cours ») ou celui de ne pas accepter une modification de l’accord (« refus d’accepter une modification raisonnable d’un ou plusieurs termes de l’accord »). Les clauses résolutoires ainsi libellées ne sauraient laisser à une partie la possibilité de rompre à sa guise, sans préavis, la relation commerciale.

Par ailleurs, certaines de ces stipulations peuvent également être appréhendées sur le fondement d’autres dispositions (infra 2.3 et 2.4).

 

2.3 L’octroi d’une possibilité de modification unilatérale susceptible de contrevenir à l’article L. 442-6-I-4° C. com.

Plusieurs des contrats conclus entre les OTA et les hôteliers comportent une clause en vertu de laquelle l’OTA a la possibilité d’apporter des modifications au contrat, précision étant que faite que si l’établissement hôtelier n’accepte pas les changements, ce refus vaudra résiliation du contrat, sans que soit prévu le respect d’un délai de préavis suffisant. Ainsi est-il indiqué, par exemple, que « si (l’hôtelier) souhaite contester » l’application des nouvelles conditions contractuelles, « cela fera foi de résiliation (du) contrat avec effet à la date de la modification » ou encore que le « refus d’accepter une modification raisonnable d’un ou plusieurs termes de l’accord » justifierait une rupture immédiate du contrat.

Il convient de relever que ces stipulations n’apportent, soit aucune indication, soit seulement une indication extrêmement imprécise (« modification raisonnable d’un ou plusieurs termes de l’accord ») quant aux changements susceptibles d’être demandés exclusivement par l’OTA.

Ces stipulations apparaissent susceptibles de contrevenir à l’article L. 442-6-I-4° du code de commerce. En effet, à partir du moment où la clause prévoit que, de façon automatique, le refus des modifications demandées par l’OTA entrainerait la résiliation immédiate ou dans un très bref délai, le bénéficiaire de la stipulation qui en fait usage procède à la menace d’une rupture brutale des relations commerciales au sens de ce texte. Il s’expose ainsi à une condamnation sur le fondement de cette disposition dans le cas où le résultat recherché ou obtenu par ce moyen correspond à « des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiement, les modalités de vente ou les services ne relevant pas des obligations d'achat et de vente ».

 

2.4 De nombreuses stipulations contractuelles créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties en violation de l’article L 442-6-I-2° du code de commerce

L’article L. 442-6-I-2° du code de commerce, qui vise le fait « de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties », nécessite d’examiner, outre le résultat recherché ou obtenu, sous la forme d’un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, le comportement à l’origine d’un tel résultat, à savoir le fait de soumettre ou tenter de soumettre.

Au regard des premières décisions rendues sur le fondement de cette disposition, le comportement visé est celui qui consiste à imposer sans négociation. En l’occurrence, les documents examinés sont des contrats-types proposés uniformément à l’ensemble des hôteliers et qui ne semblent pas ménager de place pour la négociation.

S’il existe, en l’état du droit positif, une incertitude sur le point de savoir si le déséquilibre significatif doit être apprécié clause par clause ou doit donner lieu à une appréciation globale, les contrats conclus entre les OTA et les hôteliers comportent de nombreuses stipulations qui, soit envisagées isolément, soit par leur jeu cumulé, apparaissent contraires à l’article L. 442-6-I-2° : ces clauses à l’avantage de l’OTA et nettement défavorables à l’établissement hôtelier ne sont pas assorties d’un avantage de même nature ou d’une contrepartie suffisante au profit de ce dernier.

 

Les stipulations relatives aux règlements

Il convient de relever que les délais de paiement prévus au profit des OTA sont en-deçà du plafond légal impératif édicté à l’article L. 441-6, étant, selon les cas, identiques au délai supplétif prévu à l’article L. 441-6 C. com. ou notablement inférieurs à celui-ci (14 ou 15 jours). Alors que le délai de paiement est bref, s’y ajoute parfois la pratique d’ « arrhes » ou d’ « acomptes » devant être versés par l’hébergeur et dont le montant, soit est convenu dans le contrat, soit correspond à une commission de deux mois (bien supérieure au délai de paiement) déterminée à la discrétion de l’OTA. Le remboursement de cette somme est prévu à la fin du contrat, après déduction de toutes les sommes restant dues et dans un délai de 30 jours. Aucune possibilité ne semble être ménagée de substituer un cautionnement bancaire à cette somme visant à garantir les obligations de paiement de l’hébergeur.

Dans certaines contrats, le mode de paiement est imposé sous la forme d’un prélèvement électronique automatique ou parfois, dans une partie des contrats, d’un virement, précision étant faite que les frais bancaires et autres coûts liés aux virements sont à la charge de l’hôtelier.

Interdiction est quelquefois faite, par ailleurs, à l’établissement hôtelier de procéder à toute compensation, alors même que les conditions de la compensation légales seraient réunies.

S’agissant de la commission revenant à l’OTA, lorsque celui-ci agit en tant qu’intermédiaire, l’un des contrats offre à celui-ci le choix d’établir, à sa discrétion, sa facture dans l’une des principales devises (euros ou dollars US) ou bien dans la devise locale en vigueur dans le pays de l’hébergement.

Outre le versement d’intérêts de retard et de frais de rappel forfaitaires, il est parfois prévu que le retard de règlement entrainera un classement moins avantageux pour l’hôtelier.

Il apparaît que toutes ces stipulations sont systématiquement favorables aux OTA, sans qu’un avantage réciproque, ni aucune contrepartie n’ait été prévu au bénéfice de l’établissement d’hébergement .

Dans des circonstances assez similaires où l’ensemble des stipulations relatives au paiement apparaissaient toutes favorables à l’une des parties au contrat et étaient, en l’absence de réciprocité et de contrepartie, nettement défavorables au cocontractant, le Tribunal de commerce de Lille, le 6 janvier 2010, a conclu à l’existence d’un déséquilibre significatif au détriment de l’autre partie.

 

Clauses entravant la liberté de l’hôtelier dans la prospection de la clientèle par ses propres moyens

Au regard du principe de la libre concurrence, l’hôtelier, comme n’importe quel opérateur sur le marché, est en principe en droit de prospecter la clientèle par les moyens qu’il souhaite dès l’instant où ceux-ci sont licites et loyaux. Or, plusieurs stipulations du contrat, isolément ou cumulativement, entravent significativement sa liberté de démarcher les clients au profit des OTA et sans qu’ait été prévu de réciprocité ou de contrepartie, ni qu’existe apparemment de justification.

Les clauses de parité des tarifs, des disponibilités et d’autres conditions, lorsqu’elles visent à aligner la situation de l’OTA sur celle de l’hôtelier lorsqu’il procède lui-même à la commercialisation directe de ses prestations et n’a pas de commission à acquitter auprès de l’OTA, ne prévoient pas une réduction de la rémunération à acquitter à l’OTA lorsqu’il agit en tant qu’intermédiaire, ni une quelconque autre contrepartie.

De même, la stipulation interdisant à l’hôtelier de pouvoir, par la suite, pour d’autres séjours, être en contact direct avec tout client obtenu via les centrales et, dans certains cas, alors même que ce serait le client qui prendrait l’initiative de le contacter, apparaît nettement défavorable à l’établissement hôtelier : aucune réciprocité du même type n’est prévue au bénéfice de ce dernier, les clients directs antérieurs de l’hôtel n’étant soumis à aucun régime spécifique en cas de réservation via un OTA ; aucune contrepartie ne semble par ailleurs aménagée au profit de l’hôtelier.

Dans le cas où l’OTA agit en tant qu’agence de voyages faisant l’acquisition d’allotements et revendant ensuite les chambres aux clients, cette interdiction d’entrer ultérieurement en contact avec ces derniers s’analyse comme une clause de non-concurrence et devrait en conséquence satisfaire, indépendamment de l’analyse à conduire sur le fondement du droit des pratiques anticoncurrentielles, les exigences de validité requises par la jurisprudence en vertu du droit commun : outre une limitation dans le temps ou l’espace, la clause doit être justifiée par un intérêt légitime et proportionnée.

Par ailleurs, cette interdiction ne semble trouver aucune justification dans le cas où l’OTA est un « apporteur d’affaires » effectuant la mise en relation entre l’hôtelier et les clients : en pareil cas, le contrat est exclusivement conclu entre ces derniers, le contrat précisant que l’OTA n’assume, en vertu du contrat passé avec l’hôtelier, aucune responsabilité en cas de litige sur le séjour quand bien même ce litige serait lié à un problème du site de réservation.

Les contrats prévoient fréquemment une clause en vertu de laquelle l’hôtelier accorde à l’exploitant du site de réservation le droit et une licence non-exclusifs, gratuits et mondiaux lui permettant d’utiliser, de reproduire, le nom et tous les éléments de droits de propriété intellectuelle.

Est également prévue parfois la possibilité d’accorder une sous-licence ou encore de céder ces droits à ses partenaires commerciaux, ceci sans l’accord de l’hôtelier et tout en précisant que les OTA ne seront pas responsable à l’égard de ce dernier en cas de problème lié à l’utilisation des informations par les tiers.

Il convient d’observer que la cession portant sur un objet très étendu est consentie à titre gratuit et sans que, la plupart du temps, des droits réciproques soient reconnus à l’hôtelier, lui permettant d’utiliser le nom de l’OTA pour faire sa promotion. Tout au contraire, il lui est parfois interdit d’utiliser ces informations, que ce soit pour le site web de l’établissement ou à des fins de référence, ou encore s’engage à ne pas cibler spécifiquement la marque par le biais d’achat de mots-clefs, ce qui peut avoir pour effet d’occulter le site internet de l’hôtel des résultats de la recherche effectuée par les clients.

 

Les clauses relatives à la responsabilité des parties au contrat

S’il est loisible en principe dans les relations entre professionnels de prévoir des clauses limitatives de responsabilité, c’est cependant sous la limite de la faute lourde et du dol (art. 1150 C. civ.) ainsi que de l’atteinte à une obligation essentielle (jurisprudence Chronopost). Certaines des stipulations font d’ailleurs référence, avec plus ou moins d’exactitude, à ces limitations en évoquant « la négligence injustifiée ou la faute lourde » ou encore « le manquement grave à ses obligations contractuelles ».

Pour autant, l’examen des contrats conclus entre les OTA et les hôteliers fait apparaître que, dans la plupart des cas, les limitations de responsabilité sont prévues au seul bénéfice de l’OTA tandis que les hôteliers continuent quant à eux d’assumer leur responsabilité.

Ainsi, et alors que l’OTA agit en qualité d’apporteur d’affaires, sont prévues des clauses excluant toute responsabilité de leur part au titre de « toute erreur, omission, interruption, défaut, délai dans l’exécution ou la transmission ou toute autre défaillance dans la fourniture du service et des sites », ou encore « en cas de disfonctionnement, panne, inactivité, interruption et indisponibilité temporaire ou partiel des sites du service et/ou de l’extranet ». Il en est parfois de même en ce qui concerne « l’exactitude et l’exhaustivité des informations, des dates fournies par les clients, des obligations de paiement ». A cet égard, il peut être indiqué que l’hôtelier assume tous les risques d’une carte de crédit invalide quelle qu’en soit la raison. Une exonération est également prévue en ce qui concerne le contenu des traductions effectuées et des avis de clients ou bien encore le contenu et les conséquences de la publication ou de la distribution de tout commentaire ou critique.

Au contraire, les hôteliers ne bénéficient pas, la plupart du temps, des mêmes allégements de leur responsabilité. Il est même expressément indiqué que l’hôtel reste responsable du bon fonctionnement de ses propres systèmes.

Cet allègement très substantiel de responsabilité, au bénéfice d’une seule partie au contrat et qui n’apparaît pas assortie d’une contrepartie , d’ordre tarifaire (sous la forme d’un abaissement du taux des commissions par exemple) ou autre, peut d’autant plus être à l’origine d’un déséquilibre significatif au détriment des hôteliers qu’elle voisine avec la stipulation, au bénéfice des OTA, de sanctions qui, au moins dans certaines hypothèses, apparaissent disproportionnées

 

Clause conférant un pouvoir discrétionnaire

Plusieurs stipulations figurant dans les contrats des OTA confèrent à ces dernières des pouvoirs unilatéraux, sans réciprocité, ni contrepartie apparente pour les hôteliers et qui, n’étant pas encadrés, sont susceptibles d’une utilisation discrétionnaire (Rappr. T. com Bobigny, 26 mai 2012, Min Eco c/ Darty, évoquant une clause qui confère un pouvoir discrétionnaire d’appréciation, conférant un avantage créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations).

De façon non exhaustive, on peut relever, tout d’abord, s’agissant pourtant de la principale raison d’être de la relation établie la centrale de réservation et l’hôtelier, que l’OTA a la faculté, en vertu d’une stipulation contractuelle, de refuser d’offrir, d’afficher pour la réservation les chambres via le système internet, ceci à tout moment et sans qu’aucune justification ne soit requise.

Par ailleurs, certains contrats instaurent un système de classement des établissements hôteliers, déterminant leur ordre d’apparition sur le site internet, en indiquant que le classement est déterminé « de façon unilatérale » et sous l’influence de différents facteurs comprenant, entre autres, le pourcentage de commission, et dont la liste ne semble pas limitative.

Ensuite, si l’on peut parfaitement concevoir l’aménagement par des stipulations contractuelles de possibilités de modifier le contrat, il demeure que l’initiative d’une telle modification est réservée au seul OTA, sans qu’aucune précision soit apportée à cet égard, exception faite parfois d’un calendrier et si ce n’est que le refus de la modification emporte résiliation à bref délai du contrat (v. aussi supra 2.3).

Enfin, des pouvoirs de sanction là encore unilatéraux sont accordés par le contrat au seul OTA. Ainsi il est généralement prévu que celui-ci peut suspendre sa participation dans un certain nombre de circonstances qui vont très au-delà des cas dans lesquels la jurisprudence civile admet ordinairement une telle suspension et qui ne paraissent guère, voire pas du tout encadrés et se prêtent donc à une utilisation discrétionnaire. A titre d’illustration, il a pu être fait référence à l’« absence d’une collaboration loyale », à « tout autre comportement tendant à nuire à la bonne marche des affaires ou à la bonne réputation », à la « mauvaise évaluation par les clients », à l’existence d’un « contentieux juridique en cours » (de nature à interdire toute contestation en justice), à « tout autre comportement susceptible de porter préjudice aux activités ou à la réputation de l’entreprise ou tout comportement non coopératif ». Il est encore fait état de « n’importe quel motif » avec des illustrations parmi lesquelles le non-respect de tout terme du contrat.

Est encore prévu le droit de suspendre immédiatement ses prestations en cas de nonpaiement le jour même, de refus d’accepter une modification raisonnable d’un ou plusieurs termes de l’accord ou encore d’un comportement inapproprié ou nonprofessionnel vis-à-vis des clients.

Comme cela a déjà été indiqué (supra 2.2), les contrats comportent aussi des clauses prévoyant qu’il puisse être fin au contrat, de façon immédiate, à raison de circonstances du même type.

Qu’il s’agisse de la suspension ou de la résolution du contrat, ces clauses, lorsqu’elles ne sont pas réciproques, et alors qu’elles ne paraissent assorties d’aucune contrepartie au bénéfice du cocontractant, sont de nature à créer un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au contrat.

 

AVIS DE LA COMMISSION D’EXAMEN DES PRATIQUES COMMERCIALES (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

En conclusion :

En dépit de la combinaison d’une clause de désignation d’une loi étrangère et d’une clause donnant compétence à une juridiction étrangère, le droit français des pratiques restrictives et, plus précisément l’article L. 442-6 du code de commerce, reste applicable, à tout le moins, lorsque l’action sur son fondement est intentée par le ministre de l’Economie faisant usage des prérogatives prévues à l’article L. 442-6-III du code de commerce.

L’examen de différents contrats conclus entre les hôteliers et des entreprises exploitant les principaux sites de réservation hôtelière fait apparaître que :

- les clauses dites de parité , prévoyant un alignement automatique de différentes conditions consenties à des concurrents, sont contraires à l’article L. 442-6-II- d du code de commerce et sont expressément frappées de nullité par cette disposition

- Plusieurs stipulations contractuelles, qu’il s’agisse de limiter à différents titres la liberté de l’hôtelier dans la prospection de la clientèle, de le soumettre à des conditions de règlement nettement défavorables, d’alléger très nettement la responsabilité des centrales de réservation, de conférer à ces dernières un pouvoir laissant l’exécution ou la continuation du contrat à leur entière discrétion, sont dépourvues de réciprocité et de contrepartie. Figurant dans des contrats-types proposés uniformément à l’ensemble des hôteliers et qui ne semblent pas ménager de place pour la négociation, ces stipulations créent, à tout le moins par leur accumulation, un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. En raison de leur contrariété à l’article L. 442-6-I-2° du code de commerce, elles encourent la nullité sur le fondement du droit commun.

- Par ailleurs, la possibilité contractuellement aménagées au profit du seul OTA de modifier le contrat, sous peine de pouvoir résilier celui-ci, est susceptible, selon l’utilisation faite de cette prérogative, de contrevenir à la disposition énoncée à l’article L. 442-6-I-4° du code de commerce.

- Les stipulations relatives au délai de préavis et à diverses possibilités de résiliation à effet immédiat n’écartent pas le jeu de l’article L. 442-6-I-5° du code de commerce sanctionnant la rupture brutale des relations commerciales établies.

Délibéré et adopté par la Commission d’examen des pratiques commerciales en sa séance plénière du 16 septembre 2013, présidée par M. Razzy HAMMADI

Fait à Paris, le 16 septembre 2013

Le Président de la Commission d’examen des pratiques commerciales

Razzy HAMMADI

 

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