TI TOULON, 12 septembre 2002
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 157
TI TOULON, 12 septembre 2002 : RG n° 376/02
(sur appel CA Aix-en-Provence (11e ch. A), 27 avril 2005 : RG n° 02/20537 ; arrêt n° 234)
Extraits : 1/ « Attendu qu’il résulte de l’article 1131 du Code Civil que « l’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet » ; Qu’en l’espèce, l’Association ne peut valablement arguer de l’absence de cause de la convention litigieuse, qui ne saurait être envisagée qu’au moment de la formation du contrat, dès lors que la contrepartie de son obligation de s’acquitter du montant des loyers réside objectivement dans la fourniture de prestations que la société de maintenance s’engageait à fournir et qu’elle a exécutées ; Que le lien unissant le contrat de location et le contrat de maintenance, s’il constitue une réalité économique, ne ressort, cependant, que des considérations subjectives ayant conduit l’Association à s’engager, en sorte que sa disparition, qui ne parait motivée que pour satisfaire aux convenances personnelles de l’Association, ne saurait recevoir la sanction prévue à l’article 1131 précité ; Qu’en outre, il échet de constater que les parties n’ont pas cru devoir faire entrer ce lien dans leur champ contractuel, l’article 7 du contrat de maintenance qui fait la Loi des parties prévoyant, en revanche, que « le présent contrat est souscrit pour une durée initiale de cinq ans à l’expiration de laquelle il se renouvelle par tacite reconduction et par période de deux ans » ; Qu’enfin, un courrier du Crédit Universel en date du 16 avril 1998 rappelle les modalités relatives à la location que l’Association vient de choisir pour un matériel de bureau neuf qui ne comporte aucune fourniture de maintenance et d’entretien ; Qu’il résulte de ce qui précède que les deux contrats sont parfaitement autonomes et peuvent être résiliés séparément ou ensemble ».
2/ « Que le caractère manifestement excessif de cette pénalité n’est pas démontré ; Que la clause d’indemnité de résiliation ne peut donc être considérée comme une clause abusive ; Attendu que, par ailleurs, l’Association soutient que les stipulations relatives aux conditions de la résiliation créent un déséquilibre significatif entre le prestataire de service et le client en procurant au premier un avantage excessif ; Qu’il est constant que le fait que l’objet du contrat a un rapport direct avec l’activité professionnelle exercée par une Société ou une Association permet d’écarter les dispositions protectrices applicables au seul consommateur ; Qu’il y a lieu de rappeler que l’article L. 132-1 du Code de la Consommation déroge au droit commun, qui est celui de la liberté contractuelle et de la force obligatoire des contrats, en permettant d’écarter comme non écrites, dans les conventions conclues entre professionnels et consommateurs ou non-professionnels, certaines clauses stipulées au détriment du non-professionnel ou consommateur ; Que le domaine d’application de l’article précité doit se définir non pas en fonction de la seule notion de contrat de consommation mais en fonction des parties au contrat ; Qu’en l’espèce, il existe un rapport direct entre le contrat conclu et les besoins de l’Association d’une garantie de bon fonctionnement de l’appareil tenu de réaliser un minimum de 3.000.000 copies de tous formats et une production mensuelle maximum de 50.000 copies ; Qu’en effet, l’on peut se demander comment le contrat passé par l’Association n’aurait pas un lien direct avec son activité et qu’il n’aurait pas été passé s’il ne devait pas répondre à de tels besoins ; Qu’il s’ensuit que le contrat litigieux est expressément exclu du champ d’application de la Loi du 10 juillet 1978 [N.B. : conforme à la minute ; lire plutôt 10 janvier 1978] et de ses décrets d’application ».
TRIBUNAL D’INSTANCE DE TOULON
JUGEMENT DU 12 SEPTEMBRE 2002
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 376/02.
DEMANDEUR :
La SA DANKA FRANCE
[adresse], Représentée par La SELARL CABINET BETTAN, Société d’Avocats au Barreau de PARIS
DÉFENDEUR :
L’Association Le Centre de Ressources pour l’Insertion des Jeunes (CRIJ)
[adresse], Représentée par Maître Marc RIVOLET, Avocat au Barreau de TOULON
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
PRÉSIDENT: Madame Evelyne GUYON
GREFFIER : Mademoiselle Valérie RUIZ
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] DONNÉES DU LITIGE :
L’Association CRIJ a conclu avec la Société DANKA FRANCE, le 26 mars 1998, un contrat de maintenance photocopieur pour un matériel de type INFOTEC 5401 n° de série XX avec date d’effet au 09 octobre 1998 (maintenance gratuite pendant six mois), pour une durée initiale de cinq années calquée sur la durée du contrat de location conclu par l’Association auprès de la Société Crédit Universel.
L’Association CRIJ a informé, le 08 juin 2001 par lettre recommandée avec accusé de réception, la Société DANKA de sa volonté de résilier le contrat.
Par acte en date du 17 janvier 2002, La SA DANKA FRANCE représentée par son Président du Conseil d’Administration a assigné L’Association Le Centre de Ressources pour l’Insertion des Jeunes pour l’entendre condamner à lui payer la somme de 6.355,67 € majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 09 novembre 2001, outre la capitalisation des intérêts en application de l’article 1154 du Code Civil, avec exécution provisoire et 1.500 € en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Elle soutient que la défenderesse n’a pas respecté ses obligations contractuelles relatives à la durée du contrat et au paiement de l’indemnité en cas de résiliation anticipée.
Elle affirme que l’article L. 132-1 du Code de la Consommation n’est pas applicable dans les contrats conclus entre professionnels et qu’aucune clause n’est abusive.
En réplique, l’Association CRIJ conteste le montant de la dette et son fondement juridique en soutenant que l’article 9 dudit contrat constitue une clause abusive au sens de l’article L. 132-1 du Code de la Consommation.
L’Association CRIJ, arguant du lien entre les deux contrats (le contrat de maintenance étant l’accessoire du contrat principal de location également résilié, ce dernier n’avait plus à se poursuivre), de la disparition de la cause du contrat litigieux et de la disproportion manifeste de la clause pénale, conclut au rejet des prétentions de la demanderesse et à sa condamnation au paiement de la somme de 600 € au titre de l’article 700 du NCPC.
L’affaire enrôlée à la date du 12 février 2002, a fait l’objet à la demande des parties de deux renvois successifs, pour être fixée au 06 juin 2002 et a été mise en délibéré à la date du 12 septembre 2002.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la procédure :
[minute page 3] Attendu que conformément aux dispositions des articles 467 du NCPC et R. 321-1 du COJ, il y a lieu de statuer par jugement contradictoire et en premier ressort ;
Sur la validité et l’autonomie du contrat de maintenance :
Attendu qu’il résulte de l’article 1131 du Code Civil que « l’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet » ;
Qu’en l’espèce, l’Association ne peut valablement arguer de l’absence de cause de la convention litigieuse, qui ne saurait être envisagée qu’au moment de la formation du contrat, dès lors que la contrepartie de son obligation de s’acquitter du montant des loyers réside objectivement dans la fourniture de prestations que la société de maintenance s’engageait à fournir et qu’elle a exécutées ;
Que le lien unissant le contrat de location et le contrat de maintenance, s’il constitue une réalité économique, ne ressort, cependant, que des considérations subjectives ayant conduit l’Association à s’engager, en sorte que sa disparition, qui ne parait motivée que pour satisfaire aux convenances personnelles de l’Association, ne saurait recevoir la sanction prévue à l’article 1131 précité ;
Qu’en outre, il échet de constater que les parties n’ont pas cru devoir faire entrer ce lien dans leur champ contractuel, l’article 7 du contrat de maintenance qui fait la Loi des parties prévoyant, en revanche, que « le présent contrat est souscrit pour une durée initiale de cinq ans à l’expiration de laquelle il se renouvelle par tacite reconduction et par période de deux ans » ;
Qu’enfin, un courrier du Crédit Universel en date du 16 avril 1998 rappelle les modalités relatives à la location que l’Association vient de choisir pour un matériel de bureau neuf qui ne comporte aucune fourniture de maintenance et d’entretien ;
Qu’il résulte de ce qui précède que les deux contrats sont parfaitement autonomes et peuvent être résiliés séparément ou ensemble ;
Que l’argument sera écarté ;
Sur le caractère abusif de nombreuses clauses du contrat de maintenance au sens de l’article L. 132-1 du Code de la Consommation :
Attendu que la nature juridique et le montant disproportionné de la sanction pécuniaire applicable en cas d’inexécution et de résiliation sont soulevés ;
Que l’article 9-5 dudit contrat stipule que « le présent contrat, tant par sa durée, que par les matériels et logiciels entretenus, a été à l’origine de l’engagement par DANKA de personnels hautement qualifiés et du maintien en stock de pièces détachées et de consommables afin de faire face à ses obligations contractuelles. Par conséquence en cas de dénonciation anticipée du contrat par le client... il s’engage à payer une indemnité égale à quatre vingt quinze [minute page 4] pour cent des redevances normalement dues jusqu’au terme du contrat » ;
Que cette évaluation conventionnelle de dommages et intérêts en cas de rupture du contrat, constitue une clause pénale, au sens de l’article 1226 du Code Civil susceptible de modération s’il s’avère que la peine convenue est, selon la terminologie employée par l’article 1152 du même Code, « manifestement excessive » ;
Que si l’Association argue de la disproportion manifeste entre ce qui est réclamé et le préjudice effectivement subi, il convient de constater qu’elle se contente de procéder par affirmation, alors que cette pénalité trouve sa contrepartie dans l’étendue et la qualité des engagements pris par la Société DANKA FRANCE dans le contrat - engagements dont il n’est pas dit qu’ils aient été méconnus durant l’exécution du contrat - qui requéraient un investissement en hommes et en matériel sur une période de plusieurs années ;
Que cette indemnité n’est que la contrepartie d’une faculté libre de résiliation anticipée du contrat ouverte au client ;
Que le principe d’une telle indemnité à la charge de la Société requérante serait sans fondement puisque la Société susvisée ne peut résilier le contrat que pour des motifs imputables au client ;
Que le caractère manifestement excessif de cette pénalité n’est pas démontré ;
Que la clause d’indemnité de résiliation ne peut donc être considérée comme une clause abusive ;
Attendu que, par ailleurs, l’Association soutient que les stipulations relatives aux conditions de la résiliation créent un déséquilibre significatif entre le prestataire de service et le client en procurant au premier un avantage excessif ;
Qu’il est constant que le fait que l’objet du contrat a un rapport direct avec l’activité professionnelle exercée par une Société ou une Association permet d’écarter les dispositions protectrices applicables au seul consommateur ;
Qu’il y a lieu de rappeler que l’article L. 132-1 du Code de la Consommation déroge au droit commun, qui est celui de la liberté contractuelle et de la force obligatoire des contrats, en permettant d’écarter comme non écrites, dans les conventions conclues entre professionnels et consommateurs ou non-professionnels, certaines clauses stipulées au détriment du non-professionnel ou consommateur ;
Que le domaine d’application de l’article précité doit se définir non pas en fonction de la seule notion de contrat de consommation mais en fonction des parties au contrat ;
Qu’en l’espèce, il existe un rapport direct entre le contrat conclu et les besoins de l’Association d’une garantie de bon fonctionnement de l’appareil tenu de réaliser un minimum de 3.000.000 copies de tous formats et une production mensuelle maximum de 50.000 copies ;
Qu’en effet, l’on peut se demander comment le contrat passé par l’Association n’aurait pas un lien direct avec son activité et qu’il n’aurait pas été passé s’il ne devait pas répondre à de tels besoins ;
Qu’il s’ensuit que le contrat litigieux est expressément exclu du champ d’application de la Loi du 10 juillet 1978 [N.B. conforme à la minute : lire 10 janvier 1978] et de ses décrets d’application ;
[minute page 5]
Sur la demande en paiement :
Attendu que selon l’article 1134 du Code Civil, « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles doivent être exécutées de bonne foi » ;
Que l’article 1135 dudit Code rappelle que « les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature » ;
Attendu que La SA DANKA FRANCE justifie de la réalité de sa créance par les pièces produites aux débats ;
Qu’ainsi, par application des textes susvisés, L’Association Le Centre de Ressources pour l’insertion des Jeunes est redevable de la somme de 6.355,67 €, somme à laquelle elle doit être condamnée avec intérêts au taux légal à compter du 09 novembre 2001 ;
Sur la capitalisation des intérêts, l’exécution provisoire, les dépens et l’application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile :
Attendu que la créance de La SA DANKA FRANCE est d’origine contractuelle et qu’il y a donc lieu de dire qu’en application des dispositions de l’article 1153 du Code Civil, elle produira intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation, soit le 17 janvier 2002 ;
Que ces intérêts, s’ils sont dus au moins pour une année entière, seront capitalisés en application de l’article 1154 du Code Civil, une demande judiciaire ayant été formée en ce sens ;
Attendu que le Tribunal, en application des dispositions de l’article 515 du Nouveau Code de Procédure Civile, ordonnera l’exécution provisoire du présent jugement vu sa nécessité et sa compatibilité avec la nature de l’affaire ;
Attendu que selon l’article 696 du Nouveau Code de Procédure Civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le Juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ;
Qu’en l’espèce, L’Association Le Centre de Ressources pour l’Insertion des Jeunes succombe à l’instance ;
Qu’il convient de condamner L’Association Le Centre de Ressources pour l’Insertion des Jeunes aux entiers dépens de l’instance ;
Attendu qu’aux termes de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, le Juge condamne la partie tenue aux dépens à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Qu’en l’espèce, L’Association Le Centre de Ressources pour l’Insertion des Jeunes est condamnée aux dépens ;
[minute page 6] Qu’il convient de condamner L’Association Le Centre de Ressources pour l’Insertion des Jeunes à payer à La SA DANKA FRANCE une somme fixée équitablement à 900 € ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
CONDAMNE L’Association Le Centre de Ressources pour l’Insertion des Jeunes à payer en deniers et quittances à La SA DANKA FRANCE la somme de 6.355,67 € avec intérêts au taux légal à compter du 09 novembre 2001;
ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 du Code Civil ;
CONDAMNE L’Association Le Centre de Ressources pour l’Insertion des Jeunes à payer à La SA DANKA FRANCE la somme de 900 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;
ORDONNE l’exécution provisoire de cette décision ;
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;
DIT que les dépens seront supportés par L’Association Le Centre de Ressources pour l’Insertion des Jeunes.
AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE AU PALAIS DE JUSTICE DE TOULON, LE DOUZE SEPTEMBRE DEUX MIL DEUX.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5816 - Code de la consommation - Clauses abusives - Application dans le temps - Clauses abusives - Illustrations : Loi n° 95-96 du 1er février 1995
- 5860 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection implicite
- 5883 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères combinés : rapport direct et besoins de l’activité
- 5896 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Objet du contrat - Importance du contrat
- 5947 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Reprographie : présentation globale
- 5948 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Reprographie : présentation par type d’activité
- 6122 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Responsabilité du consommateur - Clauses pénales ou d’indemnité forfaitaire - Droit antérieur au décret du 18 mars 2009 (indices)
- 6153 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 - Extension directe sans texte
- 6432 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Prestations de services - Maintenance et entretien
- 7287 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs – Indivisibilité dans les locations financières - Droit antérieur aux arrêts de Chambre mixte
- 7289 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs – Absence de cause (droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016)