CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

TI BOURGANEUF, 8 décembre 2004

Nature : Décision
Titre : TI BOURGANEUF, 8 décembre 2004
Pays : France
Juridiction : Bourganeuf (TI)
Demande : 11-04-000015
Date : 8/12/2004
Nature de la décision : Avant dire droit
Mode de publication : Site Com. cl. abusives (CCA)
Décision antérieure : CCA AVIS, 27 mai 2004
Décision antérieure :
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 7054

TI BOURGANEUF, 8 décembre 2004 : RG n° 10-04-000015

Publication : Site CCA

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE BOURGANEUF

JUGEMENT DU 8 DÉCEMBRE 2004

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 10-04-000015. A l'audience publique du Tribunal d'Instance tenue le 8 décembre 2004 ;

Sous la Présidence de DURAFFOUR Éric, Juge d'Instance, assisté de G. RIEUX, Chef de Greffe, Greffier ;

Après débats à l'audience du 8 septembre 2004, le jugement suivant a été rendu ;

 

ENTRE :

DEMANDEUR(S) :

COFIDIS SA

inscrite au RCS de ROUBAIX sous le numéro XXX ayant siège social au [adresse], agissant par ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège ; représentés par Maître TOURAILLE Xavier, avocat du barreau de la CREUSE

 

ET :

DEFENDEUR(S) :

Madame X. née Y.

comparante ;

Monsieur X.

comparant représenté par son épouse ;

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS CONSTANTS

Monsieur et Madame X. ont accepté l'offre de réserve d'argent émise par la société Cofidis d'un montant de 1.524,49 € le 10 juillet 2001, remboursable en plusieurs mensualités de 45,73 € moyennant le paiement d'intérêts sur le capital prêté calculé selon un taux de 16,92 % l'an.

 

PROCÉDURE

Après plusieurs impayés, la société Cofidis a assigné les débiteurs devant le tribunal par acte d'huissier délivré le 26 février 2004.

A l'audience du 17 mars 2004, monsieur et madame X. n'ont pas comparu, la société Cofidis étant représentée par son conseil.

Le jugement a été mis en délibéré au 21 avril 2004.

[minute page 2] Par jugement avant dire droit rendu le 21 avril 2004, le Tribunal a rouvert les débats à l'effet de soulever le possible caractère abusif de plusieurs clauses du contrat de crédit et demandé l'avis de la Commission des clauses abusives sur les questions suivantes :

- la clause de fixation du taux des intérêts dans le contrat « Libravou » entre la société Cofidis et les époux X. contient-elle un déséquilibre significatif entre les droits et obligations du professionnel et les droits et obligations du consommateur au détriment de ce dernier ?

- la clause de variation du taux des intérêts dans le contrat « Libravou » signé entre la société Cofidis et les époux X. contient-elle un déséquilibre significatif entre les droits et obligations du professionnel et les droits et obligations du consommateur au détriment de ce dernier ?

- la clause de fixation et de variation du montant du découvert dans le contrat « Libravou » signé entre la société Cofidis et les époux X. contient-elle un déséquilibre significatif entre les droits et obligations du professionnel et les droits et obligations du consommateur au détriment de ce dernier ?

Et a renvoyé à l'audience du 8 septembre 2004.

 

b) L'avis de la commission des clauses abusives : [N.B. il n’y a pas de a) dans la minute]

Après la saisine du Tribunal, la Commission des clauses abusives a rendu le 27 mai 2004 un avis qu'elle a complété le 24 juin 2004.

Le 27 mai 2004 elle a écrit :

Avis relatif à des contrats de compte permanent

« La Commission des clauses abusives,

Vu les articles L. 132-1 et R. 132-6 du code de la consommation,

Vu la demande d'avis présentée par le tribunal d'instance de Bourganeuf par jugement en date du 21 avril 2004, dans l'instance opposant la société Cofidis à Monsieur X. et à Madame Y., son épouse,

Vu les articles L. 311-1 à L. 311-37 et L 313-1 du code de la consommation,

[minute page 3] Considérant qu'il résulte du jugement et de la pièce jointe que suivant offre préalable acceptée le 10 juillet 2001, la société Cofidis a consenti aux époux X. une ouverture de crédit utilisable par fractions dénommée « réserve d'argent », d'un montant de 10.000 francs pouvant être utilisée par tirage sur un compte dénommé « formule Libravou » ou par paiements à l'aide d'une carte de paiement délivrée par la société, le remboursement du crédit devant être opéré par mensualités de 300 francs ; que dans l'instance engagée par le prêteur en remboursement des sommes dues à la suite de la défaillance des emprunteurs, a été relevé d'office le caractère éventuellement abusif des clauses de fixation du montant du découvert, de fixation du taux d'intérêt contractuel par application du taux effectif global et de variation du taux d'intérêt contractuel à partir du taux de base ;

Considérant, d'abord, qu'au titre des conditions auxquelles a été faite l'offre litigieuse, la clause dénoncée, relative à la fixation du montant et de la variation du découvert, est ainsi libellée :

« Montant maximum du découvert utilisé : celui indiqué à l'article D. 311-1 du code de la consommation, soit à ce jour 140.000 francs. Crédit disponible que vous avez choisi à l'ouverture : voir ci-dessus. A l'issue d'un délai de 4 mois suivant la date d'ouverture de votre crédit, le montant disponible pourra être augmenté jusqu'au montant maximum du découvert autorisé, par fractions successives ou en une seule fois, aux conditions suivantes :

- que vous en fassiez la demande expresse à COFIDIS,

- qu'aucun incident de paiement n'ait été enregistré sur votre compte ou sur un autre crédit que COFIDIS aurait pu vous consentir,

- que votre situation familiale, financière et professionnelle n'ait été modifiée dans un sens défavorable au remboursement du crédit,

- que vos possibilités de remboursement soient suffisantes selon les normes de la profession,

- que vous n'ayez commis aucune violation des dispositions du présent contrat. »

Que cette clause doit être examinée en contemplation du choix fait, au recto de l'offre, par l'emprunteur du montant de l'ouverture de crédit qu'il a choisie, soit en l'espèce la somme de 10.000 francs ; qu'en ce qu'elle fixe le montant du crédit, la clause est, éclairée par son contexte, claire et compréhensible et, relative à l'objet du contrat, ne peut être déclarée abusive ; que si elle autorise les parties à augmenter le montant initial de l'ouverture de crédit, dans la limite du plafond réglementaire alors fixé à 140.000 francs, et si elle soumet l'exercice de cette faculté aux conditions qu'elle énonce qui, pour certaines, sont objectives, pour d'autres, supposent une appréciation du prêteur, mais qui, en tout cas, excluent la possibilité d'une augmentation tacite du montant du découvert, cette clause ne prévoit pas que l'augmentation du montant du découvert doive être réalisée dans les termes d'une nouvelle offre préalable, qui doive être acceptée et qui ouvre une faculté de rétractation ;

[minute page 4] Que cette clause qui laisse penser que le prêteur ne doit pas, pour chaque nouveau crédit que constitue l'augmentation du montant du crédit initial, délivrer à l'emprunteur une offre préalable que ce dernier doit formellement accepter et que l'emprunteur ne dispose pas, à cette occasion, de la faculté d'ordre public de rétracter son acceptation, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur ;

Considérant, ensuite, qu'au titre du coût total du crédit, le contrat comporte une clause de fixation du taux d'intérêt ainsi libellée : « les intérêts sont calculés au taux effectif global en vigueur qui varie en fonction du solde débiteur soit, à la date de l'offre :... pour un solde débiteur supérieur ou égal à 10.000 francs et inférieur à 30.000 francs : un taux de 16,92 % l'an (soit 1,41 % x 12 mois)... » que cette clause, qui comporte l'indication du taux selon le montant du solde débiteur à la date de l'offre, suivant différentes tranches, est complétée par un « nota » aux termes duquel le coût total du crédit dépend de son utilisation et varie suivant le montant et la durée du découvert effectif du compte de l'emprunteur ; qu'il est certain qu'au regard de la définition donnée par l'article L 313-1 du code de la consommation, cette stipulation opère une confusion entre le taux d'intérêt conventionnel et le taux effectif global qui ajoute aux intérêts tous les frais, commissions ou rémunérations de toute nature directs ou indirects, de sorte que ce ne serait qu'en l'absence de tels frais que le taux, conventionnel serait égal au taux effectif global ; que s'il était avéré qu'une telle stipulation permette au prêteur de percevoir de l'emprunteur des intérêts supérieurs à ceux qui auraient été dus par application d'un taux conventionnel d'intérêts, on pourrait admettre qu'une telle clause entraînerait un déséquilibre significatif au détriment du consommateur ; qu'une telle occurrence n'est pas établie et ne résulte pas avec évidence. de la clause litigieuse qui n'apparaît, dès lors, pas abusive ;

………………….

Considérant, enfin, que sous la même rubrique, le contrat comporte une clause de variation du taux d'intérêt ainsi libellée : « Le taux est révisable et suivra les variations en plus ou en moins du taux de base que Cofidis applique aux opérations de même nature et qui figure dans les barèmes qu'elle diffuse auprès du public. »

Que s'il n'est pas contestable que le prêteur est libre de fixer le taux conventionnel auquel il accorde les crédits, force est de constater qu'une fois que le taux initial a été accepté par l'emprunteur, devenant ainsi la loi des parties, la clause litigieuse remet à la discrétion du prêteur la faculté de faire varier le taux, et donc de modifier unilatéralement sa rémunération, ce qui apparaît de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur ; que s'il est également stipulé, sous la même rubrique qu'en cas de « révision de la tarification », l'emprunteur en sera averti par écrit et pourra s'y opposer et demander par écrit, dans un délai de 30 jours à compter de la notification, à amortir le solde débiteur de son compte aux conditions tarifaires précédant la modification, le contrat étant alors résilié, il convient d'observer que la faculté de conserver les conditions tarifaires initiales est soumise à des conditions de forme et de délai et que son exercice entraîne la résiliation [minute page 5] du contrat de crédit, de sorte que l'usage de cette faculté entraîne des conséquences suffisamment dissuasives pour que l'emprunteur ne l'exerce pas ; qu'ainsi la clause qui laisse à la discrétion du prêteur le choix des modalités de variation du taux du crédit, assortie au surplus de modalités restreignant l'intérêt, pour l'emprunteur, d'opter pour le maintien des conditions initiales du crédit, entraîne un déséquilibre significatif au détriment de celui-ci et apparaît donc abusive ;

EST D'AVIS :

1° que la clause de fixation du montant du crédit n'est pas abusive,

2° que la clause de variation du montant du crédit est abusive,

3° que la clause de fixation du taux d'intérêt n'est pas abusive, sous réserve qu'une telle clause n'ait pas pour effet de mettre à la charge de l'emprunteur des intérêts d'un montant plus élevé que ceux résultant de l'application d'un taux conventionnel de pareil montant,

4° que la clause de variation du taux de l'intérêt est abusive en ce qu’« elle ne soumet pas cette variation à des critères objectifs préalablement convenus. »

Délibéré et adopté par la Commission des clauses abusives en sa séance plénière du 27 mai 2004 sur le rapport de M. Jean-Pierre Bouscharain.

En caractères italiques : texte ajouté lors de la réunion du 24 juin 2004

Le 24 juin 2004, elle a complété son avis par le texte mentionné en italique.

La lettre d'envoi de cet avis complémentaire signé du secrétaire général de la commission des clauses abusives est rédigée comme suit :

« Monsieur le Président,

Au cours de sa séance du 24 juin, prenant en considération le fait que les clauses insérées dans les contrats successifs par les dossiers cités en références étaient la reproduction des modèles types de crédit à la consommation découlant des articles L. 311-8 et R. 311-6 du code de la consommation, la Commission a rédigé le point 4° des deux avis qui vous ont été transmis le 29 mai de la façon suivante :

[…]

Affaire Cofidis/X. (n° RG 11-04000015) : « 4° que la clause de variation du taux de l'intérêt est abusive en ce qu'elle ne soumet pas cette variation à des critères objectifs préalablement convenus. »

Je vous prie de croire... »

Ces avis ont été régulièrement portés à la connaissance des parties par le greffe du Tribunal.

Les parties ont pu en débattre lors de l'audience du 8 septembre 2004.

[minute page 6] Le jugement a été mis en délibéré au 6 octobre 2004 régulièrement prorogé au IO novembre 2004 puis au 8 décembre 2004.

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

a) Prétentions et moyens de la société Cofidis :

La société demande au Tribunal de :

* A titre principal :

- Dire et juger que le juge judiciaire est incompétent pour apprécier la légalité des clauses de variation du montant du découvert et de variation du taux d'intérêts reproduisant les modèles-types réglementaires ;

- Dire et juger que le juge judiciaire est tenu d'appliquer lesdites clauses ;

* Subsidiairement,

- Dire et juger que le Tribunal ne peut constater le caractère abusif des clauses incriminées pour priver le prêteur de son droit aux intérêts sauf à violer les articles L. 132-1 et L. 311-1 et suivants du code de la consommation notamment les articles L. 311-9 et L. 311-37 (dans sa rédaction antérieure à la loi du 11 décembre 2001).

* A titre infiniment subsidiaire,

- Dire et juger que les clauses incriminées ne revêtent aucun caractère abusif.

En conséquence, condamner Monsieur X. et Madame Y. à payer à la société Cofidis la somme suivante :

- 3.400,55 € majorée des intérêts au taux contractuel à compter de la mise en demeure du 19 décembre 2003, ce au titre du compte renouvelable « Libravou » du 10 juillet 2001.

- ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil.

- les condamner aux entiers dépens de l'instance.

- les condamner à lui verser une somme de 500 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

- ordonner l'exécution provisoire du jugement.

[minute page 7] La société Cofidis se prévaut de la déchéance du terme des crédits après qu’aient été mis vainement en demeure de payer les débiteurs.

Elle produit les originaux des offres de crédit, les relevés de compte complets ainsi que les lettres de mises en demeure, sur lesquelles elle fonde son action en paiement.

La société Cofidis s'en remet l'appréciation du tribunal pour l'octroi de délais à monsieur et madame X.

La société Cofidis conclut sur les clauses incriminées en soutenant :

- que le Tribunal d'instance est incompétent pour connaître du caractère abusif de clauses qui ne sont que l'application des clauses contenues dans le modèle-type réglementaire. Elle prétend donc que le Tribunal, en contestant la validité de ces clauses, procéderait à une remise en cause des dispositions réglementaires que seule la juridiction administrative peut examiner.

Elle soutient que la clause de variation du montant du découvert autorisé est conforme aux dispositions réglementaires, le prêteur ayant utilisé la distinction entre découvert autorisé et fractions disponibles prévues par l'article L. 311-10 du code de la consommation soulignant que le contrat prévoit que « le montant disponible pourra être augmenté jusqu'au montant maximum du découvert autorisé, par fractions successives ou en une seule fois aux conditions... ».

Elle assimile donc la distinction découvert autorisé et découvert de base à la distinction légale entre montant maximum du découvert autorisé et les fractions périodiquement disponibles.

Elle soutient que la clause de variation du taux de base bancaire en fonction de l'évolution du taux de base du prêteur, est expressément prévue par le code de la consommation.

Elle conclut donc qu'il est impossible de soutenir que ces clauses sont abusives alors qu'elles ont été prescrites par les pouvoirs publics et que les tribunaux judiciaires ne peuvent pas juger de la légalité d'un règlement.

Subsidiairement, le prêteur soutient que le Tribunal opérerait un excès de pouvoir en recherchant une déchéance des intérêts par le détour de la qualification de clauses abusives.

Il soutient que la suppression de la clause de variation du découvert conduirait à déclarer les prélèvements, effectués au-delà du découvert de base, comme ayant été consentis sans offre préalable de crédit.

La sanction serait alors la déchéance du droit aux intérêts prévus par l'article L. 311-33 du code de la consommation. Il en conclut donc que la Commission des clauses abusives et le Tribunal ont recherché à remettre en cause la validité même de l'offre par rapport aux dispositions particulières du crédit à la consommation.

[minute page 8] Il conclut selon le même raisonnement d'un excès de pouvoir pour la remise en cause de la clause de variation du taux d'intérêts, soutenant que la Commission et le Tribunal recherchent la déchéance du droit aux intérêts.

Il prétend qu'il n'y a aucune différence d'effets entre la nullité du contrat et la déchéance du droit à intérêts du prêteur.

Il soutient que la protection des clauses abusives ne peut être combinée avec les règles protectrices du crédit à la consommation qui ne peuvent pas être relevées d'office par le juge. S'appuyant sur d'importants écrits doctrinaux, il prétend que la protection générale des clauses abusives ne peut pas se cumuler avec les dispositions spécifiques du crédit à la consommation dont l'application est ainsi exclusive aux contrats de crédit à la consommation.

Il soutient que l'action en contestation de remise en cause des offres est forclose et qu'une telle irrégularité ne peut donc être relevée d'office par le juge.

Assimilant l'action de relever d'office le caractère abusif de clauses contrat de crédit à la violation des dispositions spécifiques du crédit à la consommation, le prêteur conclut que le Tribunal ne peut pas relever d'office une telle irrégularité.

A titre infiniment subsidiaire, le prêteur conclut au rejet du caractère abusif des clauses débattues.

Il soutient que le caractère abusif se définit au regard du contenu de la clause et non des ambiguïtés de son expression qui relèverait d'un contrôle de forme.

Il prétend que l'article L. 132-7 [N.B. conforme à la minute, lire sans doute L. 132-1, al. 7] du code de la consommation qui permet de déclarer abusives des clauses financières qui ne seraient pas rédigées de façon claire, est aussi applicable.

S'agissant de la clause de variation du montant du découvert, il soutient que si on considère que la clause est une clause quelconque sans dimension financière, le professionnel ne bénéficie pas d'un avantage excessif sauf à considérer qu'un crédit consenti sans offre préalable serait un crédit abusif. Si on considère que la clause est une clause financière, il soutient que son caractère incompréhensible n'a pas été démontré alors que la Commission et le Tribunal auraient dénoncé le fait que la clause incite le consommateur à dépasser sa capacité initiale d'endettement.

Le prêteur soutient que la clause de variation du taux d'intérêt est une clause financière dont il n'est pas établi qu'elle est rédigée d'une manière incompréhensible. C'est seulement le pouvoir de faire varier le taux d'intérêt selon un taux entièrement contrôlé par le prêteur qui serait incriminé par la Commission et le Tribunal.

[minute page 9] Il soutient que le caractère abusif de la clause de variation du montant du découvert de base n'est pas démontré soulignant que cette clause, destinée à faciliter l'exécution du contrat de crédit, laisse une faculté pour le débiteur d'augmenter ou non son encours.

Il conclut à l'absence de caractère abusif de la clause de variation du taux d'intérêt rappelant que selon la Cour de cassation ce type de fixation du taux d'intérêt est licite pour stipuler un taux déterminé. Il rappelle que le risque d'abus n'est pris en compte que lors, de l'exécution du contrat sans qu'une telle stipulation ne remette en cause la validité même du contrat.

La sanction est la résiliation ou l'indemnisation de l'emprunteur.

Il produit les justificatifs des documents publics contenant l'évolution de son taux de base qui sont disponible sur Internet et sur le minitel. Il se prévaut du label qualité-crédit.

A titre infiniment subsidiaire, le prêteur conclut que si le Tribunal venait à réputer non écrites la clause de variation du découvert de base, aucune sanction ne pourrait être mise en œuvre du fait de la forclusion de l'action et de l'impossibilité pour le juge de soulever d'office le défaut d'offre préalable. S'agissant du caractère abusif de la clause de variation du taux d'intérêts, il conclut que le Tribunal devrait maintenir le taux initial.

 

b) Prétentions et moyens de monsieur et Madame X.

Par lettre du 9 mars 2004, madame X. soutient que son ménage connaît des difficultés financières en raison de son chômage et de la baisse de salaire de son époux.

Elle demande donc à bénéficier d'un échéancier de paiement.

Elle produit les bulletins de paie de son mari et un certificat médical attestant qu'elle ne peut pas se déplacer à l'audience.

Elle indique que les horaires de travail de son mari ne lui permettent pas de venir à l'audience.

Les époux X. ont comparu à l'audience du 8 septembre 2004 ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS

L'article 77 du Nouveau Code de Procédure Civile dispose « Lorsqu'il ne se prononce pas sur le fond du litige, mais que la détermination de la compétence dépend d'une question de fond, le juge doit, dans le dispositif du jugement, statuer sur cette question de fond et sur la compétence par des dispositions distinctes ».

[minute page 10]

I - Sur l'exception d'incompétence soulevée par la société Cofidis :

L'exception d'incompétence soutenue par la société Cofidis est fondée sur la compétence exclusive de la juridiction administrative pour apprécier le caractère abusif ou non des clauses issues des modèles de contrat de crédit consommation contenues dans le code de la consommation et contractualisées par la société Cofidis.

Or le Tribunal civil a la possibilité de saisir la juridiction administrative pour qu'elle statue sur la légalité de dispositions réglementaires qui conditionnent la poursuite de l'instance civile.

Une telle saisine constitue un préalable pour permettre au Tribunal de juger le caractère abusif ou non de la clause incriminée, le caractère abusif du modèle réglementaire pouvant entacher de nullité la clause utilisée par les prêteurs qui l'ont contractualisée avec les emprunteurs.

Une telle appréciation participe directement du débat sur le fond pour apprécier le caractère abusif des clauses mises en œuvre par la société Cofidis puisqu'il s'agit d'apprécier le caractère abusif ou non de la clause au niveau du modèle réglementaire.

La saisine préalable du juge administratif n'est donc pas une déclaration d'incompétence du juge civil mais une condition préalable de son appréciation.

Mais un tel renvoi devant le juge administratif est aussi conditionné par le pouvoir reconnu au juge de soulever d'office le possible caractère abusif d'une ou plusieurs clauses que conteste la société Cofidis en soutenant qu'en agissant ainsi le juge cherche à contourner les règles protectrices du crédit à la, consommation dont il appartient au seul emprunteur de demander la protection au juge.

Or la société Cofidis soutient que le juge en appliquant la législation des clauses abusives commet un excès de pouvoir alors que la législation sur le crédit à la consommation contient des règles particulières et exclusives de l'application de la législation sur les clauses abusives.

En conséquence, il est nécessaire d'apprécier le rôle du juge pour l'application de la législation des clauses abusives et de déterminer si la législation particulière du crédit à la consommation est exclusive de l'application de la législation sur les clauses abusives pour répondre à l'exception d'incompétence soulevée par la société Cofidis et décider ou non de la saisine du juge administratif.

[minute page 11]

A) Le pouvoir du juge civil de soulever d'office le caractère abusif ou non d'une clause contenue dans un contrat de crédit à la consommation :

La protection des consommateurs contenue dans l'article L. 132-1 du code de la consommation issu de la loi n° 95-96 du 1er février 1995 transposant la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ou non-professionnels, implique que le juge puisse apprécier d'office le caractère abusif d'une clause du contrat qui lui est soumis lorsqu'il examine la recevabilité d'une demande introduite par un professionnel.

 

1°) L'application de l'article L. 132-1 du code de la consommation aux contrats de crédit à la consommation :

L'article L. 132-1 dernier alinéa du code de la consommation dispose que les dispositions sur les clauses abusives sont d'ordre public.

Bien que soulevant le problème de l'exclusion de la législation des clauses abusives pour l'appréciation de la légalité des contrats de crédit consommation au motif que le juge chercherait à contourner les règles spécifiques du crédit à la consommation et à mettre en œuvre un nouveau cas de déchéance_ des intérêts indépendamment desdites dispositions, il est nécessaire avant de faire application des dispositions de la législation sur les clauses abusives, tant pour l'appréciation du caractère abusif que pour le régime de la sanction qui lui est attachée, de déterminer si l'article L. 132-1 du Code de la consommation est applicable aux dispositions du crédit à la consommation.

Ce préalable est nécessaire tant pour l'appréciation du caractère abusif que pour la mise en œuvre de la sanction si les clauses incriminées étaient reconnues abusives.

Aucune disposition réglementaire ou législatives propre au crédit à la consommation n'exclut expressément l'application de l'article L. 132-1 du code de la consommation au crédit à la consommation.

L'article L. 132-1 du code de la consommation en visant « les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs » ne contient aucune exclusion des contrats de crédit à la consommation. La loi n° 95-96 du 1er février 1995 n'exclut pas de son champ d'application les clauses contractuelles issues d'un modèle réglementaire ou législatif impératif alors que l'article 1er § 2 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993 prévoit cette faculté.

Conformément à la directive européenne, les États conservent la possibilité lors de la transcription de la directive dans le droit interne d'en élargir et aggraver les conditions d'application ce que la loi n° 95-96 du ter février 1995 a fait en ne reprenant pas la restriction contenue à l'article 2 de la directive Européenne 93/13/ CEE du Conseil du 5 avril 1993.

[minute page 12] L'article 2 b) de l'annexe prévue à l'article L. 132-1, 3° du code de la consommation, qui dispose que le fournisseur de services financiers peut se réserver le droit de modifier le taux d'intérêt dû par le consommateur ou dû à celui-ci, ou le montant de toutes autres charges afférentes à des services financiers, sans aucun préavis en cas de raison valable, démontre que le législateur, en précisant le point j de l'article 1 de l'annexe prévue par l'article L. 132-1, 3° du code de la consommation, n'a pas exclu les contrats de crédit à la consommation du champ d'application de la législation sur les clauses abusives.

L'article 2 a) de la même annexe dispose que le point g ne fait pas obstacle à des clauses par lesquelles le fournisseur de services financiers se réserve le droit de mettre fin au contrat à durée déterminée unilatéralement, et ce, sans préavis en cas de raison valable, pourvu que soit mise à la charge du professionnel l'obligation d'en informer la ou les autres parties contractantes immédiatement. Cet article n'a donc pas exclu l'application de la législation sur les clauses abusives aux contrats de crédit à la consommation.

Le Tribunal n'a pas anticipé le régime de la nullité de la clause ou du contrat stipulé dans l'article L. 132-1 du code de la consommation pour l'assimiler au régime de la déchéance des intérêts revenant au prêteur alors qu'une telle nullité, différente dans sa définition même de la déchéance du droit à intérêts prévue par les règles du crédit à la consommation, est la conséquence de l'appréciation du caractère abusif d'une clause.

Si tant est qu'un parallélisme puisse être fait entre la déchéance des intérêts propre aux règles des crédits à la consommation et les effets de la nullité partielle ou totale du contrat propre au régime des clauses abusives qui peuvent conduire à un régime de restitution aux effets comparables à la déchéance des intérêts, il ne peut être reproché au juge de mettre en œuvre une législation impérative et déclarée d'ordre public par le législateur dont le fondement est d'apprécier le caractère abusif de clauses conclues entre un professionnel et un consommateur ou non-professionnel.

Sous couvert d'un rapprochement des effets de leur régime, il ne peut être soutenu que la législation sur le crédit à la consommation exclut l'application de la législation sur les clauses abusives alors que celle-ci contient des règles indépendantes et générales applicables à tous types de contrats, y compris aux contrats contenant des clauses issues de modèles réglementaires ou législatifs impératifs.

La législation sur les clauses abusives est une législation indépendante et autonome de la législation sur les crédits à la consommation qui n'en exclut pas l'application.

[minute page 13]

2°) L'exclusion de la forclusion prévue à l'article L. 311-37 du code de la consommation dans sa version antérieure à celle de la loi du 11 décembre 2001

La règle contenue dans l'article L. 311-27 du code de la consommation dans sa version antérieure à celle de la loi du 11 décembre 2001 dépend exclusivement de la législation et la réglementation sur les contrats de crédit à la consommation.

L'appréciation de la forclusion du pouvoir pour le juge civil d'apprécier le caractère abusif ou non d'une clause abusive par application des règles du droit du crédit à la consommation, participe du débat sur l'exclusion ou non de la législation sur les clauses abusives aux contrats de crédit à la consommation.

Aucune disposition de l'article L. 132-1 du code de la consommation propres aux clauses abusives ne limite dans le temps le pouvoir pour le juge de relever et sanctionner les clauses abusives.

L'article L. 132-1 dernier alinéa du code de la consommation dispose que les dispositions sur les clauses abusives sont d'ordre public.

En conséquence, le Tribunal rejette la demande d'application du délai de forclusion prévu par l'article L. 311-27 du code de la consommation dans sa version antérieure à celle de la loi du 11 décembre 2001, présentée par la société Cofidis.

En conséquence, le Tribunal dit que la législation sur les clauses abusives est applicable aux contrats de crédit à la consommation et peut être relevée d'office par le juge quelle que soit la date de conclusion ou de renouvellement du contrat.

Seule reste dans le débat, l'appréciation du caractère abusif ou non de clauses contractuelles qui ont été relevées par le Tribunal dont celles issues de modèles réglementaires contenus dans le code de la consommation.

Il est nécessaire de déterminer si le prêteur a reproduit des clauses d'origine réglementaire ou les a adaptées et aménagées pour déterminer s'il convient de saisir la juridiction administrative préalablement à l'appréciation du caractère abusif des clauses ainsi contractualisées.

[minute page 14]

II - Les conditions de l'appréciation du caractère abusif ou non (le la clause de fixation du montant du découvert et de variabilité du taux d'intérêts contenue dans les contrats conclus par la société Cofidis avec les époux X. :

 

1°) Les clauses de fixation du montant du découvert autorisé contenues dans le contrat Libravou :

a) La clause de fixation du montant du découvert autorisé stipulée dans le contrat Libravou est-elle la stricte reproduction de la clause contenue dans les modèles-types n° 5 et 6 contenue dans l'article R 311-6 du code de la consommation ?

La clause contractuelle est ainsi rédigée : « Cofidis vous autorise à tirer sur votre compte courant désigné formule Libravou dans la limite du montant du découvert maximum autorisé.

[...]

Elle est faite aux conditions suivantes : montant maximum du découvert autorisé : celui indiqué à l'article D. 311-1 du code de la consommation soit à ce jour 21.342,86 €. Crédit disponible que vous avez choisi à l'ouverture : voir ci-dessus. A l'issue d'un délai de 4 mois suivant la date d'ouverture de votre crédit, le montant disponible pourra être augmenté jusqu'au montant maximum du découvert autorisé, par fractions successives ou en une seule fois, aux conditions suivantes :

- que vous en fassiez la demande à Cofidis

- qu'aucun incident de paiement n'ait été enregistré sur votre compte ou sur un autre crédit que Cofidis aurait pu vous consentir.

- que votre situation familiale, financière et professionnelle n'ait été modifiée dans un sens défavorable au remboursement de crédit.

- que vos possibilités de remboursement soient suffisantes selon les normes de la profession.

- que vous n'ayez commis aucune violation des dispositions du présent contrat. »

Le contrat Libravou est un contrat de crédit utilisable par fractions et assortie d'une carte de crédit dont le modèle type réglementaire est le modèle n° 5 annexé à l'article R. 311-6 du code de la consommation. Ce modèle contient la clause type suivante : « Montant du découvert autorisé

Fractions périodiquement disponibles. »

Il ressort de la comparaison entre le modèle réglementaire et la clause contractuelle que la notion de crédit disponible n'est pas prévue par le modèle. Elle ne saurait être assimilée à la notion de fractions périodiquement disponibles car elle conduit à augmenter le montant du découvert consenti à l'ouverture du crédit.

L'aménagement et l'adaptation du modèle type par le prêteur excède les dispositions réglementaires et permettent au Tribunal de rester seul compétent pour apprécier le caractère abusif ou non de cette adaptation contractuelle sans que ne soit en cause la validité même des dispositions réglementaires.

[minute page 15]

2°) La clause de fixation et de variabilité du taux d'intérêt du contrat Libravou :

a) La clause de fixation et de variabilité du taux d'intérêt contenue dans le contrat Libravou est-elle la reproduction fidèle des modèles réglementaires ?

Le contrat Libravou est un contrat de crédit utilisable par fractions et assortie d'une carte de crédit.

La clause est ainsi rédigée :

« Les intérêts sont calculés au taux effectif global en vigueur qui varie en fonction du solde débiteur soit, à la date de l'offre :

- pour un solde débiteur inférieur à 10.000 FF ; un taux égal à 16,92 % l'an (soit 1,41 % x 12 mois).

- pour un solde débiteur supérieur ou égal à 10.000 FF ; un taux de 16,92 % l'an (soit 1,41 % x 12 mois).

Le taux est révisable et suivra les variations en plus ou en moins du taux de base que Cofidis applique aux opérations de même nature et qui figure dans les barèmes qu'elle diffuse auprès du public. Aucuns frais supplémentaires ne seront perçus en sus sauf autorisation par la réglementation.

Nota : le coût total du crédit dépend de son utilisation. Il varie suivant le montant et la durée du découvert effectif du compte de l'emprunteur. En cas de révision de la tarification, vous en serez averti par écrit. Vous pourrez vous y opposer et demander par écrit, dans un délai de 30 jours à compter de la notification, à amortir le solde débiteur de votre compte aux conditions tarifaires précédant la modification. Votre contrat sera alors résilié. »

L'adaptation contractuelle repose sur une reproduction fidèle de la clause de fixation du taux par utilisation de la notion de taux effectif global telle qu'elle figure dans le modèle n° 4 en annexe de l'article R. 311-6 du code de la consommation auquel le modèles n° 5 renvoie.

Le modèle type 4 est ainsi rédigé :

« Les intérêts sont calculés au taux effectif global de …. p100 l'an (soit …. p.100 par mois).

(Le taux est révisable. Le taux effectif global suivra les variations en plus ou en moins du taux de base que le prêteur applique aux opérations de même nature et qui figure dans les barèmes qu'il diffuse auprès du public). »

La comparaison entre le modèle type et le contrat conclu permet au Tribunal de juger que le prêteur a appliqué fidèlement une disposition réglementaire de fixation et de variation du taux du crédit.

[minute page 16] Mais il est stipulé qu'en cas de révision de la tarification, vous en serez averti par écrit. Vous pourrez vous y opposer et demander par écrit, dans un délai de 30 jours à compter de la notification, à amortir le solde débiteur de votre compte aux conditions tarifaires précédant la modification. Votre contrat sera alors résilié.

Ce régime n'est pas issu des dispositions réglementaires.

Donc, la clause de variation du taux d'intérêt repose pour partie sur une reproduction fidèle des modèles réglementaires, pour partie sur des stipulations contractuelles imposées par le prêteur.

L'origine réglementaire pour partie des dispositions contractuelles fixant le taux d'intérêt par application de la notion de taux effectif global et faisant varier le taux d'intérêt selon l'évolution du taux de base pratiqué par le prêteur conditionne l'appréciation du caractère abusif ou non du modèle par la juridiction administrative.

 

III - La saisine du Conseil d'État préalable à l'appréciation du caractère abusif ou non de la clause de fixation du montant du découvert et de variabilité du taux d'intérêts :

L'appréciation du caractère abusif ou non de la clause de [N.B. conforme à la minute dans laquelle il manque la clause] implique qu'au préalable la juridiction administrative, seule compétente pour apprécier le caractère abusif d'une clause contenue dans un modèle réglementaire, statue sur la légalité de la clause support.

Or, si l'article 1er § 2 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ou non-professionnels exclut du champ d'application des clauses abusives, les clauses contractuelles qui sont la stricte mise en œuvre des dispositions législatives ou réglementaires impératives, la loi n° 95-96 du 1er février 1995 ne contient pas une telle exclusion alors que le législateur national est en droit d'étendre et aggraver la protection issue de la dite directive, ce qu'il a fait en ouvrant la possibilité à la juridiction compétente de connaître du caractère abusif de dispositions réglementaires édictant des clauses impératives.

Le Conseil d'État a jugé qu'une clause réglementaire d'un contrat d'affermage pouvait présenter un caractère abusif (CE, 29 juin 1994, Cainaud), puis appliqué directement l'article L. 132-1 du code de la consommation tant dans sa version première issue de la loi du 4 janvier 1978 que dans sa version issue de la loi n° 96-95 du 1er février 1995 dans un arrêt sociétés des eaux du Nord (CE, 11 juillet 2001) déclarant abusive une clause réglementaire d'un contrat de distribution d'eau potable.

Les deux avis de la Commission des clauses abusives soulèvent donc le caractère abusif des clauses contenues dans le modèle réglementaire qui relève de la seule appréciation de la juridiction administrative en préalable de l'appréciation par le juge judiciaire de la clause contractuelle issue de l'application du modèle réglementaire par les parties contractantes.

[minute page 17] Il s'agit de mesurer la compatibilité d'une mesure réglementaire avec une disposition législative de valeur supérieure qui édicte une protection des consommateurs face des dispositions contractuelles qui peuvent être significativement déséquilibrées.

Il existe donc un intérêt et une grande utilité à saisir la juridiction administrative à l'effet de lui permettre d'apprécier le caractère abusif ou non des clauses incriminées.

En conséquence, et préalablement à l'appréciation du caractère abusif ou non des clauses de fixation et de variation du taux d'intérêt contenue dans le contrat « Libravou » conclu entre la société Cofidis et monsieur et madame X., par le Tribunal, appréciation pour laquelle il est sursis à statuer, il est nécessaire de saisir le Conseil d'Etat pour lui permettre d'apprécier la légalité des modèles de clauses suivantes :

- le modèle type n° 5 en ce qu'il opère un renvoi à la clause du modèle type n° 4 pour la fixation du coût total du crédit rédigée comme suit :

« Les intérêts sont calculés au taux effectif global de …. p100 l'an (soit … p.100 par mois).

(Le taux est révisable. Le taux effectif global suivra les variations en plus ou en moins du taux de base que le prêteur applique aux opérations de même nature et qui figure dans les barèmes qu'il diffuse auprès du public). »

Les parties doivent donc demander à la juridiction administrative de se prononcer sur la légalité du modèle type n° 5 et n° 4.

A l'effet de permettre à la juridiction administrative de se prononcer, les parties lui transmettront les deux avis de la Commission des clauses abusives avec le présent jugement et celui du 21 avril 2004.

Le Tribunal se déclare donc partiellement incompétent et renvoie les parties à se pourvoir devant le Conseil d'État.

 

IV - Le sursis à statuer sur le caractère abusif des autres clauses incriminées :

Sans préjudice des règles, d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161, 1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat.

Il est donc nécessaire de pouvoir statuer au fond sur le caractère abusif de l'ensemble des clauses en cause.

[minute page 18] L'appréciation du caractère abusif de la clause de fixation du montant du découvert autorisé et des clauses de fixation et de variation du taux d'intérêts dont il est demandé à la juridiction administrative d'apprécier si le modèle réglementaire l'édictant présente un caractère abusif, participe indirectement de l'appréciation du caractère abusif des autres clauses des contrats en cause.

Si le Tribunal était amené à juger que les autres clauses sont abusives, l'appréciation de l'étendue de la nullité dépend aussi et pour partie du caractère abusif ou non des clauses d'origine réglementaire.

En conséquence, le Tribunal surseoit à statuer sur l'appréciation du caractère abusif des clauses et renvoie à l'audience du 2 mars 2005.

 

La demande de délais des défendeurs :

Il sera sursis à statuer sur la demande de délais formée par les défendeurs.

 

Les dépens :

Les dépens sont réservés.

 

L'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile :

L'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile est réservé.

 

L'exécution provisoire

L'exécution provisoire est réservée.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, après en avoir, délibéré, statuant publiquement et contradictoirement, en premier ressort,

- Dit que la protection des consommateurs contenue dans l'article L. 132-1 du code de la consommation issu de la loi n° 95-96 du 1er février 1995 transposant la directive 93/13/CEE du Conseil prise le 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ou non-professionnels, implique que le juge puisse apprécier d'office le caractère abusif d'une clause du contrat de crédit à la consommation qui lui est soumis lorsqu'il examine la recevabilité d'une demande introduite par un professionnel pour l'exécution d'un contrat de crédit à la consommation.

- Rejette la demande d'application du délai de forclusion prévu par l'article L. 311-27 du code de la consommation dans sa version antérieure à celle de la loi du 11 décembre 2001, présentée par la société Cofidis

- [minute page 19] Dit que l'appréciation du caractère abusif d'une clause contenue dans un modèle réglementaire appartient au seul juge administratif et constitue une condition préalable à l'appréciation du caractère abusif de la clause contractualisée par les contractants privés par application du modèle réglementaire, dont la validité au regard de la législation sur les clauses abusives reste cependant soumise à l'appréciation du juge judiciaire qui reste seul compétent après que le juge administratif se soit prononcé.

- Dit que les clauses de fixation du montant du découvert autorisé contenues dans le contrat « Libravou », conclu entre la société Cofidis et monsieur et madame X., ne sont pas les reproductions fidèles des modèles réglementaires et constituent des adaptations contractuelles entre le prêteur et le consommateur-emprunteur dont l'appréciation du caractère abusif ressort de la seule compétence du juge judiciaire.

- Dit que les clauses de fixation du taux d'intérêt et révision du taux d'intérêt suivant les variations du taux de base bancaire contenues dans le contrat « Libravou », conclu entre la société Cofidis et monsieur et madame X., sont pour partie la reproduction et la contractualisation des modèles réglementaires n° 5 et 4 contenue dans l'annexe de l'article R. 311-6 du code de la consommation à l'exception de la clause fixant la mise en œuvre de la révision.

En conséquence se déclare partiellement incompétent.

Renvoie les parties devant le Conseil d'État à l'effet de lui permettre de juger si la clause de fixation du taux d'intérêt des contrats de crédit à la consommation par utilisation de la notion légale de taux effectif global à défaut d'indication d'un taux conventionnel, contenue dans les modèles n° 5 et 4 de l'annexe à l'article R 311-6 du code de la consommation et ainsi rédigée « les intérêts sont calculés au taux effectif global de …. p100 l'an (soit …. p.100 par mois) » présente un caractère abusif au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation.

Renvoie les parties devant le Conseil d'Etat à l'effet de lui permettre de juger si la clause de révision du taux d'intérêt suivant les variations du taux de base bancaire contenue dans les modèle 5 et 4 de l'annexe à l'article R. 311-6 du code de la consommation, et ainsi rédigées « Les intérêts sont calculés au taux effectif global de … p100 l'an (soit… p.100 par mois). (Le taux est révisable. Le taux effectif global suivra les variations en plus ou en moins du taux de base que le prêteur applique aux opérations de même nature et qui figure dans les barèmes qu'il diffuse auprès du public). », présente un caractère abusif au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation.

[minute page 20] Invite les parties à transmettre au Conseil d'État le présent jugement, le jugement rendu le 21 avril 2004 accompagné des deux avis de la commission des clauses abusives à l'effet de lui permettre de juger si ces clauses sont abusives ou non.

Avant dire droit et après avoir rouvert les débats, sur l'appréciation du caractère abusif des clauses de fixation du taux d'intérêt et de variation du taux suivant les évolutions du taux de base bancaire contenues dans les contrats « Libravou » conclus entre la société Cofidis et monsieur et madame X.,

Surseoit à l'appréciation du caractère abusif des clauses de fixation du montant du découvert autorisé et des éléments de clauses de fixation du taux d'intérêt et de variation du taux d'intérêt jusqu'à ce que les parties aient repris l'instance devant le Tribunal en produisant la décision du Conseil d'Etat.

Surseoit à la demande de délais formée par les défendeurs.

Réserve sa décision sur les dépens, l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Ainsi jugé et prononcé les jour, mois et an susdits, la minute du jugement a été signée par Éric DURAFFOUR, Président, et par G. RIEUX, Chef de greffe.

 

Est cité par :