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CA POITIERS (1re ch.), 28 juin 2022

Nature : Décision
Titre : CA POITIERS (1re ch.), 28 juin 2022
Pays : France
Juridiction : Poitiers (CA), 1re ch. civ.
Demande : 20/03063
Décision : 22/397
Date : 28/06/2022
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 21/12/2020
Numéro de la décision : 397
Référence bibliographique : 6414 et 6416 (location d’emplacement de mobile home), 6010 (exécution du contrat), 6046 (contraintes d’exécution excessive), 6021 (réciprocité), 6060 (atteinte au droit de propriété), 5834 (domaine, contrat non conclu), 5708 (intérêt pour agir, contrat exécuté), 5730 (demande reconventionnelle en appel), 5750 (préjudice causé par la clause abusive)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9729

CA POITIERS (1re ch. civ.), 28 juin 2022 : RG n° 20/03063 ; arrêt n° 397

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « L'article 567 du code de procédure civile dispose que les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel à la condition posée par l'article 70, de se rattacher aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Les époux X. qui n'avaient pas comparu en première instance concluent au débouté et forment des demandes reconventionnelles tendant à voir déclarer non écrites trois clauses des contrats, être indemnisés des préjudices matériel et moral éprouvés, se voir restituer des sommes indûment versées en exécution des contrats litigieux.

Ces demandes se rattachent par un lien suffisant aux demandes initiales de la société Eldapi tendant à leur expulsion et au paiement d'une indemnité d'occupation suite au défaut de conclusion de contrat de location au titre de l'année 2019. »

2/ « Il résulte du dispositif des conclusions que la demande de nullité porte sur les clauses relatives au droit prioritaire de renouvellement, de cession des contrats 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, la clause de sous-location du contrat 2019. Il est constant que les époux X. avaient la qualité de locataires entre 2015 et 2018. Les demandes tendant à voir constater la nullité des clauses des contrats exécutés sont recevables. Sont en revanche irrecevables les demandes formées au titre du contrat 2019, contrat non conclu. »

3/ « Si la société Eldapi n'a pas appliqué la clause 4 du contrat, celle-ci prévoit effectivement un délai d'un mois entre la proposition du nouveau contrat (avant le 31 décembre) et la libération de l'emplacement en cas de non-renouvellement du contrat (avant le 1er février). Un tel délai est effectivement très court au regard des contraintes induites par le déplacement d'un mobil-home et la nécessité de trouver un nouvel emplacement.

Le fait que la pratique s'affranchisse éventuellement des stipulations du contrat fait dépendre le locataire de la bonne volonté du bailleur étant observé que le contrat lui permet de demander une indemnité d'occupation à compter du 1er février suivant le refus de renouvellement du contrat.

Le délai contractuel très court est de nature à peser sur le choix du locataire dans le sens d'un renouvellement du contrat alors même que le bailleur a la faculté de modifier le contrat chaque année. Elle ne présente d'intérêt que pour le bailleur qui peut relouer dans des délais très rapides ou faire condamner le locataire pour occupation sans droit ni titre. Il résulte des éléments précités que la clause n°4 en ce qu'elle prévoit un délai d'un mois pour libérer l'emplacement crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, doit être déclarée abusive. »

3/ « Il est certain que le droit prioritaire au renouvellement est un avantage pour celui qui renouvelle le contrat. En revanche, le forfait devient un frein, un handicap lorsque le contrat n'est pas renouvelé et cela d'autant plus que son montant est élevé, peut être modifié librement par le bailleur. Ainsi, fixé en 2015 à 3.000 euros, il a été porté en 2018 à 3500 euros.

Les époux X. démontrent que cette clause, loin d'être une clause-type n'est pas stipulée dans tous les contrats, a un effet dissuasif sur les acquéreurs potentiels d’un mobil-home. Ils justifient avoir tenté de mettre en vente leur mobil-home, mobil-home bien entretenu, estimé par l'agence mandatée à 12.500 euros. Cette vente a été compromise par l'existence du forfait de 3.500 euros devant être payé au camping.

L'agence immobilière leur a, à ce propos, indiqué qu'elle refusait désormais tout mandat portant sur des mobil-homes assortis d'un droit d'entrée.

Le forfait en cas de revente pénalise les preneurs sortants, a pour effet de dévaloriser leur bien, nuit à sa cession à titre onéreux. Elle est sans justification, ni contrepartie pour le preneur sortant. Il en résulte donc un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat principal. »

4/ « Les époux X. établissent avoir subi un préjudice financier du fait du forfait. Ils ne justifient pas cependant avoir tenté de vendre leur mobil-home à un prix réduit de 8.000 ou 9.000 euros permettant de compenser le droit d'entrée. Leur préjudice financier sera évalué à la somme de 5.000 euros. »

5/ « L’existence d'une clause abusive dans un contrat est par elle-même fautive. Le préjudice moral subi par les époux X. sera évalué à la somme de 800 euros. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE POITIERS

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 28 JUIN 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/03063. Arrêt n° 397. N° Portalis DBV5-V-B7E-GE2F. Décision déférée à la Cour : Jugement du 5 novembre 2020 rendu par le Tribunal de proximité de ROCHEFORT-SUR-MER.

 

APPELANTS :

Monsieur X.

[Adresse 4], [Localité 3]

Madame Y.

[Adresse 4], [Localité 3]

ayant tous deux pour avocat postulant Maître Emmanuel HUMEAU de la SELARL QUARTZ AVOCATS, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON, ayant pour avocat plaidant ROCHE Léopold SEBAUX, avocat au barreau de ANGERS

 

INTIMÉE :

SAS ELDAPI

[Adresse 2], [Localité 1], ayant pour avocat postulant et plaidant ROCHE Cyril REPAIN, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 23 mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant : Madame Anne VERRIER, Conseiller, Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller, Madame Anne VERRIER, Conseiller.

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, - Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE, DES PRÉTENTIONS :

Les époux X., propriétaires d'un mobil-home louaient un emplacement à la société Eldapi selon contrat annuel renouvelé chaque année depuis 2006.

Les conditions du contrat pour l'année 2019 leur ont été adressées le 19 novembre 2018.

Par acte du 13 janvier 2020, la société Eldapi a assigné les époux X. devant le tribunal de proximité de Rochefort aux fins de voir dire qu'ils sont occupants sans droit ni titre de l'emplacement de camping, les condamner à libérer l'emplacement sous astreinte et payer une indemnité d'occupation.

Les époux X. ont constitué avocat, mais n'ont pas comparu.

Par jugement du 5 novembre 2020, le tribunal de proximité de Rochefort sur Mer a statué comme suit :

« - constate que le contrat de location est arrivé à son terme au 15 septembre 2018

- dit que les époux X. sont occupants sans droit ni titre de l'emplacement de camping sur lequel est situé leur mobil-home

- condamne solidairement les époux X. à libérer l'emplacement de camping occupé par leur mobil-home dans les 15 jours de la signification de la décision sous astreinte de 50 euros par jour de retard

- dit qu'à défaut d'exécution dans le délai imparti, la société Eldapi pourra procéder à l'enlèvement du mobil-home et à son stockage aux frais et risques des époux X.

- condamne solidairement les époux X. à verser à la société Eldapi

* une indemnité d'occupation au titre de l'année 2019 la somme de 3276 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 février 2019

*  compter du 15 juin 2020 et jusqu'à la libération effective des lieux ».

Le premier juge a notamment retenu que :

Le dernier contrat qui lie les parties est du 21 novembre 2017.

Le contrat d'une durée de six mois, prenait fin le 15 septembre 2018 par l'arrivée du terme.

Un nouveau contrat ne pouvait être conclu que de l'accord des parties.

Le propriétaire était tenu de proposer un nouveau contrat avant le 15 décembre de l'année en cours soit le 15 décembre 2018. En l'espèce, il l'a proposé le 19 novembre.

Le client devait répondre avant le 15 janvier de l'année suivante. Il n'a répondu ni le 15 janvier, ni le 5 février. Le contrat a donc pris fin le 15 septembre 2018.

Les époux X. n'ont plus aucun titre pour occuper l'emplacement.

Ils seront condamnés à libérer les lieux avec astreinte, et à payer une indemnité d'occupation.

 

LA COUR

Vu l'appel en date du 21 décembre 2020 interjeté par les époux X.

Vu l'article 954 du code de procédure civile

Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 9 mars 2022, les époux X. ont présenté les demandes suivantes :

Vu l'article L. 132-1, alinéa 1, devenu L. 212-1, alinéa 1 du Code de la consommation,

Vu l'article 1240 du Code civil,

Vu l'article 1302-1 du Code civil

- INFIRMER le jugement rendu le 5 novembre 2020 par le Tribunal de proximité de ROCHEFORT SUR MER en toutes ses dispositions ;

STATUANT A NOUVEAU

- Juger que les consorts X.-Y. disposaient d'un droit prioritaire de renouvellement de leur contrat aux conditions antérieures en vertu de leur contrat 2014, 2015, 2016, 2017, 2018,

- Juger que la bonne foi contractuelle s'opposait à ce que la SAS ELDAPI réduise d'un tiers la période d'ouverture, tout en augmentant de 80 % son tarif effectif annuel,

- Juger abusive cette pratique qui revient à violer l'engagement de renouvellement prioritaire stipulé à l'article 4 du contrat en ce qu'elle vise à contraindre le consommateur par un procédé déloyal, à refuser l'offre de renouvellement,

- Juger qu'il appartenait en conséquence à la SAS ELDAPI de délivrer un contrat purgé de toute clause abusive,

- Juger que la SAS ELDAPI, qui s'est soustraite à cette obligation et a donc placé les consorts X.-Y. dans l'impossibilité de signer le nouveau contrat pour 2019, ne pouvait solliciter l'expulsion des consorts X.-Y. sans leur avoir fourni au préalable un contrat purgé de toute clause abusive.

- DÉCLARER abusive et partant non écrite la clause de droit prioritaire à renouvellement figurant aux contrats 2015 à 2019 en ce qu'elle prévoit un délai de préavis insuffisant d'un mois ;

- DÉCLARER abusive et partant non écrite la clause de cession du contrat figurant aux contrats 2015 à 2019 en ce qu'elle prévoit des droits d'entrée de 3.500 € à la charge de l'acquéreur et limite ainsi le locataire en place dans l'exercice de son droit de vendre, sans justification, ni contrepartie pour lui ;

- DÉCLARER abusive et partant non écrite la clause de sous-location figurant au contrat 2019 en ce qu'elle limite le prêt ou la sous-location à 3 semaines consécutives et restreint ainsi de manière significative la liberté contractuelle du résident en ce qui concerne la location du mobile-home dont il est propriétaire ;

- CONDAMNER la SAS ELDAPI à verser aux consorts X.-Y. la somme de 10.404,40 € en réparation de leur préjudice matériel sur le fondement de l'article 1240 du Code civil ;

- CONDAMNER la SAS ELDAPI à verser aux consorts X.-Y. la somme de 8.000 € chacun en réparation de leur préjudice moral sur le fondement de l'article 1240 du Code civil ;

- CONDAMNER la SAS ELDAPI à verser aux consorts X.-Y. la somme de 11.021 € en répétition des loyers indus sur le fondement de l'article 1302-1 du Code civil ;

- ORDONNER la compensation de cette somme avec toute condamnation qui serait mise à la charge des consorts X.-Y. au titre des loyers sur 2019 ou de l'indemnité d'occupation sur l'année 2020, en tant que créances réciproques ;

- DÉBOUTER la SAS ELDAPI de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- CONDAMNER la SAS ELDAPI à régler à aux consorts X.-Y. la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles en première instance ;

- CONDAMNER la SAS ELDAPI à régler à aux consorts X.-Y. la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles en appel -CONDAMNER la même aux entiers dépens.

A l'appui de leurs prétentions, les époux X. soutiennent notamment que :

- La procédure d'expulsion est irrégulière.

Le délai de préavis était insuffisant. Même s'il a été de fait de 3 mois, il reste insuffisant.

La société Eldapi ne pouvait tirer prétexte de leur refus de signer un contrat non purgé de ses clauses abusives pour les expulser.

- La clause de droit prioritaire à renouvellement est abusive dès lors que l'article 4 prévoit un délai d'un mois.

Ce délai est insuffisant, le déplacement d'un mobil-home étant onéreux et complexe.

Il en résulte un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

- La clause de cession est définie à l'article 6.13. Elle prévoit en cas de revente du mobil-home à un tiers un forfait de 3.500 euros à la charge de l'acquéreur. Les frais de cession sont d'un montant prohibitif.

Le caractère onéreux est injustifié en l'absence de contrepartie.

Le forfait réduit la possibilité de cession ce que l'agent immobilier a confirmé.

- La clause de sous-location définie à l'article 6.15 limite la sous-location à 3 semaines consécutives, est tolérée uniquement du 15 juin au 15 septembre 2019. La cour d'appel de céans l'a jugée abusive le 2 mars 2021.

- Les demandes d'indemnisation formées en appel sont recevables.

- Ils ont dû vendre leur mobil-home 1.000 euros au lieu des 11.000 euros escomptés du fait du droit d'entrée de 3.500 euros. Ils ont exposé des frais de déplacement.

- Ils évaluent leur préjudice matériel à la somme de 10.404,40 euros.

- Ils sont locataires depuis 2006. Le refus du bailleur était injustifié.

La procédure d'expulsion leur a causé un vif émoi. Ils demandent chacun une somme de 8.000 euros en réparation de leur préjudice moral.

- Ils demandent en outre la répétition des loyers perçus indûment dans la mesure où la tarification du camping l'Ecureuil ne correspond pas à celle appliquée au camping la Ferme géré également par la société Eldapi. Le tarif correspond à 5 mois d'ouverture au lieu de 3 mois.

- Ils chiffrent le trop-versé sur les 5 dernières années à 11.021 euros.

- Il y a lieu à compensation avec les condamnations prononcées au titre des loyers, de l'indemnité d'occupation.

[*]

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 7 avril 2022, la société Eldapi a présenté les demandes suivantes :

Vu les articles L. 121-11 et L. 212-1 du Code de la Consommation,

Vu l'article 564 du code de procédure civile,

Vu les pièces, Vu le jugement,

- DÉBOUTER Madame Y. épouse X. et Monsieur X. de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;

- DIRE IRRECEVABLES l'intégralité des demandes nouvelles de Madame Y. épouse X. et Monsieur X., à savoir :

- CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Proximité de Rochefort sur Mer du 5 novembre 2020 ;

- CONDAMNER Madame Y. épouse X. et Monsieur X. à verser à la société ELDAPI la somme de 3000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- CONDAMNER Madame Y. épouse X. et Monsieur X. aux entiers dépens ;

A l'appui de ses prétentions, la société Eldapi soutient notamment que :

- N'étant ni présents ni représentés en première instance, ils n'ont formé aucune demande.

- Les demandes d'indemnisation sont irrecevables.

- Les époux X. n'ont retourné le contrat ni le 24 janvier, ni le 5 février 2019 ni lors de l'audience de plaidoirie. L'assignation est du 13 janvier 2020.

Le tribunal a retenu qu'au 5 février 2019, les époux X. avaient disposé du temps suffisant pour se positionner.

Ils ont disposé de 3 mois entre l'envoi de l'offre et la relance du 5 février 2019, délai qui correspond à celui qu'ils revendiquent.

- Les contrats sont d'une durée de six mois. Il s'agit de la même durée que les années antérieures, durée qu'ils avaient acceptée.

- Le contrat a cessé au 15 septembre 2018. Deux ans après, le mobil-home y était toujours.

- Le locataire peut quitter l'emplacement sans préavis à respecter. L'exploitant ne peut quant à lui déplacer un mobil-home sans décision de justice.

- Seules les clauses d'un contrat conclu peuvent être examinées au regard de l'article L. 212-1 du code de la consommation. Le juge n'a pas à examiner la validité du contrat s'il n'est pas signé ou s'il a cessé de produire ses effets.

- Les contrats reprennent globalement les mêmes clauses chaque année. Les époux X. ont accepté chaque année les modifications proposées, notamment de prix.

- La clause du droit prioritaire au renouvellement garantit la mise à disposition du même emplacement durant plusieurs années.

- Le forfait prévu en cas de cession est la contrepartie de ce droit.

- La critique porte sur son montant. L'article L. 212-1 du code de la consommation dispose que l'abus ne peut résulter de l'inadéquation du prix au service rendu.

- La clause de sous-location ne saurait être critiquée puisqu'ils n'ont pas régularisé le contrat 2019. Subsidiairement, les contraintes sont limitées.

- La résidence mobile est un bien meuble, un véhicule. Les époux X. l'ont présentée comme une maison, ce qui explique le défaut d'acquéreur.

Ils ne justifient pas de leur prix d'achat. La valeur du mobil-home était nulle au regard de son ancienneté.

- Ils ont attendu mars 2019 pour se plaindre du caractère prétendument abusif des clauses.

- La demande de répétition des loyers est indue. Les prix sont librement déterminés par le jeu de la concurrence.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

[*]

Vu l'ordonnance de clôture en date du 25 avril 2022.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Sur l'objet du litige :

L'article 768 du code de procédure civile dispose que les conclusions doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions.

Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Les moyens repris dans le dispositif du jugement introduits par le verbe « juger que » ne sont pas des demandes au sens de l'article 768 précité.

La cour n'est donc saisie s'agissant de l'appelant que des demandes tendant à dire abusives les clauses relatives au droit prioritaire au renouvellement, à la cession du contrat, à la sous-location, des demandes en indemnisation des préjudices, en restitution de loyers.

 

Sur la recevabilité des demandes formées par les époux X. :

L'article 567 du code de procédure civile dispose que les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel à la condition posée par l'article 70, de se rattacher aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Les époux X. qui n'avaient pas comparu en première instance concluent au débouté et forment des demandes reconventionnelles tendant à voir déclarer non écrites trois clauses des contrats, être indemnisés des préjudices matériel et moral éprouvés, se voir restituer des sommes indûment versées en exécution des contrats litigieux.

Ces demandes se rattachent par un lien suffisant aux demandes initiales de la société Eldapi tendant à leur expulsion et au paiement d'une indemnité d'occupation suite au défaut de conclusion de contrat de location au titre de l'année 2019.

Les demandes formées par les appelants sont donc recevables.

 

Sur les demandes tendant à voir déclarer abusives les clauses contractuelles :

a) Sur la recevabilité :

La société Eldapi soutient que les demandes sont irrecevables dans la mesure où elles portent sur des clauses d'un contrat non conclu celui de l'année 2019 ou déjà exécuté (contrats 2015, 2016, 2017, 2018).

Il résulte du dispositif des conclusions que la demande de nullité porte sur les clauses relatives au droit prioritaire de renouvellement, de cession des contrats 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, la clause de sous-location du contrat 2019.

Il est constant que les époux X. avaient la qualité de locataires entre 2015 et 2018.

Les demandes tendant à voir constater la nullité des clauses des contrats exécutés sont recevables.

Sont en revanche irrecevables les demandes formées au titre du contrat 2019, contrat non conclu.

 

b) Sur le fond :

Aux termes de l'article L. 132-1 alinéa 1er, devenu L.212-1, alinéa 1er du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Selon l'alinéa 7 du même article devenu l'alinéa 3 de l'article L. 212-1, l'appréciation du caractère abusif des clauses, au sens du premier alinéa, ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat, ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

Il est de droit constant que le caractère abusif d'une clause s'apprécie, en se référant au moment de la conclusion du contrat à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion.

 

- L’article 4 est relatif au droit prioritaire au renouvellement. Il est repris à l'identique dans les contrats successifs. Il stipule :

Le Camping consent au client un droit prioritaire au renouvellement de son contrat à raison de l'emplacement défini à l'article 1 ci-dessus. Ce droit confère au client, à titre personnel, un droit prioritaire au renouvellement consécutif de son contrat, aux conditions proposées par le camping, notamment de prix, pour l'occupation de l'emplacement et ce, sans limitation de durée dès lors que les renouvellements éventuels sont successifs et continus et sous réserve toutefois que le client ait respecté ses obligations envers le contrat (...).

La proposition de nouveau contrat sera faite avant le 31 décembre de l'année en cours.

L'acceptation de cette proposition devra intervenir avant le 15 janvier de l'année suivante à défaut de quoi le camping sera en droit de considérer qu'un nouveau contrat ne serait pas conclu et que l'emplacement est libre à partir du 1er février.

Le client consent alors à retirer son mobil-home avant le 1er février.

Les époux X. estiment que la clause est abusive dans la mesure où elle prévoit un délai de préavis d'un mois, délai insuffisant.

La société Eldapi fait valoir que les époux X. ont disposé en fait d'un délai très supérieur au délai contractuel, ce que le premier juge a retenu.

Il ressort des productions que l'offre de contrat 2019 a été adressée aux époux X. le 19 novembre 2018, que le 25 janvier 2019, le camping leur demandait de renvoyer le contrat « sans quoi votre mobil-home devra être sorti avant le 1er février 2019 conformément à l'article 4 droit prioritaire au renouvellement », demande réitérée le 5 février 2019.

Elle les mettait en demeure de partir dans les 8 jours sauf à lui renvoyer le contrat signé.

Si la société Eldapi n'a pas appliqué la clause 4 du contrat, celle-ci prévoit effectivement un délai d'un mois entre la proposition du nouveau contrat (avant le 31 décembre) et la libération de l'emplacement en cas de non-renouvellement du contrat (avant le 1er février).

Un tel délai est effectivement très court au regard des contraintes induites par le déplacement d'un mobil-home et la nécessité de trouver un nouvel emplacement.

Le fait que la pratique s'affranchisse éventuellement des stipulations du contrat fait dépendre le locataire de la bonne volonté du bailleur étant observé que le contrat lui permet de demander une indemnité d'occupation à compter du 1er février suivant le refus de renouvellement du contrat.

Le délai contractuel très court est de nature à peser sur le choix du locataire dans le sens d'un renouvellement du contrat alors même que le bailleur a la faculté de modifier le contrat chaque année. Elle ne présente d'intérêt que pour le bailleur qui peut relouer dans des délais très rapides ou faire condamner le locataire pour occupation sans droit ni titre.

Il résulte des éléments précités que la clause n°4 en ce qu'elle prévoit un délai d'un mois pour libérer l'emplacement crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, doit être déclarée abusive.

 

- L'article 6-13 relatif à la cession de contrat prévoit :

Le contrat est personnel au client qui ne peut en céder le bénéfice sans l'accord exprès et écrit du camping. Une transmission à ses ascendants ou ses descendants directs sera possible avec l'aval du camping.

En cas de revente du mobil-home à un tiers un forfait de 3.000 euros sera demandé à l'acquéreur correspondant au droit prioritaire à renouvellement.

Il est constant que le forfait a été fixé à la somme de 3.500 euros en 2018.

Les époux X. soutiennent que cette clause est abusive en ce qu'elle limite la faculté de vente sans justification ni contrepartie au profit du locataire.

La société Adepi soutient que le forfait est la contrepartie du droit au renouvellement qui garantit la mise à disposition du même emplacement.

Il est certain que le droit prioritaire au renouvellement est un avantage pour celui qui renouvelle le contrat. En revanche, le forfait devient un frein, un handicap lorsque le contrat n'est pas renouvelé et cela d'autant plus que son montant est élevé, peut être modifié librement par le bailleur. Ainsi, fixé en 2015 à 3.000 euros, il a été porté en 2018 à 3500 euros.

Les époux X. démontrent que cette clause, loin d'être une clause-type n'est pas stipulée dans tous les contrats, a un effet dissuasif sur les acquéreurs potentiels d’un mobil-home.

Ils justifient avoir tenté de mettre en vente leur mobil-home, mobil-home bien entretenu, estimé par l'agence mandatée à 12.500 euros.

Cette vente a été compromise par l'existence du forfait de 3.500 euros devant être payé au camping.

L'agence immobilière leur a, à ce propos, indiqué qu'elle refusait désormais tout mandat portant sur des mobil-homes assortis d'un droit d'entrée.

Le forfait en cas de revente pénalise les preneurs sortants, a pour effet de dévaloriser leur bien, nuit à sa cession à titre onéreux. Elle est sans justification, ni contrepartie pour le preneur sortant.

Il en résulte donc un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat principal.

La clause de cession en ce qu'elle prévoit un forfait en cas de revente figurant dans les contrats 2015-2016-2017-2018 sera donc réputée non-écrite.

 

Sur les préjudices :

Sur le préjudice matériel :

Les époux X. assurent avoir dû « brader » leur mobil-home du fait du forfait prévu par la clause de cession.

La société Adepi conteste cette analyse, leur reproche de ne pas justifier de leur prix d'achat, assure que la valeur du mobil-home était nulle au regard de son ancienneté.

Les époux X. justifient avoir vendu leur mobil-home 1.000 euros alors qu'ils l'avaient initialement mis en vente pour un prix de 12.500 euros.

Il résulte de l'annonce mise en ligne (photographies extérieur, intérieur) par la société Capi France que le mobil-home fabriqué en 1998 était bien entretenu.

Les époux X. produisent deux courriels de l'agence mandatée pour la vente :

Le 15 janvier 2020, celle-ci indiquait avoir eu une trentaine de demandes suivies d'une dizaine de visites entre juin 2016 et août 2017. Elle ajoutait :

« Votre mobil-home a toujours plu. Le coût de l'emplacement ne gênait pas non plus le seul problème que j'ai toujours rencontré et qui m'a empêché d'avoir une proposition d'achat est le coût des droits prioritaires au renouvellement du contrat d'un montant de 3.500 euros demandé par le camping aux nouveaux propriétaires. »

Le courriel du 24 juin 2021 précise que leur bien a toujours été présenté comme un mobil-home, « que la raison pour laquelle aucune vente n'avait abouti pour votre mobil home comme pour beaucoup d'autres dans des campings, c'est le montant élevé de ce qu'on appelle régulièrement le droit d'entrée, autrement appelé dans votre contrat « droit prioritaire à renouvellement, soit en ce qui vous concerne 3.500 euros ».

Les époux X. établissent avoir subi un préjudice financier du fait du forfait.

Ils ne justifient pas cependant avoir tenté de vendre leur mobil-home à un prix réduit de 8.000 ou 9.000 euros permettant de compenser le droit d'entrée.

Leur préjudice financier sera évalué à la somme de 5.000 euros.

En revanche, ils seront déboutés de leurs demandes relatives à un trop-versé au titre des loyers payés, puis des indemnités d'occupation dues faute de démontrer que les loyers demandés ne correspondent pas aux contrats expressément acceptés, l'indemnité d'occupation au contrat proposé.

En laissant leur mobil-home sur place, les époux X. ne pouvaient ignorer être redevables d'une indemnité d'occupation.

 

Sur le préjudice moral :

L’existence d'une clause abusive dans un contrat est par elle-même fautive.

Le préjudice moral subi par les époux X. sera évalué à la somme de 800 euros.

 

Sur l'occupation sans droit ni titre :

Les époux X. ne contestent pas être demeurés sur l'emplacement alors qu'ils avaient fait le choix de ne pas renouveler le contrat estimant que les conditions proposées au titre du contrat 2019 étaient inacceptables.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il les a condamnés à libérer l'emplacement occupé et au paiement d'une indemnité d'occupation.

Il n'est pas contesté que le jugement a été exécuté. Il n'y a donc pas lieu de maintenir l'astreinte qui avait été prévue par le premier juge.

 

Sur les autres demandes :

Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que « La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...). »

En l'espèce, les parties succombent l'une et l'autre en partie.

Compte tenu de la solution apportée au présent litige, il sera laissé à la charge de chacune des parties les dépens et frais irrépétibles qu'elle a exposés.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort

- dit recevables les demandes formées en appel au titre du caractère abusif des clauses contractuelles et de l'indemnisation des préjudices subis,

- dit irrecevables les demandes tendant à voir déclarer non écrites les clauses du contrat 2019,

- dit recevables les demandes tendant à voir déclarer non écrites les clauses 4 et 6.13 des contrats 2015, 2016, 2017, 2018,

- confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a assorti la condamnation des époux X. à libérer l'emplacement occupé par leur mobil-home d'une astreinte,

Y ajoutant

- dit abusive la clause de droit prioritaire au renouvellement (4) stipulée dans les contrats 2015,2016,2017,2018 en ce qu'elle fixe un délai d'un mois pour libérer les lieux en cas de non-renouvellement du contrat,

- dit abusive la clause de cession du contrat (6-13) stipulée dans les contrats 2015,2016,2017,2018 qui prévoit le paiement d'un forfait en cas de revente du mobil-home à un tiers,

- condamne la société Elapi à payer aux époux X. les sommes de :

* 5.000 euros en réparation de leur préjudice matériel,

* 800 euros en réparation de leur préjudice moral,

- ordonne la compensation entre les loyers et indemnités d'occupation dues par les époux X. et les sommes allouées en indemnisation des préjudices dues par la société Eldapi,

- déboute les parties de leurs autres demandes,

- laisse à la charge de chacune des parties les dépens et frais irrépétibles exposés par elle en première instance et en appel.

LE GREFFIER,                                           LE PRÉSIDENT,

 

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