CA TOULOUSE (3e ch. 1re sect.), 18 mai 2004
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 823
CA TOULOUSE (3e ch. 1re sect.), 18 mai 2004 : RG n° 02/05514 ; arrêt n° 290/04
Publication : Juris-Data n° 244551
Extrait : « Le seul fait que l'établissement se réserve l'appréciation de la légitimité des motifs de résiliation avancés par ses cocontractants ne suffit pas à conférer à cette clause un caractère abusif. En effet, en dépit de sa formulation maladroite, cette clause ne peut avoir pour effet de priver les représentants légaux de l'élève de contester en justice le refus de l'Ecole de considérer comme légitime le motif de résiliation avancé.
Par ailleurs, l'exigence du paiement du trimestre en cours ainsi que du trimestre suivant s'analyse en une clause pénale dont l'usage est fréquent en matière contractuelle pour garantir la bonne exécution du contrat, clause dont les parties ont eu connaissance avant la signature du contrat et qui n'apparaît pas manifestement excessive eu égard aux inconvénients générés pour l'Ecole par l'interruption de la scolarité de l'une de ses élèves. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
TROISIÈME CHAMBRE SECTION 1
ARRÊT DU 18 MAI 2004
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 02/05514. Arrêt 290/04.
APPELANT (E/S) :
SA L'ÉCOLE DE TERSAC
[adresse], représentée par la SCP MALET, avoués à la Cour, assistée de Maître ALAIN DUFFOURG, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIME (E/S) :
- Monsieur X.
[adresse], représenté par la SCP RIVES PODESTA, avoués à la Cour, assisté de Maître Isabelle LORTHIOS, avocat au barreau de TOULOUSE
- Madame Y. épouse X.
[adresse], représentée par la SCP RIVES PODESTA, avoués à la Cour assistée de Maître Isabelle LORTHIOS, avocat au barreau de TOULOUSE
- Mademoiselle A. X.
[adresse], représentée par la SCP RIVES PODESTA, avoués à la Cour assistée de Maître Isabelle LORTHIOS, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 2 février 2004, en audience publique, devant F. HELIP, conseiller, chargé d'instruire l'affaire, les avocats ne s'y étant pas opposés. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. DREUILHE, président ; F. HELIP, conseiller F. GIROT, conseiller
Greffier, lors des débats : C. COQUEBLIN
ARRÊT : CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par C. DREUILHE - signé par C. DREUILHE, président, et par C. COQUEBLIN, greffier présent lors du prononcé.
[minute page 2]
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Le 30 juin 2000, Monsieur et Madame X. ont inscrit leur fille A. en classe de terminale STT à l'Ecole Privée de Tersac à Meilhan-sur Garonne (Lot et Garonne).
Les frais de scolarité se montaient à 58.377 Francs (soit 8.899,52 €) payables en 10 versements.
Par lettre du 28 novembre 2000, Monsieur et Madame X. ont informé l'établissement qu'A. ne poursuivrait pas sa scolarité dans l'école. Ils joignaient à leur courrier un chèque de 5.837 Francs à titre de préavis.
Par exploit du 12 novembre 2001, la SA Ecole de Tersac a assigné Monsieur X. et A. X. en paiement de la somme de 34.626,75 Francs représentant le solde des frais de scolarité de l'année complète.
Madame Y. épouse X. est intervenue volontairement dans l'instance.
Par jugement du 22 octobre 2002, le Tribunal d'Instance de Toulouse a débouté la SA Ecole de Tersac de ses demandes et l'a condamnée à verser à Monsieur et Madame X. la somme de 950,85 € au titre des comptes entre parties, 700 € à titre de dommages et intérêts et 600 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La SA Ecole de Tersac a relevé appel de cette décision.
Elle poursuit la réformation de la décision en faisant valoir que les clauses du contrat ne sauraient être considérées comme abusives car elles répartissent équitablement les conséquences de la rupture du contrat entre les parties en fonction de la personne qui en a pris l'initiative.
Elle soutient que les époux X. n'ont jamais justifié d'une cause sérieuse et légitime leur permettant de rompre le contrat et qu'il est normal qu'ils aient à supporter les conséquences d'une résiliation pour le moins légère.
Elle demande condamnation des époux X. au paiement de la somme de 34.626,75 Francs, soit 5.278,81 €, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 11 décembre 2000, outre 1.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 1.000 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Monsieur et Madame X. répliquent aux arguments de l'appelante et concluent à la confirmation du jugement, sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts qu'ils demandent de fixer à 1.520 €.
Ils sollicitent en outre 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] MOTIFS DE L'ARRÊT :
En droit, aux termes de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation. « Dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat... / ... les clauses abusives sont réputées non écrites... »
En l'espèce, le contrat de l'Ecole de Tersac prévoit expressément qu'il entraîne l'engagement de régler intégralement la scolarité pour l'année entière sous réserve de deux clauses de résiliation ainsi conçues :
a) en cas d'inexécution de ses obligations par l'élève ou son représentant légal, le présent contrat sera résilié de plein droit et notamment dans les cas suivants :
- pour non-paiement d'une échéance, et ceci après lettre de rappel et mise en demeure restée infructueuse. La résiliation prendra effet sept jours après l'envoi de la mise en demeure.
- pour motif disciplinaire et sans aucun préavis, le mois en cours à la date de la sanction sera dû à l'Ecole de Tersac.
b) A titre exceptionnel, et pour cause légitime laissée à la libre appréciation de la direction, le représentant légal de l'élève peut rompre le contrat en respectant un préavis de 30 jours. A la date de fin du préavis, le trimestre en cours ainsi que le trimestre suivant seront intégralement dus à l'Ecole de Tersac.
Le seul fait que l'établissement se réserve l'appréciation de la légitimité des motifs de résiliation avancés par ses cocontractants ne suffit pas à conférer à cette clause un caractère abusif. En effet, en dépit de sa formulation maladroite, cette clause ne peut avoir pour effet de priver les représentants légaux de l'élève de contester en justice le refus de l'Ecole de considérer comme légitime le motif de résiliation avancé.
Par ailleurs, l'exigence du paiement du trimestre en cours ainsi que du trimestre suivant s'analyse en une clause pénale dont l'usage est fréquent en matière contractuelle pour garantir la bonne exécution du contrat, clause dont les parties ont eu connaissance avant la signature du contrat et qui n'apparaît pas manifestement excessive eu égard aux inconvénients générés pour l'Ecole par l'interruption de la scolarité de l'une de ses élèves.
Le caractère abusif des clauses du contrat litigieux n'est donc pas démontré.
En application de la clause b), les époux X. sont redevables envers l'Ecole de Tersac de deux trimestres et non de l'intégralité du coût de la scolarité.
En effet, il n'est pas possible de considérer que le second trimestre était en cours à la date de fin du préavis, ce trimestre commençant le 1er janvier 2001.
[minute page 4] En conséquence sont dus le premier trimestre (septembre à décembre 2000 inclus, trimestre en cours à la fin du préavis) et le second trimestre (janvier à mars 2001 inclus).
Les comptes entre les parties s'établissent donc ainsi qu'il suit, les calculs étant effectués en Francs puisque le contrat est établi dans cette monnaie et le total étant converti en Euros.
- 1er trimestre : (58.377/10) x 4 = 23.350,80 Francs
- 2ème trimestre : (58.377/10) x 3 = 17.513,10 Francs
- Frais d'inscription et fournitures = 1.658,25 Francs
A déduire versements de Monsieur X.
19.571,50 + 5.837 = - 25.408,50 F
TOTAL : 17.113,65 F
Soit : 2.608,96 €
Le premier juge a relevé avec raison que l'Ecole de Tersac n'avait aucun droit de retenir le livret scolaire d'un élève et qu'il lui appartenait d'agir en justice aux fins de réclamer les sommes dont elle estimait être créancière.
La somme de 800 € accordée par le Tribunal dans ses motifs aux époux X. à titre de dommages et intérêts correspond à une juste réparation et sera confirmée, étant observé que par suite d'une erreur matérielle, semble-t-il, le dispositif du jugement ne mentionne plus que la somme de 700 €.
Après compensation, il ressort que les époux X. restent devoir à la SA Ecole Privée de Tersac un solde de 1.808,96 €.
La résistance des époux X. à l'action de la SA Ecole Privé de Tersac ne saurait être considérée comme abusive puisque les défendeurs ont obtenu partiellement gain de cause.
La SA Ecole Privée de Tersac sera en conséquence déboutée de ses demandes de dommages et intérêts.
Les dépens suivent le sort du principal.
Eu égard aux circonstances de la cause, l'équité n'impose pas de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 5] PAR CES MOTIFS :
La Cour
Réforme le jugement entrepris ;
Dit que la clause b) du contrat litigieux n'est pas abusive ;
Dit que les époux X. sont redevables envers la SA Ecole Privée de Tersac de la somme de 2.608,96 € au titre des frais de scolarité de leur fille A. ;
Dit que l'Ecole Privée de Tersac a retenu abusivement le livret scolaire d'A. X. ;
Dit en conséquence que la SA Ecole Privée de Tersac est redevable envers les époux X. de la somme de 800 € à titre de dommages et intérêts de ce chef ;
Après compensation des créances réciproques, condamne les époux X. à payer à la SA Ecole Privée de Tersac la somme de 1.808,96 € avec intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2000, date de la mise en demeure ;
Condamne les époux X. aux dépens de première instance et d'appel ;
Dit que les dépens d'appel pourront être recouvrés par la SCP MALET, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Rejette toutes autres demandes des parties.
- 6008 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Rédaction et interprétation - Interprétation en faveur du consommateur (L. 212-1, al. 1, C. consom.) - Articulation avec les clauses abusives
- 6023 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Réciprocité - Réciprocité des prérogatives - Asymétrie
- 6039 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Environnement du contrat - Clauses usuelles
- 6054 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Garanties d’exécution en faveur du professionnel
- 6073 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Interprétation du contrat
- 6120 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Responsabilité du consommateur - Clauses pénales ou d’indemnité forfaitaire - Principes
- 6122 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Responsabilité du consommateur - Clauses pénales ou d’indemnité forfaitaire - Droit antérieur au décret du 18 mars 2009 (indices)
- 6143 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Preuve - Clauses sur la portée des preuves
- 6321 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Enseignement - Enseignement scolaire et professionnel - Rupture du contrat